mercredi 27 février 2008
L'actualité en question
Sommes-nous revenus au temps des baïonnettes, durant lequel un petit caïd, ou un seigneur de guerre, pour imposer sa loi, ameutait ses hordes de fanatiques
(piquets ou cacos), de fidèles et marchait sur une ville ou un département ?
Le bruit court que certains fanatiques, certains fidèles du Premier ministre Jacques-Edouard Alexis laisseront la ville des Gonaïves pour rejoindre ceux
de Port-au-Prince en vue de donner une réponse appropriée aux députés de la 48e Législature qui ont eu l'impudence d'initier une séance d'interpellation du chef de gouvernement prévue pour ce jeudi 28 février. Des bus, dit-on, seront mis à la disposition de ces « fidèles » des Gonaïves qui viendront, ce nous semble, s'opposer à toute velléité des députés de sanctionner par un vote de non-confiance la politique
du chef de gouvernement.
Une telle attitude sera une insulte à l'ordre public, une négation de la démocratie à travers l'équilibre recherché dans la séparation des trois pouvoirs, une amnistie à la barbarie, à la délinquance politique, si elle est tolérée ! Le Premier ministre Jacques-Edouard Alexis, en raison de son statut social comme universitaire, ancien doyen et autres, a intérêt à ne pas s'associer à une telle démarche dont il ne pourra
jamais répondre devant l'histoire. Et dire que l'opinion publique n'a pas encore digéré l'expression manifeste de cette volonté du Premier ministre Jacques-Edouard Alexis de négocier avec les bandits, les kidnappeurs qui ont endeuillé et endeuillent encore nombre de familles haïtiennes contraintes, dans la grande majorité, à la migration étrangère.
Nous pressentons une question qui piaffe d'impatience de rester informulée. Serait-ce l'argent des contribuables qui va servir à ameuter ces hordes de
fanatiques dans la plus pure tradition politique de nos « manifestations spontanées » de ces dernières années ?
De toute façon, le Premier ministre Jacques-Edouard Alexis ne serait pas à son coup d'essai. Chaque apparition du chef de gouvernement est ponctuée de cette présence de manifestants devant le Parlement scandant des slogans favorables, renouvelant leur fidélité, leur attachement, à sa personne. Ce qui ne saurait masquer ce malaise social, l'inefficience d'un gouvernement inapte à répondre aux attentes de la population. S'agit-il de tester la popularité de Jacques-Edouard Alexis ou de mesurer sa capacité de mobiliser ses partisans ?
Assuré de la force de pression de ses partisans, le Chef du gouvernement, tout confiant, a rejeté d'un revers de main la proposition consistant à accorder un sursis de trois mois à son gouvernement. «Je suis prêt à me rendre jeudi au Parlement pour l'exercice de ce jeu démocratique», a-t-il dit en substance.
Bizarrement, depuis ce matin, les partisans de Jacques-Edouard Alexis ont monté leur tente devant le Parlement, décrétant la permanence jusqu'à jeudi.
L'enjeu de cette séance ne risque-t-il pas de reposer sur l'honneur des députés, sur l'indépendance du Parlement ? Honneur, indépendance, si ces notions ont
encore leur sens dans ce pays !
Alexis a-t-il la confiance de Préval ?
48 heures avant la séance d'interpellation du Premier ministre Jacques-Edouard Alexis devant la Chambre des députés, le président de la République, René Préval, se garde de faire la moindre déclaration publique sur ce dossier brûlant d'actualité.
René Préval veut, semble-t-il, jouer la carte de la prudence comme il l'avait fait à l'occasion de l'interpellation du Premier ministre Rosny Smarth, le 26 mars 1997 (au début de son premier mandat présidentiel) , pour ne pas donner l'impression d'influencer les parlementaires dans leurs prérogatives constitutionnelles.
Réuni hier avec les partis politiques membres du gouvernement pluriel, René Préval préfère mettre le cap sur le renouvellement du tiers du Sénat en lieu et place de véritables débats sur le dossier de l'interpellation. Cependant, à la question d'un représentant de parti politique sur ledit dossier, René Préval estime qu'en cas de renvoi de Jacques-Edouard Alexis, il lui sera difficile de trouver un accord avec le Parlement sur le choix d'un nouveau Premier ministre. Les représentants des
partis politiques présents à la réunion ont pris note sans faire trop de commentaires.
Se sentant confortable, contrairement à la semaine dernière, Jacques-Edouard Alexis multiplie ses interventions dans la presse. Il se dit prêt à défendre la politique de son gouvernement devant les députés jeudi.
En effet, qu'il s'agisse des parlementaires du regroupement LESPWA ou de ceux d'autres partis politiques qui soutiennent le Premier ministre, aucun n'a exprimé sa satisfaction de la politique gouvernementale. Pour certains députés, il est question d'éviter au pays une nouvelle crise institutionnelle comme c'était le cas en 1997.
D'autres plaident pour un remaniement ministériel.
Pendant les vingt mois de sa gestion, Alexis a déjà annoncé deux remaniements ministériels. Mais sans succès !
D'où vient ce blocage ?
Sur les 13 chefs de gouvernement qui se sont succédé à la Primature, aucun n'avait la latitude de conduire la politique gouvernementale sans l'emprise du président de la République. Exception faite de Marc Louis Bazin, Jean-Jacques Honorat et Gérard
Latortue qui ont été premiers ministres pendant des périodes de transition.
Qu'il s'agisse de Premier ministre choisi par le président (Martial Célestin, René Préval, Robert Malval, Smack Michel, Claudette Werleigh, Jean-Mairie Chérestal, Yvon Neptune et Jacques-Edouard Alexis) ou issu d'un parti majoritaire (Rosny Smarth, février 1996), c'est la volonté du président qui prime dans la gestion du
pouvoir.
Le contrôle du pouvoir est entre les mains du président de la République qui choisit la
quasi-totalité des ministres, secrétaires d'Etat , directeurs généraux et parfois les chefs de cabinet des ministres.
Jacques-Edouard Alexis a tenté à deux reprises de remanier le cabinet ministériel, Préval s'y est toujours opposé.
Faut-il espérer que l'Exécutif bicéphale, introduit dans la Constitution de 1987 qui implique une réelle cohabitation entre le Président et le Premier ministre, fera un jour partie de notre culturepolitique ?
Lemoine Bonneau
bonneau2005@ yahoo.com
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