dimanche 11 janvier 2009

Analyse de Robert Benodin et Ray Killick sur les éléments de blocage d’intégration nationale.

Thèmes de l’Emission de la semaine

Orlando le 9 janvier, 2009

Actualités Politiques : Grandes Lignes

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Bonsoir chers auditeurs. Vous écoutez sur les ondes de Radio Classique Inter, l’émission Actualités Politiques, Grandes lignes, animée par Robert Bénodin.

Nous avons avec nous, sur les ondes de Radio Classique inter, L’analyste politique Ray Killick, opinant sur le constat des éléments de blocage d’intégration nationale.

Ray Killick, nous vous souhaitons la bienvenue les ondes de Radio Classique Inter.

RB : Le régime populiste des Duvalier tendait vers sa fin, quand Leslie Manigat avait dénoncé des facteurs de blocage d’intégration nationale. Voilà que 25 ans plus tard vous êtes entrain de faire le même constat sous le régime populiste lavalassien.

Comment se fait-il qu’après plus d’un demi-siècle de régimes populistes de droite et de gauche qui ont confisqué le pouvoir au nom de la défense des intérêts des masses et de leur intégration nationale, qu’on ait exactement le résultat contraire, la régression sociale des masses et l’exode des masses abusées et appauvries ?

RK : Avant de répondre à cette question, parce que vous avez touché à des points très importants. Vous avez parlé de régimes populistes de droite et de gauche. Il me faut définir ce que j’entends par populisme. Le populisme c’est un mouvement politique qui a à sa tête un leader charismatique qui s’engage à exploiter une situation de crise dans une société. Le leader populiste voit et comprend les problèmes. Cependant, il y a deux types de leader. Un qui veut prendre avantage de la crise par le biais de la démagogie pure et simple. Arrivé au pouvoir ce type de poppulisme ne va vraiment défendre les intérêts du peuple. Et l’autre qui fait le même constat, identifie les mêmes problèmes, avec la nuance qu’il s’engage à défendre vraiment les intérêts du peuple. Comme second type de leader, on peut citer Fidel Castro par exemple. Il est un communiste qui a pris le pouvoir pour renverser l’ordre établi par Batista. Cuba, il fut un temps, était le bordel de l’Amérique. Il a pris le pouvoir en tant que populiste et s’est converti au communiste. En tant que tel il a défendu les intérêts de son peuple. On voit aujourd’hui les résultats de ses efforts.

Tandis qu’en Haïti on a des populistes du premier type, qui prennent le pouvoir au nom de la défense des intérêts des masses, le gardent, mais ne font rien. Au pouvoir ils exploitent, exacerbent et intensifient la crise par le biais de laquelle ils confisquent le pouvoir. Au lieu d’y apporter des solutions, ils s’expriment dans un langage qui incite le peuple à la mobilisation, sans offrir de solution. Les 50 ans de populisme qu’on a eu en Haïti, n’a été qu’un demi-siècle de démagogie. C’est le même message qui passe continuellement d’un régime à l’autre et le peuple se fait piéger à chaque fois, de 1957 à 2008. Est-ce que ce peuple comprend de quoi il est victime ?

L’un et l’autre types de populisme exploitent les situations de crise aigues dans une société. Comme Jean Marie Lepain en France avait voulu exploiter une série de conditions pour accéder au pouvoir. L’objectif de François Duvalier ce n’était pas de résoudre les problèmes du peuple, mais la pérennisation de son pouvoir. Jean Claude Duvalier héritant du pouvoir populiste de son père, a choisi pour base de son pouvoir, la jeunesse.

A la chute de Jean Claude, il n’y a pas eu de progrès social réel après 30 ans de pouvoir. Mais de plus, à cause du caractère totalitaire du régime, il a laissé un vide politique faute d’émergence de leadership même à l’intérieur du régime lui-même. A tous les niveaux d’autorités locales, nationales, parlementaires et judiciaires, ce sont les Duvalier qui nomment et révoquent. Toute velléité de leadership qui n’est pas consacrée par le chef suprême est automatiquement suspecte et détruite immédiatement, peu importe les liens de parenté ou autres. Il n’y avait pas de parti politique coexistant sur le territoire. Même le parti de François Duvalier lui-même a dû disparaître après l’émergence de la milice devenue l’élément de base du régime.

De fait le régime qui a accédé au pouvoir, après Duvalier, n’a fait qu’émuler, que copier Duvalier. L’objectif principal est la pérennisation et l’omnipotence du pouvoir. Les discours simplistes prononcés, tel que « Timtim bois sèche » etc. n’ont eu comme objectif que d’infantiliser les masses. Pris au piège, en deux fois par le populisme, les masses ne peuvent pas discerner la cause réelle de leur misère et de leur pauvreté. Elles se laissent prendre par l’incitation à la violence, par l’articulation des revendications, par l’exploitation des ressentiments et par la propagation de la haine. Ces régimes incitent les masses à ventiler leurs frustrations, sans leur offrir de solution réelle. On a l’impression et même la certitude que ces régimes ont intérêt à maintenir leur clientèle, en maintenant les conditions de vie qui entretiennent leurs frustrations.

En fait, même avec un semblant de Démocratie représentative, on ne voit pas les masses questionner la performance de leurs représentants, de leurs mandataires, au moment du renouvellement de leurs mandats. La frustration des masses confuses est fixée plutôt sur d’autres cibles, dans le cadre d’une lutte de classes fictive. Paradoxalement, c’est avec les classes ciblées par les masses que les autorités populistes font copieusement leur beurre.

Tant qu’on aura au pouvoir ce genre de régime populiste démagogique, on n’aura aucun progrès. C’est pour cela qu’après un demi-siècle de populisme, on a exactement le résultat contraire, la régression sociale des masses et l’exode des masses abusées et appauvries.

Il faut d’une initiative qui vient des masses haïtiennes et d’un leadership qui doit contrecarrer le message démagogique et simpliste du populisme. Après 204 ans d’indépendance du premier pays noir, où l’esclave a clamé son humanité, pris sa liberté, déclaré son indépendance et établi une république, plus de la moitié de la population est analphabète et vie dans des conditions abjectes.

RB : Qu’est-ce qui explique le fait qu’après 3 décennies de pouvoir populiste de droite fasciste, reversé le 7 février 1986, que le peuple haïtien ait pu replacer au pouvoir, le 16 décembre 1990, un autre régime anarchopopuliste de gauche et le maintenir en place jusqu'à présent pendant 18 ans ?

RK : C’est un peuple qui, en 1990, avait soif de changement, de justice sociale et de liberté. Il faut comprendre qu’après la forte répression du régime déchu, les masses n’ont pas été les seules à éprouver cette soif. C’est une soif multi-classiste. Après la participation avec succès à l’avant-scène politique du mouvement religieux charismatique, le prêtre Aristide a incité le peuple à le percevoir, comme un sauveur. Il est devenu le champion de la cause populaire. Ayant fait un constat précis de la situation de crise, il s’est décidé de l’exploiter. Il est donc catapulté au pouvoir avec l’espoir qu’il sera le champion de la justice sociale. Qu’il sera celui qui viendra finalement émanciper les masses de la pauvreté, de la misère, de la maladie et de l’ignorance.

La deuxième phase de la question, pourquoi après 18 ans, on soit toujours au même point, le point de départ ? Que l’on aille d’Aristide à Préval, de Préval à Aristide et enfin d’Aristide à Préval, il n’y a rien de changer. C’est pour cela que j’ai écrit un article intitulé « La déshumanisation du peuple haïtien ». Nous avons deux nations dans le pays. Une nation de nantis, tous ceux qui appartiennent à cette nation de nantis, ne sont pas forcément riches. Ce sont ceux qui sont instruits, des professionnels, qui ont accès à l’éducation, qui sont des privilégiés de la société. Ils constituent une caste. Ils vivent à part. Ils appartiennent à une autre nation. De l’autre, on a un autre peuple démuni, dépourvu de tout. C’est le peuple des restavec, des gérants de cour, des bonnes, des madansaras des paysans etc. qui n’ont aucun accès, aucune opportunité. On a donc deux nations qui coexistent dans un même Etat. Quand un leader entreprend de jouer le rôle de défenseur des intérêts de la nation méprisée, elle devient réceptive à son message démagogique ou pas. Dans une situation de crise, le langage populiste devient la bactérie qui se nourrit de l’infection. Les prises de pouvoir qui ont eu lieu en 1991, 1996, 2001 et en 2006 au non de la défense des intérêts des masses, n’ont offert aucune solution, mais seulement que des revendications. Ils n’ont eu aucune vision, que la pérennisation et l’omnipotence du pouvoir. Or on ne peut pas changer Haïti sans les masses haïtiennes. Avec une majorité d’analphabètes, une majorité de chaumeurs, une majorité de sans métier, on ne peut pas développer un pays. On est obligé d’investir un minimum dans les ressources humaines.

Pour répondre à la question, il est plus facile pour l’anarchopopuliste de jouer le rôle de la bactérie dans l’infection, que de la guérir. La présence de l’infection demeure le milieu ambiant favori pour la survie de la bactérie.

RB : La production agricole ayant virtuellement disparu avec la faillite de l’Etat, n’y a-t-il pas lieu de redéfinir les models socioéconomiques avec la disparition ou l’affaiblissement du model autonome du paysan ?

RK : Absolument, dans un pays dévasté par l’érosion, qui n’a que 2% de terre arable, peut-on miser sur l’agriculture ? C’est un pays qui a besoin de nouveaux models socioéconomiques. Pas avec ceux qui sont là, mais des dirigeants avec une certaine vision, qui devront s’engager dans la voie de la conception et de la matérialisation de nouveaux models socioéconomiques, avec un plan stratégique étalé sur 20 à 25 ans. Il faut repenser l’Etat. Sans un tel effort, il n’y aura pas de changement. Il n’y aura pas de model socioéconomique viable qui peut amener au développement à court, moyen et long terme avec un Etat populiste en faillite, avec des institutions en pleine déliquescence, à l’ère de la mondialisation. L’éducation des masses, qui rend possible le transfère technologique à tous les niveau, est un pré-requis indispensable dans n’importe quel model socioéconomique. Il faut ouvrir des perspectives pour que le citoyen haïtien devienne fonctionnel dans le cadre de la mondialisation. Il lui faut être capable d’entrer en compétition dans le cadre du marché mondial, pour attirer l’investissement. Ce n’est pas seulement la domination de la corruption et la drogue qui repousse l’investissement. L’ignorance n’attire pas.

