dimanche 23 décembre 2007

Cap-Haïtien : Le syndicat du port rejette le code ISPS.


Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haïti

48, Rue 23 -24 B
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www.reseaucitadelle.blogspot.com


Ce vendredi 21 décembre 2007, à l’Emission AVEC L’OPINION, Lesly Cherfils et Ronald Valmyr, respectivement Président et porte-parole du syndicat de l’A.P.N. (Autorité Portuaire Nationale), ont rejeté le code ISPS* sur la sécurité des ports internationaux. D’après Lesly Cherfils, le code ISPS n’est qu’un moyen pour les grands commis de l’Etat de renforcer leurs privilèges sur les ports, d’interdire au petit peuple l’accès, réduisant ainsi les marges de manœuvres économiques des plus pauvres. Le chef de file des grévistes qualifie les délégations étrangères, qui supervisent l’application du code, d’imposteurs, des mulâtres de Pétion ville utilisés par le Directeur Latortue pour justifier ses mesures restrictives.

Ronald Valmyr, capitaine du port, a enchaîné en critiquant l’administration du port qui, avec un petit groupe d’employés, essaie de relancer les activités en organisant le débarquement de bateaux durant la nuit.

Faut-il signaler que le corps de sécurité du port a lancé ce vendredi 21 décembre 2007, son mouvement de protestation en vue de réclamer le paiement du mois de décembre. Il a demandé à tout le monde de quitter le port ; les employés grévistes n’ont plus la possibilité d’y accéder. Les agents du corps de sûreté entendent ainsi reprendre le contrôle des lieux et du même coup exiger leur salaire vu que depuis le 29 novembre 2007, ils sont en état d’alerte, travaillant jours et nuits pour ne pas livrer le port au pillage. Selon leur déclaration dans la presse, ils n’entendent affronter ni la police ni la MINUSTAH. Si le gouvernement refuse de résoudre le problème et de leur verser leur salaire, ils déposeront les armes et livreraient le port à la populace.

De son coté, Elusca Charles donne au gouvernement jusqu’au 24 décembre 2007 pour rappeler le maire Michel Saint-croix à l’ordre et relancer les activités du port de la ville du Cap-Haïtien.

En effet, le 18 décembre 2007 à notre émission AVEC L’OPINION, sur Radio Kontak Inter 94.9 FM, Elusca Charles, porte parole dans le Nord de l’O.P.L. (organisation du Peuple en Lutte) et coordonnateur de l’organisation paysanne ‘‘Siklòn Van vante’’ de Limbé, s’est prononcé contre cette situation de blocage du port de la ville du Cap-Haïtien. Selon Elusca Charles, il est clair que le mouvement est politique. Si le gouvernement de Jacques Edouard Alexis n’est pas complice de cet état de fait, il devrait ordonner à la police et à la justice de prendre leur responsabilité tout en négociant avec les employés qui le souhaitent afin de relancer les activités du Port. Il est inconcevable que le gouvernement laisse un maire en délire bloquer les activités du port au mépris des centaines de milliers de familles qui en souffrent, du commerce et des recettes de l’Etat.

D’après les observateurs, le gouvernement PREVAL/ALEXIS, toujours dans sa logique de centraliser le commerce au profit de grands commerçants proches du pouvoir, n’a aucun intérêt à résoudre la crise. La grève des employés du port du Cap-Haïtien va dans le sens de cette politique économique et fiscale, vu qu’on reproche aux commerçants des villes de province des pratiques de contrebande et d’évasion fiscale. Le gouvernement qui avait, dans une note rendue public au mois de novembre 2007, fait obligation aux commerçants du Nord de payer leur bordereau de douane à Port-au-prince, en tire une fermeture de fait du port du Cap-Haïtien. Car cette grève renforce la déception des importateurs qui fréquentent Cap-Haïtien, le second Port international d’Haïti. Ils n’auront d’autre choix qu’à faire passer leurs marchandises par la capitale Port-au-prince.

Comme nous l’avons signalé dans l’un de nos textes sur la situation du secteur privé capois, l’international fait obligation à l’Etat haïtien de renforcer ses capacités et de collecter les 15% de taxes - en moyenne - qui devraient lui revenir sur les biens et services importés. Si Haïti arrive à collecter ces fonds, il pourrait financer une grande partie de son budget. Sur la frontière haïtiano-dominicaine, il est de plus en plus difficile de faire passer un camion de marchandises. Car il faut avoir un papier dénommé AV qu’on ne peut trouver qu’à Port-au-prince.

Pour vous dire que les grévistes du port de la ville du Cap-Haïtien, supportés par le maire Michel Saint-Croix, rendent un grand service à l’Etat central qui opte pour la centralisation des importations. Le déblocage du port de la ville du Cap-Haïtien n’est pas une priorité pour René Préval. Les commerçants cherchent déjà de nouveaux fournisseurs à Port-au-prince pour des produits comme le sucre, la farine, le riz, le fer. Ils entendent s’approvisionner comme au temps de Jean-Claude Duvalier. Cap-Haïtien est sur le point de devenir un port de cabotage. C’est ce qui arrive quand on a un gouvernement de monopoles, un maire autiste et des syndicalistes incapables de mener en toute indépendance un mouvement de revendication salariale ou de négocier une win win situation. L’extrémisme étant la maladie infantile de notre nation, la principale cause de notre instabilité politique chronique, on peut toujours compter sur nos agissements pour prétexter notre mise sous tutelle. Les déclarations du Président du syndicat des employés dans la presse contre le code ISPS ne font que renforcer ceux qui souhaitent rétrograder le port du Cap-Haïtien.

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
22 décembre 2007


* Code ISPS (Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires)

jeudi 20 décembre 2007

ELECTIONS SENATORIALES: LE PLAN DE PREVAL ET JACQUES BERNARD.


Source : http://www.omegamilitaryconsultant.com/news/publish/article_1187.html
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Dec 18, 2007, 10:17

Novembre 2006


Les hommes politiques rancuniers et tetus n'apprennent jamais rien. Ils sont comdamnes a repeter les memes erreurs. Le 6 Avril 1997 Preval voulait manipuler les elections il n'a pas reussi. En Janvier 2008 il pense revenir a la charge et imposer les resultats des elections senatoriales fabriquees. Preval a besoin des 11 senateurs pour concretiser son coup d'etat contre la constitution. Deux initiatives sont en cours. Une premiere pour s'attaquer aux individus qui peuvent gagner les elections et leurs sponsors. La deuxieme prendre le controle du CEP pour manipuler les resultats des elections. Dans l'execution de la premiere initiative, il s'attaque a plusieurs secteurs. Il essaie d'endormir Chavannes Jeune pour avoir le senateur du Sud et manipuler le choix du membre du CEP. Malheureusement pour Preval beaucoup de partis ont deja decide qu'ils n'enverront personne en face de Fortune. Pour le Sud son choix semble se porter sur un vendeur de drogue connu sous le nom de Mathelier. La Grande Anse, il compte sur Clerie, alors qu'Andris Riche ide l'OPL a deja son poulain. Nous ne savons pas encore les pieges prepares pour Andris Riche. Sera-t-il victime d'un kidnapping ordonne et execute par Amaral Duclona qui se trouve dans la Grande Anse? Dans l'Artibonite LAA est imbattable ils obtiendront les deux postes de Senateur. Des accusations et attaques sont prevus contre les leaders du LAA. Claudy Gassant sera utilise pour mener ces attaques politiques sous une courverture legale. Preval a choisi le lavalassien qui etait le premier senateur lors des elections truquees du 21 Mai 2000 comme son candidat pour le Nord Est. Il a d'ailleurs introduit ce dernier aux elus locaux lors d'une recente reunion au palais. Ce candidat ne peut pas reussir, l'homme qui a le controle politique du Nord Est est le premier senateur de la FUSION Rudy Boulos. Des manipulations politiques sont en cours pour attaquer le senateur Rudy Boulos. Preval pense utiliser Claudy Gassant et Guyler Delva membre de la commission des journalistes de Preval pour attaquer Boulos. Selon une source credible du palais le montage politico-judiciaire contre Boulos a deja commence. Pour le Departement des Nippes l'ancien ministre de l'interieur Jocelerme Privert l'un des presumes responsables du massacre de la scierie sera le candidat. Pour le Nord Ouest Luc Fleurinor ancien candidat a la presidence sera le gagnant de ces elections. Pesonne ne sait pour le moment l'affiliation politique de Fleurinor. Preval supportera le jeune frere du Senateur Joseph Lambert comme candidat pour le Sud Est. Joseph Lambert a ete affaibli par Preval lors de l'affaire du bateau contenant de la drogue dont il est le proprietaire. Preval fait de son mieux pour transformer le senateur Joseph Lambert en son agent. Le senateur du Plateau central emergera des resultats du dialogue entre la FUSION, Chavannes Jean Baptiste et l'OPL. Preval essaie de voir comment contourner cette realite par la manipulation. Le Nord est imprevisible. L'Ouest va etre l'objet de manipulations et d'affontements surant la periode pre-electoral. Le senateur Evelyse Cheron va se retirer pour raison familiale, elle ne se presentera pas aux elections. L'affaire Lovinsky et le kidnapping de Maryse Narcisse a laisse un gout amer chez Fanmi lavalas. So Ann doit decider comment aborder la question. En attendant les chimeres ont recu des instructions pour recommencer avec le kidnapping.


