samedi 5 février 2011

Les démocrates ne doivent pas se tromper de cible. Par Leslie Péan.


Les démocrates ne doivent pas se tromper de cible

 

par Leslie Péan (4 février 2011)

           

            Les démocrates ne doivent pas se tromper de cible. Tant que René Préval n'est pas parti, il peut encore influencer le jeu. Sa capacité de nuisance est intacte. Il demeure un manœuvrier qui peut encore utiliser Jean-Claude Duvalier et un autre comme épouvantail en les exploitant habilement pour  parvenir à ses fins. Qu'on pense à son ultime manouvre d'envoyer Paul Denis faire une déclaration en tout point contraire à la décision qu'il allait prendre quelques heures plus tard. 

 

            Contrairement à l'erreur de Saddam Hussein qui avait envahi le Koweit en pensant avoir l'approbation de l'ambassadeur américain April Glaspie le 25 juillet 1990, René Préval n'est pas tombé dans le piège posé par la diplomatie américaine.  Mme April Glaspie avait simplement dit à Saddam que les États-Unis d'Amérique n'allaient pas commencer une guerre économique contre l'Iraq. On connaît la suite. Saddam a payé de sa vie pour n'avoir pas compris le langage diplomatique. Le président Préval a bien interprété les derniers mots de Mme. Hillary Clinton, la Secrétaire d'État américaine : « Je m'en remets à vous. Vous prendrez les décisions qui seront les meilleures pour le peuple haïtien ». Préval n'a pas interprété ces mots comme un blanc-seing pour faire du brigandage.  Aussi a-t-il donné l'ordre au CEP d'accepter les recommandations du rapport de l'OEA et d'avoir un deuxième tour désélections entre Mirlande Manigat et Michel Martelly.

 

            Nous l'avons donc échappé belle. L'explosion était sur toutes les lèvres. La rumeur secouait tous les recoins de la société. La décision n'a pas coulé de source. Les pressions de la communauté internationale ont été déterminantes. Dans l'optique de certains, cette solution du deuxième tour n'est viable qu'à court terme. On peut même dire à très court terme. C'est la solution du moindre mal qui offre un répit à une société étranglée. Pour combien de temps ? 

 

            Cette solution se trouve aux antipodes de celle défendue par les partisans de la logique rationnelle. Les risques sont connus : un CEP corrompu et sous la houlette du président Préval, une chambre des députés avec des gens qui prétendent avoir gagné le scrutin, un pouvoir exécutif décidé à aller à la rescousse de son parti INITÉ qui s'évanouit comme une ombre. Dans une telle situation, comment faire pour sortir du bourbier dans lequel le président Préval et ses clochards déguisés en technocrates ont enlisé Haïti ? Comment faire pour qu'une situation faussée dès le départ n'aboutisse à un échec programmé ?

 

La catastrophe c'est Préval

 

            Haïti vit sous occupation étrangère depuis 1994. Ceux qui ont des yeux pour ne pas voir ont fini par découvrir cette réalité avec les élections imposées par la communauté internationale. Les luttes intestines haïtiennes  ont abouti à donner un réel pouvoir aux forces armées étrangères. C'est un fait qu'on ne saurait négliger. Ce sont ces forces étrangères qui protègent le gouvernement Préval contre la  colère populaire. L'opposition démocratique doit intégrer ce fait dans sa stratégie de combat et travailler à casser la collusion entre la communauté internationale et Préval. Les démocrates doivent comprendre que la catastrophe c'est Préval. En faisant tout pour engendrer le chaos, il semble dire « après moi c'est le déluge » alors que le déluge, c'est lui. Pas question de tomber dans son piège en appuyant sous quelque forme que ce soit ses prétendues bravades à l'endroit de Mme. Hillary Clinton relayées naïvement par Paul Denis. Ces bravades véhiculées à dessein sont de la poudre aux yeux pour lui donner une posture pseudo-nationaliste.

 

            Il est clair que le changement est toujours le résultat d'une combinaison de facteurs internes et externes. Mais ce qui est prédominant ce sont les facteurs internes.  C'est ce qu'enseignent toutes les révolutions. Il faut donc y aller par étapes et éviter toute position qui reviendrait à supporter le régime de Préval. La cible c'est Préval. Dans la situation concrète actuelle, les gangsters au pouvoir alliés aux duvaliéristes sanguinaires sont les ennemis de la société haïtienne. Nous devons les combattre en faisant des alliances conjoncturelles avec tous ceux qui peuvent aider à les neutraliser. Sans exception.

 

            Les gangsters qui tuent de paisibles citoyens sont des ennemis à la solde du pouvoir. Il n'y a aucune discussion possible avec eux. Quant à la communauté internationale, elle n'a pas d'amis. Elle a seulement des intérêts. Et quand les choses changent, cette communauté est assez pragmatique pour opérer un virage à cent quatre vingts degrés.  Les exemples abondent.

 

Une opération Bagdad au Caire

 

            Au sujet des réactions de la communauté internationale, il importe de  tirer les leçons des luttes sociales en Tunisie et en Égypte en rapport. Si en Tunisie le président Ben Ali a pris la fuite, par contre en Égypte, le président Moubarak refuse d'entendre raison. Après avoir déclare vouloir mourir dans son pays, il affirme vouloir rester simplement pour éviter le chaos. La grande manifestation anti-Moubarak du mardi 1er février au cours de laquelle près de deux millions de personnes gagnèrent les rues a ébranlé l'édifice gouvernemental. La population manifestant pacifiquement à la place Tahrir depuis huit jours a été attaquée par des commandos à cheval, des provocateurs à dos de dromadaire, utilisant des véhicules de l'armée et jetant des pierres et des cocktails Molotov contre les femmes et les enfants. Les forces pro-Moubarak ont réalisé une opération Bagdad au Caire avec les dégâts en vies humaines et en biens de ce genre de déchainements.