RB : Si la République se défini par un Etat où ses citoyens élisent leurs dirigeants directement ou indirectement, comment le manque d’intégration nationale en Haïti suffit-il pour déclarer qu’Haïti n’est pas une République ?

RK : Je n’ai pas dit que le manque d’intégration national suffit pour déclarer que Haïti ne soit pas une république. Qu’est-ce que c’est qu’une république ? On nous dit que les héros de l’indépendance, Dessalines, Pétion, Christophe, ont jeté les base d’une république, pour garantir à toute la nation une vie meilleur. Dans la république, la liberté des citoyens est garantie. C’est un régime qui organise l’Etat, avec des dirigeants dont les pouvoirs sont limités. Ce sont des gouvernants qui sont au service de la population de la république. Une république est un Etat de loi, un Etat de droit, qui protège les droits de la majorité aussi bien que ceux de la minorité. Haïti n’est pas une république parce qu’il n’y a pas le respect de la loi. La constitution n’est pas respectée. Les institutions ne fonctionnent pas. Le pillage des biens publics est toléré. L’abus de l’autorité politique est non-seulement toléré, même encouragé. Haïti n’est pas une république parce que les principes de liberté et du respect de la loi ne sont pas mis en pratique. La république que voulaient créer les héros de l’indépendance, n’existe pas.

RB : La notion d’Etat-nation remontant au xe siècle, a évolué pendant des siècles avec des clivages beaucoup plus profonds que ceux qui existent aujourd’hui dans notre société. Et pourtant le sens d’appartenance nationale a perduré chez ces nations, maintenant cette reconfiguration géographique et démographique pendant plus d’un millénaire.

Qu’est-ce qui vous fait croire qu’Haïti ne soit pas une nation ?

RK : Je ne dis pas qu’Haïti n’est pas une nation, mais qu’il y a deux nations cohabitant ou coexistant dans un même Etat. La Suisse par exemple, malgré la diversité ethnique et de langue, la nation Suisse est une.

Ernest Renan en France a déclaré à la Sorbonne en 1882, que la nation est un principe spirituel, une solidarité. Il y a des mémoires, des gloires et des valeurs communes que l’on partage dans le présent et que nous voulons continuer à vivre ensemble. Or en Haïti après 204 ans d’indépendance et plus précisément après 50 ans de destruction des régimes populistes, que l’Haïtien est prêt à abandonner son pays si on lui ouvre les portes de la Floride. Ceci est clair que le leadership populiste n’a rien fait pour donner à l’Haïtien l’envi de rester chez lui, de vivre sur sa terre natale. On a une majorité qui est une nation marginalisée et une minorité de privilégiée, dont le clivage n’est ni ethnique, ni racial, mais l’absence d’accès à l’éducation, aux opportunités, aux soins de santé, à l’eau potable, à l’information etc.

RB : Il suffit de constater les allocations de fonds du budget de fonctionnement, pour se rendre compte que l’éducation n’est pas une priorité dans ce pays d’analphabètes.

Malgré le fait que la majorité des Haïtiens vivent dans le milieu rural, pourquoi l’allocation de fonds pour l’éducation rurale, soit proportionnellement inférieure à celle du milieu urbain ?

RK : Avec des gouvernements démissionnaires, des gouvernements qui se comportent en monarchie, c’est le pouvoir du plus fort. Bien que ces gouvernants soient élus, ils ne représentent pas vraiment le peuple, parce qu’ils savent que les élections sont frauduleuses. Que leurs pouvoirs ne relèvent pas vraiment des résultats des élections. Que ces élections ne sont pas vraiment l’expression de la volonté générale. Que le renouvellement de leurs mandats dépend plutôt de la volonté du pouvoir ou du régime en place, que celle du peuple. Les autorités sont plus loyales au pouvoir, au régime qu’au peuple qu’elles sont sensées représenter. De plus le gouvernement dépend de l’aide internationale à 65% pour son budget de fonctionnement. Il n’y a rien qui lie le pouvoir en place à la volonté générale du peuple et des contribuables. Ce ne sont pas des gouvernements qui ont aucun intérêt dans la restauration de la dignité d’un peuple. Leurs pouvoirs n’en dépendent pas.

Quel intérêt de tels gouvernements peuvent-ils avoir pour investir dans l’éducation d’un peuple dont son pouvoir ne dépend pas de lui. La présence de ces autorités au pouvoir dépend beaucoup plus des tuteurs étrangers qui les supportent en vérité et en réalité, que du peuple qu’ils gouvernent. Le maintien de l’analphabétisme en Haïti, n’est pas l’effet du hasard. Le secteur privé subit cette handicape. Castro a éduqué son peuple. Cuba, avec 60 milles médecins, envoie des médecins à travers le monde. Haïti n’est pas prêt pour entrer dans la compétition dans le marché de la mondialisation, le XXIe, le siècle de l’information et de la 3e révolution industrielle.

RB : L’élite commerciale et industrielle, certainement a non seulement intérêt, mais le devoir de participation au projet d’éducation, de donner des bourses, de contribuer au financement d’université etc. comme cela se fait partout ailleurs. Elle est de fait le premier secteur bénéficiaire d’une population éduquée.

Mais l’Etat qui gère ce système, ne participe-t-il pas seulement qu’à 20% avec une efficacité qui laisse beaucoup à désirer ?

RK : Il y a deux aspects, le rôle de l’Etat et celui du secteur privé. Il faut qu’il y ait un écosystème pour permettre le développement. Qui a le pouvoir coercitif dans le pays qui peut dicter ce qui doit se faire, et œuvrer à sa matérialisation ? C’est seulement l’Etat qui détient ce pouvoir. Nous avons en Haïti un état autoritaire qui aurait pu à son gré dicter et œuvrer à la matérialisation de l’écosystème, avec pour base l’éducation, une éducation adéquate pour les exigences du XXIe siècle.

Bien qu’Haïti soit un pays pauvre, elle a une ressource puissante, la Diaspora qu’elle doit exploiter. L’écosystème doit être établi par l’état. Mais il y a d’autres acteurs qui peuvent y contribuer. Quel est le rôle du secteur privé ? Le secteur privé a un rôle à jouer étant le premier secteur bénéficiaire d’une population éduquer pour faire croître l’économie par ses innovations, par sa compétitivité. Une population éduquée est le cadre idéal pour l’investissement étranger et national.

RB : N’est-on pas aujourd’hui dans une situation où le chef d’état absolument inconscient de ses responsabilités envers les gouvernés, ne se soucie ni de leur bien-être, ni de leur intégration nationale ?

RK : C’est un chef d’état qui au cour de sa campagne électorale n’a rien promis, n’a présenté aucune vision. Il a été un candidat muet. Est-ce que le peuple doit deviner ce que vous aviez l’intention de dire quand vous n’aviez rien dit ? Ça a été une exploitation flagrante de l’ignorance du peuple. Un tel comportement, c’est un manque de respect irréfutable pour le peuple. Mais il nous faut constater aussi qu’il n’y a aucun sens de responsabilité. Le pouvoir présidentiel, ce n’est pas un bien que l’on hérite, sans obligation. Le président assume une responsabilité morale envers ceux qu’il va gouverner. Le chef de l’état a l’obligation d’assurer le bien être de la nation qu’il gouverne. A cause de l’existence de cette nation de délaissé, de démuni, qu’il perçoit à distance et avec qui, il n’a aucun intérêt commun, il est plus intéressé à défendre les intérêts de sa clic, de son entourage qui supporte loyalement son pouvoir. Alors que cette nation de démuni est en train d’attendre et d’espérer l’avènement d’un leadership capable d’agir à son profit, de l’intégrer et de lui donner accès, la priorité pour ce genre de gouvernement que nous avons aujourd’hui, n’est pas dans ce domaine. Plus le peuple est ignorent mieux ça vaut. Il ne connaît pas ses droits. Il fait moins d’exigence. Il est plus facilement manipulable. Il est plus facilement infantilisé.

RB : Après l’indépendance, les anciens esclaves ont voulu être maîtres et propriétaires de la terre. Les bossales ont voulu recréer le model tribal africain. Les deux capillarités sociales qui leur ont été disponibles, quand ils peuvent y avoir accès, sont l’éducation et l’enrôlement dans l’armée.

Connaissez-vous un exemple d’intégration sociale dans les pays pauvres ?

RK : Bien sûr, je l’appelle le phénomène de la mondialisation. C’est un phénomène qui interpelle votre conscience et votre présence d’esprit, dans le sens que c’est un catalyseur indirect. Quand on voit l’insertion des autres pays dans ce cadre, on se rend compte que l’intégration ne peut se faire que part l’éducation, facilitant, conditionnant le transfère de technologie. Il faut que le terrain humain soit préparé, éduqué, pour recevoir les bénéfices de l’intégration dans le marché mondial. Il faut avoir quelque chose à offrir pour pouvoir en bénéficier. Le saut qualitatif honnête, passant du prolétariat à la classe moyenne, passe par l’éducation. L’éducation est une valeur universelle. L’absence d’éducation est un élément de blocage à la mobilité sociale et à l’intégration sociale. Est-ce que le peuple haïtien n’a pas l’obligation d’exiger son droit à l’éducation ?

RB : Ceux qui ont été les fondateurs de la nation ont-ils jamais eu aucune notion de ce qu’est l’Etat-nation ? Après l’indépendance n’a-t-on pas eu des chefs d’état et des ministres illettrés ?

