samedi 5 janvier 2013

La Police Nationale d'Haiti (PNH), une institution démocratique ou une société secrète? (Texte de Cyrus Sibert)

La Police Nationale d'Haiti (PNH), une institution démocratique ou une société secrète? (Texte de Cyrus Sibert)

(Sous l'oeil de la MINUSTAH, la PNH fonctionne comme une société secrète au sein de laquelle tous les coups sont permis. Les mauvaises pratiques se renforcent au point de devenir des règles administratives. Pour le bonheur des Hauts Gradés de la PNH et des Responsables de l'ONU, l'injustice est acceptable...) 

Pour la majorité des policiers, la Police Nationale d'Haiti (PNH) est une institution d'injustice. L'arrêt de travail des policiers en 2012 pour protester contre l'assassinat d'un frère, devrait être un signal fort de l'état de pourrissement des contradictions qui traversent l'institution. Les policiers ne sont pas satisfaits de la bureaucratie qui domine leur institution. La corruption administrative, les irrégularités dans l'octroi des grades, des bourses d'étude et le mode de choix des cadres devant participer à des séminaires, découragent les policiers carriéristes au profit des opportunistes-corrompus souvent liés à la drogue. Etrangement, ces derniers échappent toujours au radar des experts qui réalisent le vetting au sein de l'institution. Ces différents cas d'abus constituent le facteur qui fait de l'unique institution de la force publique, un géant au pied d'argile. 

Le scandale autour du VETTING en 2012 est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Si la MINUSTAH se targue d'avoir embauché des dizaines d'experts internationaux pour faire le travail, ces professionnels qui ne maitrisent pas les us et coutumes d'Haiti passent souvent à coté de l'objectif principal qu'est de chasser les mauvais éléments de l'institution policière. Rare sont les policiers impliqués dans des scandales comme le kidnapping, le trafic de drogue, les braquages, sur la liste du fameux rapport de VETTING. On ne voit que quelques "policiers innocents" comme cette jeune femme originaire de la ville du Cap-Haitien dont le Certificat de fin d'étude secondaire (Baccalauréat) a des erreurs matérielles de nom ou de prénom. Les FAMEUX EXPERTS EN VETTING de la PNH et de la MINUSTAH n'ont pas su comprendre que les papiers légaux en Haiti sont souvent produits avec ce genre d'erreurs matérielles qui ne dépendent pas du citoyen. Depuis 3 mois, la pauvre femme n'a pas reçu son salaire. Son nom a été cité dans la presse comme corrompue, ses conditions de vie se dégradent… Pour le bonheur des Hauts Gradés de la PNH et de la MINUSTAH, l'injustice est acceptable... 

Le cas de la Commissaire Gessie Cameau Coicou est une preuve de plus de l'incapacité des EXPERTS EN VETTING à saisir les contextes haïtiens des faits. Car, tout le monde était au courant des luttes d'influence à la tête de la Police et surtout des efforts de plus d'un afin d'éliminer Madame Coicou pour son courage à combattre l'Opération Bagdad. Le VETTING MADE IN MINUSTAH est ainsi une arme de plus au service des clans à la tête de la police pour mieux éliminer leurs adversaires. 

Ainsi, on peut se demander si la MINUSTAH et les dirigeants de la PNH ne nous prennent pas pour des idiots? Aucun nom de policiers super-riches grâce à leurs frottements avec des barons de la drogue, des policiers membres de gangs comme celui de Clifford Brandt n'y figurent pas.

Quant au processus de recrutement de jeunes aspirants policiers, on entend de plus en plus de plaintes qui traduisent une détérioration à ce niveau. On accepte, on renvoie des jeunes sans explication aucune; pas de transparence sur les tests d'admission ni sur les résultats; le citoyen-postulant est traité de la façon la plus arbitraire, au mépris des règlements. Les Haut-Gradés de la Police recommencent avec les pratiques ancestrales de recommandation de jeunes non-qualifiés, donc sans mérite, comme aspirant à l'Académie de police. On rapporte plusieurs cas de jeunes n'ayant pas réussi le concours d'admission, qui se préparent à rentrer à l'Académie de police. 

C'est le même traitement pour les bourses. Un Haut-Gradé de Port-au-Prince peut s'arroger le doit d'envoyer ses amis, ses petites amies en formation à l'étranger, sans aucune considération pour le travail des policiers affectés dans les services concernés qui devraient normalement bénéficier de ces opportunités. Trois policiers affectés à Port-au-Prince peuvent être choisis pour représenter des départements comme le Nord, le Sud, le Centre, parce qu'ils, et surtout parce qu'elles ont été gentils ou gentilles avec un Haut-Gradé.

Ces genres d'irrégularités graves affectent l'image de l'institution policière. La PNH fonctionne aujourd'hui comme une société secrète au sein de laquelle tous les coups sont permis. Sous l'oeil de la MINUSTAH, les mauvaises pratiques se renforcent au point de devenir des règles administratives. Pourtant, la professionnalisation de la force de police haïtienne est l'élément fort du mandat de la Mission de l'ONU en Haiti.

Si l'on s'en prend à la MINUSTAH au lieu des institutions Nationales de contrôle comme le Parlement, c'est parce qu'en Haiti - sauf quelques exceptions - un parlementaire est plus un agent de désordre que de contrôle. "Pédagogie démocratique" oblige, nous subissons les fautes répétées de ces élus, en majorité sans formation et surtout sans souci de bien-faire, avec l'espoir qu'avec le temps, des gens compétents et sérieux arriveront au Pouvoir Législatif. Les mauvais exemples sont encore là : L'influence des parlementaires sur la justice avant la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) et aujourd'hui leur volonté de politiser l'éducation dans l'unique but d'utiliser les fonds afin d'être réélu, sont autant de preuves que nous n'avons pas les ressources politiques responsables pour corriger les dérives au sein de la Police Nationale. Pour le moment, on se contente de demander aux responsables de l'ONU d'être plus vigilants afin d'éviter que la MINUSTAH ne s'enlise dans l'ambiance de silence-complice et de corruption au point de devenir une entité incapable de réussir sa mission face à la PNH.

Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti

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