« Si Dieu n'existe pas, tout est permis. »
(Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov)
C'est vrai que ce sujet épineux incite à la plus haute réserve et plus grande précaution. Les agissements politiques des enfants d'Abraham envers les habitants de la Bande de Gaza – il faut le dire clairement – souvent non conformes aux conventions et traités internationaux, sont toujours au-dessus de tout blâme. Voire sanction. Les Israéliens comptent autour d'eux des alliés puissants. Leurs richesses économiques et financières se déploient à la grandeur de la planète. Les Juifs établis sur les cinq continents n'arrivent plus à comptabiliser argent, mobiliers et immobiliers. Et par-dessus tout, comme si cela ne suffisait pas, « l'Éternel » aurait même fait d'eux – selon les Écritures – les premiers et principaux héritiers de son « paradis ». Ils sont donc – contrairement à vous et à moi – les « enfants légitimes » de la « Création ».
États-Unis, Canada, France, Angleterre, Allemagne, pour ne citer que ceux-là, révèrent Israël comme les Frères de l'Instruction Chrétienne nous apprenaient, enfants, à vénérer Jean-Marie de La Mennais, encenser le catholicisme rétrograde et son « mensonge théorisé » – pour reprendre les termes que Jean-Pierre Rioux(1) a utilisés dans un contexte différent – et à abhorrer les Indiens. Particulièrement Caonabo.
Quant au Premier ministre du Canada, M. Stephen Harper, pareil à un robot programmé, il ressasse son refrain dissonant: « Israël a le droit de se défendre. » Cependant, comme la plupart de nous l'ont écouté à la télévision, les officiels des États-Unis parlent en cachette de « massacre ». La logique pascalienne et la méthode cartésienne que préside l'esprit de probité intellectuelle commanderait de faire ici la différence entre les termes « offensive» et « défensive » qui, parlant du dernier, demeure un « Droit sacré ».
Ne serions-nous pas en mesure de comprendre la réticence de la Palestine à capituler devant l'arrogance de son « colonisateur »? Les morts innocents ne retourneront pas à la vie. Alors, les problèmes ne devraient-ils pas être réglés, comme le pense le Hamas, sûrement et durablement : permettre la création de l'État palestinien dont rêvait Yasser Arafat, pour que les deux peuples arrivent enfin à jouir des bienfaits d'une cohabitation pacifique et fructueuse? Avant, Palestiniens et Israéliens ne festoyaient-ils pas ensemble? Et alors?
Israël, tous les observateurs le reconnaissent, transforme la Bande de Gaza en souricière. Une vaste prison sans barbelées où les habitants ne peuvent ni sortir ni rentrer à leur guise. Le droit de libre circulation leur est enlevé brutalement.
La Suisse demande déjà une enquête pour que les responsabilités criminelles soient fixées d'un côté comme de l'autre pour les pertes en vies humaines subies par les familles. Seulement, tout indique que la « suprématie » de l'État d'Israël dans le monde portera une fois de plus l'ONU à jouer à l'autruche…
La situation qui prévaut actuellement en Terre Sainte n'est pas celle de la guerre. Mais d'un massacre planifié. La guerre se fait à armes égales.
Malgré les apparences, la communauté internationale cherche à cacher l'ampleur du désastre. L'Organisation des Nations Unies – comme au Rwanda – se contente de lancer des mises en garde à saveur laxiste et hypocrite aux belligérants. En prenant soin de fustiger – comme elle le fait habituellement – le Hamas pour les lancements des roquettes sur le territoire d'Israël. Les dirigeants occidentaux ne montrent aucune volonté de freiner le compacteur qui aplatit Gaza. Pour le dire comme à l'époque de l'Ancien Testament, la Palestine est déclarée « anathème » par le peuple de Dieu, celui-là même qui a renié Jésus et rejeté sa divinité. Et pire encore, qui lui a préféré le brigand Barrabas !
Le soleil n'a plus sa clarté étincelante pour les enfants de Gaza depuis le 14 mai 1948, date de la création de l'État d'Israël par la redoutable Golda Meir aidée d'une pléthore d'activistes politiques juives. Aujourd'hui, l'astre radieux est devenu carrément triste et pleurard sous les cris de détresse des fillettes et des garçonnets gazaouis, pourtant pleins de vie, remplis d'avenir, qui meurent par centaines sous une pluie de missiles qui ne s'arrête pas...