RK : Je ne peux pas dire qu’ils n’ont pas eu une notion de l’Etat-nation. Ils ont fondé une république. Ils ont manifesté cette volonté. Ils l’ont rédigé. On a une Constitution qui définit clairement les principes universels de droits de l’Homme et du citoyen. Pétion a montré des tendances républicaines, la coexistence du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, le libéralisme du XIXe siècle, les grandes idées de l’époque. Il s’est aussi débarrassé du Sénat. Dessalines a établi un empire et Christophe un royaume. Ces formes de gouvernement n’ont aucun conflit avec la notion d’Etat-nation. Mais la volonté d’intégration nationale n’a pas été manifeste dès le début. Il n’y a pas eu d’effort d’intégration nationale par nos gouvernements. Ils se sont battus entre eux, avant et après la guerre de l’indépendance. La répartition des terres, les dettes de Boyer sont des choses catastrophiques qui ont eu lieux dès le début. C’est un manque de volonté, au départ, d’imposer et de vivre selon les valeurs républicaines universelles, les idéaux de liberté et d’égalité, établies par la première Constitution.

RB : Leslie Manigat n’a pas pu accéder au pouvoir en 2006 certes. Mais comment expliquer que pendant 30 ans on a eu Duvalier père et fils et pendant près de 20 ans, on a eu Aristide et Préval avec l’alternance de deux mandats chacun. Il est évident qu’ils ne se sont pas propulsés et maintenus au pouvoir tout seul.

Quel groupe d’intérêt multi-classistes a pu réaliser cette performance avec la complicité de la communauté internationale ?

RK : Manigat est un leader d’envergure. Il y a 25 ans, il a fait le constat du blocage d’intégration nationale. Il a eu un discours peut être trop élevé pour la population. Il n’a pas articulé un message qui aurait pu inciter cette majorité de démunis à faire de lui le champion de leur cause. Car il faut le reconnaître, il a mis le doit dans la plaie, en dénonçant les éléments de blocage. Mais c’est Aristide qui a délivré le message, avec l’antagonisme nécessaire, auquel les masses ont réagi évoquant le même sujet. Manigat n’a pas eu le langage, le verbe populiste. Le langage qui incite le peuple à la mobilisation et à l’action, ce n’est, ni la raison, ni l’analyse. C’est un discours, sans substance, simpliste, infantilisant. Ça peut expliquer pourquoi il n’a pas pu prendre le pouvoir.

Il nous faut reconnaître que le discours populiste est pour beaucoup dans le succès de Duvalier et d’Aristide pour accéder au pouvoir et s’y maintenir en dépit de leurs échecs manifestes. Il y a aussi le fait que les partis de gauche socialistes, communistes et autres ont reconnu en Aristide un leader autour duquel ils pouvaient s’unifier pour la prise de pouvoir.

Leur présence au pouvoir malgré 50 ans de situations de crise utilisant la force et exploitant l’ignorance des masses démunies, montre qu’il n’y a pas encore une alternative qui soit offerte dans un langage compréhensible aux masses démunies, pour les convaincre d’une alternative dans laquelle, elles se reconnaissent. Certes, avec des masses analphabètes, c’est une question de langage, d’oralité. Mais ce n’est pas une question d’expression savante, d’analyse, de raison et de didactique académique. Ces masses vont persister à suivre, même vers l’abîme, le langage de ceux qui les font vibrer au diapason et à leurs fréquences. C’est une simple question plutôt d’affinité que de raison.

Bien sûr, il y a une complicité internationale. Duvalier a bénéficié de la guerre froide. L’Ouest n’a pas voulu que Castro exporte le communiste dans les Caraïbes. Le retour d’Aristide au pouvoir en 1994, vient du fait que les pays sud-américains ont voulu mettre fin au coup d’état militaire. Mais Aristide en 2003 a menacé l’Américain en disant, qu’il allait faire une invasion des cotes de la Floride par les boat-poeples. Cette menace a tout chambardé. La décision est prise pour mettre Haïti en quarantaine. Ils ont voulu démanteler Aristide, mais pas le régime lavalas. Lavalas étant un mouvement populiste qui parle le langage du peuple pour le tenir en laisse, l’opium du peuple. C’est ainsi que Préval est retourné au pouvoir littéralement sans mot dire. Ils ont bloqué le deuxième tour pour donner le pouvoir à Préval, malgré une violation constitutionnelle flagrante.

RB : Pour ce que vous avez fait comme constat concernant le comportement du régime en place, est-il capable de gérer un projet d’intégration nationale ?

RK : Quand un problème est créé par une entité, la même entité ne peut pas le résoudre. De l’indépendance à nos jours deux nations ont évolué dans le temps séparément. Une qui n’a connu que la souffrance, la marginalisation et l’autre qui vit dans de meilleur condition. On ne peut pas demander à ces populistes de penser à la gestion de l’intégration nationale, ils ont contribué au maintien de cette séparation. Un leadership qui a échoué ne peut pas reconstruire ce qu’il a lui-même détruit, que ce soit dans le domaine politique ou privé. Quand un leadership échoue, il faut le remplacer par un leadership nouveau. Comme vous avez l’habitude d’écrire « Il faut des hommes neufs pour créer un monde nouveau. » Il faut pour gérer le projet d’intégration nationale ou de transformation nationale, un leadership nouveau, avec une culture d’exécution, avec des apports du peuple et de tous les secteurs de la société. C’est un projet républicain, basé sur la liberté individuelle, la suprématie de la loi, l’Etat de droit, la limitation des pouvoirs des gouvernants, le contrôle de la gestion des gouvernants. Pour que l’on accomplisse cette transformation, tous les secteurs de la société doivent participer et jouer leur rôle. Un parti politique par exemple, doit avoir accès à la radio pour former et informer le public. Il faut au pouvoir un régime qui ne soit pas démagogique, mais qui parle le langage qui mobilise et incite le peuple à défendre sa cause.

RB : Quels sont les bénéfices à court, moyen et long terme qui peuvent inciter un gouvernement à envisager un tel projet ?

RK : Haïti, étant un pays qui au temps de la colonie représentait les 2/3 du commerce extérieur de la France, est devenu un pays qui a perdu en 204 ans tout son potentiel agricole. On a un pays sans ressource, un peuple analphabète, en plein dans la mondialisation, ayant le besoin de rejoindre le XXIe siècle. Ce n’est certainement pas un projet à court terme. C’est un projet à long terme, qui exige un investissement sérieux dans l’éducation, pour augmenter la compétitivité de l’économie nationale. On a l’exemple du model chinois et du model indien qui ont fait de tels investissements, et qui sont en train d’en tirer profit aujourd’hui. La Chine est en train de développer une classe moyenne qui sera le double de celle des Etats-Unis. La Chine, les Indes, les Etats-Unis vont se chercher des pays émergeant pour ouvrir de nouveaux marchés. Ils vont investir dans des pays qui sont préparés à recevoir ces investissements. C’est dans les pays en voie de développement qui se sont préparés que l’une des prochaines vagues de la mondialisation va s’épandre. Voilà ce qui peut changer Haïti.

RB : Quels sont les pré-requis et les conditions qu’il faut avoir pour pouvoir entamer un projet d’intégration nationale ?

RK : Premièrement, il faut avoir la volonté politique. La structure ne suffit pas. Il faut avoir le leadership. Il faut des hommes neufs pour créer un monde nouveau. Il faut un leadership avec la culture d’exécution, déterminé à vivre les valeurs universelles, honnêteté, probité, sens de responsabilité, sens de suivi. Un leadership prêt à collaborer avec les deux nations, pour les rapprocher et les intégrer dans une même nation. Le leadership est fondamental comme pré-requis. Il faut que ce soit un leadership qui peut s’adresser aux masses, pas pour diviser mais pour unir. Pour déloger la culture de destruction, il y a un travail de conscientisation qui doit se faire. Il faut obligatoirement que les masses jouent un rôle dans leur intégration, pour avoir un sens d’appartenance, et défendre ce qui lui revient de droit.

Il faut se trouver des alliés internationaux. On ne peut pas faire cette transformation dans l’isolement. La partie réactionnaire du milieu international qui ne veut pas de changement, va se lier aux réactionnaires nationaux pour vous faire échouer. Ce leadership comme pré-requis doit prendre le pouvoir, pour exécuter un tel plan. Il ne peut pas le faire en dehors du pouvoir.

RB : Quels sont les facteurs de réticence auxquels on doit s’attendre ?

RK : Après 50 ans de populisme, il faut croire qu’il y a un établissement politique de cette faune de rétrograde et de réfractaire. Ils constituent une force dans ce pays, qui veut maintenir le monopole du pouvoir. Ils ne vont pas vous rendre la vie facile. Ils sont contre tout changement. Peu importe le changement, il dérange ceux qui sont déjà établis dans leur confort, dans leur culture. Il faut que ce nouveau leadership soit prêt à vaincre cette réticence. Il faut qu’il se donne les moyens pour le faire.

Le projet d’intégration nationale en soi, est une révolution. Il y a des classes d’individus qui ne sont pas des citoyens à part entière. Il y a des classes d’individus qui vont s’opposer naturellement à leur intégration. Il ne faut pas se faire d’illusion.

RB : Quels sont les signes indicateurs du succès du projet d’intégration ? En d’autres termes qu’est-ce qui peut indiquer que l’on est sur la bonne voie, ou le contraire ?

RK : Le premier signe de succès se manifestera dans les représentants que le peuple se choisi pour défendre ses intérêts. Il se cherche des représentants qui donnent des résultats. Le deuxième indicateur de succès c’est le progrès des éléments de base du projet d’intégration, tel que l’éducation. Il faut évaluer sur tous les angles la qualité de l’éducation et la transformation quelle opère. Il faut évaluer la mobilité sociale des démunis, l’effet de l’intégration sur l’économie. Il faut observer l’augmentation graduelle de la classe moyenne.

RB : Un régime populiste a-t-il intérêt à s’engager dans un tel projet ?

RK : Pas du tout, les régimes populistes que nous avons vécus depuis 50 ans en Haïti, sont démagogiques. Ils disent des choses. Mais ils n’ont aucune compétence. Ils n’ont aucune volonté pour opérer aucune transformation. C’est comme une bactérie qui se nourrit d’une plaie. Ils vivent des divisions sociales et des clivages sociaux. Ils sont en train d’exploiter et d’exacerber la colère du peuple. Les régimes populistes du genre que nous avons connu en Haïti, ne peuvent offrir aucune solution aux crises qu’ils exploitent. Le populisme de Castro ne répond pas non plus aux exigences du XXIe siècle dans les conditions géopolitiques actuelles. On peut avoir des gouvernements de gauche et de droite en Haïti, mais la monopolisation du pouvoir à vie est inacceptable. Il nous faut établir une vraie république, un Etat de droit. Cela exige un nouveau leadership. Je ne crois pas qu’un leadership populiste soit capable d’entreprendre un projet d’intégration nationale. Ce serait se réinventer. Ce serait altérer sa vision du monde. Ce serait réinventer sa culture. Ce qui est impossible.

