samedi 24 juillet 2010

Le Sénat américain suggère des réformes en Haiti

lenouvelliste.com

Un sénateur républicain juge « risqué » l'investissement américain en Haïti

Richard Lugar, sénateur républicain, a jugé « risqué » l'investissement américain en Haïti, six mois après le terrible tremblement de terre qui a secoué cette nation caribéenne. Très critique envers le président René Préval, M. Lugar réclame des réformes en Haïti qu'il conditionne aux investissements américains dans le pays.

Haïti: « Les États-Unis risquent de gaspiller l'aide qu'ils offrent à Haïti suite au tremblement de terre qui a frappé ce pays. » C'est ce qui est indiqué dans un rapport du Sénat américain rendu public ce jeudi.

« Le gouvernement n'a pas effectué les réformes de base qui doivent assurer la tenue d'élections transparentes et inciter l'investissement privé dans le pays », selon ce rapport dont copie a été distribuée à la presse à Washington. Cette information a été rapportée aujourd'hui par The Wall Street Journal sur son site internet.

« Sans réforme, aucun retour à l'investissement privé n'est possible en Haïti », a fulminé le sénateur Richard Lugar. Ce « républicain indépendant » s'est montré très amer à l'égard du chef d'État haïtien, le président René Préval pour « son comportement pendant la crise », a rapporté le journal économique américain.

« Les actions du président Préval ne suggèrent pas un début de la destruction de la politique suicidaire qui a maintenu Haïti, la nation la plus pauvre de l'hémisphère occidental, dans sa situation actuelle », déplore ledit rapport selon The Wall Street Journal.

« Si des réformes... il n'y en a pas, les investissements américains en Haïti, hormis l'aide humanitaire essentielle, devraient être gelés », poursuit ce rapport très accablant pour l'administration Préval/Bellerive.

Invité à commenter ce rapport, le Bureau de la Présidence à Port-au-Prince a préféré garder un profil bas, indique The Wall Street Journal.

La censure du camp républicain de la Commission des Relations Extérieures du Sénat marque un tournant décisif dans les relations entre le gouvernement haïtien et son principal partenaire bilatéral. Dans le cadre des promesses visant la reconstruction du pays, les États-Unis ont promis de livrer plus de 2, 8 milliards de dollars à Haïti. Cependant, ces derniers mois, la promesse de cet argent a soulevé des mécontentements parmi certains législateurs américains.

Il faut signaler aussi que les États-Unis font partie de ces donateurs qui ont davantage promis à Haïti suite à la catastrophe du 12 janvier dernier. Cependant à date, la quasi-totalité des donateurs, dont les États-Unis, n'ont pas encore honoré leurs engagements. Mis à part le Brésil et la Norvège, tous les autres donateurs laissent le pays vivre des promesses qu'ils ont faites à New-York le 31 mars 2010.

Sur le terrain, les rescapés du 12 janvier, dont 1.5 million sont sans abri, sont à bout de patience. Des manifestations de rue s'organisent presque quotidiennement à Port-au-Prince, alors que la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) tarde à enclencher les projets viables dans le cadre de la mise en oeuvre de ce processus de reconstruction d'Haïti.

S.B.

vendredi 23 juillet 2010

Insécurité dans le nord : La PNH tente de reprendre le contrôle de la situation.

Insécurité dans le nord : La PNH tente de reprendre le contrôle de la situation.


Par Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haïti.
Radio Souvenir FM, 106.1 :
souvenirfm@yahoo. fr

Le Ré.Cit. (Réseau Citadelle) : www.reseaucitadelle .blogspot. com

 

Le commandement Nord de la Police Nationale d'Haïti applique un nouveau plan de sécurité en vue de répondre aux actes de violence et de kidnapping qui tendent à se multiplier dans la région. Depuis le jeudi 15 juillet 2010 au soir, les habitants de la ville du Cap-Haitien et des régions avoisinantes peuvent observer une augmentation des patrouilles de police et de la MINUSTAH, des points de contrôles, des unités de militaires chiliens et de FPU Népalais embusquées dans des points inhabituels, les autorités policières semblent être à pied d'œuvre cherchant à rassurer les habitants de la région et au passage à limiter les dégâts pour les fêtes patronales à venir. On parle même de la construction d'un sous-commissariat dans la zone de Pont-blanc sur la route de Milot, une zone souvent utilisée  par les bandits pour kidnapper les passants.

