samedi 21 juin 2008

Visite au Cap-Haïtien des Hauts Responsables de la Sécurité Nationale.

Par Cyrus Sibert
http://www.reseaucitadelle.blogspot.com/

Quand les parlementaires du Nord n’ont plus rien à dire…

Le jeudi 19 juin 2008, une délégation composée du Ministre de la justice René Magloire, du Secrétaire d’Etat à la sécurité publique Luc Eucher Joseph, du Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti (DGPNH) Mario Andrésol, de l’Inspecteur Général Fritz Jean, du député de Limonade Hugues Célestin, du Député de Cap-Haïtien Jean-Eddy Jean-Pierre et du Président de l’Assemblée Nationale le Sénateur Kelly C. Bastien, a visité la ville du Cap-Haïtien. A l’ordre du jour, il s’agissait de rassurer les citoyens par une causerie avec les directeurs départementaux et les représentants de la société civile du Nord.

Dans une salle du bureau de la délégation, durant plus de deux heures, l’assistance avait droit à des discours. Mis à part les mesures ponctuelles prises par le Conseil Supérieur de la PNH (CSPN) en vue de renforcer la PNH dans le Nord, on a assisté, avec tristesse, le niveau superficiel des approches de nos dirigeants et ceux qui, à titre de représentant de la société civile, prenaient part aux débats.

Après une brève introduction du Délégué Départemental Georgemain Prophète, le Ministre de la justice a salué l’assistance en signalant l’engagement du gouvernement de mettre fin au kidnapping dans le nord : Nous n’allons pas accepter une telle situation. Nous sommes ici pour vous rassurer que les autorités entendent, avec vous, éradiquer le kidnapping. Le Président Préval pense qu’il est indispensable de sécuriser le pays pour la relance des investissements. Au Ministère de la Justice nous avons demandé aux Parquets d’aider la police à monter les dossiers. Le Commissaire est l’avocat de la société que la police protège. S’il y a une faiblesse dans un dossier, il doit assumer ses responsabilités en attirant l’attention des enquêteurs de la Police , en leur demandant de compléter pour conforter le juge dans sa décision.

Luc Eucher Joseph a voulu ordonner le débat en exhortant l’assistance à poser le problème concrètement et de façon ponctuelle. Il a parlé de renforcement de la police qualitativement et quantitativement, de la réforme judiciaire et la nécessité d’une société civile capable de défendre les valeurs morales : La sécurité est l’affaire de tous les citoyens. Cela commence au niveau des familles qui doivent contrôler le comportement des enfants, à la société civile qui doit faire preuve d’engagement citoyen au coté de la PNH et de la justice, jusqu’aux policiers qui doit agir avec professionnalisme.

Le DGPNH Mario Andrésol a mis l’accent sur les conditions de travail des policiers, les besoins en personnels et en matériels : La Direction Générale entend apporter des solutions provisoires en vue de renforcer les capacités de l’institution dans le Nord. Nous allons compléter la chaîne de commandement ; nous sommes venus avec trois voitures supplémentaires, 13 radios de communication, des armes à feu, des munitions ; nous allons augmenter l’effectif rapidement et pencher globalement sur les conditions de travail.

Quant aux trois parlementaires présents dans la salle, ils n’ont pas laissé passer l’occasion pour, dans un esprit démagogique, se lamenter, appelant l’Etat à prendre les mesures, demandant aux Citoyens de s’engager, sans faire le bilan des lois votées pour le renforcement du climat de sécurité. On dirait un meeting électoral.

A entendre le Sénateur Kelly C. Bastien - Numéro 4 de la République selon le Délégué Prophète ou No 2 selon le Député Jean Eddy Jean-Pierre - parler de zéro tolérance, de peine de mort, de nécessité pour les banques et les compagnies de téléphones de coopérer avec la police en fournissant des renseignements sur les comportements jugés suspects, on se demande qui dirigent ce pays.

Depuis 1991, avec la prise de pouvoir des anarchistes et des populistes, les dirigeants, au lieu d’adopter des décisions, de voter des lois, se contentent de protester comme de vulgaires citoyens.