Pour le CEP Preval manipule les secteurs et choisit sur le volet les hommes du CEP. L'objectif est d'avoir 7 membre faibles et deux hommes forts pour mener a bien le projet. Francois Benoit trop honnete trop competent sera mis de cote avec la collaboration du secteur prive proche de Preval. Cette fois pour le coup d'etat electoral Preval pense pouvoir miser sur un homme clef pour delivrer la marchandise que Leon Manus avait refuse. Dans la tete de Preval et ses proches du secteur prive Jacques Bernard peut delivrer cette marchandise qui doit etre des resultats fabriques. La premiere etape serait faire delivrer la marchandise par Jacques Bernard en lui promettant de le nommer Premier Ministre apres. Un grand pari!


Aux yeux de beaucoup d'observateurs Jacques Bernard acceptera et marchera dans la farine. Pour d'autres il ne le fera pas . D'autres pensent qu'avec sa femme qui controle les fonds des elections et de la democratie a l'USAID en Haiti ne laissera pas faire non plus.



Personnellement je pense que Jacques Bernard ne resistera pas. Je vous invite a Kale je nou pou nou pa pran nan kou. Fok nou kale je nou pou pa genyen magouy elektoral e pou eleksyon yo lib, honet et demokratik. "an ounce of prevention is worth a pound of cure." We need to treat this situation before it descends into complete chaos.

mardi 18 décembre 2007

Le Maire du Cap-Haïtien sur Radio Vision 2000 : Vérités et mensonges.


Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haïti

48, Rue 23 -24 B
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Ce mardi 18 décembre 2007, le maire Michel Saint-Croix intervenait sur Radio Vision 2000 à l’espace Invité du jour. Il répondait aux questions de Valéry Numa, le présentateur vedette de l’Emission. Sous la foi du serment, prenant Dieu en témoin, Michel Saint-Croix a dit des choses pas trop conformes avec la vérité. Donc, nous tenons à faire la lumière sur ces points et permettre à nos lecteurs de comprendre la réalité.

Michel Saint-Croix : En février 2007, Rico, un agent de sécurité de l’APN avait utilisé du gaz lacrymogène contre le Maire Fritz Joseph alias Fito sans raison. Rico un ancien assaillant agissait ainsi contre Fito pour raison politique.

La vérité : Fritz Joseph le troisième membre du cartel de la Mairie, après le résultat officiel de son élection à la tête de la municipalité, décida d’accompagner les manifestants de l’EV22 (Employés Victimes du 22 février 2004 - date de la prise de la ville du Cap-Haïtien par les rebelles de Guy Philippe). Depuis la campagne électorale, le cartel Lavalas avait promis aux membres de EV22 qu’il agira en vu de permettre à tous les Lavalassiens, victimes, de regagner leur poste au port. Donc, Fritz Joseph, étant élu, se croyait pouvoir utiliser son statu de Maire élu pour permettre aux manifestants de pénétrer dans le port. Arrivé à la barrière de sécurité, il fut interpellé par Rico qui était de service ce jour là. Rico demanda au Maire de se conformer au code de sécurité, de présenter une pièce d’identité, de se laisser fouiller par le service de sûreté et d’ordonner aux membres de EV22 qui l’accompagnaient de l’attendre au dehors. Fritz Joseph refusa. Les membres de EV22 qui étaient devant le port incitèrent le maire élu en qualifiant d’humiliation les exigences de Rico. Le maire se rebella et l’agent Rico résista en utilisant sa bombonne de gaz lacrymogène.

Michel Saint-Croix : Rolex et Rico deux agents du port ont tiré sur les manifestants le 17 décembre 2007 provoquant plusieurs blessés.

La Vérité : Le corps de sécurité est le principal problème de ceux qui cherchent à renvoyer Jean-Renet Latortue. Ils n’arrivent pas à infiltrer le corps de sûreté. Techniquement, on peut perdre son temps à manifester dans la cours du port autant qu'on n'arrive pas à prendre possession du bâtiment administratif. Donc, il y a une concentration d’attaques contre les hommes jugés fidèles au directeur. Normalement, dans les anciennes opérations de déchoucage, ceux qui cherchaient à renvoyer l’administration, réussissaient facilement, à l’aide du corps de sécurité, à envahir et à prendre contrôle des installations du port. Cet état de fait met le directeur qu'on cherche à renvoyer dans une situation d’insécurité face à des hommes armés qui lui sont hostiles en partenariat avec les déchouqueurs. Donc, Rico, Rolex et Michel Magny (le chef de sécurité) sont les éléments à stigmatisés, à intimider. Comment le Mairie a-t-il pu savoir que les tirs de sommation venaient de Rolex et de Rico ? De plus, les employés du syndicat qui sont blessés le lundi 17 décembre 2007, ont été victimes d’une bousculade. Car, la sûreté du port qui avait très tôt dans la matinée, soit depuis 4hres am, pris contrôle de la barrière principale pour empêcher aux grévistes de contrôler cette position comme ils le font depuis environ deux semaines, a dû tirer en l’air pour défendre ce point de contrôle et repousser l’offensive des manifestants qui voulaient les déloger. Pris de panique, ces derniers se sont bousculés et ont pris la fuite, ce qui a provoqué blessures et fractures. Quelques minutes plus tard, des unités de la police et de la MINUSTAH sont finalement arrivées sur les lieux en vue de rétablir l’ordre. Aucun impact de balles n’a été diagnostiqué sur les personnes victimes. Alors, citer le nom d’agent de sécurité sur les ondes de Radio Vision 2000, fait montre d’une volonté d’acculer ces employés de la sûreté qui refusent de marcher dans la logique du Maire et de ses hommes contre l’administration du port.

Michel Saint-Croix : Le directeur refuse de collaborer avec la Mairie.

La vérité : Dans le Nord, le port est considéré comme une vache à lait au service des hommes au pouvoir. C’est une tradition qui remonte depuis Jean-Claude Duvalier. Les miliciens et les tontons macoutes y agissaient comme ils voulaient au mépris de l’administration. Dans les émissions sur l’APN/Nord on répète : le port à été construit pour supporter la clientèle des pouvoirs en place. Donc, collaborer est synonyme de laisser-faire ce qu’on veut avec l’argent du port. Permettre aux partisans de bénéficier de l’argent du port est l’une des promesses électorales faites par le cartel en place. Pour preuve, la seule réalisation que le maire ait été capable de citer est l’augmentation du personnel de la Mairie. De plus, le cartel en place avait fait campagne en citant nommément le nom de Jean-Renet Latortue comme un ennemi, une personne à expulser de la ville. Il avait utilisé des diapositifs pour indexer en public des entreprises privées -Hôtel Mont-Joli, Lakay Restaurant et tant d’autres - comme des bourgeois à détruire : les ennemis du peuple. Lors de l’investiture du cartel, un homme d’affaire contre qui on avait prêché la haine et qui, malgré tout, acceptait de prendre part à la cérémonie en signe d’ouverture, fut insulté par des hommes du maire dans l’enceinte même de la Maire, en brandissant des menaces fiscales : Boujoi yo pral konnen. On peut comprendre que Michel Saint-Croix n’inspire pas confiance à tout le monde.

En conclusion le Maire Michel Saint-Croix a le mérite de ne pas cacher son implication dans la violence qui perturbe les activités du port de la ville. Il a même traité Jean-Renet Latortue d’ancien directeur de l’APN/Nord. Comme nous l’avons mentionné dans nos différents textes sur le siège du port de la ville du Cap-Haïtien, il prend fait et cause, allant jusqu’à poser les conditions pour une reprise des activités.

Michel Saint-Croix : Il y a une petite possibilité de sortie de crise, si Jean-Renet Latortue accepte de collaborer. Mais cela doit se faire à la Télévision pour que publiquement, il puisse prendre l’engagement de respecter le cartel à la tête de la Mairie et de collaborer.