Conséquences positives, nous n'avons pas encore enregistré des informations sur des personnes qui manquent à l'appel. Jusqu'à la publication de ce texte, aucun cas d'enlèvement n'a été signalé. Les fêtes patronales de Labadie, de Bas-Limbé, de Borgne et de Port-Margot le week-end dernier semblent avoir été mieux sécurisées. Le bal de l'Orchestre Septentrionale à Labadie a été un succès selon les témoignages recueillis. A Bas-Limé L'orchestre Tropicana a fait la joie des pèlerins.  Les derniers cas de kidnapping n'ont pas effrayé ceux qui, habituellement, se déplacent à l' occasion de ce type de rendez-vous annuel.

Il reste à trouver Willy Etienne. Le chef de gang évadé de prison, introuvable et réputé pour ses enlèvements spectaculaires est un défi humiliant pour les autorités policières de la région depuis environ 3 ans.  

Sur ce point nous avions rencontré une délégation de la PNH qui voulait nous rassurer de la volonté des forces de l'ordre de « Protéger et servir ». Selon, nos visiteurs, à aucun moment, le commandement de la Police dans le Nord n'a reçu des ordres de politiciens. Il s'agirait, selon eux, d'accusations mensongères de personnes qui se sentent gênées par le commandement en place. Des policiers punis pour comportements tendant à entraver le service auquel ils sont affectés  ne sont pas exclus. Dans leur initiative d'explication, les représentants de la police dans le Nord ont mis l'accent sur un manque de moyen ; le DGPNH Mario Andrésol serait de bonne volonté, avec de bonnes intentions mais paralysé par l'absence de ressources.

La PNH ferait face à des gangs possédant beaucoup plus de moyens financiers pour inciter les personnes de moralité douteuse à servir d'antenne en vue de leur informer des faits et gestes des Unités d'interventions. Les chefs de gangs arrivent à corrompre des personnes qui occupent des positions stratégiques. Par exemple il y a le problème des mandats. Alors que la police ne peut pas agir sans mandat, dès qu'on émet un mandat, la personne visée par la police est au courant.

Un point essentiel a été mis sur la table. Les responsables de la police ayant l'obligation de silence, ils sont obligés d'encaisser les critiques sans expliquer à la population la situation, les causes des phénomènes et surtout l'Etat de l'environnement dans lequel ils évoluent. Les dirigeants politiques devraient pouvoir diagnostiquer la situation et fournir des moyens adéquats pour l'amélioration de la sécurité publique. Le comportement des compagnies de téléphones portables est un élément utilisé par les membres de la police qui sous couvert de l'anonymat voulait faire un diagnostic de la situation. Les compagnies de téléphones portables ont la technologie nécessaire pour localiser les bandits à partir des signaux émis par un portable. Les compagnies de téléphone refusent de mettre cette technologie au service de la police quand il y a enlèvement. Les autorités politiques et administratives devraient pencher sur ce problème.

La police se dit compter sur la collaboration de la presse pour mobiliser la population en vue de combattre les comportements susceptibles d'apporter un support logistique aux bandits, de fournir des informations précises capables de permettre à l'institution de procéder à des arrestations.

Les numéros suivants ont été communiqués :

SDPJ : 3804-2222 / 3726-2575

Urgence : 3805 – 2222 (UDMO)

Centre de Renseignement : 3806-2222        

 

La notion suivante a été répétée durant toute la rencontre : Résultat = Une mission, un homme et des moyens. Tout en se disant prêts à utiliser le peu de ressources disponibles pour sécuriser le département, les responsables de la police dans le Nord demandent aux critiques de toujours penser à cette formule pour mieux comprendre pourquoi certains dossiers trainent, pourquoi il est difficile de mettre certains bandits hors d'état de nuire.

Un haut responsable de la police questionné sur le dossier confirme que la Direction Générale de la Police a reçu une requête de moyens de la Direction Départementale Nord. La Direction Générale de la PNH a déjà penché sur la question, des équipements seraient en route. On nous a même annoncé la visite de Hauts Gradés de la Direction Générale dans le Nord pour remonter le moral des policiers et leur remettre des matériels. Toutefois, notre contact nous fait remarquer que le département du Nord est réputé comme destructeur de matériels. Les policiers affectés dans le Nord détruisent les matériels roulant en un temps record. Une observation qu'on peut facilement justifier par l'état des routes dans le Nord et la pression sur les matériels roulants en termes d'usage.

En tout cas, la destruction de l'armée de kidnappeurs qui assiège les sites touristiques du Nord exige une forte concentration de moyens, des unités spécialisées supplémentaires, des voitures et surtout de l'argent. La MINUSTAH serait prête à donner une récompense de 2000 U.S. pour toute information précise menant à l'arrestation de Willy Etienne, le plus grand chef de gang jamais connu dans le Nord d'Haïti.

RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 23 Juillet 2010, 18 heures 31.

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Haïti et l’Afrique des indépendances (1960).