RB : Je te remercie pour ta participation brillante à cette émission. J’espère pouvoir t’inviter pour une prochaine fois.

RK : Ça a été un plaisir pour moi de te parler et de participer à l’émission. Tu m’as posé des questions assez difficiles, mais pertinentes. J’espère que l’audience les apprécie. Ça a été un plaisir.

lundi 5 janvier 2009

Haiti - Electricité : Une centrale éolienne pour la ville du Cap.

Morne Cabane au Nord-ouest de la ville du Cap-Haitien.


Par Cyrus SIBERT

Cap-Haïtien, le 03 Janvier 2009 ; (Ré.Cit.).-

Union Européenne finance un projet d’étude, afin de déterminer la possibilité d’investir 50 millions d’euros dans une centrale éolienne de 5 mégawatts, dans les hauteurs de la ville du Cap-Haïtien.

Une tour est placée cette semaine sur le morne Cabane dit Morne La Croix ou Grand Bois, qui domine le flanc ouest de la ville du Cap-Haïtien. Avec la tour de la Compagnie de téléphones portables DIGICEL qui se trouve sur le morne Vigie au Nord de la ville, elle servira à accueillir deux équipements électroniques, en vue de contrôler durant une période d’un an la force et la capacité et la direction des vents qui traversent la ville du Cap-Haïtien et environs en déterminant la faisabilité d’une centrale éolienne. Les données recueillies seront transférées chaque vendredi à midi par Internet vers un bureau d’étude installé en Belgique. La DIGICEL assurera l’assistance en communication. L’équipement utilisera son réseau pour transférer automatiquement les données.

En plus de Morne Cabane, un second équipement de secours sera installé sur la tour de la DIGICEL à Vigie. Il servira à pallier les possibles défaillances techniques et/ou les perturbations, dans l’ordre habituel des brises, causées par les changements climatiques et à comparer les données. Toutefois, le site privilégié, pour la construction de la Centrale éolienne de la ville du Cap-Haïtien, est Morne Cabane. Après un an d’étude, les équipements seront cédés au Bureau des Mines.

Faut-il signaler que, depuis le 11 novembre 2008, la nouvelle centrale électrique José Marti financée par le Venezuela et construite par des Cubains, fonctionne dans la ville du Cap-Haïtien avec 8 moteurs et une capacité d’environ 13 mégawatts. Malgré tout, la compagnie électrique d’Etat, EDH (Electricité D’Haïti) n’est pas en mesure d’augmenter le nombre d’heures en électricité et élargir le cadre de ses services. Les capois se plaignent. La compagnie justifie ses défaillances, en se référant aux problèmes liés au réseau de distribution et au système de facturation. Les habitants de la Grande Rivière du Nord qui disposait d’une centrale hydroélectrique de 800 kilowatts – ayant une potentialité de 3 mégawatts- depuis le début des années 80, sont actuellement privés d’électricité. La compagnie d’Etat n’a pas pu protéger cet actif indispensable pour le développement de la région.

La mauvaise gestion et le désordre administratif étant les causes principales des problèmes de ce pays, dont ceux du service électrique. Pourra-t-on améliorer la situation sans réformer en profondeur l’E.D.H ?

RESEAU CITADELLE (Ré.Cit.), le 03 Janvier 2009, 18 heures 35.

vendredi 2 janvier 2009

Trois photos qui témoingnent la déchance nationale en Haiti.

Mgr Vincent, L'Archevêque Louis Kébreau ''Apôtre de la Foi Agissante'' et Mgr Jacques Mary

toujours au rendez-vous.


Le Te deum du 2 janvier 2009, Jour des aieux, une idée de l'assistance.


1 Janvier 2009, 9heures 15, Joiny Canéus, Directeur de la PNH, seule autorité présente à la Cathédrale du Cap-Haitien pour le Te deum.

Trois photos pour comprendre le processus de déchéance nationale qui frappe notre patrie depuis l’arrivée du populisme au pouvoir. Trois photos pour illustrer ce que signifient, aujourd'hui, deux jours significatifs dans la création de l'Etat d'Haïti : Le premier janvier - jour de l'Indépendance et le 2 janvier - jour des aïeux. Durant ces deux jours l'Eglise catholique, la Police Nationale d’Haïti et quelques notables de ville du Cap-Haïtien ont constitué une petite minorité insignifiante à prendre part au te deum. Nos aïeux avaient, semble-t-il, mal fait. Ce peuple ne méritait pas l’indépendance; Encore moins les irresponsables qui le dirigent.


Cyrus SIBERT

Cap-Haïtien, 2 janvier 2009.

www.reseaucitadelle.blogspot.com

'Voeux de nouvel an' des militaires haitiens emprisonnés injustement au Cap-Haitïtien.


Hommes, femmes, jeunesse de mon pays et enfin population haïtienne, je suis Raphaël M. Michel, en prison depuis près de 6 mois.

Etant porte-parole des militaires du Nord, je vous salue dans le grand nom de notre Sauveur Jésus-Christ et profite de l’occasion pour vous souhaiter BONNE ANNEE 2009 et HEUREUSE INDEPENDANCE, qui a fait de nous, peuple haïtien, des hommes et des femmes de valeurs et de grandeur.

Je porte aussi à votre connaissance qu’à l’heure où je vous parle, je suis à l’Hôpital Justinien du Cap-Haïtien, sur le lit de douleur, souffrant horriblement.

En cette circonstance pénible, je demande aux Evêques, aux prêtres, aux pasteurs, aux lycéens et lycéennes, au collégiens et collégiennes, à la jeunesse universitaire, à la population entière de nous lever dans la prière et de demander à Dieu TOUT-PUISSANT et au Saint-Esprit, notre lumière, de parler dans le cœur des dirigeants de ce pays, pour qu’ils puissent reconnaître que les militaires et leurs sympathisants travaillent pour la sécurité, la justice, l’intégrité et le bonheur de notre chère Haïti.

Que la paix, l’amour, la grâce du Dieu TOUT-PUISSANT déversent en abondance, les riches bénédictions sur le peuple haïtien tout entier.

jeudi 18 décembre 2008

HAITI : BILAN 2008

Pour Arthur Volel, Sony Bastien, Jacques Mésidor disparus en 2008.

Par Michel SOUKAR

2008 : L’année de toutes les catastrophes : irresponsabilité, incohérence, insouciance sur toute la ligne.

I. Sur le plan politique :

Haïti est encore classé parmi les quatre (4) pays les plus corrompus de la planète par Transparency International qui publie un rapport annuel sur la perception de la corruption dans le monde. Plusieurs questions dominaient le débat politique dans le pays. Parmi elles figuraient celle du renvoi du CEP dirigé par Max Mathurin, celle de la double nationalité et celle de l’organisation d’élections en vue de la mise en place des assemblées locales et du renouvellement du tiers du Sénat.

A. Le Pouvoir Exécutif piétine. Sans vision ni programme, le Président de la République prononçait un discours de pacotille, fade et décousu, le 1er janvier 2008, jour de la commémoration du 204e anniversaire de la proclamation de l’indépendance d’Haïti, sur la Place d’Armes des Gonaïves. En panne d’inspiration et d’imagination, le Président faisait la promotion d’un jus de fruit fabriqué dans le cadre d’un projet de développement local exécuté à Marmelade. Jusqu’à la fin de l’année 2008, Préval restera en panne d’idées positives, tout comme il renoncera à la dernière minute à l’invitation du Brésil de participer au sommet des chefs d’états d’Amérique latine et de la Caraïbe.

Par contre, le discours qu’il prononçait, une semaine plus tard, à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire, était moins pâle. Il s’inspirait du Document National de Stratégie pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP).

En somme, les projets du Président Préval pour ce deuxième quinquennat ne sont pas nombreux. Ce sont la stabilisation de la situation politique du pays, la révision de la Constitution du 29 mars 1987, la construction des trois (3) centrales électriques fournies par le Venezuela dans le cadre de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), la construction de quelques infrastructures routières importantes.

La stabilisation politique est un processus complexe et long. Elle ne se résume pas simplement à l’organisation d’élections et au renouvellement du mandat présidentiel.

La Constitution de 1987 représente à ses yeux une source permanente d’instabilité dans le pays. Cette Constitution prévoit l’organisation de trop d’élections, la mise en place de trop d’institutions. Son application intégrale coûterait trop chère au trésor public. Peut-être, a-t-il en partie raison? Cependant, le comportement de nos dirigeants depuis 1987 n’a-t-il pas été, lui aussi, cause d’instabilité? Mais la Constitution de 1987 prévoit son propre mode d’amendement. Trois questions figurent à l’agenda du Président Préval : la double nationalité, l’abolition de l’Armée et le renouvellement du mandat présidentiel.

La construction des trois (3) centrales électriques est très avancée à Port-au-Prince, aux Gonaïves et au Cap-Haïtien. Le Président Préval a favorisé la remise sur pied rapide du Centre National d’Équipements (CNE) en vue de la construction des infrastructures routières. Mais il fait face à de nombreuses contraintes financières. Par exemple, l’argent récupéré dans le cadre du Projet Petro Caribe est utilisé à d’autres fins, suite aux dégâts causés par le passage des ouragans.

Le Gouvernement, dirigé par le Premier Ministre Jacques Édouard Alexis, était sous la menace constante d’un vote de censure à cause de son inefficacité. Aucun des projets, figurant dans sa déclaration de politique générale, n’a vu le jour. Le programme d’apaisement social est une illusion, celui de maillage routier une utopie et le plan de développement touristique un leurre.