Lorsque les conflits armés internationaux visent directement les enfants et les femmes, l'intention de « démocide » ou d'« ethnocide » est clairement exprimée. Nous conservons – malgré le contexte – l'exemple du pogrom juif au cours de la deuxième guerre mondiale qui révolte jusqu'à présent la conscience humaine. C'est toujours choquant et regrettable de voir des enfants ensanglantés expirer dans les bras de leurs parents bouleversés. Jamais la mémoire individuelle et collective n'arrivera à se débarrasser des images désolantes des Juifs qui partaient vers les camps de concentration et qui allaient finir douloureusement dans les chambres à gaz des assassins nazis. On en parle aujourd'hui encore. Pourtant nous sommes en juillet 2014. Il en est de même pour l'extermination des Indiens d'Amérique. La traite des noirs. Les drames d'horreur rédigés par des mains sales et criminelles ont la vie dure. Résistent contre l'usure du temps. À Gaza, Israël écrit l'histoire sous le mauvais angle. Cette guerre sale nous rappelle le cynisme du Roi David envers Urie qu'il poussa à la mort pour lui ravir sa séduisante épouse Bethsabée. Netanyahu joue le rôle du méchant : celui du personnage froid, antipathique surnommé incorrectement l'Indien dans Et pour quelques dollars de Plus, le salaud qui a fait fusiller la mère et le bébé pour se venger du mari et du père. Les cinéphiles n'arrivent pas à oublier les pleurs nourris du nourrisson et le silence angoissant qui s'en est suivi après la détonation fatidique. L'État hébreu – ce n'est une surprise pour personne – nourrit le rêve scandaleux d'annexer la Bande de Gaza à son territoire. Et même la Cisjordanie. Le plan macabre du sionisme serait de contraindre les Arabes de Palestine à dresser leurs tentes dans les autres pays musulmans. C'est ainsi qu'Israël compte régler à moyen ou long terme les problèmes de contestation soulevés par la convoitise de Jérusalem comme sa capitale politique. Y aurait-il des intentions génocidaires derrière les actes de brutalité extrême reprochés à l'armée de Netanyahu ? Seule une enquête menée par des experts indépendants le déterminerait. Nous utilisons le conditionnel pour laisser transpirer le doute de la réponse…
Israël tue. Mais semble adopter tous les moyens pour empêcher que la population de Gaza se reproduise et se remette en place. Le niveau de violence qui motorise les hostilités ne laisse presque pas de doute : « Partez ou mourez! » Les bombardements des écoles et des hôpitaux où l'on soigne les blessés – femmes, enfants, vieillards... – renforcent et crédibilisent amplement les soupçons… Même les refuges mis par les organismes internationaux à la disposition de la population civile fuyante sont bombardés indécemment par Israël.
La Bande de Gaza explose sous les bombes. Les maisons deviennent
des bouteilles en verre et volent en éclats avec les occupants. La mort surprend les habitants dans leur sommeil. Une fois de plus, le cœur des puissants de ce monde bat au rythme de la «complicité criminelle ». Les organismes des droits humains commencent déjà à agiter la question de crime contre l'humanité.
Comment une nation qui a elle-même subi la cruauté de l'histoire peut-elle se permettre, à son tour, de reproduire les comportements de ses « bourreaux »?
Et qui pis est, « David » vante ouvertement les supports indéfectibles d'« Alexandre Legrand » à sa «cause ». Certains diraient qu'un descendant d'esclave aurait donc accepté finalement de prononcer la condamnation à mort de Spartacus? Et puis : « Dieu est mort. » N'est-ce pas Friedrich Nietzsche qui l'a dit ? Aujourd'hui, rares sont les individus qui acceptent d'être opprimés, asservis au nom de la sacro-sainte « religion ». Et c'est vrai pour les populations de plusieurs pays…!
Chose totalement rare, nous avons vu des journalistes qui ont laissé éclater une charge émotive en pleine séance de travail. Et c'est humain… Ils ont pleuré publiquement devant la caméra. Incapables de poursuivre la lecture du texte de reportage. Pourtant, les reporters de guerre sont formés pour contrôler leurs émotions. Mais ce qui dérange véritablement à Gaza, ce sont les corps inanimés des gosses : souples, joyeux et criards quelques minutes avant l'explosion du missile fatal; silencieux, ensanglantés, raidissants quelques secondes après la tragédie irréparable. Ils sont demeurés exposés dans les décors de l'horreur, jusqu'à ce que leurs dépouilles soient récupérées et portées en terre par les adultes impuissants, bouillonnant de douleur, de colère et de révolte.