Haïti et l'Afrique des indépendances (1960)

 

Par Marc Damord

 

Cette année, dix–sept pays Africains fêtent le cinquantième anniversaire de leur accession à l'indépendance. Des indépendances négociées à la pièce avec les métropoles européennes.


La décennie de 1960  a commencé avec le Cameroun, le 1er. Janvier, suivit par les seize autres, la même année. Comme elle a fait pour la création de l'État d'Israël en 1947-48 avec son vote décisif, Haïti, pour la décolonisation du continent africain a été aux premières loges. Sa voix fut mise au service de tout le continent, pour réclamer, dire, dénoncer et soumettre, aux Nations-Unies.  Comme l'écrivait Lesly Manigat : ''Haïti a joué un rôle d'étoile brillante au matin de la décolonisation africaine.''

 

Membre fondateur et rapporteur officiel à la création des Nations-Unies, Haïti fut une puissance diplomatique dans un monde post-deuxième-guerre mondiale qui cherche à cicatriser des blessures encore ouvertes des atrocités nazies.


Émile Saint-Lot, le représentant d'Haïti,  devint le diplomate le plus en vue de la nouvelle organisation crée sur les cendres encore fumantes des artilleries des belligérants d'hier. C'est lui qui prêta sa magnifique voix dans les débats animés des nations qui cherchent à trouver une nouvelle coexistence pacifique. De lui, un journal français écrivait : ''Si, si bien parler est Haïtien, nous sommes tous Haïtiens''

 

Les années qui ont précédé cette décennie de 1960 riche en politique et en diplomatie, tenaient le pays occupé sur le plan international. Haïti fut partie prenante de tous les débats et sollicitée de toutes parts, comme la voix autorisée du Tiers-Monde dans les forums internationaux.


Hier, ce fut elle encore qui dénonça, l'agression de l'Éthiopie par l'Italie à la défunte Société des Nations(SDN),  par la voix de son délégué d'alors, Alfred Nemours  en mettant le monde en garde ainsi : ''Craignez d'être un jour l'Éthiopie de quelqu'un d'autre'' Paroles prémonitoires prononcées quelques années avant que les troupes hitlériennes ne marchent sur l'Europe.

 

Les années 60 ont consacré le pays comme le grand frère baptismal d'une multitude de nouveaux états surgissant de la longue nuit de la servitude coloniale. Ce fut une période d'or pour Haïti.


Mais un des plus grands moments de la diplomatie haïtienne va être joué plus tard, dans la même décade des indépendances.

 

 Haïti et le Nigéria

 

Le Nigéria, ancienne colonie anglaise accède, dans la foulée des indépendances en cascades au statut d'état indépendant, le 1er. Octobre 1960. Suite à un coup d'état, six ans après, des affrontements ethniques déchiraient le pays. Une nouvelle république y est née au Sud-est de son immense territoire : Le Biafra.


Soutenu par une majorité de nouveaux pays francophones du continent ayant comme chef de fil la France, la province sécessionniste déclara son indépendance en mai 1967. Quatre pays africains : le Gabon, la Zambie, la Tanzanie et la Côte-d'Ivoire le reconnaissent.


Le 26 avril 1969, ce fut le tour d'Haïti de le reconnaitre et de le présenter aux Nations-Unies. Coup de théâtre! Haïti est le seul pays de l'Amérique a posé ce geste. L'hostilité est à son comble à la grande maison de verre de New-York. Les États-Unis, l'URSS et la Grande- Bretagne sont farouchement opposés à cette reconnaissance.


Mais il faut dire que la France a fait un travail remarquable pour porter le monde à reconnaître les atrocités commises par le Nigéria qui bloquait toutes frontières avec le nouvel état, le privait de tout. La faim et les privations de toutes sortes ont fait des dégâts considérables. Les chaînes de télévision du monde entier accouraient capter les images des êtres squelettiques qui succombaient dans l'indifférence quasi-généralisée dans le territoire rebel.


Les intellectuels français : Malraux, Camus, Sartre, Veil, Kouchner  se mettent eux-aussi à dénoncer ce blocus criminel pendant que la France fait transiter armes et munitions par le Gabon et la Côte-d'Ivoire. Omar Bongo lui, demandait le soutien du Saint-Siège. Haïti de son côté se débattait aux Nations-Unies pour solliciter des appuis et la reconnaissance d'autres états, au grand dam de la république étoilée.