La vérité : Le Maire a ainsi confirmé la thèse de manipulation politique du syndicat. Seul, il pose les conditions pour une reprise des activités sans se référer au syndicat qui mène le mouvement à l’intérieur. Le Sénateur Kelly Bastien est sûrement mécontent. Car, il avait insinué que la presse locale, à travers ses reportages, induit le président Préval en erreur : Il n’y a rien de politique dans tout cela ! A bien suivre le Maire Michel Saint-Croix à l’Emission de Valérie Numa, on peut aisément déduire que les causes du conflit sont personnelles. Depuis son investiture à la mairie du Cap-Haïtien, Saint-Croix a eu un conflit avec le Délégué Georgemain Prophète - un petit problème personnel, a-t-il répété après Valérie Numa. Le maire Michel Saint-Croix est aussi en conflit avec le Directeur Départemental des Travaux publics. Ce dernier avait appelé ses supérieurs pour annoncer sa démission au cas ou le Maire continuerait de l’injurier sur les ondes des médias de la ville. Le policier responsable du Service circulation au niveau du Commissariat municipal fut agressé publiquement par le Maire Fritz Joseph parce qu’il avait, lors d’une conférence conjointe, émis des réserves sur les provisions légales qui habilitent le Cartel à diriger la circulation des véhicules et surtout, à imposer aux pauvres propriétaires de motocyclette des amandes allant jusqu’à 2,500 gourdes. La juge Emania Fatal a été sommée de quitter le local de la Mairie et de ne pas exécuter un mandat d’emmener contre un agent de sécurité de la Mairie. Sans compter les nombreux cas de violations des droits humains, d’arrestations illégales, de bastonnades des petits marchands, de séquestration, de détournement de fonds collectés en secret à l’étranger au nom et pour la Mairie du Cap-Haïtien, la violation des locaux de Radio Kontak Inter, les conflits ouverts avec des représentants de la presse locale dans l’exercice de leur travail, on peut en conclure que Michel Saint-Croix est un agent catalyseur de conflits.

Comment le maire d’une ville peut-il bloquer les activités d’un port régional au mépris des centaines de milliers de citoyens et cela, pour des raison personnelles? A-t-il consulté les autres maires de la région avant de lancer sa petite guerre? Y a-t-il un principe démocratique dans cet agissement? Peut on tolérer de tel comportement au nom de l’autonomie administrative de la municipalité?

La vérité sur nos préoccupations.

Ceux qui ont vécu en Haïti de 2001 à Février 2004 connaissent le rôle de l’administration publique et spécifiquement de l’APN dans la répression. Les ports constituaient la plaque tournante des gangs liés au pouvoir d’Aristide. Au Cap-Haïtien, les agents de sécurité du port étaient à l’oeuvre à chaque manifestation contre le régime d’Aristide, utilisant l’armement du port pour attaquer les citoyens qui sortaient des rassemblements. Les attaques contre les stations de radio ont été menées par les hommes du port. Ces derniers organisaient au niveau de leur quartier un gang qu’ils appelaient armée, pour réprimer les opposants du régime. Au Cap-Haïtien, on a connu l’armée Ti barbe de Richard Estimable. Les hommes de ce dernier ont incendié des maisons, des entreprises, assassiné des opposants, etc. L’attaque contre Radio Hispaniola au Trou du Nord et l’attentat contre le journaliste Pierre Elie Sem, correspondant de Radio Métropole, fut l’oeuvre de ces hommes qui ont été appuyés par l’Unité BS (Brigade Spéciale) de la police municipale dans leur crimes.

Aujourd’hui, le port de la ville du Cap-Haïtien ne représente plus une menace pour personne. Il est un espace administratif neutre. On ne peut dire que l’APN agit, aujourd’hui, contre un groupe politique. Nous souhaitons qu’il reste ainsi. Tout problème au niveau de cette institution doit être résolu administrativement. En cas de scandale, on doit procéder administrativement. C’est-à-dire, des enquêtes initiées par des organes de l’Etat préposés à cette tâche suivies de remplacement du cadre fautif par un autre cadre de l’Autorité portuaire. Pour nous, le mieux serait de privatiser les ports ou de les mettre dans le budget national. Des entreprises d’Etat comme l’APN (Autorité Portuaire Nationale), l’ONA (Office d’Assurance Vieillesse) et l’OAVCT (Office d’Assurance des Véhicules Contre Tiers) doivent être repensées. Comme la compagnie d’Etat de téléphones Téléco, elles sont improductives ; et pire, elles alimentent le clientélisme, encaissent mal l’argent du citoyen, pour ne rien donner en terme de service. Les changements - obligés - qu’on observe dans les ports du pays, sont une conséquence des exigences internationales. On ne devrait pas attendre une injonction de la communauté internationale pour réformer les autres institutions et les adapter à une logique d’efficacité et d’efficience.

Cyrus Sibert,
Cap-Haïtien, Haïti
18 Décembre 2007

lundi 17 décembre 2007

Le port du Cap-Haïtien, point stratégique pour les extrémistes du parti Lavalas.


Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haïti
Rémy Saint-Juste, le chef de sécurité de la mairie du Cap-Haïtien, annonce sur les ondes de radio Vénus FM, ce dimanche 16 décembre 2007, l’intensification de la mobilisation contre l’administration du port de la ville. Aux dires de cet homme de main du maire Michel Saint croix, l’étau va se resserrer autour de Jean-Renet Latortue, le Directeur de l’APN : Il va devoir partir.

En moins d’un mois, la situation politique a évolué dans le Nord. L’organisation politique Fanmi Lavalas/Branche Nawoon Marcellus, après l’organisation d’un rassemblement, le 24 novembre 2007, sous le thème Congrès pour le retour, retour pour le congrès, a lancé ses mots d’ordre: Lavalas va reconquérir le pouvoir.

Au Gymnasium de Champs de mars, Cap-Haïtien, ils étaient plusieurs milliers à répondre à l’invitation de Nawoon Marcellus, malgré les attaques de Moise Jean-Charles, qui visaient à disqualifier l’ancien député Lavalas de la Grande-Rivière du Nord. Durant toute la semaine qui a précédé le rassemblement, on pouvait écouter, sur Radio Vénus FM, à l’Emission AMBA KAYIMIT, des hommes de Moïse Jean-Charles argumenter contre le congrès, le qualifiant de simple rencontre vu que les statuts du parti n’autorisent pas n’importe qui à rassembler les délégués sans la présence du Leader historique Jean-Bertrand Aristide. Lavalas est ainsi divisé, au moins, en deux branches dans le Nord : Moise Jean-Charles et Nawoon Marcellus. Les deux hommes se disputant les élections sénatoriales à venir.

Le jour de la rencontre, Nawoon Marcellus a confirmé son savoir-faire sur le terrain de la politique haïtienne. Plusieurs milliers de sympathisants sont venus de tous les coins et recoins du département du Nord. Le gymnasium était comblé, plein à craquer. Les lavalassiens ont ainsi renouvelé leur appartenance au parti et renforcé le leadership de Nawoon Marcellus. Pour la rencontre, le Père Gérard Jean-Juste et la prêtresse connue sous le nom de So Anne avaient fait le déplacement. Ensemble, ils ont critiqué le gouvernement de René Préval, la cherté de la vie, l’occupation du territoire national et la trahison de René Préval.

Ils ont juré de démasquer les traîtres de la trempe de Moise Jean-Charles, qui travaillent au coté de René Préval pour un Lavalas sans Aristide, de récupérer le pouvoir avec ou sans magouilles électorales, de libérer le pays de la présence étrangère, de baisser les prix et de faire revenir Jean-Bertrand Aristide. Aux dires des intervenants, Lavalas aura 11 candidats au Sénat, donc 11 Sénateurs siègeront au parlement à partir de 2008.
Et pour finir, Nawoon Marcelus a lancé la fameuse diatribe : tous les lavalassiens doivent travailler! Nous allons déchouquer les directeurs de facto (ceux qui ont pris poste en 2004, après le départ de Jean-Bertrand Aristide) et récupérer nos places au sein de l’administration publique.

Qu’on soit pour ou contre, c’est un fait que Nawoon Marcellus a réussi son pari. Il arrive à propulser son parti. Le 3 décembre 2007, il avait joué un rôle important dans l’élection de Michel Saint-Croix. Même quand aujourd’hui les deux hommes sont divisés sur la composition de l’administration de la Mairie de la ville, aux yeux des sympathisants, c’est grâce à lui que Michel Saint-Croix est élu Maire. En retour la Mairie de la ville sert d’espace de pouvoir provisoire pour le financement et la mobilisation en vue d’atteindre d’autres objectifs politiques. Le leadership de Nawoon Marcellus prend actuellement une dimension nationale. Durant la semaine du 9 décembre 2007, il a été, dans le plateau central dans le cadre d’un autre Congrès pour le retour, retour pour le congrès, haranguer l’assemblée avec ses mêmes diatribes.

