HAITI -- Trafic de stupéfiants -- JBA serait-il visé par la DEA?
Un mandat d’amener lancé contre Aristide
Un mandat d’amener lancé contre Aristide
Les procureurs fédéraux déclareraient disposer des « preuves »
Le bouleversement de l’univers du monde des trafiquants de drogue haïtiens par la justice américaine, qui a entraîné l’arrestation suivie de l’expulsion de nombreux d’entre eux aux États-Unis, pourrait bientôt provoquer des ondes de choc. Après plusieurs années de piétinement, le cas de la justice fédérale américaine contre Jean-Bertrand Aristide s’est beaucoup renforcé. Grâce aux dernières révélations de Jacques Beaudouin Kétant, non seulement la lutte contre les trafiquants de drogue haïtiens va s’intensifier, le chef de Lavalas se retrouve bel et bien dans le collimateur de la justice américaine. D’ailleurs, a été lancé contre lui le mandat d’amener dont on parlait depuis plus de douze ans, et qui tardait à se concrétiser parce que les autorités fédérales américaines estimaient qu’elles n’avaient pas suffisamment de preuves contre lui.
En effet, cherchant à écourter son séjour en prison, Jacques Kétant a donné de nouvelles informations sur Jean-Bertrand Aristide lesquelles ont permis aux autorités fédérales de prendre les dispositions en vue d’appréhender ce dernier. Selon les dernières informations provenant du dossier Aristide, un mandat d’amener a été émis contre lui par un juge fédéral de Miami.
Le document précise qu’un juge fédéral, à Miami, a signé un mandat d’amener à l’encontre de l’ancien président haïtien, actuellement exilé en Afrique du sud, sous l’accusation d’avoir touché de l’argent provenant du trafic de stupéfiants et de blanchiment d’argent. Selon des sources proches de la DEA, les trafiquants de drogue en prison dans les prisons fédérales, aux États-Unis, ont tous déclaré avoir versé de juteuses commissions à Jean-Bertrand Aristide comme droit d’utilisation du sol national pour faire transiter la cocaïne en provenance de l’Amérique du sud. Aux yeux des juristes fédéraux, de tels témoignages n’ont aucune valeur légale, car ne pouvant être admis au tribunal. Toutefois, les derniers témoignages de Jacques Kétant ont tout changé. On affirme, dans les milieux juridiques proches de la DEA, que les procureurs fédéraux ont enfin trouvé le « corps du délit », qu’ils n’avaient pu jusqu’ici établir à partir des aveux obtenus des quelque vingt caïds de la drogue appréhendés pour l’instant incarcérés dans des prisons fédérales.
Jacques Kétant à la rescousse
Point n’est besoin d’élaborer sur l’impact des dernières révélations de Kétant sur le dossier Aristide, car c’est grâce à lui qu’il a été possible aux procureurs fédéraux d’obtenir la signature d’un juge fédéral au bas de l’acte d’accusation d’Aristide.
En effet, dans son dernier témoignage aux autorités fédérales, ce trafiquant, le parrain de la fille aînée de l’ex-président, qui n’avait pas hésité pourtant à le livrer aux marshals américains, en 2004, a révélé qu’il payait de fortes sommes d’argent au chef de Lavalas, d’abord en chèques, plus tard en cash, après que ce dernier eut déclaré qu’il préférait « les billets verts » aux chèques.
Invité à documenter quelques unes des transactions effectuées par chèques, Kétant a fini par identifier les institutions bancaires sur lesquelles étaient tirés certains de ces chèques. Les procureurs fédéraux ont été satisfaits de corroborer ces dernières révélations.
Des observateurs proches de la DEA ont fait remarquer que, dans le mandat d’amener émis contre Jean-Bertrand Aristide, il n’est jamais fait allusion à son sujet en tant que ex-président d’Haïti mais plutôt comme «chef de Lavalas ».
On ne peut pas savoir quand et où ce mandat contre Aristide sera présenté. D’aucuns pensent que, à l’instar de Frédéric Marzouka, son dossier sera remis à la Police internationale (Interpol). On pense qu’il est aussi possible de formuler une demande d’extradition auprès du gouvernement de l’Afrique du sud, par le biais du ministère des Affaires étrangères de ce pays. D’aucuns prétendent qu’on ne devrait pas minimiser l’avancement soudain du dossier de la drogue, particulièrement celui d’Aristide, avec le changement de régime politique en Afrique du sud. Des observateurs estiment qu’une demande d’extradition formulée auprès d’un gouvernement dirigé par Jacob Zuma, archi-ennemi du protecteur d’Aristide, Thabo Mbeki, évincé du pouvoir par celui-là, ne devrait pas tarder à produire un résultat.