C'est la première fois de toute l'histoire des deux plus vieilles républiques du Nouveau-Monde, les États-Unis et Haïti, qu'elles se sont opposées aussi fortement. Et c'est aussi la toute première fois depuis son indépendance si douloureusement acquise qu'Haïti vit une relation aussi fusionnelle avec son ancienne métropole.  Pour frapper fort la dénonciation du Nigéria, la France, Haïti et les quatre pays africains ont déposé une condamnation aux Nations-Unies. Pour la première fois le mot ''génocide'' est sortie du vocabulaire pour enrichir le droit pénal international. Avec un million de morts, la nouvelle assemblée générale des Nation-Unies se retrouve  à faire face à sa première grande crise opposant des puissances du Nord au Nord et  du Sud au Sud. On n'était plus dans la classique Est/Ouest même si c'était la guerre froide. On assistait aussi à la naissance de Médecins sans frontières (MSF) née dans la foulée des dénonciations et de la refonte du Secours médical français au Nigéria, dont le responsable n'était nul autre que l'actuel ministre des affaires étrangères français, Bernard Kouchner.

Même Johan Lennon dénonçait le choix de  son pays qui soutenait le Nigéria.                             


En fin de compte, l'éphémère république du Biafra a vécu trois années, de 1967 à 1970.


De nos jours encore, les intellectuels nigériens parlent douloureusement de cette ''épisode haïtienne en terre africaine''   


En fin de compte, comme dit le professeur congolais Élikia M'Bokolo de l'École des hautes études en sciences sociales de Paris, ''1960 reste l'année d'une très grande victoire africaine''

 

marcdamord@hotmail.com

 juillet 2010

  

Bibliographie - Archives des Nations-Unies/ Pressafrique

                     -Leslie F. Manigat : signification, impact et portée de la révolution haïtienne d'indépendance (1789-1803) hier et aujourd'hui.


Haïti-Élections : Avec la publication du calendrier électoral, les dés sont jetés

Haïti-Élections : Avec la publication du calendrier électoral, les dés sont jetés

dimanche 18 juillet 2010

Débat

Par Leslie Péan


Soumis à AlterPresse le 16 juillet 2010


La communauté internationale se pose des questions et se retourne contre le gouvernement haitien qui ne lui inspire plus aucune confiance. Moins de 10% des 10 milliards promis par les donateurs ont été versés six mois après le séisme. Tombé dans son propre piège, le président Préval croit que le président Bill Clinton peut garantir sa survie politique en lui donnant son soutien. C'est ce qui explique son refus de prendre en compte les recommandations du Sénateur républicain Richard Lugar [1], ancien président et actuellement membre de la Commission des Affaires Étrangères du Sénat américain, demandant le changement du CEP croupion, la mise à jour des listes électorales, l'émission de nouvelles cartes d'identité nationales à tous ceux et celles qui ont perdu leur pièce d'identité lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010, et la réintégration des factions rivales de Lavalas dans la course électorale.


Le président Préval pense pouvoir rester assis sur une branche qu'il est en train de scier. Il ne comprend pas que les choses ont changé et que, pour la première fois dans les annales historiques, un président américain, le président Bill Clinton, a reconnu publiquement avoir causé des torts au peuple haïtien en critiquant la politique menée par son gouvernement contre les intérêts de ce dernier. En effet le 10 mars 2010, le président Bill Clinton a fait son mea culpa devant la Commission des Affaires Étrangères du Sénat américain, en déclarant :


« Cela a probablement été bien pour mes fermiers de l'Arkansas, a-t-il dit, mais cela n'a pas marché. J'ai dû vivre en ayant chaque jour sur la conscience les conséquences de l'incapacité des fermiers haïtiens à produire une récolte de riz en Haïti pour nourrir leur famille à cause de la politique que j'ai menée. Personne d'autre n'est responsable [2]. »


Le président Bill Clinton a reconnu avoir détruit l'autosuffisance rizicole mais aussi agricole d'Haïti en obligeant le gouvernement haïtien à mener une politique de libéralisation agricole, condition sine qua non pour avoir accès aux prêts du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale. Entre 1970 et 1998, les tarifs douaniers ont baissé systématiquement pour le riz de 50 % à 3 %, pour le haricot de 50 % à 0 % et pour le maïs de 50 % à 15 %. Même les producteurs de banane plantain de l'Arcahaie sont en difficulté devant l'importation des bananes plantain en provenance de la République Dominicaine qui a augmenté en volume de plus de 30% en moyenne par an entre et 1999 et 2004. [3] Les résultats ont été catastrophiques. Les importations haïtiennes de riz qui étaient de 5 000 tonnes en 1984 sont passées à 140 000 tonnes en 1994 et à 276 000 tonnes en 2009, soit 55 fois plus qu'en 1984. Nombre de familles de la vallée de l'Artibonite ont été dispersées. Les hommes plus valides se sont rendus en République Dominicaine pour travailler dans l'agriculture de ce pays afin de pouvoir nourrir leurs parents en Haïti. D'autres ont pris les kantè (embarcations artisanales) et sont morts dans l'océan en essayant d'aller chercher du travail sous d'autres cieux.


