Par Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, le 17 novembre 2008 ; (Ré.Cit.).-
Ce 18 novembre 2008 marque l’anniversaire de la bataille de Vertières. Le 18 novembre 1803, l’armée indigène écrasa les troupes françaises de Napoléon dans le Nord d’Haïti ci-devant Saint-Domingue. Ce fut un évènement déterminant marquant la fin de la colonisation de la partie est de l’île par la France.
Ce 18 novembre 2008 marque également 109 jours de détention pour 15 militaires et sympathisants de l’armée d’Haïti sous l’accusation ‘‘association de malfaiteurs et port illégal d’armes à feu’’.
Dans une lettre adressée au commissaire du gouvernement Me Clersias Célencieux, l’Organisation Universitaire de Défense des Droits Humains (OUDH) questionne et attaque en des termes clairs le traitement du dossier qui a tout l’air d’une affaire politique.
Dans la lettre datée de 24 octobre 2008 et signée par Bathélémy D. Jean-Noël nous lisons :
Monsieur le commissaire, vous avez donné mandats de dépôts aux anciens militaires avec mention ‘‘association de malfaiteurs et port illégal d’armes à feu’’, comme chef d’inculpation. L’OUDH se demande : premièrement, comment peut-on parler d’association de malfaiteurs lorsque le groupe agissant est reconnu par la loi, (de) ses activités ne découlent ni crimes ni actions coupables ? Deuxièmement, comment peut-il être question de port illégal d’armes à feu lorsque 40 anciens militaires s’étaient rendus à l’ancienne prison, trois (3) revolvers de calibre 38 seulement ont été retrouvés, mais vous avez quand même accusé au moins dix de port illégal d’armes à feu ? En un jour, en un lieu et à une minute précise, dix anciens militaires, peuvent-ils porter ensemble trois (3) revolvers ?
Monsieur le magistrat instructeur, vous avez mentionné dans un mandat de dépôt décerné, après interrogatoire, ‘‘ chef de complot’’. Comment peut-on parler de complot lorsque toutes les démarches des anciens militaires ont été publiques et non secrètes ?
Messieurs les autorités judiciaires, à ce moment critique où l’appareil judiciaire a du mal à inspirer confiance aux citoyens haïtiens, avec quel logique étymologique et juridique vous auriez accepté, au nom de la conscience humaine, de parler d’une part d’association de malfaiteurs, alors qu’il n’y a pas eu de commission de crimes ou d’actions coupables ; d’autre part de complot contre la sûreté de l’Etat, alors qu’il n’y a pas eu de menées secrètes contre l’Etat ; puisque toutes les démarches ont é régulièrement communiquées aux autorités concernées, sans avis d’opposition et d’interdiction ?
Dans la même veine, comment plus de 100 personnes auraient participé à une activité qualifiée, par vous, d’association de malfaiteurs et de complot contre la sûreté de l’Etat, c’est seulement 15 environ qui sont accusées et détenues ? Quelle confusion et quel doute ? Illustrons par deux exemples cette situation :
1- dix individus auraient été surpris de commettre un crime, mis à part l’auteur intellectuel. Les autorités concernées ont décidé d’inculper uniquement deux pour association de malfaiteurs ; les huit (8) autres sont innocents, libérés, quoique surpris au même moment, au même endroit, dans la même activité et reconnus avoir fait partie du groupe ;
2- Huit (8) individus auraient été surpris dans une activité qui viserait à ouvrir le feu contre le Palais National. Trois seulement, selon les autorités compétentes, sont inculpés pour complot contre la sûreté de l’Etat ; les cinq (5) autres sont innocents, libérés, quoique faisant partie du groupe et surpris en même temps dans la même activité.
Au prisme de ces deux exemples, quelle confiance les autorités agissant veulent et peuvent inspirer dans leurs actions aux citoyens ; puisque l’action des autorités dans ces deux exemples n’ont aucun fondement juridique ?
Messieurs les autorités judiciaires, l’OUDH vous rappelle qu’un complot reste un complot, à moins qu’à partir du 29 juillet au 1er Août 08, l’expression ‘‘association de malfaiteurs’’ et le mot ‘‘ complot’’ auraient été vidé de leur sens pour en revêtir un autre.
Par ailleurs, apparus au grand jour, en uniforme, avec des revendications claires, les anciens militaires revendiquent, au terme de l’article 267.3 de la Constitution de 1987, leur profession… : ‘‘la carrière militaire est une profession’’ - donc on ne peut pas dissocier une personne de sa profession dont dépendent sa vie et seule de sa famille. Tenter de le faire est déjà une violation ou un abus de violation. Sur la même longueur d’ondes, les anciens militaires revendiquent, au sens de l’article 267.4, leurs grades… : ‘‘le militaire conserve durant toute sa vie le dernier grade obtenu dans les Forces Armées d’Haïti’’. De ce fait, comment leur présence à l’ancienne prison de Cap, sans armes, sans crimes ou actions coupables, sans menées secrètes, aurait constitué un complot contre la sûreté de l’Etat et qualifiée d’association de malfaiteurs ?
Messieurs les autorités judiciaires,
Considérant que la présence des anciens militaires ne se faisait pas sentir uniquement au Cap-Haïtien, mais aussi à Fort Liberté ou jusqu’à l’heure certains anciens militaires se trouvent ;
Considérant qu’à Hinche, les anciens militaires en uniforme gagnent régulièrement les rues pour faire entendre leurs voix et passer leurs revendications, sans rencontrer le moindre geste d’opposition et d’interdiction des autorités concernées,
Conséquemment, pourquoi ce sont les anciens militaires du Cap qui auraient attiré l’attention de vos supérieurs hiérarchiques au point de les accuser d’association de malfaiteurs et de considérer leurs activités publiques comme ‘‘ complot contre la sûreté de l’Etat’’ ? Seriez-vous piégés dans l’exercice de votre fonction ?
A la lumière de ce qui précède, il y a un grand doute qui plane sur le fondement de ces accusations et l’OUDH se dit inquiet que ces accusation ne revêtent pas une couleur politique supplantant le droit.
Dans l’espoir que vous allez faire preuve de professionnalisme dans l’exercice de votre fonction pour le triomphe du droit, votre boussole, l’OUDH vous exhorte donc, Messieurs les autorités judiciaires, à penser au principe de la séparation des trois pouvoirs et à reconnaître que la détention des anciens militaires est arbitraire et que leur libération est à la fois la règle et l’exception.
- Fin de texte -
Comme pour dire, à chaque Président Haïtien, ses prisonniers politiques.
RESEAU CITADELLE (Ré.Cit.), le 17 Novembre 2008, 15 heures 13.