Hugues Célestin dont la circonscription est réputée prolifique en groupes armés et considérée comme principal espace utilisé par les kidnappeurs pour séquestrer leurs victimes, a fait mention d’un projet de résolution pour la peine de mort : La solution est pour demain, nous allons adopter une décision extraconstitutionnelle. Les bandits doivent être fusillés sur la place publique.

Tristesse !

Ces parlementaires ignorent que la justice haïtienne n’a pas un problème de lois, mais un déficit de moralité. Nous n’avons pas la capacité d’appliquer les lois en vigueur. Une loi sur la peine de mort serait une arme au service des politiciens intolérants pour éliminer leurs adversaires. Aujourd’hui, ceux qui croupissent en prison sont des voleurs de bananes, de poules, de portable ou de bétails. Les trafiquants de drogue comme les criminels sont toujours au pouvoir en Haïti. Bref, aucun kidnappeur de poids ne serait condamné à mort.

Pour preuve le Parlement comme l’Exécutif est truffé de criminels. Un gangster siège à la commission de désarmement. Un trafiquant de drogue était président de l’Assemblée Nationale, un autre était Directeur de la police. Aujourd’hui, ils sont nombreux les parlementaires qui devraient être derrière les barreaux.

Sans parler de cette clause internationale qui empêche un pays qui a aboli la peine de mort de revenir sur sa décision, en scandant la peine de mort, nos parlementaires nous prennent pour des imbéciles. Comme nous l’avons signalé à un collègue journaliste : Ils souhaitent sûrement que le représentant des Nations Unies, présent dans la salle, ne rapporte leur folie à ses supérieurs de New York. Car ils savent pertinemment que les conséquences d’une telle décision peut aller jusqu’au blocage de l’aide internationale.

Ce n’était pas encourageant de voir les autorités d’Haïti poser le problème de l’insécurité en des termes simplistes. Le pire, ils étaient applaudis par des élites représentants de la société civile capoise : VIVE LE SÉNATEUR ! VIVE LE DÉPUTÉ !

Rien n’est dit sur la sécurité en milieu rural. Le besoin de rétablir la structure de la police rurale qui constituait la base opérationnelle des forces de sécurité avant 1995. La sécurité frontalière, le cadre légal pour une meilleure coordination entre la Police et la justice - de nouvelles lois sur les modes de preuves, le renforcement de la police scientifique, les fonds à allouer pour l’application d’une politique de haute sécurité, le mode de recrutement, l’interférence des parlementaires dans la nomination des magistrats souvent corrompus n’ont pas été abordés.

La peine de mort a été utilisée pour passer à coté du sujet, pour ne pas répondre aux exigences de la chambre de commerce : un armement contrôlé pour des familles exposées ;

La peine de mort est instrumentalisée pour éviter de questionner nos parlementaires sur l’existence des gangs armés qui les appuyaient lors des élections de 2005 ;

La peine de mort… pour ne pas poser la question : qu’avez vous fait pour empêcher une détérioration de la situation ? Comment sommes-nous arrivés là sous votre gouvernance ?

Et pour finir, comme d’habitude, quand il n’y a plus rien a dire, sachant que le peuple digère mal l’occupation, on s’est amusé à parler du statut inconstitutionnel de la MINUSTAH. Heureusement , les étrangers qui étaient présents dans la salle ne sont pas créolophones. Sinon, ils auraient décidé de ne pas héliporter les officiels haïtiens vers la capitale. A l’instar des anti-néolibéraux qui aiment l’argent des contribuables des économies néolibérales, ils étaient tellement contents de voler à bord d’un hélicoptère de la MINUSTAH.

Démagogie, stupidité, incohérence, absence de profondeur dans l’analyse des dossiers tout était au rendez-vous. Avec de telle prestation, on est en droit de conclure : Haïti a un long chemin à parcourir avant de caresser LESPWA (l’espoir en créole) de s’en sortir.

Reportage photos:

http://picasaweb.google.com/reseaucitadelle/VisiteCSPNAuCapHaitien

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
20 juin 2008

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