Entre temps, sur le marché international, les prix du pétrole et des céréales augmentaient. Il en résultait la hausse des prix des produits de première nécessité sur le marché haïtien. La grogne de la population, dénonçant l’augmentation du coût de la vie, se transformait très vite en manifestations violentes dans certaines villes du pays. Le signal, donné par la ville des Cayes, était relayé par d’autres villes dont la capitale Port-au-Prince. Des manifestations violentes s’étaient déroulées durant toute une semaine. Les manifestants s’en prenaient particulièrement à des établissements commerciaux privés et à certaines banques commerciales.

Peu de temps après, un groupe de douze (12) sénateurs prenait le relais des manifestations de rue et réclamait la démission du Premier Ministre Jacques Édouard Alexis. Le processus d’interpellation était mis en branle rapidement. Le 12 avril 2008, le sénat infligeait à son Gouvernement un vote de censure. Cet évènement s’était produit quelques mois après que la chambre des députés lui eut renouvelé sa confiance.

Drôle de coïncidence, le jour de l’interpellation du Gouvernement, la Télévision Nationale d’Haïti (TNH) retransmettait en direct une séance de négociation entre le Président de la République, accompagne du Secrétaire d’État de l’Agriculture, l’Agronome Joanas Gué et deux des plus grands importateurs de riz dans le pays, en vue de parvenir à une réduction du prix du riz sur le marché local.

Ce climat d’instabilité portait la communauté internationale à reporter sine die la conférence des bailleurs sur Haïti. Le financement du DSNCRP est renvoyé aux calendes grecques.

La valse des choix de Premier Ministre débutait. Le Président jette son dévolu sur son ami, l’Agronome Ericq Pierre. Celui-ci est aussi un fonctionnaire international jouissant d’une bonne réputation dans le milieu. Comme sous la précédente présidence de Préval, le 12 mai 2008, la chambre basse, dominée par la Concertation des Parlementaires Progressistes (CPP), rejetait son choix. Le motif était à peu près le même que la première fois : confusion d’état civil. S’appelait-il Ericq Pierre ou Pierre Ericq Pierre? Au cours d’une conférence de presse tenue à l’hôtel Montana, quelques jours après le rejet de son choix, Ericq Pierre fustigeait les députés du CPP qu’il accusait littéralement de corruption.

Puis, c’était le tour de Robert Manuel, un autre ami du Président Préval. La désignation de celui-ci a donné lieu à un débat acide sur le réseau Internet. Ce débat portait principalement sur le caractère de son aïeul, l’ancien Président René Trancrède Auguste. Très vite, les murs des principales rues de la zone métropolitaine de Port-au-Prince étaient couverts de graffitis le proclamant apôtre de la sécurité. Le 12 juin 2008, un mois après le rejet du choix d’Eric Pierre et deux mois après le départ d’Alexis, le choix de Bob Manuel était également rejeté. Il n’était pas propriétaire de biens immobiliers et ne détenait pas de carte d’identification nationale.

Après deux échecs consécutifs, le nom de Madame Michèle Duvivier Pierre-Louis, Directrice Exécutive de la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), était cité. Le Président Préval engageait des discussions et des négociations avec le parlement et les représentants des partis politiques aussi bien autour du choix du Premier Ministre que de la formation du Gouvernement.

Le choix de Madame Pierre-Louis donnait lieu à un débat moral sur son comportement sexuel. Après maintes protestations et condamnations publiques émanant de plusieurs secteurs, notamment de représentants d’organisations protestantes, des parlementaires réclamaient une déclaration publique de la part du Premier Ministre désigné. Une déclaration sibylline, effectuée à sa sortie d’une réunion, suffisait pour calmer l’esprit de ses détracteurs. Jamais femme n’a autant souffert dans sa pudeur, sa personnalité et sa réputation.

Tout ce débat prenait corps alors que la saison cyclonique battait son plein. Selon les prévisions météorologiques, Haïti se trouvait sur le parcours des premiers ouragans. Des pluies torrentielles commençaient à s’abattre sur plusieurs régions du pays occasionnant l’inondation de nombreuses villes. Quatre ans après Jeanne, Gonaives en a encore fait les frais des inondations.

Après trois mois de tergiversation, le pays était enfin doté d’un Premier Ministre. Cette confrontation entre l’Exécutif et le Législatif affaiblissait fortement l’image du Gouvernement dirigé par Madame Michèle Duvivier Pierre-Louis. C’était un Gouvernement conçu dans l’urgence pour gérer l’urgence.

La première urgence était de venir en aide aux populations sinistrées aux Gonaives, à Cabaret et dans d’autres régions du pays. La deuxième était de reconstruire les infrastructures routières détruites, suite au passage des quatre ouragans qui ont effleuré le pays au cours de la saison cyclonique. La troisième urgence consistait à relancer la production nationale de biens et de services.

Quatre ans après le cyclone Jeanne, Gonaives était encore ensevelie sous les eaux et sous les boues. Comme d’habitude, l’aide humanitaire et les promesses affluaient. Mais la situation de la ville et les conditions de vie de la population n’ont pas changé.

Plusieurs régions étaient coupées du reste du pays : l’Artibonite, suite à la chute du pont de Montrouis et de Mirebalais; le grand Nord, suite à l’effondrement du pont d’Ennery; le Sud, les Nippes et la Grande-Anse, suite à la montée des eaux de l’Étang de Miragoane. Aujourd’hui, des passages de fortune relient ces régions. La construction d’infrastructures définitives se fait toujours attendre.

L’Organisation des Nations-Unies (ONU) lançait un appel d’urgence (flash appeal) de collecte de fonds qui a fait peu d’écho. Les fonds collectés étaient dérisoires par rapport aux besoins à satisfaire.

Le Gouvernement décrétait l’État d’urgence et décidait d’utiliser les fonds générés dans le cadre du Programme Petro Caribe. Un montant de 197 millions de dollars américains est disponible. Les résultats de son utilisation ne sont pas visibles. Manque de transparence qui alimente les allégations de corruptions. Le Parlement est très critiqué sur ce point.

B. Le Pouvoir Législatif est inefficace. Le Parlement est perçu comme un foyer de scandales. La rentrée parlementaire, prévue au deuxième lundi de janvier, s’annonçait sur fond d’incertitude. Le mandat des parlementaires élus pour deux ans arrivait à expiration. Suite à des tractations entre les Pouvoirs Exécutif et Législatif, un compromis était trouvé. Leur mandat était prorogé jusqu’au mois de mai 2008.

Au Parlement, députés et sénateurs se regroupaient. Deux groupes se sont formés à la chambre des députés. Il s’agit de la Concertation des Parlementaires Progressistes (CPP) et de l’Union des Parlementaires pour le Développement National (UPDN).

Le renouvellement du Bureau de la chambre des députés s’est réalisé sur fond de scandale. Un rapport accablant dénonce les dépenses inopportunes, de location de voitures ou d’acquisition de pneus, effectuées par la Questure de la chambre des députés.

Au Sénat, il était également question de renouveler le Bureau. Ce qui donnait lieu à des remous au sein de l’assemblée. Le Président sortant, le sénateur Joseph Lambert, ne partageait pas cet avis. Les sénateurs ont du recourir à l’amendement des règlements intérieurs du Sénat avant l’organisation des élections.

Le Sénateur Kely C. Bastien, de la plate-forme Lespwa, succédait au Sénateur Joseph Lambert, comme Président du Sénat. Le Sénateur Rudolph Henry Boulos en devenait le Vice-président. Cette élection a, semble-t-il, mis le feu aux poudres.

La question de la double nationalité faisait rage au sein du parlement. Le sénateur Jean Gabriel Fortuné ne tardait pas à monter au créneau. Il dénonçait la double nationalité dont semblait jouir le sénateur Boulos. Une Commission, présidée par le sénateur Youri Latortue, était formée pour enquêter sur la question. Cette Commission voulait étendre son mandat au contrôle de la nationalité des Ministres. Le Gouvernement s’y était opposé.

Au terme de son mandat, la Commission déclarait avoir recueilli des éléments de preuve sur la double nationalité éventuelle de deux Sénateurs. Il s’agissait des sénateurs Rudolph Boulos (Nord-Est) et Ultimo Compère (Centre).

Coup de théâtre! Le sénateur Compère n’a même pas attendu la présentation du rapport de la Commission pour s’envoler pour les États-Unis d’Amérique. Alors, qu’il assistait à la foire binationale à Belladère, il en a profité pour traverser la frontière et prendre l’avion en République dominicaine à destination de New-York. Par contre, le sénateur Boulos devait présenter sa démission peu avant l’adoption d’une résolution par l’assemblée des sénateurs, proclamant sa déchéance. Rudy Boulos, lui aussi, s’est réfugié aux États-Unis via la République dominicaine.

L’on se pose la question de savoir pourquoi le Sénateur Boulos avait démissionné avec autant de précipitation, pour se proclamer ensuite Sénateur empêché et intenter une action en justice réclamant l’invalidation de la résolution du Sénat? Sa vie était-il en danger d’autant plus qu’il a été l’objet d’une tentative d’attentat en République Dominicaine quelques mois plus tard?

L’action, introduite dans la juridiction de Fort-Liberté sur une question autre que celle de la nationalité, s’est terminée par un jugement rendu en sa faveur. En effet, le Tribunal de Première Instance de cette juridiction a rendu un jugement proclamant l’annulation de la Résolution du sénat. Évidemment, l’État haïtien a utilisé les voies de recours et l’affaire est aujourd’hui en Cassation. Mais, coup de théâtre, les mêmes Sénateurs qui avaient voté la résolution, remettent la question en débat. Le public éprouve du mal à cerner leur motivation.

A la Chambre des Députés, la Commission chargée d’enquêter sur la nationalité de ses membres a pris plus de temps pour remettre son rapport. Entre temps, le Député de l’Île de la Gonave démissionnait pour cause de maladie. Il devait se rendre par la suite en traitement aux États-Unis d’Amérique. Pourtant, il pouvait solliciter un congé de maladie et continuer à percevoir ses émoluments; puisque jouissant d’un mandat de quatre années. Jusqu'à ce jour, la Commission n’a pas soumis officiellement son rapport à la sanction de l’assemblée des députés.

