Ce lundi 6 juin 2016, le CEP aura à déterminer s’il restera ou s’il partira avec le Président Jocelerme Privert.
En 120 jours, l’arrivée au sommet de l’Etat de l’ancien Président de l’Assemblée nationale n’a fait que compliquer la situation avec des nominations illégales à la tête de la Police (PNH), de la Banque centrale et à l’OEA, des assassinats et des persécutions politiques, une offensive contre le pouvoir judiciaire et la prise de contrôle de l’appareil étatique à des fins de fraudes électorales.
C’est sans surprise que l’on constate que les élections n’ont pas eu lieu dans les délais prévus par l’Accord du 5 février 2016. On connait la tendance au Palais national, tous les conseillers et membres du cabinet du président intérimaire sont contre les élections de 2015. Ils ne l’ont pas caché. Donc, c’est illogique de leur demander d’achever le processus initié en 2015. Pour répéter le Sénateur Cantave : “Monsieur Privert a fait tout ce qu’il n’avait pas à faire. Il n’a rien fait de ce qu’il avait à faire.”
Cependant, le Conseil Electoral, lui aussi composé de personnalités anti-Elections2015, a le mérite d’avoir contribué à l’achèvement des élections municipales. Des maires élus le 25 octobre 2015 ayant été certifiés par ce CEP puis installés dans leur fonction, on peut inscrire le travail de l’équipe de Monsieur Léopold Berlanger dans la continuité du processus électoral.
Toutefois, il n’est pas sans savoir que des sénateurs comme Jean-Baptiste Bien-Aimé, Wesner Polycarpe très proches du Président intérimaire, des membres de son cabinet comme le Dr Kelly C. Bastien et des représentants de partis politiques comme Vérité, Pitit Dessalines et Fanmi Lavalas sont partisans de la table rase “Tabula Rasa”. A défaut, ils cherchent à contrôler les élections sénatoriales à la fin de l’année 2016. Un coup d’Etat électoral est alors en préparation. L’excès des nominations dans l’administration publique et spécialement le changement précipité des délégués et des vices-délégués sont des signes avant coureur de ce coup d’Etat électoral à venir. Une nouvelle crise électorale s’annonce pour 2017.
Pour ne pas se laisser entrainer dans cette 2e crise électorale annoncée, le CEP de monsieur Berlanger doit-être conscient de cette situation et décider de refermer la boite de pandore que constitue les élections de 2015 en bouclant le processus.
Il est rapporté que ce samedi 4 juin, le CEP de monsieur Berlanger a présenté une proposition de calendrier électoral qui prend en compte le tiers (1/3) du Sénat. C’est une erreur. Car, en ignorant la résolution des députés et la position des Sénateurs qui condamnent l’arrêté illégal modifiant le décret électoral sans vote du parlement et élargissant son mandat, ce CEP risque de se placer dans l’oeil du cyclone politique et de faire partie du problème.
Car, dans une semaine, le parlement reprendra ses droits. Contrairement à la propagande gouvernementale qu’on entend sur Radio Kiskeya et d’autres médias complices ou paresseux de la capitale haïtienne, l’Accord du 5 février 2016 ayant stipulé que le Président provisoire a un mandat de 120 jours “au maximum”, en votant Privert, le parlement a voté la fin de son mandat. Monsieur Privert a besoin d’un vote pour rester au pouvoir, non pour quitter le pouvoir. Privert ne pourra pas rester un jour de plus sans un vote du parlement. Et, avec un Premier Ministre légalement constitué jouissant de légitimité parlementaire, ce sont les articles 48 et 49 de la Constitution qui sont applicables. Art. 48 : “Si le Président se trouve dans l’impossibilité temporaire d’exercer ses fonctions, le Conseil des Ministres sous la présidence du Premier Ministre, exerce le pouvoir exécutif tant que dure l’empêchement.”
C’est impossible d’avoir des élections libres, honnêtes et démocratiques avec l’influence partisane du Palais National contrôlé par de mauvais perdants qui n’accepteront jamais le verdict des urnes. Il est indispensable de rétablir la confiance à partir du départ obligé de Jocelerme Privert, un remaniement gouvernemental qui prendra en compte les partis restants dans la course électorale et la configuration au parlement. Un CEP constitué de représentants de secteurs qui n’ont aucune légitimité électorale et/ou populaire, qui n’ont aucun intérêt direct dans l’achèvement de ce processus électoral, risque de représenter un élément de blocage.
Si Léopold Berlanger, l’actuel Président du Conseil Electoral, se laisse entrainer dans une confrontation avec le parlement, l’unique pouvoir jouissant de légitimité électorale, il devra se préparer à débarrasser le plancher. Dans ce cas, l’esprit de l’Article 192 de la Constitution pourra apporter la solution à savoir “un Conseil Electoral de neuf (9) membres choisis par les trois (3) pouvoirs de l’Etat”.
On ne peut pas continuer à accepter que le processus politique haitien soit pris en otage par des groupuscules élitistes de la société civile qui n’ont rien avoir avec des élections, des organisations dites de droits humains, des médias corrompus et des mauvais perdants qui puisent leur légitimité et leur fortune dans des interminables crises électorales.
A partir de la fin du mandat du Président Jocelerme Privert, l’Etat d’Haiti, représenté par les 3 pouvoirs, doit adopter une formule pour achever le processus électoral, suivant l’esprit de la Constitution en vigueur.
Les problèmes révélés par la Commission dite de Vérification sont de nature systémiques. L’histoire récente des votes non-retraçables (qualifiés de votes zombis par François Benoit) prouve que cela a toujours été ainsi en Haiti. Plus il y a de candidats, plus il y aura de mandataires, plus la quantité de votes non-retraçables sera importante; les mandataires ayant toujours été autorisés à voter dans n’importe quel centre ou bureau de vote.
- En 1990 les votes non-retraçables (ou votes zombis) étaient de 132,000 pour 11 candidats à la Présidence d’Haiti et 12.000 bureaux de vote;
- En 1995, 35.000 votes zombis pour 3 candidats et 11000 bureaux de vote;
- En 2000, 77.000 votes zombis pour 7 candidats et 11.000 bureaux de vote;
- En 2006, 315.000 votes zombis pour 35 candidats et 9.000 bureaux de vote;
- En 2010, 228.000 votes zombis pour 19 candidats et 12.000 bureaux de vote;
- En 2015, 741.150 votes zombis pour 54 candidats et 13.725 bureaux de vote.
Cyrus Sibert, ReseauCitadelle, Cap-Haitien, Haiti
5 juin 2016
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