Enfin, et le plus important, la plus grande partie des paysans est venue créer et grossir les quartiers pauvres et les bidonvilles de Tapis Rouge à Carrefour Feuille, des flancs du Morne L'Hôpital et du littoral, sans savoir ce qui les attendait. Or, comme l'avait si bien prédit l'ingénieur-géologue Claude Prepetit en 2008 :


« Il faut bien se convaincre que des séismes de la force de ceux qui ont détruit autrefois Port-au-Prince et Cap-Haitien vont se reproduire mais en provoquant une mortalité et des dégâts sans commune mesure avec ceux qui ont été constatés à cette époque-là. La population des quatre plus grandes communes du Département de l'Ouest, à savoir : Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas et Carrefour, est aujourd'hui estimée à plus de 2 millions d'habitants. Or ces quatre communes sont traversées par un réseau de failles secondaires dont on ignore leur activité sismique [4]. »


Ces compatriotes haïtiens victimes de l'exode rural, en cherchant la vie, sont venus s'installer sur des failles sismiques, dernière étape sur la route de la mort qui les attendait le 12 janvier 2010. Ces morts-là, le mea culpa du président Clinton, aussi sincère qu'il soit, ne pourra pas les ramener à la vie.

Il importe de trouver la vraie raison de ces morts. Elle réside dans le fait que des assoiffés de pouvoir en Haïti sont prêts à vendre leur mère pour avoir le pouvoir. Entre 1965 et 1985, la politique économique des tontons-macoutes a fait diminuer le revenu annuel moyen des paysans haïtiens de 450 à 250 dollars [5]. Cette réduction du revenu paysan en provoquant l'exode rural a accéléré la pression foncière diminuant ainsi les périodes de friches et la production agricole notamment dans la plaine du Cul-de-sac et dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince [6]. Les dirigeants politiques ont entretenu dans la tête des paysans haïtiens ce que Pascal Saffache, Olivier Cospar et Jean-Valéry Marc nomment une « représentation mentale quelque peu erronée » véhiculant toutes sortes d'illusions sur les possibilités réelles d'une amélioration de la vie dans l'espace urbain. Ainsi, « la capitale est perçue comme un eldorado ou tout au moins un espace sur lequel tout est possible et particulièrement les emplois de rue (règne des « jobeurs »), censés générer des revenus décents synonymes d'ascension sociale [7]. » La politique agricole criminelle duvaliériste a appauvri le milieu paysan. C'est cette politique, sous une forme renouvelée, que propose encore le gouvernement actuel avec la distribution des 450 tonnes de semences OGM de Monsanto. Ce semences sont un cadeau empoisonné dont l'objectif est la conquête du marché haïtien des semences agricoles « estimé à 20.000 tonnes environ dont 7.200 tonnes pour le mais, 4 200 tonnes pour le millet, 4 320 tonnes pour le riz et 3 400 tonnes pour le haricot, si l'on ajoute 900 tonnes supplémentaires pour les légumes et le pois Congo [8]. »


La vraie raison de ces morts est l'ignorance des dirigeants haïtiens du nationalisme économique comme idéologie visant autant la protection des travailleurs, du marché local que la formation du capital. La vraie raison de ces morts est l'absence d'un gouvernement qui défend la souveraineté nationale. Un gouvernement dirigé par des gens qui ont assez de courage pour dire non aux étrangers ou aux Haïtiens défendant les intérêts étrangers. La vraie raison des morts et des dégâts occasionnés par les émeutes de la faim qui eurent lieu en 2008, conséquence de l'application de cette politique dite de Consensus de Washington, est que les dirigeants haïtiens ont vendu leur âme et couchent à plat ventre devant le premier venu qui leur dit de faire des choses contraires aux intérêts nationaux. Là est le mal. Les Haïtiens cherchent encore un dirigeant de la trempe du créole Alexander Hamilton, capable de dire non à Adam Smith, le père de l'économie, qui voulait que les Etats-Unis d'Amérique mènent une politique de libre-échange à tout crin, tandis qu'Hamilton revendiquait l'interventionnisme économique et la protection tarifaire qui feront la grandeur de son pays.


