Un grand rebondissement dans l'affaire Clifford Brandt. Les révélations du Réseau national de défense des droits humains(RNDDH) sont très graves. Les kidnappeurs de Nicolas et Coralie Moscoso n'avaient pas l'intention de les laisser en vie malgré la demande de 2,5 millions de dollars de rançon, selon un rapport du RNDDH. Le plus grave dans tout cela, a poursuivi l'organisme de défense des droits humains, « trois jours après cet enlèvement, l'Inspection générale de la PNH, le ministère de la Justice ainsi que le secrétaire d'Etat à la Sécurité publique détenaient des informations relatives au cas d'enlèvement et savaient qu'il s'agissait d'une opération menée par le puissant gang dirigé par Clifford H. Brandt. Cependant, ils ont choisi de ne pas intervenir pour des raisons non élucidées. »
« Face à ce laxisme, toujours selon le RNDDH, une haute responsable de l'administration américaine (une femme), sollicitée par la famille des victimes, contacte les autorités haïtiennes et exige que le gouvernement haïtien porte secours aux victimes. Ce n'est que suite à cette injonction que le Conseil supérieur de la Police nationale (CSPN) fournit les informations relatives au dossier à la Directon centrale de la police judiciaire DCPJ et ordonne que suites nécessaires y soient données. »
Faux. Archifaux, a rétorqué le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, qui donne sa version des faits au Nouvelliste. « Un dimanche matin, j'ai un ami qui s'appelle Philippe Le Roi, un des membres de la famille Moscoso, qui m'a appelé pour me mettre au courant de l'enlèvement. J'ai appelé de suite le secrétaire d'Etat à la Sécurité publique, il a rencontré la DCPJ et pris rendez-vous avec la famille et ils se sont mis au travail… », a-t-il confié au journal, joint au téléphone mercredi après-midi.
D'un revers de main, Me Jean Renel Sanon a rejeté les allégations du RNDDH selon lesquelles une haute responsable de l'administration américaine a fait injonction au gouvernement de porter assistance aux jeunes Moscoso. « Il n'y a eu l'intervention d'aucun étranger », a soutenu le ministre. Selon lui, certaines gens pensent que rien de bon ne peut être "made in Haiti ", il faut qu'il y ait la présence d'un Blanc.
Une fausse carte de conseiller de Michel Martelly, selon le ministre
Parmi les matériels saisis par la police dans le cadre de cette affaire, le RNDDH a souligné la présence d'une carte d'identification du palais national, dont la date d'expiration est le 21 avril 2012, émise au nom de Clifford H. Brandt, conseiller du président.
« Il s'agit là d'un faux badge. C'est pourquoi le concerné a été déféré au cabinet d'instruction pour faux et usage de faux. D'ailleurs, il a écrit conseiller avec « é ». Il a écrit que ce badge lui donnait le pouvoir de circuler avec toutes sortes d'armes à feu pour les besoins de sa fonction alors qu'il n'existe au palais national aucune carte de cette manière », a expliqué au Nouvelliste le ministre de la Justice.
« Clifford Brandt n'a jamais travaillé avec le président Michel Martelly dans le passé », a déclaré l'ancien secrétaire général du palais national. Selon Me Sanon, il n'y a pas eu de traitement de faveur dans la gestion du dossier Clifford Brandt. « La prison de Croix-des-Bouquets est un pénitencier », a-t-il dit
Interrogé sur son appréciation générale relative au rapport du RNDDH, le ministre de la Justice a déclaré qu' « on peut mentir à tout le monde sauf à soi-même. J'ai des doutes sur le rapport puisque ce qui est dit n'est pas la vérité. » Cependant, Me Jean Renel Sanon a reconnu qu'il n'avait pas encore lu le document mais qu'il répondait à des questions bien spécifiques.
Autres révélations du RNDDH
L'organisme de défense des droits de l'homme a souligné, dans un autre registre, que la collaboration des compagnies de téléphonie, notamment, de la Digicel, a permis aux enquêteurs de la DCPJ de remonter à plusieurs personnes dont Clifford H. Brandt, Edner Comé connu aussi sous le nom de Jackson Travelino, respectivement numéros un et deux du gang, Ernst Pierre, Franck Sintérine, Frediane Jean, Sawadienne Jean, Junior Charles, Odens Marcel, Elissoit Charles, alias I, Jean Marc Murat, Jean Bernard, alias JB, entre autres.
« L'enquête policière révèle aussi l'implication de plusieurs agents de la PNH. Au total, quinze individus sont arrêtés et mis en détention pour enlèvement et séquestration contre rançon, trafic illégal d'armes à feu, faux et usage de faux, usurpation de titre, association de malfaiteurs, détention illégale d'armes de guerre, enrichissement illicite, blanchiment d'argent, menaces de mort. »
Pour les policiers épinglés dans cette affaire il s'agit de « Marc-Arthur Phébé, respon,sable du Cat Team au palais national, Jacques Darly Michelais A4, Fritz Aristide A4, Oneste Gabelus A3 et Gérald Fontelus A1 (A= agent) ».
En ce qui concerne le policier Marc-Arthur Phébé, responsable de Cat Team au palais national, il est aussi responsable de la sécurité de la famille Brandt ainsi que des usines, selon le RNDDH. « Il a sous ses ordres environ 90 employés, dont quatre policiers. Il reçoit un salaire mensuel de deux cent vingt mille (220.000) gourdes, soit un revenu supérieur à celui d'un ministre, pour un travail à temps partiel. »
L'organisme de défense des droits de l'homme a rappelé que, dans le cadre de ce dossier, plusieurs objets ont été saisis par la PNH, dont, entre autres, des armes de guerre, des armes de poing, des sommes d'argent, des uniformes de la PNH et de la DEA, etc. Ils ont été transférés à la justice pour l'instruction judiciaire.
« Le gang dirigé par Clifford H. Brandt opère depuis plusieurs années et a fait au moins treize victimes. L'association est impliquée aussi dans le trafic d'armes à feu. En ce sens, il envoie régulièrement de l'argent aux Etats-Unis d'Amérique pour l'achat de nouvelles armes qu'il fait entrer au pays à l'intérieur de grands haut-parleurs », a révélé le rapport.
Pour le moment, le dossier du présumé kidnappeur est transféré au cabinet d'instruction de la juge Pierre Gabrielle Domingue. Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) estime que « le démantèlement complet et définitif du gang dirigé par Clifford H. Brandt constitue une priorité et sera considéré comme un grand pas dans la lutte effective contre cette forme de criminalité qui ne cesse d'endeuiller la société haïtienne. »