Cher Frantz,
Je partage totalement ton edito «Ne pas perdre le Nord» qui souligne l'importance des investissements en cours dans la région du "Grand Nord" d'Haiti. Certes, c'est facile pour un homme du Nord, dirais-tu. Effectivement, il n'y a aucun doute que le Nord est la locomotive qui entraine désormais le wagon économique du pays.
Mais ou va le Nord? Ce « grand nord » pourrait devenir ce que le Cibao est pour la république dominicaine avec ses universités, ses zones franches, ses plaines agricoles, ses resorts touristiques de Puerto plata, ses pôles de services (aéroport Cibao et port manzanillo etc..). Ceux qui ont participé aux foires « Expo-Cibao » connaissent la force de ce label. Notre grand Nord est exactement frontalier de cette région de Cibao et présente géographiquement les mêmes potentiels, incluant celui de la synergie avec cette dite région.
Aucun plan stratégique ou de compétitivité n'aurait pu mieux proposer cette synchronisation fortuite d'investissements en cours ou achevés dans le Nord et le nord-est d'Haïti : Université, deux parcs industriels, (Codevi, Caracol), route nationale no 6 reconstruite, prochainement un aéroport international ….
Pourvu qu'après coup, que tout cela soit mis en cohérence et qu'à l'instar du Cibao, un réel leadership régional prenne la mesure des enjeux, car pour l'instant tout cela n'est que le fruit d'un heureux hasard. Pour ne pas perdre le Nord, je dirais que le Nord a besoin d'un réel plan de compétitivité et d'un label pour mettre à profit tout cela, car après tout, le mal développement ca existe aussi. Nos collectivités locales doivent être prêtes à assumer ces mutations.
C'est aussi pour cela que j'applaudis cette initiative des élus parlementaires du Nord et du Nord-est qui unanimement ont décidé de transcender les appartenances politiques pour avancer en rang serré sur ces dossiers à travers le forum socio-économique des Elus du Nord et du Nord-est. Espérons que cela tienne et entraine aussi les chambres de commerce régionaux qui doivent se renforcer et surtout les acteurs du système éducatif de cette région. En effet, actuellement les premiers emplois modérément à valeur ajoutée de ces investissements sont actuellement occupés par des dominicains en majorité (contremaitres, mécaniciens, ....) faute en partie d'écoles professionnelles avec des carrières correspondant aux réelles demandes du marché du travail. Ce développement ne saurait laisser de coté ces milliers de jeunes qui sortent de nos écoles, hélas sans qualification réelle, pour la majorité.
Mais, c'est bien, commençons par le commencement, pourvu que le Nord pense déjà à demain et que le reste du pays l'appuie.
Finalement, il n'y a aucun doute que le Nord a été pris par surprise face à ces nouveaux développements, mais la réalité est là et il nous faut en tirer profit. Autant vivement que le Nord retrouve d'abord le Nord.
Merci Frantz.
Haïti: EDITO : Ne pas perdre le Nord
Les annonces se succèdent à Port-au-Prince, dans le cadre de Invest in Haiti, la première grande conférence des investisseurs de l'ère Martelly. Il est de bon augure que le tapis rouge soit déroulé pour le capital avant que nous nous mettions à quemander.
Si l'hôtel Karibe est le coeur de la conférence, le département qui tire vraiment son épingle du jeu est le Nord du pays. Le grand Nord, comme aiment le dire les fiers originaires de cette région qui restent attachés au temps où le pays était divisé en cinq départements géographiques.
Dimanche, deux événements ont marqué la journée. Des élus du Nord se sont entendus à l'unanimité sur une position commune. De quoi créer un pôle politique inédit, basé sur l'appartenance à une région et la défense d'intérêts communs.
Dimanche aussi, les opérateurs du terminal portuaire du Cap-Haïtien ont organisé une cérémonie pour se rappeler au bon souvenir des investisseurs. Le port du Cap est bon pour le service. Ce n'est pas une petite bataille alors que des industries pourvoyeuses d'emplois s'apprêtent à s'installer dans un rayon de moins de cent kilomètres.
Qui dit industries et emplois dit importation, exportation, consommation de toutes sortes de biens qui doivent arriver à bon port. Il y a une belle opportunité. Pour le Cap. Il y a aussi une décision à prendre si on veut, comme le prévoit le plan directeur du Tourisme, préserver la belle baie de Fort-Liberté.
Lundi, ce fut l'inauguration officielle d'un tronçon de la route Port-au-Prince-Cap-Haïtien. La Banque interaméricaine de développement (BID), le même jour, a accepté de financer à hauteur de sept millions de dollars les sept premiers kilomètres entre Bon-Repos et Titanyen. La portion Saint-Marc-Gonaïves est en chantier grâce aux fonds Petrocaribe, et Gonaïves-Cap est sous étude. L'argent manque pour l'achever, mais si le Nord continue sur sa lancée, ce sera chose faite dans les cinq ans qui viennent. Nous serons loin des vingt ans d'attente que les soubresauts politiques ont imposé à la réfection en profondeur de la route nationale # 1.
Sur le même tracé de la nationale # 1, si tout va bien, la route Labadie- Citadelle Henry en passant par l'Acul du Nord sera une réalité et déjà on rêve de voir, dans un avenir pas trop lointain, des centaines de touristes gravir les pentes de la jamais prise forteresse, car jamais assiégée.
Entre le Cap et la frontière d'avec la République dominicaine, il y a l'université offerte par nos voisins, qui doit être inaugurée le 12 janvier 2012. Il y a aussi les usines de Codevi et le parc industriel de Caracol. En un clin d'oeil, sans que Port-au-Prince et ses investisseurs peureux ne s'en rendent compte, le plus grand bassin d'emplois peu spécialisés de la République va voir le jour alors que la capitale ne peut ni agrandir le parc industriel public, ni faire démarrer de nouveaux parcs industriels privés, ni mettre en opération les bâtiments industriels qui servent de simples dépôts de marchandises.
Une semaine avant la conférence des investisseurs, le ministre des Affaires étrangères avait annoncé la construction d'ici deux ans de l'aéroport du Cap-Haïtien. Vingt fois depuis 1986 cette information a fait la manchette des journaux. Cette fois, l'argent est disponible, espérons que des querelles d'attribution ne perturbent pas, encore une fois, les prévisions.
Pour rester dans une figure facile, la capitale a perdu le nord. Depuis 1986, la ville-république n'a pas pu trouver son cap pour savoir quelle inflexion donner à son avenir. Ville industrielle ? Ville dortoir ? Ville marché ? Ville cerveau ? Capitale économique ?
Le Cap, le Nord et le grand Nord doivent se mettre à réfléchir à leur avenir. Si tout se passe bien, le décollage sera fulgurant. Et la région, déjà connectée à la République dominicaine et à l'étranger, sans passer par Port-au-Prince, peut devenir le prochain pôle de croissance du pays, ou le prochain monstre.
Avec le Nord, on ne doit pas encore une fois perdre le nord.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com