Une semaine après ce rassemblement-congrès du 24 novembre au Cap-Haïtien, un mouvement est lancé au niveau du port de la ville. Des employés se sont laissés manipuler par le maire Michel Saint-Croix. Une revendication qui, au départ, paraissait noble, est manipulée à des fins politiciennes. Le Maire de la ville du Cap-Haïtien qui avait financé le rassemblement-congrès avec les fonds de la Mairie, était aux abords du port, mobilisant les grévistes de l’intérieur avec sa troupe d’employés et de fanatiques Lavalas massés au dehors. Sous les regards passifs des forces anti-émeutes de la police capoise, les manifestants attaquaient le port et pressuraient les gardiens afin de créer une brèche dans la barrière de sécurité et d’envahir l’espace. L’inspecteur de police Eddy Sylvain, affecté au sous-commissariat à l’APN, a eu toutes les peines du monde pour supporter les gardiens du port dans leurs efforts et ne pas laisser piller les marchandises et les biens entreposés dans le port de la ville. Il fut taxé de flatteur par d’autres policiers qui assistaient passivement parce que, d’après eux, le directeur Jean-Renet Latortue ‘‘PA SÈVI’’ (Ne leur accorde pas des privilèges, il ne partage pas avec eux l’argent du port).

Dans leur Emission KAFOU VERITE sur les ondes de Radio Télé Vénus FM, les propagandistes du parti n’ont pas caché l’implication de Lavalas dans le mouvement. Ils saluent le courage du Maire Michel Saint-Croix et le remercient pour son support financier au rassemblement-congrès Lavalas tout en annonçant aux autres directeurs de l’administration publique leur décision de récupérer leur poste. Après l’APN (Autorité Portuaire Nationale), ce sera le tour de l’AAN (Autorité Aéroportuaire Nationale), de la Direction Départementale de l’Education Nationale, de l’OAVCT (Office d’Assurance des Véhicules Contre Tiers), de la DRI (Direction Régionale de Impôts), de la Délégation (ancienne préfecture) et des vice délégations.

Alors, les observateurs dans le Nord comprennent mal la position du Sénateur Kelly Bastien quand il déclare dans la presse : le président a été mal renseigné, il n’y a rien de politique dans le blocage du port de la ville du Cap-Haïtien.

Si les revendications des employés constituent la pointe de l’iceberg, le projet politique des extrémistes du parti lavalas menés par Nawoon Marcellus en est sa base. Elle est massive et projette d’augmenter les sources de revenus pour la prise du pouvoir lors des élections à venir. Le Sénateur Kelly Bastien semble être limité par l’opportunité qu’offrira un vide à la tête du port du Cap-Haïtien. Car un éventuel départ de l’actuel directeur Jean-Renet Latortue lui permettra de placer un poulain afin de lui permettre de satisfaire sa clientèle et de drainer des fonds vers sa plate-forme politique - personnelle.
Il semble ignorer qu’un départ dans les conditions actuelles du Directeur de l’APN sera un mauvais précédant. Cela encouragerait, tous ceux qui ont été, pour une raison ou pour une autre, renvoyés de l’administration publique, à se mobiliser en vue de récupérer leur poste, même quand ils avaient reçu des fonds de l’Etat en guise de prestations légales et de dédommagement. Cette situation provoquerait un chambardement total au sein de l’administration publique, ce qui fera le jeu politique de Nawoon Marcellus le chef de file des extrémistes lavalas. Car déjà, ils critiquent les modérés, ceux qui acceptent de composer avec les bourgeois, les partis de l’ancienne opposition à Aristide et la communauté internationale (les blancs). Un changement dans le port de la ville du Cap-Haïtien serait un désaveu pour ceux du parti Lavalas qui ont toujours conseillé aux sympathisants de suivre la ligne démocratique, de se renforcer en se conformant aux principes du système politique actuel. Il prouvera qu’on peut toujours revenir au passé.

Au Cap-Haïtien, on fait état d’une alliance entre Nawoon Marcellus et Dany Toussaint. Sur les murs des quartiers populeux, des graffitis ABA MOISE JEAN-CHARLES, VIVE NAWOON MARCELLUS, VIVE DANY TOUSSAINT sont inscrits. On signale que l’ancien Sénateur de l’Ouest Dany Toussaint est, comme le maire Michel Saint-Croix, l’un des principaux contributeurs pour la réussite du rassemblement-congrès Lavalas. Dans le Nord, le panorama politique est plus compliqué qu’on le pense. Il faut plus qu’une simple approche opportuniste et des conseillers désintéressés pour aider le gouvernement à prendre de bonnes décisions.
Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
16 Décembre 2007

jeudi 13 décembre 2007

Haïti : Pouvoirs contre pouvoirs ou les mécanismes de fonctionnement d’une bossalocratie


mercredi 5 décembre 2007

Par Eric Sauray [1]

Soumis à AlterPresse le 25 novembre 2007

La norme et le hors norme dans le football

La politique est un jeu . [2]

Elle comporte des règles de participation à la lutte pour l’accession au pouvoir. Elle comporte aussi des règles applicables dans l’exercice du pouvoir.

Le respect de ces règles assure le bon déroulement du jeu [3]et donc un fonctionnement normal et régulier des institutions. Leur non respect conduit à l’anarchie, la crise et au changement de règles.

Ces règles déterminent donc les comportements des acteurs politiques. Elles servent aussi à disqualifier ceux qui les transgressent. Elles servent enfin à qualifier les régimes. C’est ainsi dans les grandes démocraties contemporaines . [4]

Ce n’est pas le cas dans les Etats désorganisés, où la règle est trop souvent et volontairement bafouée, méprisée et violée. Pour ces pays, même en présence de règles, on a le plus grand mal à qualifier le régime. C’est le cas d’Haïti.

En effet, qui peut dire quelle est la nature du régime politique haïtien actuel ?

On peut tenter des qualifications, en fonction des normes rationnellement établies et des exemples étrangers. Mais, compte tenu de la spécificité d’Haïti, on a de fortes chances de se tromper.

Mais, l’objectif du théoricien est de chercher encore et encore, et de s’inspirer de ses observations afin d’apporter des solutions. C’est ainsi que je me suis inspiré du football pour avancer une proposition de qualification du régime politique haïtien actuel.

Après tout, ces dernières années ont vu le football accéder au statut de science pour servir les causes des théoriciens de la géopolitique. Les coupes du monde sont l’occasion d’élaborer des thèses qui expliquent les grandes tendances de la mondialisation , [5] l’émergence des puissances globales ou la fin de certains empires. Dès lors, je m’autorise le droit d’aller chercher dans le football, un concept pour qualifier le régime spécifique sous lequel vivent les Haïtiens.

En football donc, les deux équipes qui jouent une partie se mettent d’abord d’accord sur les règles. Le joueur, qui ne respecte pas les règles et qui fait des actes non autorisés, hérite d’un carton jaune ou est exclu. Il y a donc une sanction.

Que le joueur soit d’accord ou pas, il devra se soumettre à la sanction. Si sa réaction est trop violente, il sera condamné plus sévèrement au nom de la pérennité du jeu, de ses instances dirigeantes et de ses valeurs.

De même, lors d’un match, après la fin du temps réglementaire et de la période de prolongation, le jeu est terminé pour les équipes, pour l’arbitre et ses assesseurs, pour le public et tous les professionnels qui vivent de ce sport.

C’est une norme. Elle ne se discute pas.

Ainsi, y a-t-il la norme (le temps imparti pour le jeu) et la tolérance par rapport à la norme (les prolongations admises). Hors de cette norme, on n’est plus dans le jeu.

D’autres règles s’appliquent. Elles ne relèvent pas de la présente note doctrinale.

Au football, il y a des grands, des bons, des moyens et de mauvais joueurs. A travers le monde, les mauvais joueurs sont qualifiés de brutes et ont mauvaise presse.

La notion de brute ne me permettra pas de qualifier le régime politique haïtien. Je ne la retiens donc pas.

En revanche, en Haïti, les mauvais joueurs sont connus sous l’appellation de Bossales. La notion de Bossales n’existe pas en français.

Et même si elle fait partie du vocabulaire sociologique franco-haïtien grâce aux travaux originaux de Gérard Barthélemy , [6] elle ne fait pas partie du vocabulaire politique universel.