Le bilan du parlement est maigre. Très peu de lois ont été votées cette année. Son efficacité se mesure par le nombre de séances organisées, par la qualité des débats effectués sur des questions d’intérêt national et par le nombre de lois votées.

Le vote de ratification de la déclaration de politique générale du nouveau Premier Ministre, Madame Michèle Duvivier Pierre-Louis, s’est réalisé dans des conditions difficiles. Bénéficiant du soutien du groupe CPP, elle obtenait sans difficulté le vote de la chambre des députés. Au sénat, la situation était plus compliquée. Le quorum est très fragile. La prise de position catégorique du sénateur Edmonde Supplice Beauzile et celle plus nuancée d’autres membres de l’assemblée des sénateurs rendaient sa ratification peu probable. A un certain moment, il était même question de passer outre le vote du sénat.

La séance de ratification eut lieu dans une atmosphère, marquée premièrement par un vote de rejet. L’abstention des Sénateurs Supplice de la fusion (Centre) et de Joseph Pierre-Louis de l’OPL (Nippes) avait compliqué la donne. Le sénateur Andris Riché de l’OPL (Grande-Anse), qui n’a jamais marchandé ni caché son soutien au Premier Ministre ratifié, s’est jeté a l’eau pour renverser la vapeur et sauver Michèle. Après une rencontre très longue à huis-clos, le vote de ratification a été repris au cours de la même séance, cette fois en l’absence du sénateur Beauzile. Le sénateur Pierre-Louis s’était ravisé et avait voté pour.

Le parlement est ambivalent. Il réclame des postes dans le gouvernement. Il veut recevoir de l’argent du trésor pour exécuter directement des projets. En même temps, il veut assurer le suivi et le contrôle de l’action gouvernementale.

A la fin de l’année, un groupe de sénateurs, conduit par le sénateur Anacacis Jean Hector, menace de sanctionner le Ministre de l’Économie et des Finances. Le sénat est divisé sur la question. Une rencontre est vite organisée entre le Premier Ministre et les Bureaux des deux chambres pour présenter des ébauches de feuilles de route, promises un mois après la déclaration de politique générale.

C’est dans ce contexte que s’est déroulé un atelier de travail entre l’Exécutif et le Législatif sur l’élaboration d’un agenda parlementaire. Le sénateur Anacacis en a critiqué l’organisation de cet atelier avec le financement de la communauté internationale. Ces derniers temps, les parlementaires sont très critiques envers le gouvernement qu’ils jugent peu efficace.

A trois mois du début de l’année fiscale 2008-2009, la loi des finances n’est toujours pas soumise à la sanction du Parlement. Le Premier Ministre avait promis de le transmettre au Parlement le 15 décembre 2008.

Ce jour là, c’est l’arrêté de convocation de la chambre des députés, en session extraordinaire, pour statuer sur ledit Projet, qui lui a été transmis. Les débats s’annoncent orageux. Des voix s’élèvent aussi bien au Parlement qu’au sein de la société civile en vue de la présentation d’un budget décentralisé.

C. Le Pouvoir Judiciaire est inexistant. Malgré le vote des lois portant sur le statut de la Magistrature, celui de l’École de la Magistrature et la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), l’organisation du Pouvoir Judiciaire est restée lettre morte. La séparation et l’indépendance des pouvoirs, prônées par la Constitution de 1987, ne se sont toujours pas matérialisées dans les faits.

Cette fois-ci, l’Exécutif, par l’intermédiaire du Ministère de la Justice, s’est engagé dans un processus dilatoire de validation des membres du CSPJ qui sont soit élus par leurs pairs soit désignés par des organisations des droits humains. Cette procédure devrait précéder le choix des honorables membres du CSPJ. Le Parlement a voté une loi. L’Exécutif ne peut passer outre. Il doit la mettre en application, suite à sa promulgation.

La mission de valider les membres du CSPJ est assignée au Secrétaire d’État de la Sécurité Publique. Ce dernier confie sa réalisation à des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Se faisant, l’Exécutif viole la Constitution de 1987 et humilie les membres d’un pouvoir indépendant.

C’est aussi une façon détournée et maladroite de s’opposer au transfert des prérogatives de gestion du Pouvoir Judiciaire, dévolues au Ministère de la Justice sur la base des décrets de mars 1983 et d’août 1995.

Le Ministère de la justice ferait mieux de définir sa nouvelle mission dans la perspective prochaine de l’indépendance du Pouvoir Judiciaire. Cette Mission pourrait se résumer ainsi : servir de conseiller juridique principal du gouvernement, assurer la tutelle de la police, du Parquet et gérer le système pénitentiaire.

Aujourd’hui, sans local ni budget, c’est la communauté internationale qui finance les rencontres des membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Or, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) devrait participer à l’élaboration du Pouvoir.

De combien de juges a-t-on besoin pour le fonctionnement des 18 juridictions de la République? Combien devra-t-on former cette année? Quel doit être le budget de l’École de la Magistrature? Quel sera le budget affecté au fonctionnement des cours et tribunaux de la République?

Autant de questions dont les réponses relèvent des prérogatives du Pouvoir Judiciaire. Puis, l’on s’entonnera de l’inefficacité de la justice, de la corruption présumée des magistrats et de l’encombrement des prisons.

La situation de la détention préventive prolongée est toujours préoccupante. Le nouveau ministre de la Justice, Me Jean Joseph Exumé, a formé une Commission, chargée de conseiller le Ministère sur la question. Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a protesté contre la publication du nom de Vilès Alizar, sans son consentement, comme membre de cette Commission.

La lutte contre la corruption, le trafic des stupéfiants et le blanchiment des avoirs, se sont intensifiés cette année. Un cas a défrayé la chronique. Il s’agit de celui de M. Sandro Joseph, Directeur Général de l’Office d’Assurance Vieillesse (ONA). Celui-ci aurait payé cash un véhicule, offert à sa concubine à l’occasion de la Saint-Valentin. L’Unité de Lutte Contre la Corruption, après enquête, a demandé au Parquet de mettre l’action publique en mouvement.

Le nouveau Commissaire du Gouvernement, Me joseph Manès Louis qui remplace à ce poste Me Claudy Gassant, mettait l’action publique en mouvement. Aujourd’hui, le cas est déféré au cabinet d’instruction. Dans cette affaire, M. Joseph se dit victime de machinations et de persécutions politiques. Cette affaire a mis en lumière la pratique de prêts hypothécaires accordés par l’ONA à des parlementaires à des taux bonifiés et sur des périodes dépassant 15 ans.

La Drug Enforcement Agency (DEA), des Etats-Unis, a mené de nouvelles opérations de lutte contre le trafic des stupéfiants dans plusieurs régions du pays. Des présumés trafiquants, arrêtés aux Gonaives, à Jacmel et à Port-de-Paix, ont été transférés aux Etats-Unis pour faire face à la justice américaine. Dans cette dernière ville, la perquisition de la maison d’un proche d’un présumé trafiquant de drogue a permis de découvrir un coffre-fort contenant des millions de dollars américains. Les biens immobiliers leur appartenant, ont été mis sous séquestre par le gouvernement haïtien.

Au début du mois de décembre, une jeune femme nommée Monique Pierre, entretenant des relations amoureuses avec le Commissaire de Police Ernst Bouquet Dorfeuille, affecté au commissariat des Gonaives, a été enlevée dans sa résidence située dans la banlieue Est de Petion-Ville et tuée.

Son cadavre a été retrouvé sur une route nouvellement aménagée non loin du morne à cabris. On la dit très riche et on la soupçonne d’entretenir des liens avec la mafia de la drogue. Son fiancé a été interrogé par le Parquet, en présence de ses avocats. Son cas est déféré au cabinet d’instruction qui l’a inculpé sous trois chefs d’accusation.

Parlant de Parquet, on se souvient de Me Claudy Gassant, ce Commissaire du Gouvernement tout-puissant qui entretenait des relations conflictuelles avec tout le monde sauf avec son maitre Préval. Peu de temps avant l’entrée en fonction du Gouvernement Préval-Pierre-Louis, il est nommé maintenant Ministre Conseiller à la Mission diplomatique haïtienne en République dominicaine. Madame Pierre-Louis ne voulait-t-elle pas gérer les sautes d’humeur du Commissaire Gassant? Puisqu’elle allait occuper le portefeuille de Ministre de la Justice.

Le Directeur Général de la Police semble avoir gain de cause. Le dernier épisode du feuilleton sur le conflit l’opposant à Me Gassant remontait à l’affaire Assad Volcy. Le véhicule de ce dernier, Directeur de la Communication au Palais National, serait soupçonné d’implication dans un cas d’enlèvement à Petion-Ville. N’était-ce l’intervention opportune du Commissaire Gassant, il aurait été arrêté par la police de Pétion-Ville.

Aujourd’hui, on s’attend à ce que Me Gassant mette son talent et son zèle au service des migrants haïtiens, objets des pires traitements dans les bateys et dans les villes frontalières de la République dominicaine. Les relations entre les deux états sont cordiales. Le Gouvernement ne semble pas préoccupé par les conditions de vies inhumaines menées par nos compatriotes en république voisine.

Cette année encore, l’insécurité a fait de nouvelles victimes au sein de la population haïtienne. Les actes de kidnapping ont repris de plus belle. Les femmes et les enfants, particulièrement les écoliers, en sont les principales victimes. Cette situation permet aux partisans des Forces Armées d’Haïti de remettre la question de sa réactivation sur le tapis.

Des militaires démobilisés ont fait entendre leurs voix à Hinche. Au Cap-Haïtien, certains d’entre eux en profitaient pour occuper l’espace de certains bâtiments publics. De plus, la Commission chargée de réfléchir sur la nécessité d’une seconde force publique remettait son rapport.

Ce contexte était aussi propice au renouvellement du mandat de la MINUSTAH pour une année supplémentaire. L’ONU présente Haïti comme une menace pour la sécurité de l’île, de la Caraïbe et de l’hémisphère. Mais après quatre ans et six mois de présence sur le territoire haïtien, quel bilan peut-on clairement dresser de son travail pour conjurer cette menace? La MINUSTHA n’est-elle pas surtout une force de dissuasion? Et combien de temps cette dissuasion doit-elle durer et pour quel résultat?