Et cette réflexion poignante d'un garçon blessé par les soldats de Tsahal (2) à sa mère bouleversée: « Je voulais devenir médecin, mais je veux maintenant apprendre à fabriquer des roquettes pour lancer sur les Israéliens. »
Le secrétaire d'État de Barak Obama, John Kerry, filmé et diffusé à son insu, explose comme les bombes qui pilonnent la Bande de Gaza: « C'est un jeu de massacre…! » Ce Haut fonctionnaire, Chef de la diplomatie de la Maison Blanche, n'a fait que répéter tout haut – même s'il a parlé en privé – ce que d'autres États, pourtant alliés du redoutable « cracheur de feu » pensent tout bas? Car, chacun le sait : quiconque se mettrait en travers du chemin des Juifs en paierait le prix. Comme Salomon, fils de David et de Bethsabée, ils détiennent et monopolisent « avoirs » et « savoirs ». Leurs noms résonnent dans l'univers comme les « trompettes de Jéricho » : Emmanuel Mendes Da Costa, Baruch Spinoza, Sigmund Freud, Raymond Aron, Émile Durkheim, Claude Lévi-Strauss, Jean Ferrat, Georges Moustaki, Marcel Proust, Karl Marx, Albert Einstein… Nous ne voulons pas vous étourdir.
Un épicier palestinien confie à une journaliste de France 2 : « Quand on part travailler le matin, on apporte son cercueil avec soi ! » Que voulez-vous, son commerce de vente des produits de première nécessité est indispensable pour assurer la survie du reste des habitants éprouvés. Bien entendu, avant que la mort violente ait fini de les faucher, peut-être, jusqu'au dernier. Depuis l'installation d'Israël dans la région, les Palestiniens – notamment les Gazaouis – marchent à grands pas vers le cimetière… Ce conflit haineux n'épargne même pas les plus justes : bébés, fillettes, garçonnets… Les missiles ne sont pas aveugles. Mais plutôt Impitoyables. Car ils portent des verres de correction… Même la nuit, ils voient. Clair.
Il est bon de rappeler qu'en temps normal, la Bande de Gaza est confrontée à des difficultés socioéconomiques majeures, à cause du blocus établi et maintenu par l'État d'Israël depuis juin 2007. Cette mesure exceptionnellement répressive coïncide avec l'écrasante victoire du Hamas aux élections législatives de 2006. Plusieurs fois, des citoyennes et citoyens progressistes ont tenté de violer l'embargo injuste pour se porter au secours de la population démunie presque de tout; leurs navires sont arraisonnés et saisis arbitrairement; et les cargaisons de vivres et de médicaments destinés aux malades sont sauvagement détruites par la marine israélienne. Et eux, les bons Samaritains, malmenés. Puis incarcérés.
Selon les informations qui filtrent des milieux de la politique internationale, les incursions de l'armée israélienne en territoire palestinien cacheraient des « intentions » malsaines, dissimuleraient des « objectifs » de « lucratisme » qui tiendraient lieu de « sadicité ». S'agirait-il effectivement du même coup d'opération agressive et provoquée, dirigée contre une population souveraine pour « tester » de nouvelles armes de guerre destinées au marché mondial de l'armement ? Ce serait, à notre avis, le comble de la « malfaisance » du « loup » de la fable de Jean de La Fontaine. En attendant, des intellectuels belges mettent en garde leur gouvernement contre l'achat des derniers drones israéliens qui, selon eux-mêmes, sont couverts de « sang innocent ». Aux dernières nouvelles, Bruxelles manifestait toujours l'intention de commander au moins 6 de ces engins sophistiqués.
Dans toutes les capitales du monde, les voix s'élèvent contre les dirigeants israéliens. Beaucoup de personnalités qui composent la diaspora juive condamnent elles aussi l'agression démesurée de l'État hébreu contre Gaza et les crimes qu'il perpètre et multiplie au sein de la population civile. Déjà pas loin de 800 morts, majoritairement des femmes et des gamins, parmi les Gazaouis. Et 34, disent les mêmes sources, dont presque tous des militaires, du coté des soldats de Netanyahu.
Le mois de juillet 2014 restera – à jamais – lourd de remords pour Israël. Si toutefois les dirigeants de ce pays ont conservé un brin d'état d'âme ! Et gardé une goutte de « conscience »! Comment oublier ces visages sereins des enfants déchiquetés dans leur jeu, égorgés et mutilés mortellement dans leur sommeil ? Ces femmes, mères de famille, éventrées, démembrées et décapitées par la « volonté obsessionnelle » et la « force disproportionnée » mises au service de la démence d'une colonisation absurde ?
Israël court le risque d'être accusé de commettre des « crimes de guerre » contre Gaza. Le Conseil de sécurité de l'ONU se montre déjà embarrassé. Le secrétaire d'État étasunien, M. John Kerry évoque en coulisse les agissements répréhensibles du Premier ministre Benjamin Netanyahu envers une population civile vulnérable et désarmée: « Israël se livre à un jeu de massacre », constate-t-il.
Le temps ne pourra jamais exercer sa « dictature de l'oubli » sur une « tragédie » si déplorable et tellement déplorée, qui transcende toutes les qualifications péjoratives et monstrueuses.
R.L.
24 juillet 2014
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Références
1.- Préfacier de l'ouvrage Lire Jaurès.
2.- Armée de défense d'Israël.