Je prends le droit de l’utiliser et espère qu’il connaîtra ainsi un sort heureux et sera désormais utilisé pour parler du régime politique haïtien.

Ce choix s’explique par la clarté de la notion et parce qu’elle fait déjà partie de l’imaginaire politique des Haïtiens.

En effet, en Haïti, le Bossale donc c’est celui qui, dans le football, ne respecte rien. Il fait le contraire de ce que prescrivent toutes les règles. Il est violent et, surtout, il n’accepte jamais la sanction qui lui est infligée. Ce qui fait qu’à cause de lui, un match peut dégénérer très vite. Et quand, sur un terrain, il n’y a que des Bossales, le match est insipide, violent et on désespère du football.

La transposition d’un concept footballistique dans le champ politique

Je transpose maintenant mon raisonnement sur le terrain politique haïtien.

Que vois-je en observant l’arène politique ?

Des hommes de pouvoir qui revendiquent leurs propres règles, qui désignent leurs propres juges, qui refusent l’application à leur encontre de toute sanction et qui violent allègrement les lois, sous prétexte que, de toutes façons, elles n’ont jamais été appliquées.

Pire. Quand je transpose mon raisonnement au fonctionnement des institutions haïtiennes, que vois-je ?

Des institutions qui s’affrontent. Le Président (le pouvoir exécutif) est opposé au Parlement (pouvoir législatif). Le parquet (branche du pouvoir judiciaire) est opposé au Conseil Electoral. Le Parquet est opposé à la Police. Chacun revendique sa propre loi ou son propre juge. Chacun conteste l’autorité de l’autre et invente des règles qui n’existent pas, tandis qu’il rejette celles qui existent, même lorsqu’elles sont claires.

Les citoyens ne sont pas en reste.

Un homme, arrêté sous des accusations graves, réunira ses partisans, au lieu de soumettre son cas à un juge. Un individu, sanctionné par ses supérieurs hiérarchiques, manifestera son refus de la règle et de la sanction en utilisant les moyens les plus répréhensibles.

Un citoyen, opposé à un autre dans un litige, ira chercher son cousin policier pour régler l’affaire au plus vite par quelques coups de bâtons et un emprisonnement dans les formes haïtiennes les plus classiques : sans aucun procès et suivant le bon vouloir du plus fort.

Les mécanismes de la bossalocratie

Ainsi, considéré-je donc qu’en Haïti, nous avons affaire à une bossalocratie. Une bossalocratie, parce que la séparation des pouvoirs est entendue et pratiquée comme un clivage des pouvoirs.

Ainsi, au lieu d’une coopération des pouvoirs, assiste-t-on à des affrontements entre pouvoirs où le but est de savoir qui est le vrai chef.

Nous sommes dans une logique de pouvoirs contre pouvoirs.

Il n’y a donc pas de contre-pouvoirs.

Dans ce type de régime, personne n’est exemplaire. Du citoyen au chef de l’Etat, toute la société est dans un combat de suprématie, où chacun doit prouver qu’il est le seul détenteur du pouvoir.

Et comme tout le monde raisonne de la même façon, c’est l’anarchie, la crise et le chantage permanents.

En bossalocratie, les meilleurs sont la risée des plus forts et des plus fourbes qui leur barrent les allées du pouvoir au nom des deux étalons les plus injustes du monde : le nombre et l’épiderme.

En bossalocratie, les gredins ont la priorité sur les théoriciens.

En Bossalocratie, les droits humains sont une pure pétition de principe, puisque n’importe qui peut violer les droits de tous les citoyens en toute impunité.

En bossalocratie, les citoyens croupissent dans une misère inhumaine. C’est l’impasse la plus complète, parce que les institutions sont paralysées et parce que les Bossales ont encore le culot d’imposer aux citoyens des règles rigides décalées et sans rapport avec le monde d’aujourd’hui. Des règles qu’ils ne respectent pas, mais que toute la société doit subir sous prétexte que le peuple avait voté.

Cela pousse les citoyens à fuir afin de se retrouver dans des territoires moins hostiles, alors qu’ils pourraient rester dans leur pays pour le construire au lieu d’assister, comme Jacques Stephen Alexis, en son temps déjà, à cette : « marche inexorable de la terrible maladie, cette mort lente, qui chaque jour conduit notre peuple au cimetière des nations comme les pachydermes blessés à la nécropole des éléphants. » [7]

La force et la ruse comme moyen de résolution des problèmes politiques

En bossalocratie, tout est fondé sur le rapport de forces, la ruse, la fourberie et la capacité de nuisance.

Et comme il s’agit d’affrontements entre pouvoirs, à un moment une décision tombe par le fait du prince.

Les derniers événements politiques en Haïti nous permettent d’illustrer nos propos.

Un Conseil Electoral a été formé en 2005 pour organiser des élections. Depuis 2006, il ne cesse d’organiser des scrutins les uns plus douteux que les autres.

A cause des dissensions [8] au sein de l’organisme, le cycle électoral n’a pu être bouclé. Il se trouve donc que des élections doivent être organisées pour renouveler le tiers du Sénat (Pouvoir législatif).

Le Président de la République (Pouvoir Exécutif) veut des élections, mais constate que le mandat du Conseil électoral est arrivé à son terme. Il se prononce en privé pour la formation d’un nouveau Conseil Electoral.

Et nous voilà partis dans un imbroglio, où chacun édicte ses règles, choisit ses juge,s sans oublier les polémiques collatérales entre Parquet et Presse, Institutions indépendantes et Parlement.

Tout le monde s’insulte. Les accusations de corruption fusent de toute part. L’église bohicane a fait son constat très juste et sans concession qui résume tout : « Nous avons noté une attitude vindicative, on dirait des enfants en train de jouer. » [9]

Le problème, c’est que nous avons affaire à des enfants qui jouent avec l’avenir de millions de citoyens.

C’est dans ce contexte que le Président de la République a sans doute pris la décision, non encore rendue publique, de constater que de toute façon, le Conseil Electoral n’était plus habilité à organiser les élections. Ce qui a permis aux institutions et à la classe politique de faire des déclarations qui sont de vrais florilèges.

Ainsi, un haut responsable politique a-t-il déclaré : « C’est un brigandage social et politique tendant à perpétuer le système rétrograde qui détruit le pays. » [10]

Les dirigeants du Conseil électoral ont sorti un communiqué pathétique, dans lequel on a pu apprécier le talent littéraire de ses auteurs :

« Le temps a passé, et voilà que l’échéance constitutionnelle du renouvellement du tiers du Sénat nous talonnait. Conscients de cette exigence et de la claire non-pertinence de notre mandat à cette fin, nous fîmes à temps à l’Exécutif les propositions appropriées. Pour avoir semé le vent qui agitait les signes avant-coureurs d’élections nécessaires et obligatoires, nous avons récolté la tempête d’une inopportune et martiale convocation, faisant balancer dangereusement au-dessus de nos têtes l’épée de Damoclès et son cortège de misère et de malheur. » [11]

D’autres organismes, tels que l’Initiative de la Société Civile, le Centre pour la Libre Entreprise et la Démocratie et la fédération Protestante d’Haïti ont, tantôt apporté leur soutien au conseil électoral, tantôt avancé des arguments qui justifient qu’on mette fin aux fonctions du Conseil électoral.

Et après ?

Et après, la vie continue en bossalocratie : les puissants s’affrontent et font des alliances, les meilleurs fuient au Canada ou aux Etats-Unis, les malins génies règnent, les élites se préparent pour le prochain carnaval [12], pendant que le peuple continue de croupir dans la misère la plus atroce.

C’est une autre façon de dire que, pendant tout ce battage médiatique où il s’agit de se compter, les problèmes concrets des citoyens ne sont pas traités.

Et Haïti va se payer le luxe d’une nouvelle crise politique pour des raisons purement égoïstes.

Le chantage de la crise comme moyen de régulation systémique

En Bossalocratie, toute décision entraîne un lot de critiques. Dès qu’un acteur prend une décision, il devient suspect et tous les autres acteurs du système se liguent, suivant une logique de bandes pour lui contester sa légitimité, l’accuser de tous les maux, lui imputer la responsabilité de tous les dysfonctionnements affectant le système.

En Bossalocratie, il y a une négation permanente de l’autorité qui dénote un manque cruel de respect pour celui qui incarne les institutions et qui a le tort d’exercer une fonction que tout le monde lui envie.

Bien entendu, la contestation et/ou la négation de l’autorité ne se font pas sur la base d’arguments rationnels et solides. Elles se font d’abord sur la base de réactions verbales ou écrites, où la colère l’emporte sur la réflexion.