Autrement dit, l’ancien président haïtien devrait contempler l’avenir avec effroi. Depuis déjà plus de douze ans que la Brigade fédérale antidrogue ou la « Drug Enforcement Administration » a lancé sa campagne contre les caïds de la cocaïne d’Haïti, plus d’une vingtaine de ces derniers ont été transportés à Miami après avoir été inculpés soit pour commerce de stupéfiants, soit pour blanchiment d’argent ou les deux. À l’exception d’Évents Brillant, qui bénéficia d’un verdict d’acquittement, tous les autres ont écopé des sentences plus ou moins longues. L’un des premiers à retrouver sa liberté, Oriel Jean, ancien chef de sécurité du Palais national, sous Jean-Bertrand Aristide, avait été élargi l’année dernière, après trois ans de réclusion. Aujourd’hui il est placé sous surveillance par les autorités américaines.
Fourel Célestin rapatrié
L’actualité a été dominée cette dernière semaine par le rapatriement de Jean-Marie Fourel Célestin, ancien président de l’Assemblée nationale d’Haïti, sous le gouvernement d’Aristide, un des proches collaborateurs politiques de ce dernier. Il avait séjourné en exil avec le prêtre défroqué et faisait partie du groupe de conseillers qui représentaient le gouvernement exil que dirigeait ce dernier à partir de Washington, après le coup d’État militaire réalisé contre lui par l’équipe Raoul Cédras, Philippe Biamby et Michel François .
Accusé de trafic de drogue, M. Célestin, qui était également un ex-médecin militaire, avait été mis aux arrêts par des agents de la DEA, en mai 2004, après s’être présenté de son propre gré à l’ambassade américaine. Il voulait faire montre de sa bonne foi après avoir pris connaissance qu’un mandat d’amener avait été émis contre lui. Mis aux fers, l’ancien sénateur fut embarqué immédiatement dans un avion militaire américain et transporté à Miami.
Fourel Célestin ne devait pas purger toute sa peine de dix ans. L’année dernière, Haïti - Observateur avait mentionné dans une chronique que les autorités fédérales allaient le libérer «pour raison humanitaire » après qu’on lui eut diagnostiqué comme un sidéen.
Nouvelles listes de trafiquants et de suspects
Parallèlement à l’avancement du dossier Aristide, les procureurs fédéraux ont lancé une nouvelle offensive contre les trafiquants haïtiens, ayant dressé plusieurs listes de personnes impliqués dans cette transaction. Sur une première liste figurent des personnalités recherchées par les autorités américaines, c’est-à-dire contre qui ont été émis des mandats d’amener. Sur cette liste se trouvent des gens comme Évents (sic) Brillant, renvoyé hors de cause, il y a trois ans, mais recherché aujourd’hui, à la suite de nouvelles informations obtenues par les autorités américaines. De même que Guy Philippe, ex-commissaire de Police et chef de la rébellion contre Aristide, qui a aussi fondé un parti politique dont il était le candidat à la présidence, aux élections de février 2006. Récemment candidat au sénatoriales partielles du 19 avril 2009, il a été mis au rencart par le CEP. Plusieurs tentatives de l’appréhender ont été effectuées à Bergeau, à l’entrée de la ville des Cayes, dans le sud ; ainsi qu’à Pestel (son village natal où se trouve la maison familiale), en deux occasions différentes, mais sans succès.
Sur cette même liste figure Immacula Basile, députée sous Aristide, qui disparut de la circulation depuis plus de six ans. On prétend qu’elle se trouve en Afrique du sud.
Cette même liste comprend le nom de Wilner Content ; et Pierre-Claude Dorléans, qui aurait été mis aux arrêts au Canada. Des sources dignes de foi laissent croire que les autorités américaines auraient formulé une demande d’extradition auprès de leurs homologues du Canada.
Selon des sources proches des procureurs fédéraux, Nahoum Marcellus se trouve sur la liste des personnes recherchées par la DEA. Il aurait été, dit-on, dénoncé par Carlos Ovale, un Colombien. Coordonnateur du cartel de Cali dans la Caraïbe, Ovale a été trouvé coupable et purge une peine de 263 ans de prison.
D’autres personnalités sur la même liste sont : Frantz Gabriel, Ronald Georges, Rudolph Hériveaux , Yvon Feuillé, Papouche Dumornay et Josselerme (sic) Privert .
Aussi bien que Hermione Léonard, réfugiée en République dominicaine. On prétend qu’une somme de 20 000 $ aurait été versée comme frais à l’Interpol en vue de son arrestation. On rapporte que Léonard a failli être arrêtée en Haïti lors d’un voyage qu’elle avait effectué en vue de récupérer certains biens laissés en Haïti, notamment deux comptes en banque. On prétend que des agents de la DEA accompagnés de policiers haïtiens arrivèrent seulement quelques minutes après qu’elle eut réalisé une opération bancaire. Entre-temps, certains ressortissants haïtiens purgeant des peines dans des prisons fédérales aux États-Unis, après avoir été condamnés suite à leur jugement pour trafic de drogue et/ou blanchiment d’argent seraient sur le point de recouvrer leur liberté. Plusieurs d’entre eux auront purgé leur peine l’année prochaine. Il s’agit, par exemple, de Rudy Thérassant, Romaine Lestin, Wista Louis, Jean Nesly Lucien (ancien chef de la Police nationale sous Aristide).
Source : Haïti-Observateur VOL. XXXX, No. 18, 6 au 13 mai 2009