Les fondamentaux de toute campagne électorale

Le gouvernement s'enfonce chaque jour de plus en plus dans une impasse politique. Après avoir refusé pendant deux ans d'organiser les élections législatives en 2007 pour les onze nouveaux sénateurs qui devaient entrer en fonction en janvier 2008, comme le recommandait la Constitution, il pense pouvoir s'en sortir en appelant aux élections en novembre 2010 afin de noyer le mouvement national et social de contestation. Il prend des dispositions avec son Conseil Électoral bidon pour embobiner tous les Haïtiens et faire que son parti INIKITE remporte tout. Les dés sont jetés. En effet, le gouvernement Préval continue dans son obstination à prendre les Haïtiens pour des idiots. Il fait publier un calendrier électoral par le Conseil Électoral croupion qui constitue pour certains le résultat de l'impuissance tandis que pour d'autres, ce serait le fruit de la malveillance. Comment comprendre que le Conseil Électoral de Monsieur Préval agisse en faisant table rase du tremblement de terre du 12 janvier 2010 et de ses conséquences sur les éléments fondamentaux de toute campagne électorale, les candidats et les électeurs ?

En effet, la publication de la liste des partis politiques agréés pour les législatives du 28 février 2010 ainsi que celle des candidats agréés pour ces législatives est programmée pour le 16 juillet 2010 sans aucun changement. L'élément fondamental préalable à l'organisation des élections, à savoir la vérification des listes électorales, est programmée du 1er août au 29 septembre 2010, c'est-à-dire après la publication de la liste des partis agréés pour la présidentielle, laquelle est programmée pour le 30 juillet 2010. Sé acheté chat nan makout. La mise en scène électorale vient à point pour cacher la superficialité du gouvernement Préval qui s'appuie sur l'idéologie populiste, sur la corruption de l'argent pour neutraliser les personnes vivant sous les tentes afin qu'elles ne se révoltent pas. Pour le président Préval, les Haïtiens sont dociles et ne manifestent pas leur mécontentement si on ne paye pas les chefs boukman dans les quartiers populaires avec des bouillons et de l'argent. Mais son arme la plus importante est la terreur des bandits qui sont manipulés pour faire peur, sinon assassiner et faire assassiner tous ceux qui n'acceptent pas la politique antinationale actuelle. Pendant combien de temps ce gouvernement pourra-t-il appliquer cette politique criminelle si le peuple se met debout comme un seul homme ?


Approfondir la mobilisation populaire avec un million de manifestants

Le président Préval est embarassé parce que la communauté internationale lui tient la dragée haute et ne décaisse pas les fonds pour Haïti. Même ses amis de La Havane et de Caracas témoignent de leur déception par les réceptions qui lui sont offertes. En publiant ce calendrier électoral castrateur, a-t-il bien réfléchi ? Comment pourra-t-il contenir une déferlante d'un million de personnes dans les rues à travers le pays ? Pourra-t-il empêcher à l'opposition de mettre ensemble ses forces pour exiger que des élections libres et honnêtes soient organisées en Haïti ? Le président Préval ne semble laisser d'autres possibilités au peuple que la voie de la mobilisation pour avoir le minimum, c'est-à-dire des élections correctes avec un conseil électoral vraiment indépendant, avec ou sans son gouvernement au pouvoir. L'idéal serait que le président Préval soit encore au pouvoir afin qu'il constate lui-même sa perte de vitesse. Afin qu'il ait à se défendre par devant la justice pour les crimes qui lui sont imputés comme celui de Robert Marcello, ou encore les détournements comme ceux des 197 millions de Petro Caribe et autres malversations orchestrés par son gouvernement.


Les députés et sénateurs participant au mouvement anti-Préval ont leur rôle à jouer pour implanter le mouvement pour des élections libres dans leurs districts respectifs. Leurs sympathisants sont les premiers à pouvoir approfondir la mobilisation populaire et à la lier avec les autres mouvements de revendications sectoriels des marchandes, des entrepreneurs, des déplacés, des paysans, des jeunes, des femmes, etc. Dans chaque département, dans chaque province, la population a des revendications économiques, politiques, sociales précises que le gouvernement ne peut pas satisfaire à cause de sa politique de gabegie. C'est de la fédération de ces revendications spécifiques qu'un puissant mouvement populaire naîtra pour exiger le départ de Préval. L'éducation politique du peuple doit s'appuyer sur ces éléments concrets et pas uniquement sur le caractère antinational et criminel de ce gouvernement.