Mais le chantage de la crise est l’argument majoritairement utilisé pour contester une décision.

Ainsi, en Bossalocratie, ne faut-il jamais penser, jamais proposer de changer les choses, jamais décider. Dès lors, celui qui décide est systématiquement accusé d’alimenter, d’aggraver ou d’institutionnaliser la crise.

La peur de la crise devient, avec l’usage de la force ou de la ruse, un moyen de régulation du système. Mais, elle est aussi un élément au service d’un conservatisme destructeur. En réalité, on a juste un équilibre par la terreur.

L’actualité nous fournit un autre exemple qui permet d’illustrer nos propos et donc de légitimer notre thèse.

Le 17 octobre 2007, le Président René Préval annonce une nécessité de réviser la constitution de 1987. Ce simple constat a soulevé un tollé dans la classe politique, et tous les acteurs se sont crus habilités à insulter le chef de l’Etat.

Ainsi, au nom d’une stratégie de l’encerclement, toutes les institutions ont-elles fait connaître leur position.

Certains ont rejeté l’initiative, allant jusqu’à critiquer l’intention du Président de la République dans sa volonté d’associer des experts étrangers aux travaux d’une éventuelle commission chargée de faire des propositions pour la révision.

D’autres ont dit, non sans raison, que ce n’était pas opportun. C’était, à peu près, le seul argument de bonne foi.

D’autres enfin ont accusé le chef de l’Etat de mettre la démocratie en péril et d’instaurer un pouvoir autoritaire.

On déduit aisément de ces interventions, que tout le monde a le droit de donner son avis sur la Constitution, sauf le chef de l’Etat. De ce fait, il s’est retrouvé encerclé et sommé de renoncer à son projet.

C’est à ce moment que la vraie nature de la Bossalocratie est perceptible. Ainsi, ce que n’importe quel individu pourrait considérer comme anormal, informel, désorganisé, anarchique, est-il considéré comme normal en Bossalocratie.

Et l’argument décisif, avancé avec la plus grande mauvaise foi et donc la plus grande incompétence, c’est que, si ça ne marche pas, c’est parce que la Constitution n’est pas appliquée.

Il est donc interdit de poser la question de l’efficacité des institutions. Autrement dit, en Bossalocratie, l’efficacité ne compte pas.

Ce qui a de l’importance, c’est la préservation d’un système supposé bon, qui fait l’affaire des conservateurs. Des conservateurs, pour qui l’essentiel est d’exister et d’avoir une capacité de nuisance dans un système obscur.

Bref, ce qui paraît défier le bon sens dans n’importe quel autre pays, constitue la norme sine qua non en Bossalocratie.

Et celui qui prétendra changer les choses aura toujours tort. Il sera toujours à l’origine de cette lutte de pouvoirs contre pouvoirs, que seule la communauté internationale et les ambassades peuvent arbitrer à tour de rôle, ce qui leur donne un rôle central dans la naissance ainsi que dans la résolution des crises. Et, comme elles sont les seules écoutées ou respectées, quoi que disent les acteurs de la bossalocratie, elles représentent les acteurs politiques les plus efficaces dans un univers où elles ne sont censées représenter que les intérêts des Etats qu’elles représentent.

La bossalocratie défie les lois du constitutionnalisme

Pour résumer, en Bossalocratie, les droits humains dépendent du bon vouloir de chacun et ne sont pas garantis. Même s’ils sont définis formellement dans la Constitution, n’importe qui peut les remettre en cause sans aucune sanction.

Il n’y a pas de souveraineté, parce qu’un arbitre extérieur est toujours nécessaire, sinon c’est la guerre permanente entre les factions.

Enfin, la théorie de la séparation des pouvoirs ne s’applique pas, parce que, même s’il y a une hiérarchie des pouvoirs au sens lockéen dans la pratique, cela ne fonctionne pas, puisque les pouvoirs s’affrontent.

Mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce régime en soi convient à ses acteurs, puisque c’est un régime qu’ils ont volontairement inventé en amalgamant les différents régimes connus en Europe et/ou en Amérique du Nord.

C’est pour cette raison que tous ceux qui avancent des idées de réforme sont suspects. Ainsi, même si tout le monde trouve la Constitution trop rigide et difficilement applicable, ne faut-il pas le dire pour ne pas essuyer les remontrances, les invectives voire les brimades.

Le tout est de donner l’illusion que cela fonctionne. Ce qui défie l’entendement.

Dès lors, on est obligé de se demander pourquoi les acteurs d’un tel système politique sacralisent des règles qu’ils ne respectent pas.

Une des réponses consiste à dire que, en Bossalocratie, les institutions sont créées par mimétisme . [13] Le but est de montrer que les nouveaux libres sont capables de parler le langage des anciens colons.

Ensuite, ils font des règles pour maîtriser l’adversaire, c’est-à-dire celui qui voudrait modifier le système. Dans ce cas, les règles participent uniquement de la lutte pour le pouvoir . [14]

Le problème, c’est que la Bossalocratie fonctionne avec des règles édictées par une minorité et comprises par elle seule. La plupart du temps, ces règles sont décalées et n’ont aucun rapport avec la société qu’elles sont censées régir.

Celui, qui souhaite faire évoluer les règles pour les adapter à la réalité sociale vécue par le plus grand nombre, prend le risque de remettre en cause le pouvoir détenu par cette minorité sur une majorité peu informée et qui, pour certains, doit d’abord se préoccuper des problèmes du ventre avant de se préoccuper des problèmes institutionnels.

Ce mépris a été traduit électoralement par des slogans de campagne très simplistes : « la pè nan têt, la pè nan vant » , [15] « poze, depoze, repoze » . [16]

Des slogans qui traduisent avant tout la désinvolture des acteurs politiques et mettent l’accent sur la violence politique qui paralyse la faculté de penser et empêchent le citoyen de se nourrir.

Des slogans qui oublient que les citoyens ne mangeront et ne seront en paix que lorsqu’ils auront résolu leurs problèmes institutionnels, c’est-à-dire lorsqu’ils auront fait le consensus sur le partage du pouvoir et établi les modes de coexistence pacifique.

Le problème, c’est que cette mentalité conservatrice et rétrograde se retrouve dans les secteurs de la vie sociale et que Haïti fait partie des rares pays au monde où, plus le temps passe, plus les gens sont pauvres et plus les élites économiques et les gouvernants sont riches et corrompus. Il n’y a jamais d’acquis institutionnels.

Ainsi, depuis 1987, Haïti organise-t-elle des élections. En 2007, Haïti est incapable d’avoir un système électoral fiable et crédible, parce que, chaque fois que les hommes qui font vivre le Conseil électoral changent, ils partent sans rien laisser à leurs successeurs.

Sans mémoire, que peut-on changer à la vie des hommes ?

La Bossalocratie : un régime d’impasse et de partage des dépouilles institutionnelles

Pour finir, il faut analyser deux exemples pris pour illustrer le fonctionnement de la bossalocratie.

Ces exemples sont intéressants, parce qu’ils ont pour points de départ et d’arrivée, le même acteur politique : le Président René Préval.

Dans le premier exemple, qui concerne le Conseil Electoral, René Préval est celui qui doit décider ou qui a décidé. Alors que des rumeurs fusent ici ou là, au lieu de prendre une décision nette et précise, il se tait et laisse faire. Puis, une fois les tensions apparemment apaisées, on apprend que le Président de la République consulte pour créer un nouveau conseil électoral. Ce qui laisse supposer qu’il a vraiment mis fin au mandat du Conseil électoral, alors qu’aucun texte réglementaire n’a été édicté.

Dans le même temps, toutes les institutions qui s’étaient mises en croix pour contester l’éventuelle décision de mettre fin au mandat du Conseil électoral, ont proposé, sans aucun état d’âme, des noms de personnalités pour la constitution du nouveau conseil chargé d’organiser les élections. Pour être sûr qu’un de leurs hommes liges soit retenu, certaines organisations ont proposé deux noms.

En analysant les faits, on se rend finalement compte que les pouvoirs se sont mis d’accord pour partager les dépouilles du Conseil électoral.

Par conséquent, les contestations et les conflits soulevés à l’occasion de la fin du mandat du conseil électoral avaient uniquement pour objectif de placer des pions au sein du nouvel organisme électoral. Il s’agissait de prendre sa place dans le nouvel organisme afin d’être toujours en mesure de participer à la lutte des pouvoirs contre les pouvoirs, étant entendu que pour mieux contester le pouvoir, il vaut mieux en faire partie.

