(Photo par Hansy Mars)
(Photo par Hansy Mars)
Oasis of the Seas, un bel événement dans une triste réalité touristique.
Par Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haïti.
Le Ré.Cit. (Réseau Citadelle) :
L'arrivée du bateau Oasis of the seas dans le port de Labadie ce 3 décembre 2009, en plus de marquer l'ouverture du cette station balnéaire située à environ 10 kilomètre de la ville du Cap-Haitien fermée pour la construction de son port d'accueil pour un montant de 50 millions de dollars US, cristallise l'exclusion du peuple dans les initiatives de développement du Haïti. Ce jeudi 3 décembre 2009, la population n'était pas informée de l'arrivée du plus gros paquebot dans les cotes de la ville du Cap-Haitien. Dans la 2e ville, les gens s'occupaient de leur activité habituelle. Questionnés sur l'évènement même, à part ces quelques privilégiés habituels qui se donnent pour mission de collaborer à n'importe quelle condition, la majorité des capois n'était pas concernée.
A Réseau Citadelle, même quand nous choisissons de promouvoir le tourisme, nous sommes profondément choqués par cette situation d'exclusion du peuple, qui n'est autre que la marque déposée de l'arrogance d'une élite qui refuse toute stratégie de développement intégré dans pays le plus pauvre de la caraïbe. Cette mentalité primaire et rétrograde a atteint son apogée ce jeudi 3 décembre 2009 à Labadie. Même entre operateurs du secteur touristique, l'exclusion était le principe directeur de l'organisation de l'événement. L'entreprise Lakay Bar Restaurant, principal point d'accueil et de divertissement des visiteurs dans le Nord, n'a pas été inscrite sur la liste des invités.
L'exclusion est le mal absolu de ce pays. Il y a toujours en Haïti une initiative de récupération des opportunités par des éléments paresseux et sans esprit d'innovation de la bourgeoisie. La mise à l'écart du peuple haïtien, la neutralisation des élus qui devaient œuvrer dans le sens d'une plus large participation, le mépris de la ville dans laquelle ils opèrent au point de ne supporter aucune initiative socioculturelle constituent la règle fondamentale de ce qui ressemble à du ''Colonialisme touristique''.
Après avoir exploité les mines d'or en exterminant les indiens, après avoir instauré une colonie de peuplement dans le but d'enrichir l'Europe au détriment des esclaves noirs, après avoir accumulé à partir de la féodalité post-esclavagiste instaurée pour mieux exploiter les paysans cultivateurs de café et de cacao, une strategie qui a découragé les planteurs et intensifié l'exode rural, aujourd'hui c'est le tour des opérateurs touristiques avec la même idée d'exclusion, d'exploitation et de mépris de l'autre. Il faut mettre un terme à cet état d'esprit apartheid et raciste basé sur l'idée refoulée du concept de la supériorité génétique d'un groupe d'homme sur le reste de la population.
Rien n'est plus choquant que de constater qu'un petit groupe de profiteurs puissent installer, dans la métropole du Nord, un système d'apartheid institutionnalisé et symbolisé par l'exploitation des retombés économiques de la station balnéaire de Labadie. Des familles regroupées en clans se sont arrogé le droit d'exclure la population d'une ville reconnue comme capitale touristique du pays. La construction de la route de Labadie qui depuis plus de 25 ans constitue la principale revendication du peuple n'a jamais vu le jour. C'est le cas pour l'Aéroport du Cap-Haitien. Avec la complicité des monopoles de Port-au-Prince, ces profiteurs sans vision ni esprit créatif trouvent leur intérêts dans le blocage de ces projets. Ils constituent les forces d'inertie du Nord abandonné et méprisé par le régime en place.
Pourtant, la façon la plus directe pour résorber la misère qui règne dans le Nord et créer des opportunités pour les jeunes est l'intégration de la ville du Cap-Haitien dans le développement touristique de Labadie et la construction de l'aéroport de la ville.
Nous vivons avec amertume, l'abandon de la ville du Cap-Haitien par le gouvernement en place. L'absence de plan d'aménagement touchant l'environnement de la ville, les bidonvilles dans les mornes, le système de canalisation, la reconstruction des rues, la délocalisation des marchés, un système de nettoyage et de ramassage des ordures ménagères, une police touristique, le contrôle de l'utilisation des anciennes maisons constituant le patrimoine matériel de la capitale touristique, un effort d'urbanisation et de construction de logements sociaux orientée vers des localités avoisinantes comme la Plaine du Nord, Quartier-Morin, Milot, Acul du Nord, Limonade…
Des monopoles de Port-au-Prince intensifient la colonisation des sites touristiques du Grand nord. Au lieu d'investir dans des projets pour l'aménagement de la zone, ce qui aurait légitimé leur présence dans la région, ils se jettent sur les opportunités en excluant la population.
En ce 3 décembre 2009, les observateurs ne pouvaient pas comprendre l'arrivée du plus gros paquebot du monde dans un section communale de la ville du Cap-Haitien sans la participation des capois. Car dans le temps, les bateaux de croisière étaient pour tout le monde un moyen de se tirer d'affaire. Les bateaux nouvellement arrivés dans la ville organisaient des visites guidées. On accueillait des groupes d'écoliers dans le port et parfois le capitaine du bateau invitait des délégations à monter à bord pour une visite guidée. C'était l'affaire de tout le monde. Inclusivement, on savait que le tourisme était une source de revenus pour tout le monde. Paradoxalement, il y avait de la participation, suivant un esprit démocratique, même au temps de la dictature des Duvaliers.
RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 6 décembre 2009, 16 heures 15.