Haïti: Lettre ouverte du RNDDH au Directeur Général de l'ULCC Port-au-Prince, le 27 février 2011 Monsieur Antoine ATHOURISTE Directeur Général de l'Unité De Lutte contre la Corruption (ULCC) En ses Bureaux.- Monsieur le Directeur Général, Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) salue votre accession à la tête de l'une des plus importantes institutions du pays, l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), à un moment où il est question de la reconstruction d'Haïti selon une approche axée sur les droits humains. Avant toute chose, le RNDDH tient à rappeler à votre attention que si l'ULCC a été créée dans le but de lutter contre l'enrichissement illicite au sein de l'administration publique et de moraliser la vie publique, elle n'a jusqu'à date, pas encore justifié son utilité, lors même que le travail à accomplir reste immense. En effet, des fonctionnaires de l'Etat, des Magistrats, vivent largement au-dessus de leurs moyens et ne font l'objet d'aucune enquête. De plus, certaines institutions nationales sont connues pour leur pratique de rackets et, sans aucune inquiétude, leurs employés ne font que suivre cette machine d'extorsion d'argent établie depuis plusieurs décennies. Des fois, ils se vantent même d'être placés dans une position telle que leur enrichissement est imminent. Monsieur le Directeur Général, La nouvelle direction de l'ULCC doit lancer un signal qui témoigne de la volonté de l'institution de lutter effectivement contre la corruption au sein de l'administration publique car, plusieurs questions agitent aujourd'hui l'opinion et méritent d'être élucidées par des enquêtes sérieuses de l'ULCC. 1. Sur la Déclaration du Patrimoine Vous n'êtes pas sans savoir que la Loi portant Déclaration de Patrimoine par certaines catégories de personnalités politiques, de fonctionnaires et autres agents publics, publiée dans le numéro 178 du Journal le Moniteur du mercredi 20 février 2008, fait obligation aux fonctionnaires étatiques de produire, avant et après leur entrée en fonction, la déclaration de tous leurs biens meubles et immeubles ainsi que la déclaration des biens des personnes liées, la déclaration du conjoint du déclarant, marié sous le régime de la séparation des biens. Au voeu de cette disposition légale, plusieurs élus ainsi que des fonctionnaires font effectivement la déclaration de leur patrimoine. Cependant, la gestion faite par l'ULCC de ces déclarations est, jusqu'à date, des plus calamiteuses. En effet, Monsieur le Directeur Général, personne ne sait à quoi servent dans la pratique les déclarations du patrimoine si ceux qui se sont enrichis de manière illicite continuent de jouir des biens mal acquis sans s'inquiéter. 2. Sur le Parlement Haïtien Des parlementaires reçoivent de l'argent pour organiser les bureaux dans leur circonscription électorale. Dans de nombreux cas, ces bureaux seraient, avec la complicité des questures des assemblées, fictifs. De même il est donné aux parlementaires de l'argent pour se payer les services de consultants pour l'amélioration de la qualité et de l'efficacité du travail parlementaire. En réalité, l'argent reçu ne sert qu'à une forme d'augmentation déguisée de salaire pour les parlementaires en violation de la loi sur le budget et la comptabilité publique. Les Parlementaires haïtiens seraient en train de s'enrichir à la vitesse de l'éclair au préjudice des masses souffrantes qu'ils représentent. Des fonds importants sont détournés tous les mois et aboutissent dans les comptes privés des élus du peuple. Il serait temps, Monsieur le Directeur Général, de vérifier au Parlement la liste des consultants des Parlementaires, leurs qualifications, la liste des employés des bureaux des Parlementaires, les contrats de loyer pour leurs bureaux respectifs et vérifier avec la banque centrale les chèques émis et endossés dans ces cas. Car, il semble qu'il y a là une très grande corruption qu'il vous faut combattre. 3. Sur l'Exécutif Le Premier Ministre démissionnaire, Gary CONILLE, dans ses déclarations, a fait état de favoritisme dans les achats publics au niveau du gouvernement PREVAL - BELLERIVE. La multiplication des contrats de gré à gré était devenue la règle sous ce gouvernement, qui dans ces pratiques, avait choisi d'occulter la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP). En effet, pour la seule période allant de octobre 2010 à mai 2011, des contrats importants engageant l'Etat Haïtien avec des firmes tant nationales qu'étrangères dont la plupart, localisées en République Dominicaine, sont signés sans appel d'offres, pour un montant de plus de quatre cent trente millions (430.000.000) dollars américains. Parmi ces contrats, huit (8) sont signés avec une seule firme et totalisent à eux seuls, plus de quarante millions (40.000.000) dollars américains. Il va sans dire, Monsieur le Directeur Général, que le détournement de fonds publics constitue la plus grande source de corruption qu'il vous faut vite tarir par la réalisation d'enquêtes sérieuses et le renvoi des fautifs par devant les juridictions répressives. 4. Sur le système judiciaire Pendant trop longtemps, la Justice haïtienne est dénoncée par les justiciables. En effet, partout dans le pays, il est fait état que la Justice se vend aux plus offrants. A date, aucune disposition n'est prise en vue de s'attaquer à ce fléau. Parallèlement, - et comme corollaire à ce fléau - des Magistrats présentent des signes extérieurs évidents de richesse incompatibles avec leur salaire. Il y a lieu donc de vérifier les déclarations de patrimoine de tous les Magistrats et de réaliser systématiquement des enquêtes sur des cas suspects. 5. Sur les enquêtes en cours Le pays attend encore les résultats des enquêtes engagées sur l'ancienne administration dont entre autres : a) Une enquête relative aux emplois fictifs accordés à des parlementaires de la Concertation des Parlementaires Progressistes (CPP) par l'ancien Ministre de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales, Paul Antoine BIEN-AIME est ouverte par l'ULCC. A date, l'enquête n'a donné comme résultat que la révocation du Commissaire du Gouvernement d'alors près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Sonel Jean FRANÇOIS. Ancien fonctionnaire du Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales à l'époque des faits, il vous faudra faire preuve de dépassement pour réaliser une enquête digne de ce nom sur ce dossier et en communiquer les résultats au public. b) Les nombreux actes de corruption et de détournement de fonds reprochés aux anciens membres du CEP n'ont toujours pas été élucidés. En effet, suite à la publication des résultats des dernières joutes électorales, des allégations de corruption et de perception de pots de vin à l'encontre des Conseillers électoraux ont fusé de toute part. Cependant, l'enquête se poursuit toujours au niveau du CEP. C'est à l'ULCC qu'il incombera donc d'établir la lumière sur ces graves faits avancés. Monsieur le Directeur General, Le RNDDH se joint à la Nation pour attendre avec fièvre des actions énergiques de l'institution que vous avez l'insigne honneur de diriger ce, dans le but de stopper la spirale de la corruption au niveau de l'administration publique et de favoriser une meilleure utilisation des maigres ressources de l'Etat. ____________________ "La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles? Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle. WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.) |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire