Lettre ouverte de Cyrus Sibert à Thierry Meyssan du Réseau Voltaire
Thierry Meyssan, Réseau Voltaire
http://www.reseauvoltaire.net/
Monsieur,
Je suis ce journaliste haïtien, victime du régime d’Aristide, qui a découvert votre réseau à partir de votre livre sur le 11 septembre 2001. Je prends plaisir à suivre votre capacité de suivre les évènements, les références de vos textes et la logique de vos arguments, même quand les interprétations me paraissent souvent trop idéologiques.
Après avoir lu l’un de vos articles sur Haïti, je vous avais écrit pour vous mettre en garde de fausses informations qui circulent par un certain lobby international pro-Aristide, un lobby motivé par des intérêts économiques et des avantages dont jouissaient beaucoup de leaders internationaux pro-Aristide.
Vous croyant de bonne foi, j’ai été stupéfait de lire en ce mois de février 2005 sur votre Réseau un article qui nous rappelle les techniques d’un groupe dont vous vous plaisez à dénoncer les manœuvres antidémocratiques et manipulatrices : Le groupe que vous appelez ‘‘stay-being’’.
Comment pouvez-vous titrer un texte, dont le corps fait mention d’une manifestation de 10,000 personnes au Cap-Haïtien : « ‘‘Les’’ haïtiens veulent le retour d’Aristide » ? Je pense qu’il y a là de l’immoralité et de la manipulation.
En conséquence, je commence par mettre en doute votre bonne foi. Et même quand votre Réseau se nomme ‘‘Réseau Voltaire’’ avec un sous-titre ‘‘Pour la liberté d’expression’’, vous vous laissez entraîner dans des entreprises antidémocratiques et totalitaires, par une obsession anti-américaine.
J’ai lu tous vos textes et surtout ceux qui concernent le continent américain et européen. Votre article ‘‘ Stay-behind : Opération manquée au Venezuela, (18 mai 2002.)’’ me sert de base pour analyser la chute d’Aristide, et la capacité des peuples à faire échec au plan antidémocratique, quand les gouvernements contribuent à leur émancipation.
Dans cet article vous avez démontré comment le peuple de Chavez a fait avorter le coup d’État de l’opposition ; Aussi, avez-vous mis en exergue la popularité de Chavez en ces termes : ‘‘L'opposition mobilise 200 000 manifestants quand le président Chavez fait descendre 1 500 000 partisans dans les rues’’. Pourquoi, dans le cas d’Haïti vous refusez de questionner la popularité d’Aristide ? Vous avez dit ‘‘À l'issue du mandat de Préval, Aristide se représente et est à nouveau élu avec 91% des voix, dans une ambiance troublée et avec une abstention massive.’’ Comment expliquer l’abstention massive ?
La réponse est même quand Aristide faisait du bruit (comme il le fait encore en Afrique du Sud), il n’était pas populaire. Ses services de relations publiques, les lobbyistes, grassement payés avec l’argent des pauvres d’Haïti, faisaient de la propagande pour cacher la réalité. Ils n’ont fait que capitaliser sur la popularité qu’Aristide avait en
Dans votre texte ‘‘Cheney exige le départ d'Aristide :
En voyant partout la puissance américaine et la main de
Voyons ses évènements : le 6 janvier 1990 des militaires haïtiens associés à Roger Lafontant, un ancien ministre de Jean-Claude Duvalier ont organisé un coup d’état en Haïti, pour empêcher la prestation de serment de Jean-Bertrand Aristide. Le peuple est descendu dans la rue et Aristide a prêté serment le 7 février 1990. Pourquoi, en 2004 le peuple haïtien est resté chez lui, laissant à la milice d’Aristide (les chimères) le soin de défendre leur pouvoir ? Pensez-vous que quelques rebelles de Guy Philippe et de Louis Jodel Chamblain pouvaient renverser Aristide ?
Le 30 septembre 1991, Aristide est victime d’un coup d’État. Durant les trois (3) ans du régime des militaires putschistes le peuple résistait. On ne pouvait même pas citer le nom d’Aristide, cependant on organisait des mouvements de résistance en faveur d’Aristide à l’université, dans les églises, etc. En 2004, après le départ d’Aristide, les partisans peuvent manifester librement au Cap-Haïtien : d’après l’article que vous avez publié, ils n’ont été que 10 000 dans les rues. Notons toutefois que ce chiffre vous a été fourni par des lobbyistes d’Aristide et que malgré tout ils n’ont pu le majorer au-delà de 10,000 personnes.
En tant qu’organisation pour la liberté d’expression ne voyez-vous pas là un progrès démocratique ? Aristide lui savait lancer ses sbires (chimères) contre ceux qui manifestaient contre son régime.
Il faut en déduire qu’Aristide n’est plus populaire ; c’est un fait. Ne vous leurrez pas, vous risquez d’y perdre votre crédibilité.
