lundi 18 février 2008

La fin du débat sur l’armée

Que cesse donc le débat sur l’armée. C’est mon souhait. Bien que certains compatriotes lucides ont su apporter des arguments convaincants pour défendre leur position. D’autres n’ont de cesse d’y opposer des arguments d’ordre émotionnel.

Pourtant, tout comme la nécessité de faire appel à l’astronomie pour les questions relatives aux astres, d’utiliser la chimie et les sciences naturelles pour comprendre la matière, les questions relatives à l’Etat font appel à une science qu’on appelle science politique. Car ce débat se concentrant sur l’armée est en réalité un débat sur l’Etat. Des sociologues comme Max Weber, Norbert Elias ou des historiens tels que Marc Bloch, Otto Hintze etc. nous ont montrés combien l’Armée est centrale pour l’Etat moderne. Nous ne pouvons sur ce forum débattre de ces questions en ignorant ces travaux, nous ne pouvons non plus remettre en cause ces travaux avec uniquement des arguments émotionnels et affectifs. Nous ne pouvons faire appel à l’histoire pour corroborer des arguments qui n’ont pour fondement que le sens commun.

Il serait malheureux et même absurde de vouloir construire une nation sur ces considérations émotionnelles. En s’interdisant de comprendre qu’une seule institution ne peut être responsable de tous les malheurs d’une nation. Les institutions évoluent dans un grand ensemble (où l’interdépendance est de mise). Ce sont les interactions (Etat/société) entre les différents éléments de cet ensemble qui vont dessiner la nation et son devenir. Il s’agit également d’interactions multidimensionnelle s.

Un Etat n’existe qu’en fonction des interactions régionales et internationales. La survie de chaque Etat dépend des autres. C’est pourquoi on ne peut pas édifier un Etat sans tenir compte de la force de ses concurrents les plus proches. Autrement dit il est irrationnel de vouloir construire l’Etat d’Haïti sans une réelle force de défense tandis que la république dominicaine n’a de cesse de renforcer ses capacités militaires. Une armée ne s’arme pas contre des menaces intérieures mes extérieures. Un Etat moribond sans armée est appelé à disparaître.

L’un des arguments phares des antimilitaristes se veut historique : l’Armée a toujours joué le rôle de déstabilisateur en Haïti. Or on sait que des faits historiques exposés abruptement ne permettent pas de comprendre l’histoire des femmes et des hommes, encore moins de comprendre le présent et d’orienter le futur. Ces arguments antimilitaristes incarnés par Aristide et ses admirateurs avoués ou inavoués ont pour fondement une seule et même logique : le refus de réfléchir profondément sur les problèmes sociétaux en vue d’apporter une réponse globale à la hauteur des maux qui gangrènent notre société et qui sont à la base de notre retard séculaire. Cette haine de l’armée est fondée sur l’amour des solutions faciles : la société va mal, supprimons donc l’armée et le problème est réglé ! Pourtant 15 ans après cette suppression la société ne va pas mieux. Bien au contraire. 15 après cette suppression on fait appel à une armée étrangère « multifaciale » chargé de la « sauvegarde de la souveraineté nationale ».

Cette façon de faire me fait penser à un événement historique qui a marqué la France : le pétainisme. Les antimilitaristes sont animés par le même sentiment que Pétain, c’est-à-dire la peur. Ils le disent clairement. Ils ont peur que l’armée fasse des coups d’Etat mais n’ont pas peur que le pays soit occupé par le premier venu. Ils parlent d’une police bien équipée qui garantirait l’ordre intérieur. Ils raisonnent comme si le seul risque de déstabilisation était d’ordre intérieur.

Il faut que ce débat cesse car il porte sur quelque chose qui n’est pas négociable, qui ne doit pas faire objet de débat, le seul fait de le mettre en question est suspect : l’existence d’Haïti en tant que nation sur la carte du monde. Pour moi cela n’a pas de sens de se demander si Haïti doit continuer à exister. Se poser cette question c’est comme se demander si les esclaves de Saint-Domingue avaient raison de se rebeller contre les colons. Ce qui à mon sens n’a pas de sens. Donc le débat est clos.

Je fais appel à tous-tes les haïtiens-nes qui n’acceptent pas que Haïti soit vendue de venir travailler avec nous en vue d’une Haïti à la hauteur de son histoire.

Renald LUBERICE

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