En termes de performance, le parlement a voté très peu de lois au cours de cette année. La performance de l’Exécutif se mesure à l’aune de la paralysie et de l’inaction. La Justice est en panne.

D. Autres Acteurs de la vie nationale.

1. Le CEP : La question du renvoi des membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP), dirigé par Max Mathurin a dominé l’actualité. On est unanime à reconnaître que c’était un CEP à problèmes. Cependant, on s’interrogeait sur la logique et l’économie d’une telle décision. Il fallait organiser les élections pour le renouvellement du tiers du Sénat et les élections indirectes pour compléter le cycle électoral qui a été initié en 2006.

Ces dernières élections devraient conduire à la mise en place de toutes les institutions indépendantes prévues dans la Constitution de 1987, y compris le Conseil Électoral Permanent. D’aucuns soupçonnent le Président Préval d’être contre l’organisation des élections intermédiaires.

Cette question du remplacement du CEP a donné lieu à des protestations au niveau de la classe politique et de la société civile. Mais cela ne leur a pas empêché de désigner des personnalités pour les représenter dans le nouveau CEP. Par exemple, le nom de Jacques Bernard, Directeur Général de l’ancien CEP, dont le rôle était instrumental à la réussite des élections de 2006, était cité pour représenter la Chambre de Commerce et de l’Industrie d’Haïti (CCIH).

Coup de théâtre ou manœuvre politique! Son nom ne figurait pas sur la liste des membres. Pourtant, il était nommé Directeur Général par Arrête Présidentiel. Nomination éphémère, dirait-on. Il devait démissionner peu de temps après, pour signifier son désaccord à la révision des règlements intérieurs du CEP. Révision qui réduisait les pouvoirs du Directeur Général à celui d’un caporal. Il était remplacé à ce poste par Mr Pierre-Louis Opont, ancien cadre de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC).

L’absence de gouvernement et les catastrophes naturelles ont considérablement ralenti l’élan du Conseil Électoral Provisoire nouvelle version. Jusqu'à présent, ce dernier n’a pas publié de calendrier électoral. Deux dates hypothétiques, avril et juin 2009, sont retenues pour l’organisation des élections en vue du renouvellement du tiers du sénat. Il se pose la question de l’inscription des nouveaux électeurs et celle de la distribution des cartes électorales par l’Office National de l’Identification (ONI). Le matériel, commandé à cet effet, est disponible. On attend l’ouverture des inscriptions des nouveaux électeurs, la distribution des cartes fabriquées lors des précédentes élections ainsi que le remplacement des cartes égarées.

Le CEP n’inspire pas confiance. Parlementaires et regroupements de partis politiques se plaignent. Ils critiquent le CEP de vouloir les écarter du processus électoral. Ils le critiquent davantage parce qu’il a changé presque tout le personnel des bureaux départementaux et communaux. Il a procédé à un concours pour recruter le nouveau personnel.

L’installation de nouveaux responsables des Bureaux Électoraux Départementaux (BED), s’est effectuée dans une atmosphère de protestation. Dans au moins deux départements (Centre et Grande-Anse), certains membres ne sont pas installés. Dans la Grande-Anse, l’un d’entre eux a même fait l’objet d’arrestation pour implication présumée dans la commission d’infractions pénales. Comment peut-on s’attendre à des élections honnêtes et crédibles quand ceux préposés à leur organisation ne le sont pas?

Les opinions sont divisées sur l’opportunité et la pertinence de l’organisation de ces élections cette année, après autant de catastrophes et de déboires. Leur coût est estimé à 16 millions de dollars américains. Ne faudrait-il pas consacrer cette somme à des activités productives et génératrices de revenus?

2. L’Université : un nouveau Conseil est élu pour gérer les destinées de l’Université d’État d’Haïti (UEH). Mis à part l’Agronome Jean Vernet Henry, les deux Vice-Recteurs, ayant dirigés avec le Recteur Pierre- Marie Paquiot, ont été réélus.

En dépit de ce changement, les facultés ne se portent pas mieux. L’École Normale Supérieure est en crise. Des étudiants de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) demandent de participer à la relance de la production agricole.

Ils ont malmené le Ministre de l’Agriculture, l’Agronome François Sevrin. En outre, la capacité d’accueil de l’UEH est dépassée. Il y a plus d’étudiants haïtiens à Santiago en République dominicaine que dans toutes les universités fonctionnant dans le pays.

3. Les Partis Politiques : l’image et la réputation des partis politiques sont très érodées cette année. Premièrement, la formation du groupe CPP à la chambre des députés a fortement affecté la réputation des partis politiques représentés au Parlement.

La CPP imposait sa loi dans les négociations portant sur le choix des candidats au poste de Premier Ministre et sur la formation du Gouvernement. Elle est devenue une force incontournable sur l’échiquier politique.

Les partis politiques, faisant partie de la Convention et autres regroupements de partis, reprennent du poil de la bête à l’annonce de la préparation des élections.

4. La Société Civile : elle n’a pas d’agenda spécifique. Elle est en mode réactif depuis l’accession de Préval à la Présidence. Son palmarès n’est pas très brillant cette année.

D’un coté, la Chambre de Commerce et de l’Industrie d’Haïti (CCIH) jointes à l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) et a l’Association des Médias Indépendants d’Haïti (AMIH) ont organisé, avec succès, une journée de levée de fonds au Parc Historique de la Canne à Sucre, en vue de venir en aide aux sinistrés des quatre ouragans qui ont frappé le pays durant la saison cyclonique. Avec la faillite de l’état haïtien et l’inefficacité du secteur privatif haïtien, le marathon s’installe comme mode de gestion de désastres et comme certificat de citoyenneté. Les organisations qui s’occupent d’éducation civique ont du pain sur la planche.

De l’autre, un groupe d’organisations a réagi sur la question de la réforme constitutionnelle et récemment sur la préparation du budget 2008-2009. En outre, un collectif d’organisations a organisé une marche pacifique contre le kidnapping. Suite à cette marche, le collectif a soumis un avant-projet de loi au sénat qui l’a voté sans difficulté.

Par ailleurs, des organisations dites paysannes ont manifesté dans les rues de la capitale pour réclamer le respect de la souveraineté alimentaire. Il faudrait commencer par produire du citron, de la banane et des noix de coco en quantité suffisante pour satisfaire la demande domestique.

Enfin, la commémoration du 60e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits Humains a donné lieu à des débats très animés sur la ratification éventuelle par Haïti de la Convention des Nations-Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Ce débat est vieux, dans la mesure où il remonte à l’époque de la guerre froide. A cette époque, la tendance en était que les pays du bloc socialiste, de tendance plus égalitaire mais moins enclin à l’alternance politique, adoptaient la convention sur les droits économiques sociaux et culturels. Alors que les pays du bloc capitaliste, de tendance inégalitaire mais plus encline à l’alternance politique ne serait-ce qu’à travers l’organisation d’élections truquées, adoptait celle sur les droits civils et politiques.

C’est ainsi, par exemple, que la République socialiste de Cuba a ratifié la Convention sur les droits économiques, sociaux et culturels. Alors qu’Haïti, même sous la dictature des Duvalier, a ratifié celle sur les droits civils et politiques. Il n’est pas étonnant que les conditions de vie de la population soient bien meilleures à Cuba. Alors que certaines libertés publiques sont plus ou moins constatées en Haïti.

E. La Communauté Internationale : La Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a rempli tant bien que mal son rôle de force de stabilisation. Elle ne manque jamais l’occasion de rappeler que la mission de développement incombe aux haïtiens.

La MINUSTAH, dans toutes ses composantes, s’est montrée très utile au cours de cette période. Son rôle a été primordial dans l’acheminement des secours quand tous les ponts étaient coupés. Son mandat est reconduit pour un an. Certaines voix et pas des moindres se sont élevées pour réclamer son départ. D’autres plus raisonnables réclament un calendrier de désengagement, moyennant la constitution d’une force de substitution.

D’une façon générale, les organisations du système des Nations Unies, les Agences de Développement international ainsi que les organisations caritatives ont apporté une aide humanitaire substantielle, suite aux catastrophes tant humaines que naturelles qui ont affecté ce pays cette année.

Toutefois, les Haïtiens doivent créer eux-mêmes les conditions de paix et de stabilité indispensable au développement socio-économique du pays.

II. Sur le plan économique :

Haïti est épinglé par un rapport sur l’environnement des affaires dans le monde. L’économie haïtienne, déjà moribonde, a subi les conséquences de crises majeures tant externes qu’internes. Le premier trimestre de l’année 2008 débutait par l’annonce de la découverte d’un foyer de grippe aviaire dans la province orientale de Higuey. Il a également été témoin de la montée des prix du pétrole et des céréales sur le marché international.

Sur le plan externe, la découverte d’un foyer de grippe aviaire dans la province orientale d’Higuey, en République dominicaine, a porté les autorités haïtiennes à adopter de mesures restrictives sur les importations de produits avicoles en provenance de la République. Ces mesures ont eu pour effet immédiat de renchérir le prix des poulets et des œufs sur le marché haïtien. La viande de poulet était la plus accessible aux petites bourses en Haïti, en raison du caractère modéré de son prix.

Ensuite, la crise pétrolière. Le prix du baril de pétrole atteignait les 140 dollars sur les marchés de Londres et de New-York. Cette crise affectait non seulement la balance commerciale et la balance des paiements du pays, en termes de sortie de devises pour s’en approvisionner, les prix de l’énergie, du transport et de tous les produits associés ou connexes étaient en hausse. L’effet de cette crise sur le coût de la vie de l’haïtien moyen était insupportable.

Puis, la crise alimentaire. L’amélioration des conditions de vie dans des pays émergents et très peuplés, comme la Chine et l’Inde augmentaient la demande de céréales dans ces pays. Conséquence immédiate : les prix du riz, du soja et du blé avaient plus que doublé. Il est résulté la hausse vertigineuse des prix de tout produit complémentaire ou substitut.

En Haïti, comme dans beaucoup d’autres pays moins avancés, les prix des produits de première nécessité avaient dérapé. Cela précipitait dans la détresse et la famine les 40% et plus de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté avec moins de un dollar américain par jour.