Ce qui fait que les acteurs ne se sont nullement inquiétés de savoir si la composition du nouvel organisme provisoire en cours de fabrication était conforme aux articles 192 ou au pire à l’article 289 [17] de la Constitution de 1987.

Le problème, c’est que l’article 289 est une disposition transitoire qui, théoriquement, ne s’applique plus. L’article 192 réserve le choix des membres du Conseil électoral aux trois pouvoirs, auxquels les citoyens délèguent l’exercice de la souveraineté nationale en vertu de l’article 59 de la Constitution de 1987.

Or, là, on assiste à un défilé de propositions par une ribambelle d’institutions dont l’objectif est de participer au partage des espaces de pouvoir. Et comme il s’agit de partager une manne, toutes les institutions constituées ou auto proclamées forces vives viennent réclamer leur part, sans qu’on ne puisse pas apprécier le bien fondé ou la légitimité de leurs prétentions.

Mais, comme nous l’avions dit, en Bossalocratie, le but n’est pas de respecter la Constitution. On n’exige le respect de la Constitution que lorsqu’on est sûr d’être pénalisés par les décisions prises sur son fondement.

En revanche, si les décisions prises sur son fondement ne remettent pas en cause les positions acquises, mais assurent une place dans le partage des prébendes de l’Etat, tout le monde s’y associera avec le plus grand cynisme, au nom d’un soi disant consensus éclairé.

C’est l’application des principes de l’Etat clientéliste dit « Etat Moun pa » en Haïti. Cet Etat Moun pa, qui entretient l’injustice et perpétue le règne de la loi du talion, la loi du plus fort ou plus trivialement, la loi de celui qui peut mobiliser le plus de pouvoirs institués pour participer à la guerre des pouvoirs.

Dans le deuxième exemple, alors qu’il n’y a aucune urgence à ouvrir un débat sur une éventuelle révision de la Constitution, qui, de toutes les façons, ne peut se faire avant 2010 , [18] le Président René Préval a lancé le débat. Ce faisant, il a ouvert une polémique qu’il n’est pas à même de contrôler.

Et même s’il a su apaiser les acteurs du système en leur donnant une part des dépouilles du Conseil électoral, il n’est pas sûr de s’en faire des alliés dans sa volonté de réviser ou d’abroger la Constitution. Mais, ce qui me semble intéressant, c’est le comportement politique du Président René Préval. Il ne fait rien quand il faut agir, alors qu’il y a des enjeux.

A l’inverse, il agit quand il n’y a pas grand-chose à faire, compte tenu de l’agencement de l’agenda politique ou institutionnel.

Dans les deux cas, son comportement politique alimente les tensions.

En effet, il ne décide pas ouvertement. Il zappe d’un sujet à l’autre, sans jamais décider, tout en prenant le risque d’alimenter la crise.

Tout ceci entretient la guerre qualifiée de pouvoirs contre pouvoirs, qu’il n’est jamais possible de résoudre en recourant aux règles haïtiennes.

Et quand la situation politique se dégrade, il y a le recours obligatoire à l’arbitre (la communauté internationale/les ambassades), parce que le prestige et l’autorité du Président de la République, qui est censé être l’acteur central, sont niés par les autres acteurs du système.

De ce fait, le Président de la République ne peut affirmer son prestige et son autorité sans être accusé d’être un dictateur. Et quand il souhaite les affirmer, il le fait suivant des méthodes qui exaspèrent tous les acteurs du système qui travaillent en conséquence pour sa perte.

Bref, on a affaire à un système bloqué. C’est l’impasse.

Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, cette impasse est voulue, défendue et sacralisée. Il faut de l’audace pour vouloir changer les choses. Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, l’issue est dans l’audace.

L’avenir de la bossalocratie : l’arbitrage permanent, la redéfinition des règles ou la fusion

Est-ce à dire qu’Haïti est condamnée ?

Le football nous fournit la réponse.

En football, si les bons joueurs abandonnent le terrain aux Bossales, le jeu s’arrêtera à un moment donné, parce que les Bossales ne savent pas jouer. Ils cassent le jeu, mais, si on les laisse jouer entre eux, ils se battent d’abord, ensuite ils arrêtent de jouer, parce que tout le monde voit qu’ils ne connaissent rien aux règles du jeu.

C’est à ce moment-là que l’arbitre et les bons joueurs doivent reprendre la main, rappeler ou « redéfinir les règles du jeu » . [19] Il devrait en être de même en Bossalocratie.

Encore faut-il que l’arbitre remplisse sa mission et cesse de répéter qu’il revient aux Haïtiens de faire fonctionner leur pays sur de meilleures bases. L’arbitre doit comprendre qu’en dehors de lui, rien n’est possible en Bossalocratie.

De même, les meilleurs en Bossalocratie doivent comprendre qu’il est de leur impérieux devoir de ne pas abandonner le terrain aux Bossales. Cela est plus facile à dire qu’à faire.

Mais, on appelle ça la capacité à utiliser son intelligence pour sortir son peuple du cycle de la fatalité et éviter à son pays de s’orienter définitivement vers le cimetière des nations où semble devoir le conduire cette lutte de pouvoirs contre pouvoirs.

Mais, l’une et l’autre solution ont leurs inconvénients.

En effet, en ce qui concerne l’arbitre, le nationalisme des Haïtiens s’accommoderait mal de l’affirmation officielle de son rôle. Tout laisse à penser que les élites préfèrent le rôle informel de l’arbitre, parce que cela les arrange et leur permet de bénéficier des seuls moments de paix, propices à leur maintien à leur place pour des périodes plus longues, donc plus favorables à l’enrichissement sur le dos de la manne publique ou de l’aide internationale.

Ce qui explique le double jeu des élites haïtiennes. Un double jeu qui ne relève nullement du paradoxe, puisque la présence de l’arbitre, même si elle est dénoncée, est souhaitée, sinon recherchée, parce qu’en réalité, quand l’arbitre est présent, le pouvoir est moins précaire pour celui qui le détient.

Quant à savoir si les élites accepteront de redéfinir les règles du jeu, aucun élément ne permet de le croire. Et même si elles le font, elles le feront dans la même logique que précédemment : dans le but de protéger les privilèges acquis et qui permettent de perpétuer la bossalocratie, ce régime en soi qui est d’abord élitiste et qui participe d’une volonté farouche de ne pas accepter la démocratisation du pays.

Autrement dit, la bossalocratie n’est pas, contrairement à ce qu’on peut penser, le fait du peuple.

Elle est le fait d’une aristocratie rétrograde qui défend ses prébendes et ses territoires de pouvoir.

Elle n’est donc pas nécessairement pour un changement. Si changement, il y a là, il devrait malheureusement venir de ce que Jacques Stephen Alexis appelle la marche inexorable vers le cimetière des nations. Il ne s’est pas étendu sur cette crainte. On ne va donc pas extrapoler sur ses propos.

Mais en science politique, les phénomènes de dislocation d’un Etat aboutissent parfois à une fusion d’Etats pour n’en former qu’un. Je pense à la République Fédérale d’Allemagne et la République Démocratique Allemande.

Ils peuvent aboutir aussi à une scission d’Etats pour en fonder plusieurs. L’histoire récente est remplie d’exemples de scissions d’Etats : la Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie. D’autres Etats se battent pour éviter la scission : la Belgique ou la Côte d’Ivoire. D’autres Etats fonctionnent sur la logique de fusion (Etats-Unis, Allemagne, Brésil) ou voudraient une fusion économique avant une éventuelle fusion politique (L’Union Européenne). D’autres enfin, comme les deux Corée, s’orientent lentement vers une fusion qui semble inéluctable.

Haïti a déjà connu les phénomènes de fusion et de scission du fait justement de la bossalocratie. La Création d’Haïti est le résultat d’une scission.

Après son indépendance, Haïti a connu plusieurs scissions et a vu la cohabitation, sur un même territoire, d’une monarchie et d’une république pour les mêmes motifs qui expliquent la bossalocratie d’aujourd’hui. La réunification, réussie par Jean-Pierre Boyer, est un cas de fusion. La scission, la plus durable en ce qui concerne Haïti, a été celle de 1844 qui a donné naissance à la République Dominicaine.

Mais, l’histoire étant un perpétuel recommencement, rien ne semble exclure, à l’avenir, une fusion entre la République d’Haïti et la République Dominicaine. C’est la solution la plus logique et la plus raisonnable quand on observe objectivement la situation des deux pays. C’est la solution qui plaît le moins aux Haïtiens, victimes de la Bossalocratie, qui le vivront comme un échec. Mais, il se trouve qu’on ne freine pas l’histoire avec ses seules peurs irrationnelles et son refus d’une certaine réalité.