Vous avez parlé de
Je pense que c’est méchant de taxer de conspirateur toute personne qui participe à des séminaires de formation de l’IRI en République Dominicaine. Moi j’ai participé à deux séminaires de formation de l’IRI en République voisine, il ne s’agissait que de culture démocratique, d’une meilleure connaissance de la démocratie Américaine, des techniques d’enquêtes, de rédaction de plate-forme et de formation de coalition. Et c’était ouvert. En 1997, j’ai aussi participé à des séminaires de
Pour discréditer le ‘‘Groupe des 184’’ vous avez écrit : ‘‘Le 15 juillet 2003, André Apaid, ex-financier de la dictature des Duvalier devenu leader du Groupe des 184, organise une provocation.’’ Je ne tiens pas à défendre Monsieur Apaid. Cependant on ne peut pas vous laisser réduire, le mouvement populaire qui a renversé Aristide, à une question de ‘bourgeoisie, ex-financier de la dictature des Duvalier’, au mépris des faits.
L’ancien Ministre de
Dans votre texte (susmentionné) sur Chavez et le Venezuela vous avez fait allusion à ses réalisations, les réformes opérées, etc. Pourquoi, refusez-vous d’analyser les réalisations d’Aristide pour mieux comprendre sa chute ? Je ne vois rien encore sur sa fortune, les crimes commis, la corruption, et ses dépenses au profit de lobbyistes Nord américains comme Irwin Stotzky de l’Université de Miami qui prétend publier un rapport sur les Droits humains en Haïti, alors qu’il est, au su de tout le monde, un employé d’Aristide.
L’histoire ne rapporte pas encore de ‘‘révolutionnaire de gauche’’ aussi riche et aussi dépendant de la capitale américaine que Jean-Bertrand Aristide.
Alors voyons ! Ne perdez pas votre temps dans cette affaire d’Aristide. Ne vous laissez pas discréditer par ces messieurs et dames de la ‘‘Haitian Action’’ qui envoient de fausses informations misant ainsi sur votre obsession anti-américaine.
Il ne faut pas comparer Aristide à Chavez ni au Leader maximo Fidel Castro. Aristide est un vendeur de patrie. Le plus offrant est son patron. C’est un menteur-profiteur qui après avoir profité des structures de l’Eglise Catholique, de l’espérance du peuple haïtien, de la frustration des noirs américains et de la fatigue de la communauté internationale qui en avait marre en 1994 avec ce pays nègre, de boat people et de pauvres, cherche à entraîner les obsédés anti-américains.
En 1990, pour accéder au pouvoir, il a eu un discours anti-américain. Aujourd’hui, il construit un discours ‘‘anti-libéral-noiriste’’ pour se faire une image. Ce n’est qu’un imposteur qui se croit pouvoir manipuler tout le monde.
Vous avez si bien dit : Exilé aux États-Unis, Aristide mobilisa la bourgeoisie noire pour qu'elle vienne en aide à la « république nègre » Bien entendu sa femme est la garante des intérêts de cette bourgeoisie noire dont vous avez fait mention. Cependant, ce qui est inquiétant et qui fait montre d’une confusion idéologique, est quand vous faites passer Aristide, pour un progressiste enlevé par
Alors comment peut-on mélanger Castro (un marxiste), Chavez (un populiste de Gauche) et Aristide (représentant de la bourgeoisie noire américaine)? On peut en déduire que votre problème est l’Amérique. Et Jean-François Revel a raison de parler d’obsession anti-américaine. Il faut au nom de …discréditer les États-Unis. Ce faisant, on condamne les peuples à supporter les dictateurs de gauches, les anarchistes, les populistes ; et parfois des criminels nihilistes sans scrupules ni idéologie comme Aristide, bénéficient de votre campagne.
En 2003 et au mois de janvier 2004, aux sommets des Chefs d’État du continent américain, Hugo Chavez a déclaré qu’en Amérique il n’y a que trois chefs d’État progressistes : Fidel Castro, Lula Da Silva et Hugo Chavez. Pourquoi, n’avait-il pas cité le nom de Jean-Bertrand Aristide ? Aussi avait-il déclaré : Je suis populaire et l’opposition dans mon pays sait que je ne suis pas un despote.
Pourquoi Fidel Castro n’a-t-il jamais visité Haïti et son homologue haïtien Jean-Bertrand Aristide alors qu’il ne ratait aucune occasion pour assister aux investitures en Amérique latine et même en République Dominicaine (République voisine d’Haïti) ?
Détrompez-vous ! Aristide n’est pas ce que vous croyez ! Ne soyez pas l’avocat du diable !
Comprenez comment des personnes influentes de son entourage sont actuellement incarcérées aux États-Unis pour trafic de drogue ! Étudiez l’histoire du panaméen Manuel Antonio Noriega, son rôle en Amérique centrale, ses erreurs et sa chute et vous aurez la vérité sur Aristide. Ceux qui utilisent les privilèges de l’oncle Sam pour empoisonner sa jeunesse et enfreindre publiquement ses lois connaîtront des jours loin de chez eux, si ce n’est en prison.
Le peuple haïtien connaît assez de problèmes. Il vient d’être l’objet d’une transaction Aristide-Clinton, il ne peut pas faire les frais d’une guerre anti-américaine. Tout discours en faveur Aristide discréditera la gauche mondiale en les faisant passer pour des protecteurs de leaders fascistes. J’attends toujours un article sur les violations des droits humains en Chine et en Corée du Nord. Un réseau comme le vôtre, protecteur de la liberté d’expression, ne saurait passer sous silence les cas de violations des droits de la personne, à moins qu’il y ait un principe nouveau que je qualifierais d’immunité idéologique au profit des dictateurs de gauche.
Cyrus Sibert, Journaliste, opinionmaxima@yahoo.com
Cap-Haitien, Haiti
20 février 2005