La dynamique d'émancipation du peuple haïtien doit s'appuyer sur ses besoins d'éducation, de santé, de logement, de sécurité et de justice pour inscrire le mouvement social dans la durée. La mobilisation pour la reconquête de la souveraineté nationale doit s'accompagner d'un ancrage local. Le changement par le bas doit donc continuer dans les provinces et en milieu rural pour faire jonction avec le changement par le haut, à la capitale, pour rendre possible une autre Haïti. Rien n'est à négliger dans ce processus. En commençant par relever et brandir les aspirations populaires dans tous les domaines (eau potable, électricité, soins médicaux, routes, transports publics, écoles, sports, sécurité, etc.), il importe de conjuguer toutes les formes d'organisation et tous les niveaux de revendication. Tous les registres d'actions doivent être considérés pour sortir de la faiblesse et de la dispersion qui caractérisent le mouvement social. Pour couper l'herbe sous les pieds des kidnappeurs, il importe de relancer la lutte contre l'insécurité entretenue par les bandits qui siègent dans les officines de la présidence. Il faut également répéter les protestations telles que la grande marche organisée à l'initiative d'une centaine d'organisations de la société civile réunies au sein du collectif « Lutte nationale contre le kidnapping (Lunak) », qui a eu lieu le 4 juin 2008 à Port-au-Prince.


Une manifestation « manches longues » de 32 jours

Il faut donc s'attendre à ce que les manifestations redoublent d'intensité à travers le pays. Que fera le président Préval si l'opposition démocratique répond à sa provocation par une stratégie à la EL-ALTO ? Comme on le sait, les manifestants boliviens de la communauté d'El-Alto composée de 700 000 habitants, sous la direction des Indiens Abel Mamani et Evo Morales, sont descendus sur la capitale La Paz, bloquant les routes et l'accès à l'aéroport international en 2005. Les villes de La Paz, Sucre et Cochabamba furent assiégés tandis que les habitants d'El-Alto s'occupaient de maintenir une grève générale. Les routes étaient bloquées avec de grosses pierres, des troncs d'arbres et des pneus enflammés. En 2005, les blocages des routes augmentèrent de 61 blocages le 6 juin, à 90 blocages le 7 juin, à 106 blocages le 8 Juin et 119 blocages le 9 Juin. Ces blocages furent importants pour empêcher l'approvisionnement en nourritures de la capitale La Paz.

Les comités de quartier furent mobilisés pour paralyser le pays et, suite à une manifestation « manches longues » de 32 jours, le président bolivien Gonzalo Sanchez de Losada fut obligé de s'enfuir à Miami. Le prix payé fut de 80 morts et 400 blessés victimes de la répression de la police et de l'armée. Le prix est lourd, mais c'est l'unique façon de mettre fin au calbindage et à la politique manfoubin des autorités, comme les Haïtiens en font l'amère expérience avec le tremblement de terre qui a contribué à tuer quelque 300,000 personnes le 12 janvier. Le prix est lourd, chaque fois qu'une vie disparaît sous les balles des malfrats. Dans le cas de la Bolivie, le peuple a accepté de payer le prix lourd de ces morts pour sa libération du poids d'une communauté internationale composée du Brésil, de l'Espagne, de la Banque mondiale, des Etats-Unis, du Fonds Monétaire International, de la Grande-Bretagne et de l'Union européenne qui appuyait le statu quo contre les revendications des couches populaires.


Que fera le gouvernement haïtien si le peuple haïtien s'inspire des manifestations du peuple bolivien qui ont fait partir le président bolivien Gonzalo Sanchez de Losada ainsi que son successeur Carlos Mesa, pourtant soutenu par Washington ? Le moment de la fin approche. Que peut le président Préval si les églises, les syndicats, les patrons, les étudiants, les chômeurs, les personnes sous les tentes, les paysans décident de défendre avec leurs vies le droit à la vie ? Le moment de la fin approche vite avec un seul mot d'ordre : les choses doivent changer pour le meilleur pour le peuple. Les élections doivent se faire pour satisfaire les revendications populaires et non pour éloigner le peuple de ses revendications. Les détenteurs du pouvoir doivent accepter d'être congédiés par des élections libres, honnêtes et sincères qui échappent à leur contrôle. Le président Préval a intérêt à faire marche arrière dans l'intérêt de la reconstruction et de la refondation.


[1] U.S. Senate, Committee on Foreign Relations, Haiti : no leadership – no elections, a report to the members of the Committee on Foreign Relations, United States Senate One Hundred Eleventh Congress, Second Session, June 10, 2010.

[2] "It may have been good for some of my farmers in Arkansas, but it has not worked. It was a mistake — I had to live everyday with the consequences of the loss of capacity to produce a rice crop in Haiti to feed those people because of what I did ; nobody else.", extrait de Ruth Messinger, "What Bill Clinton's Mea Culpa Should Mean", Huffington Post, March 29, 2010.

[3] Sandrine Fréguin et Sophie Devienne, "Libéralisation économique et marginalisation de la paysannerie en Haïti : le cas de l'Arcahaie", Revue Tiers-Monde, No 187, Paris, Juillet Septembre 2006, pp. 630-631.