Et puis, une éventuelle fusion entre la République d’Haïti et la République Dominicaine serait-ce un échec pour Haïti ? L’échec n’est-il pas plutôt de donner l’impression d’être incapables de s’inventer un avenir après avoir su inventer 1804 ? L’échec n’est-il pas d’entretenir cette guerre des pouvoirs qui risque de conduire à la dislocation [20]de son pays ?

Le but ici n’est pas d’agir en Cassandre, mais de mettre l’accent sur un phénomène dont le point d’orgue pourrait être la transformation d’un Etat qui, depuis sa création, est un laboratoire institutionnel d’un avant-gardisme exceptionnel et d’une grande valeur pour les politologues ainsi que les spécialistes du droit constitutionnel.

Eric Sauray

France, 25 novembre 2007

[1] Juriste, politologue et doctorant en droit public à l’Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3.

[2] Guy Thuillier, Le jeu politique, préface d’Yves Pélicier, Economica, 1992.

[3] Stéphane Beaumont, Le jeu politique, Editions Milan, 1997.

[4] Philippe Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, Presses Universitaires de France, 2004

[5] Pascal Boniface, Football et mondialisation, Armand Colin, 2006.

[6] Gérard Barthélemy, Créoles - Bossales : conflits en Haïti, Editions Ibis Rouge, 2000.

[7] Jacques Stephen Alexis in Lettre au docteur François Duvalier, Président de la République : http://radiokiskeya.com/spip.php ?article4166

[8] Certains membres, qui accusent les autres de corruption, ont porté plainte.

[9] Déclaration de son excellence Monseigneur Louis Kébreau, Président de la Conférence Episcopale.

[10] Déclaration de René Julien Président de l’Alliance Démocratique pour Bâtir H. Source : http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.phtml ?id=13118

[11] Déclaration du Conseil Electoral provisoire en date du 12 octobre 2007. Cette déclaration entérine les rumeurs.

[12] Le seul événement qui permet aux habitants de la bossalocratie de s’évader de leur enfer quotidien.

[13] Yves Mény (sous la direction de), Les politiques du mimétisme institutionnel : la greffe et le rejet, L’Harmattan, 1993.

[14] Claude Moïse, Constitution et luttes de pouvoirs en Haïti, CIDIHCA, 1990.

[15] Littéralement : « La paix dans la tête, la paix dans le ventre ». Slogan utilisé par Jean-Bertrand Aristide lors de sa campagne électorale en l’an 2000.

[16] Littéralement : « On se calme, on dépose (…) on se repose » Il faut comprendre, on se calme, on dépose les armes et on se repose, le temps de l’élection. Ce slogan apparu pendant la campagne présidentielle (2005-2006) menée par René Préval ne s’adressait pas aux citoyens, mais aux divers gangs supposés proches du camp Lavalas.

[17] Cet article qui fait partie des dispositions transitoires devrait être appliquée comme solution dégradée au cas où l’application de l’article 192 se révélait impossible. Toute autre solution appliquée ne fait que s’inscrire dans l’habitude prise par les acteurs politiques haïtiens d’appliquer des solutions hors de tout cadre réglementaire connu et maîtrisé.

[18] Eric Sauray, Haïti : la révision constitutionnelle et la ligne du temps, in http://www.alterpresse.org/, avril 2007

[19] Claude Moïse, La croix et la bannière : la difficile normalisation démocratique en Haïti, CIDIHCA, 1994.

[20] Jared Diamon, Effondrement, Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2006.


dimanche 9 décembre 2007

GHELLA/Trou-du-Nord : la répression risque de relancer la mobilisation.



Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Kontak Inter 94.9 FM
Cap-Haïtien, Haïti48, Rue 23 -24 B
reseaucitadelle@yahoo.fr, reseaucitadelle@gmail.com
www.reseaucitadelle.blogspot.com




Le jeudi 6 décembre 2007, la police de Trou du Nord a procédé à l’arrestation de Lovely ainsi connu, un jeune de Trou du Nord. Cireur de chaussures, Lovely cherche son pain quotidien au niveau de la station de la ville. Il a protesté contre la décision du Ministre Frantz Verrela de faire passer la route par Ti Couline, d’isoler la ville de Trou du Nord tuant ainsi l’économie de la zone. Le transport est pour les truviens le moteur principal de tout le commerce. A la station où Lovely se débrouille contre la misère du Nord-Est, l’un des départements les plus abandonnés, les marchands, chauffeurs et travailleurs supportent le mouvement. Ils en constituent le fer de lance.

C’est pour cette raison que Lovely est arrêté sans mandat puis bastonné devant les habitants de la ville par des policiers du Trou du Nord. Quelques heures après l’arrestation, des policiers anti-émeutes sont venus de Fort-Liberté, le chef lieu du département, pour transporter le prévenu. En route, il fut battu encore une fois par des policiers de Fort-Liberté, qui l’ont fait descendre du camion pour le rouer de coups, marcher sur son abdomen et sa tête.

Conséquences, Lovely a une hémorragie interne. Il ne cesse de vomir du sang. Il a passé toute la soirée de jeudi dans la prison de Fort-Liberté sans soin de santé. Durant toute la soirée de jeudi à vendredi, des rumeurs circulaient sur la mort éventuelle de Lovely. Heureusement, il est toujours en vie, mais les gardiens de la prison refusent de recevoir de la nourriture et des vêtements pour lui.

Pourtant, avec la visite du Ministre Frantz Verrela le mardi 4 décembre 2007, le calme était revenu dans la ville. Le Ministre avait eu une réunion avec les représentants de la population truvienne. En public, il avait déclaré : rien ne justifie que des jeunes de la population prennent le maquis. C’est sûr que la justice fera son enquête sur l’incendie des deux matériels de la Compagnie GHELLA. Mais tout se fera dans le cadre d’une enquête judiciaire. La justice demandera à la police d’interpeller les témoins et les personnes accusées dans ce dossier. Le gouvernement ne veut pas de répression aveugle.

Suite à ces déclarations, des jeunes qui avaient participé au mouvement mais qui n’ont rien à voir avec l’incendie des deux équipements de GHELLA sont rentrés chez eux. La ville avait retrouvé son calme et la compagnie GHELLA, après des négociations avec le gouvernement, a repris ses travaux.

Mais, la police du Nord-Est a sa propre politique : La répression aveugle. Et dans ce département, il y a une petite oligarchie menée par Lucien Délince Pierre Louis, qui mène la politique publique à sa manière. La police du Nord-Est serait à la recherche de 150 personnes. Donc, la destruction totale du syndicat des chauffeurs et l’arrestation de plusieurs innocents.

Pour le moment, trois citoyens ont été arrêtés par la police. Ils ont été tous battus par des policiers de Fort-Liberté, qui utilisent des méthodes inhumaines, illégales et antidémocratiques. Durant le transfert d’un prisonnier d’une ville à une autre, les policiers de Fort-Liberté observent un arrêt pour maltraiter le prévenu. Les juges et les membres du parquet de Fort-Liberté exigent de forte somme d’argent pour libérer un prévenu innocent.

Des citoyens de Trou du Nord nous signalent qu’on réclame des sommes faramineuses aux trois personnes arrêtées sans mandat. Donc, les policiers de la zone, associés à des juges corrompus et à des membres pourris du parquet de Fort-Liberté arrêtent le plus de monde possible. De plus, il existe dans le Nord-Est des cas de bastonnades atroces.

Lovely a une hémorragie interne. Le matin du 7 décembre 2007, nous avons reçu un appel de Trou du Nord nous informant de la situation. La police de Fort-Liberté était venue chercher son père qui devait se rendre au chevet de son fils torturé par des policiers du Nord-Est. Le commissariat de Trou du Nord clame déjà son innocence. Ils avaient remis Lovely en bonne condition, ce que des témoins de Trou du Nord confirment. Ils ont vu Lovely monter sans problème la voiture de police qui devait le transporter à Fort-Liberté. Les policiers de Fort-Liberté, quant à eux, soutiennent que Lovely saignait depuis Trou du Nord.

La population truvienne est dans l’attente d’une dégradation dans la santé de Lovely. Ce cireur de chaussures croupissent en prison dans un état lamentable parce qu’il luttait pour que sa ville ne soit pas exclue du circuit routier Cap-Haïtien – Ouanaminthe. Son état de santé est critique. Pour avoir protesté contre l’Etat-prédateur, il mérite la mort. Malheureusement le DGPNH Mario Andrésol dans sa logique de deux polices, laisse un peu partout à travers le pays des poches de barbarie au sein d’une institution qui adopte comme devise : protéger et servir.

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
9 Décembre 2007