Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Comme un esprit démoniaque, le kidnapping s’abat et s’étend sur la ville du Cap-Haïtien. En moins d’un mois, plus d’une vingtaine de personnes ont été enlevées puis libérées contre rançons. On rapporte qu’une jeune prostituée a été retrouvée morte suite à sa disparition. Elle aurait été kidnappée, violée puis mutilée par ses ravisseurs. Récemment, soit le samedi 30 mai 2008, le comptable de l’Ecole Professionnelle Saint-Esprit du Cap-Haïtien, a été enlevé au beau milieu de la ville.
Si dans le temps le kidnapping au Cap-Haïtien était un fait isolé, lié aux règlements de comptes, circonscrit ou endigué par les forces de sécurité, depuis le mois d’avril 2008, il est généralisé. Les criminels frappent tout le monde sans discrimination. Les femmes sont en majorité les premières victimes. Parmi les cas connus, elles représentent plus de la moitié. De source hospitalière, on signale plusieurs cas de femmes violées sans répits par des hommes de gangs. Elles ont été sodomisées à longueur de journée. Dans un état grave, elles ont été signalées à l’Hôpital se faire soigner contre une possible infection au VIH/SIDA.
La majorité des cas de kidnapping n’a pas été déclarée au service de police. Les familles ne font pas confiance aux agents de la force publique. Au sein de la population civile, des rumeurs circulent sur la possible implication de policiers dans le kidnapping. On se pose des questions sur la Direction Départementale de la Police du Nord-Est vu que les personnes kidnappées au Cap-Haïtien sont, comme rapportés par les victimes eux-mêmes, gardées dans des champs du département du Nord-Est. Des policiers seraient liés à des gangs de Ouanaminthe et de Port-au-prince. La semaine du 19 mai 2008, un informateur de la police sur la frontière haitiano-dominicaine a été abattu par un kidnappeur évadé de prison à la faveur de la complicité active des geôliers. Le fugitif est connu sous le nom de Willy.
La police quant à elle critique la passivité de la population qui coopère sans la moindre résistance avec les bandits. Elle reproche aux familles victimes le fait de ne pas porter plainte, ni faire une déposition au registre de la PNH.
De source policière, on nous apprend l’arrestation d’un des criminels impliqué dans la vague de kidnapping qui secoue la ville du Cap-Haïtien. Il s’agit de Antoine Jean-Robert alias Ti Doudou. Un complice est aussi arrêté pour détention illégale d’arme à feu. Ti Doudou est originaire de Vaudreuil (entrée sur de la ville du Cap-Haïtien sur la Nationale #1). Il s’était évadé de la prison civile du Cap-Haïtien avec la complicité d’agents pénitentiaires au mois de mars 2008. Toujours, selon les informations, les kidnappeurs qui opèrent au Cap-Haïtien viennent de Port-au-prince. Un contact dans le Nord ayant assuré la logistique et l’armement, ils frappent, séquestrent les victimes dans des champs de canne du Nord ou du Nord-est, récupèrent la rançon avant de regagner Port-au-prince comme un citoyen paisible dans un bus de transport public.
Les vêtements de l’homme d’affaire Lavaud Géhu ont été retrouvés dans un champs de canne entre Lory et La suisse. Le déficit de contrôle effectif du terrain par la Police Nationale pose de grand problème. Les bandits utilisent les territoires non couverts par les forces de l’ordre pour séquestrer en pleine air leur victimes. Il faudra penser à une police rurale capable de combler le vide laissé par l’absence des Chefs de section. Les champs de canne qui sont aux environs de Cap-Haïtien (Lory, Dubré, Carrefour père, Carrefour Laguerre, la suisse, Fossé Capois) et dans le Nord-est posent problèmes. D’ailleurs un bandit peut parcourir tout le pays sans être inquiété. Il peut s’arrêter dans une localité, exercer à partir de ce point focal provisoire des actes criminels, sans être questionné par une autorité locale.
Les leaders politiques quant à eux établissement un lien entre l’insécurité, le renouvellement du mandat de la MINUSTAH. Elusca Charles de l’OPL exige une enquête internationale sur ces violences à répétition, chaque fois que le Conseil de Sécurité doit se pencher sur le renouvellement du mandat de la MINUSTAH. Sommes nous victimes d’initiative criminelle de la part de corrompus de l’ONU qui font fortune en Haïti ? De plus, les manœuvres politiques liées à la crise actuelle sur la nomination d’un nouveau premier Ministre peuvent encourager la délinquance. L’annonce des élections sénatoriales créée un besoin d’argent qui, pour plus d’un, doit provenir d’actes illicites. Aussi, depuis le départ d’Aristide, à l’approche des fêtes patronales d’été, nous observons une vague d’insécurité et de spoliation. S’agit-il d’une initiative de partisans pour maintenir au sein de la diaspora haïtienne l’idée qu’Haïti est ingouvernable sans Aristide.
En tout cas, la police semble être dépassée par la situation. La MINUSTAH ne nous parait utile à grand-chose. La peur semble s’installer au Cap-Haïtien. Avec moins de moyens logistiques les policiers de bonne foi font de leur mieux. D’ailleurs c’est logique que les kidnappeurs pressurés par la présence policière de la zone métropolitaine quittent le département de l’Ouest en direction du Nord jusqu’à hier paisible. Si la terreur qui endeuille les familles au Cap-Haïtien aujourd’hui peut servir à rendre indispensable la validation de ‘‘Monsieur Sécurité’’ à la primature, elle pourrait aussi provoquer un mouvement de révolte sociale car les capois n’accepteront pas de rester chez eux, otages passifs de la peur. Aux autorités de solutionner ce problème urgent car le capois vit dans sa ville, sur son trottoir, dans son quartier, sur sa place publique. Cela restera ainsi ! Pas question de devenir une ville carcérale comme Port-au-prince, assiégée tout azimut par des criminels de tout poil! Ceux qui prétendent nous diriger doivent apporter une solution pertinente à ce mal systémique qui menace de détruire le tissu social.
Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
31 Mai 2008