Après la grogne, ce fut le tour des manifestations de rues aux Cayes, une ville réputée généralement calme. Le mot d’ordre gagnait d’autres villes. Dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ces manifestations étaient violentes. Les manifestants s’en prenaient aux maisons de commerce et à certaines banques commerciales. Le coût des dégâts est énorme. Le manque à gagner pour le fisc était considérable.

Ces manifestations servaient de détonateur à l’interpellation du Premier Ministre Jacques Édouard Alexis et au renvoi de son gouvernement, suite à un vote de censure infligé par le sénat de la République.

Sur le plan interne, le renvoi du gouvernement marquait le début d’une longue crise politique. Pendant quatre mois, le gouvernement Alexis expédiait les affaires courantes. L’aide financière promise par la Communauté internationale était littéralement bloquée. Cette crise politique aggravait la situation déjà précaire d’une population aux abois.

De plus, le processus de la préparation du budget du prochain exercice, qui démarre généralement en mars de l’année en cours, est retardé. Le taux d’inflation augmentait pour atteindre plus de 18 % en rythme annuel, dépassant toutes les prévisions établies dans le cadre du programme de stabilisation économique.

Le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain dérapait également. Ce qui portait la Banque Centrale à intervenir sur le marché des changes pour éviter une dépréciation plus accélérée de la gourde par rapport à la devise américaine. En Haïti, la variation à la hausse du taux de change et l’augmentation du prix du pétrole sur le marché international sont les deux principaux paramètres considérés pour décider de l’augmentation du prix du pétrole à la pompe.

Peu de temps après, les catastrophes naturelles. Depuis quelques temps, la saison cyclonique n’est pas clémente envers le pays qui est constamment sous l’effet de catastrophes environnementales produites par l’homme. Haïti est devenu très vulnérable aux catastrophes naturelles. Cette année, quatre ouragans majeurs ont effleuré les côtes septentrionales et méridionales haïtiennes. Ils ont eu pour nom : Gustav, Hanna, Ike et Josephine.

Quatre ans après le passage du cyclone Jeanne qui avait inondé et dévasté la ville des Gonaives, cette ville se retrouve encore ensevelie sous les eaux. L’Organisme chargé de la Protection Civile recensait plus d’un millier de morts, des centaines de disparus et des centaines de milliers de sans abri sans compter la destruction des commerces et des plantations. Gonaives était paralysée.

L’Artibonite est sans doute le département le plus touché; mais pas le seul. Le plateau central, les Nippes et le Nord-Ouest sont également très affectés. Les inondations ont ravagé les plantations, emporté les cultures et endommagé les infrastructures de base.

Dans certaines régions du pays, les infrastructures routières sont détruites et les plantations emportées par les eaux en furie. C’est le cas, par exemple de la ville Cabaret ou une bonne partie des bananeraies était détruite, sans oublier les pertes considérables en vies humaines. Il était difficile voire impossible d’approvisionner certaines régions en carburant.

Enfin, la crise financière. Cette dernière frappe particulièrement certains pays développés occidentaux. Mais ses effets sur l’économie réelle ne se sont pas fait attendre. L’économie de la plupart des pays développés rentre en récession. Les populations de migrants basculent dans le chômage.

Il en résulte la baisse des flux de transferts vers des pays sous-développés. C’est le cas en Haïti où le chômage est déjà endémique. Son taux avoisine 70% de la force de travail. On annonce encore la mise à pied d’au moins un millier d’ouvriers dans la zone franche établie non loin de la frontière nord avec la République dominicaine.

Cette année, Haïti renoue avec la reconduction du budget. La loi des finances rectificative est votée par le Parlement juste quelques heures avant la fin de l’année fiscale 2007-2008, soit le 30 septembre 2008. L’année fiscale se termine avec un déficit budgétaire, évalué à quelques 3 milliards de gourdes. C’est la raison pour laquelle les bailleurs de fonds internationaux ont encouragé le Gouvernement à utiliser les fonds générés dans le cadre du Programme PetroCaribe pour financer le programme d’urgence.

C’est à la fin du premier trimestre de l’année fiscale 2008-2009 que le projet de lois des finances sera soumis à la sanction parlementaire. Donc, il est difficile de prétendre pouvoir améliorer les conditions de vie quand les ressources ne cadrent pas avec l’augmentation d’une population sans cesse croissante.

III. Sur le plan social :

Une enquête, effectuée par l’institut de sondage Gallup, classe Haïti parmi les pays où la population n’est pas satisfaite de sa qualité de vie. Le jour de la publication des résultats de cette enquête, un correspondant de presse au parlement posait la question à certains députés. Ces derniers ont répondu que les conditions de vie dans le pays sont abominables.

En 2008, le peuple haïtien a vécu dans le désespoir, la désolation, le désarroi et la détresse. Il ne manquait une occasion pour clamer son mal être. A cela, le Président Préval et l’ancien Premier Ministre Jacques Édouard Alexis répondaient qu’ils n’étaient pas des magiciens et qu’ils ne pouvaient opérer des miracles.

Quel est le rôle des dirigeants, si ce n’est de raviver l’espoir au sein de la population? D’ailleurs, c’est sous ce label que la plateforme qui les a portés au pouvoir avait mené campagne et gagné les élections.

Les différentes situations de crise qui ont frappé le pays au cours de cette année, que ce soit la crise alimentaire, la crise pétrolière, la crise politique, les catastrophes naturelles et la crise financière, toutes ont eu des conséquences très graves sur les conditions de vie déjà précaires de la population haïtienne, en général.

A ces différentes crises s’ajoutaient les vagues de révocation dans des entreprises publiques comme la Téléco, l’Autorité Portuaire Nationale (APN), le Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS). Des milliers d’employés, en majorité des gagne-petit, se retrouvaient subitement sans emploi, sans revenu et sans moyens de subsistance.

Ces anciens employés allaient automatiquement grossir l’armée des chômeurs. Le chômage affecte cette année 5 millions d’habitants environ. C’est dans cette catégorie que se recrutent les plus pauvres d’entre les pauvres. Ceux-là vivent dans la pauvreté la plus abjecte. Elles sont les premières victimes des catastrophes naturelles qui se sont abattues sur le pays cette année.

De plus, des centaines de familles pleurent la disparition d’etres chers aux Gonaives, à Cabaret, à Mirebalais et à Hinche. Certaines d’entre elles ont tout perdu. La seule alternative qui s’offre à eux est l’exode. Quand elles ne viennent pas augmenter le nombre de taudis et de bidonvilles, elles traversent la frontière ou prennent la mer à la recherche d’une ville meilleure.

Elles ne sont désirées nulle part. C’est par bandes qu’elles sont rapatriées tous les jours de la République dominicaine, des Bahamas et des États-Unis d’Amérique. Les moins fortunes périssent en mer. Depuis quelques temps, une situation de tension règne dans les villes frontalières entre Haïtiens et Dominicains.

Le tableau s’est davantage assombri avec l’effondrement d’une école, dénommée la Promesse Évangélique fonctionnant à Nérette dans la banlieue de Péetion-Ville. Le bilan des victimes était lourd : une centaine de morts et des centaines de blessés.

Cette école, dirigée par un pasteur de cultes réformés, est construite sur trois niveaux dans un bidonville, sans calcul préalable de la résistance du sol et des matériaux. Les dégâts seraient moindres s’il existait des routes facilitant l’acheminement des secours. Le pasteur est arrêté sous la prévention d’usurpation de titres et d’homicide involontaire. Est-il le seul responsable de cette catastrophe?

Toutes les institutions publiques qui ont failli à leur mission de contrôle sont responsables. La Présidence l’a si bien comprise qu’elle a convoqué les Maires des 140 communes à une retraite au Palais National pour deviser sur la meilleure façon de lutter contre les constructions anarchiques qui sont légions dans le pays.

Un pays ne meurt pas, dit-on. Mais Haïti agonise sous le poids de l’incohérence, de l’irresponsabilité et de l’insouciance de ses fils, de ses gouvernants, de ses élites aussi bien morales, politiques qu’économiques.

Cette année, le temps n’est ni aux souhaits ni aux vœux pieux. Consacrons-le à la réflexion citoyenne. Une réflexion qui doit éveiller la conscience des élites haïtiennes sur leur mission véritable qui est de travailler au bonheur du peuple haïtien.

Toutefois, le peuple doit vouloir vivre heureux et le décider collectivement. Il doit commencer par confier la gestion de ses destinées à des dirigeants honnêtes, responsables, compétents, soucieux de son avenir et de celui des enfants.

Quand on confie un pouvoir même en haillons à des chefs de bandes qui se pavanent en hommes d’État, on plonge l’avenir dans la nuit. Les Haïtiens ont-ils les ressources matérielles, intellectuelles et morales pour se tirer du gouffre sans passer par une tutelle efficace? En ce début du 21ème siècle, Haïti est un navire sans gouvernail avec une caricature de capitaine. Dans un pays de misère profonde, d’ignorance crasse, avec un système d’électrocratie malsaine poussant sur le terreau fertile d’une société corrompue et largement analphabète, l’écrasante majorité ne vote pas ce qu’elle mérite mais ce qui lui ressemble, la démagogie et l’argent sale aidant. Si Barack Obama était Haïtien, nos compatriotes, pour la plupart, l’auraient vu comme un métis dérangeant et lui auraient préféré un nul sans programme, sans langage, un politicien de pacotille pataugeant comme eux dans la médiocrité ambiante et parfait joujou de nos affairistes cyniques et méprisables. Il ne resterait à Barack qu’à se caser dans un poste d’ONG ou d’un organisme international ou à se refugier à l’extérieure. Pendant combien de temps, Haïti sera-t-elle encore considérée comme un comptoir par des escrocs tant nationaux qu’étrangers, marchands d’une « démocrassie » qui signifie tout le monde dans la crasse? Dans ce pays où, parait-il, Dieu devra prouver qu’il existe, tant sont immenses la lâcheté, l’égoïsme, l’incapacité d’apprendre et de comprendre de la plupart de ceux qui l’habitent, la fin de la descente aux enfers dépend-t-elle encore de la volonté, de l’intelligence et du courage d’un groupe d’Haïtiens?

Michel SOUKAR
Décembre 2008