[4] Claude Prepetit, Tremblements de terre : Mythe ou Réalité, Le Matin, numéro 33083, P-a-P, Haïti, 10-12 Octobre 2008.

[5] Alex Bellande, Rationalité socio-économique des systèmes de production dans la zone de Madian-Salagnac. Thèse de l'université Mac Gill, Montréal, 1987.

[6] Pascal Saffache, « De la dégradation à la restauration des sols : utilisation de méthodes traditionnelles et modernes en Haïti », Le Courrier de l'Environnement de l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), numéro 43, Paris, France, 2001.

[7] Pascal Saffache, Olivier Cospar et Jean-Valéry Marc, Port-au-Prince (Haïti) : de l'inorganisation spatiale aux dégradations environnementales, Université des Antilles et de la Guyane, département de Géographie, BP 7207, 97233 Schœlcher Cedex, Martinique, 2002.

[8] Agronome Michel William, « Semences de mais OGM un jeu de poker á trois », P-a-P , Haïti, 14 juillet 2010.

Des Réformes structurelles devraient être le combat de la société civile haïtienne.

« IDEE CENTRALE DE L'EMISSION DIAGNOSTIC SUR RADIO KONTAK INTER.» Cyrus Sibert, pour la semaine 18 au 24 juillet 2010.

 

Suivez DIAGNOSTIC avec Cyrus Sibert.
Radio Kontak Inter, 94.9 (mardis, mercredis, jeudis à partir de 4 hres p.m.)

Live : http://www.radiokontakinterhaiti.com/webplayer/?stream.sitegenial.94.9=true

Reprise tous les soirs sur Radio Souvenir FM, 106.1 (7 hres p.m.)

Le Ré.Cit. (Réseau Citadelle) : www.reseaucitadelle.blogspot.com


Au 21e siècle la continuité du système d'exploitation coloniale prend la forme de monopole. Si dans le système esclavagiste le gouverneur, le chef de la force expéditionnaire et les grands blancs contrôlaient les forces de production et drainaient toutes les ressources de Saint-Domingue vers la métropole suivant l'esprit du mercantilisme économique, en 2010 quelques groupes monopolistiques utilisent l'Etat et le pouvoir politique pour maintenir la majorité dans l'exclusion. Les revendications populaires de liberté ayant été séquestrées par les généraux et les affranchis fils bâtards de colons blancs après l'indépendance en 1804, le peuple continue d'évoluer en dehors de système éducatif capable de garantir son émancipation.

Un fossé s'est creusé entre un petit groupe de privilégiés et une grande masse d'exclus analphabètes évoluant sans principes d'hygiène, sans soins de santé, dans des espaces non-aménagés.

Après 200 ans, l'écart étant trop grand pour garantir la cohésion nationale, la nation haïtienne est en crise.

Des démagogues ont exploité cet état de crise. Ils ont utilisé des discours populistes pour attiser la haine sans attaquer réellement les bases de ce mal national. Mulatrisme, noirisme, macoute, lavalas, n'ont été que des mouvements « idéologiques » visant à choisir des boucs émissaires pour jeter de la poudre aux yeux du peuple dans le but de faciliter la continuité du statu quo. Car, le petit groupe de privilégiés est toujours au contrôle des ressources de ce pays tout en gardant les masses dans l'exclusion la plus abjecte. Ces quelques familles qui symbolisent l'apartheid économique en Haïti ont été avec les Duvalier, les Généraux, Lavalas, Lespwa. Après le 12 janvier 2010, elles revendiquent le droit de gérer la reconstruction d'Haïti. Leur tactique est simple : supporter les régimes et profiter des avantages de la puissance publique pour ensuite appuyer la conspiration contre les gouvernants afin de leur faire passer comme la cause de la misère des masses.

A l'émission DIAGNOSTIC nous pensons que la reconstruction doit passer par des réformes structurelles capables de mettre un terme à cette spirale de l'exclusion. L'ouverture et le développement du marché haïtien dans une logique de libre concurrence permettra aux masses exclues de vendre leur force de travail, leur savoir-faire et leur créativité, de participer dans l'économie, de profiter des avantages du marché et de la concurrence.  Voila toute la signification de la division du travail qui explique si on va vivre dans la prospérité ou dans la misère noire pour les années à venir. C'est une question de choix conscient. Il n'y pas de conspiration contre Haïti comme les  populistes se plaisent à véhiculer.

Nous croyons aux qualités d'intégration de l'éducation et du travail. Il faut mettre un terme au capitalisme à papa. La reconstruction et la stabilité en Haïti passent par des réformes structurelles en profondeur.

RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 21 Juillet 2010, 14 heures 49.