 

            Plus de 1500 manifestants pacifiques ont été blessés ou tués par la violence des forces réactionnaires depuis 9 jours.  Les agents du gouvernement égyptien atteints de paranoïa et de schizophrénie, utilisent la violence contre les manifestants pour faire taire les démocrates. Les slogans « irhal » (pars) et « dégage » lancés par la foule agacent le régime et ses partisans. Les manifestants pacifiques se sont barricadés sur la place Tahrir, affrontant la mort les mains nues pour sauver les vies. La jeunesse haïtienne doit tirer les leçons qui s'imposent de la situation égyptienne et de la violence des forces du statu quo. Les luttes et démonstrations pacifiques doivent être organisées en conséquence.  Ne soyons pas naïfs face aux bandits anarchistes qui sont prêts à utiliser la violence pour s'accrocher au pouvoir.  Les démocrates haïtiens doivent prendre des dispositions pour ne pas être pris au dépourvu par les réactions de violence du pouvoir. 

 

La désertion du terrain politique par les cadres compétents

 

            En se noyant dans sa dérive électorale, Préval dévoile du même coup l'hypocrisie profonde qui le caractérise dans le traitement de faveur qu'il donne à Jean-Claude Duvalier. Pourquoi des entrepreneurs comme Fritz et David Brandt, Franck Ciné faisant l'objet de suspicions et d'allégations ont été immédiatement mis en prison ? Alors pourquoi Jean-Claude Duvalier est-il laissé en liberté ? Quelle est la valeur symbolique de Jean-Claude Duvalier ? Pourquoi les entrepreneurs économiques doivent-ils être vilipendés alors que les entrepreneurs politiques reçoivent un traitement spécial ? Le parfum de répugnance qui se dégage de tels méfaits ne laisse au peuple que la révolution. Les entrepreneurs politiques qui persistent dans l'arbitraire reçoivent le sort réservé à Vilbrun Guillaume Sam, l'un des trois accusés reconnus coupables lors du procès de la Consolidation qui accéderont par la suite à la présidence entre 1911 et 1915.

 

            La grande confusion qui s'est développée depuis 1986 a ses racines dans les luttes de pouvoir entre le gauchisme chrétien et les démocrates. Le résultat est la désertion du terrain politique par les cadres compétents et la montée de secteurs anarcho-populistes qui prennent un malin plaisir à mépriser et avilir le pays. Aujourd'hui, les duvaliéristes recueillent les fruits de la décrépitude qu'ils ont semée. Par ces temps de lutte anti-terroriste aigüe, où même une mouche rentrant dans un avion est suspecte, l'embarquement de Jean-Claude Duvalier avec un passeport périmé est une fable pour faire dormir les enfants. Au fait, le rôle du gouvernement français dans le retour de Jean-Claude Duvalier, rappelle le soutien des forces occultes aux tyrans. En effet, à la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque le Kaiser (roi et empereur) Guillaume II  abdiqua le 9 novembre 1918, il se réfugia aux Pays-Bas, protégé par la reine Wilhelmine. Il ne sera donc pas livré aux vainqueurs pour être jugé comme responsable de la guerre conformément aux souhaits des alliés français et anglais. Ces derniers voulaient l'inculper du crime « de commission ou de déclaration de guerre ».

 

Pomme de discorde et solution de façade

 

            Que faire dans la conjoncture actuelle ? Les contours d'une solution provisoire de la crise se précisent. La donne politique change avec les pressions de la communauté internationale. Une situation inédite qui porte les observateurs à reconnaître que le président Préval est au crépuscule  de son règne de déréliction. Mais en cédant aux revendications présentées dans le rapport de l'OEA sur le premier tour des élections, la classe politique est loin d'avoir trouvé le consensus recherché pour un partage des responsabilités dans un gouvernement d'union nationale. La discorde est inévitable entre le groupe des 12, les secteurs qui avaient boycotté les élections et le parti Lavalas, d'un côté et le parti INITE, de l'autre.  Le tableau des antagonismes se complique évidemment par la prise en compte du RDNP et de Répons Peyizan appelés à s'affronter au second tour des élections présidentielles imposées par la communauté internationale.

 

            Les démocrates doivent se dire certaines vérités. La crise provoquée par Préval ne trouvera qu'une solution de façade avec son départ. Pourquoi ? Parce que Préval, c'est en partie nous-mêmes. C'est le tikoulout, le bakoulou, le marron qui nous font croire qu'une fois les rênes du pouvoir en mains, nous nous croyons investis de pouvoir divin ou surnaturel poun fè sa nou pi pito. Nous concentrons tous les pouvoirs en nos mains et refusons de déléguer. Aucune décentralisation n'est mise en œuvre. Nous caporalisons les sénateurs, les députés, décidons de faire les élections pour que gagnent uniquement nos partisans.  Nous sommes des dictateurs en puissance. Nous laissons les flatteurs nous faire croire que nous sortons des cuisses de Jupiter. Nous sommes prêts à prendre le pouvoir sous  n'importe quelles conditions. Nous croyons pouvoir rouler tout le monde dans la farine.  Des comportements affichés par tous nos chefs d'État et qui les emmènent tout droit dans le collimateur du peuple et/ou de la communauté internationale.

 

            L'ontologie de nous-mêmes est capitale pour comprendre le marasme dans lequel nous sommes pris. Cette ontologie est inévitable pour comprendre pourquoi nos réussites sont maigres par rapport à nos échecs et errements. Nous avions dit que le décret du 16 juin 1986, publié par le CNG pour absoudre après dix ans les duvaliéristes de tous les crimes commis entre 1957 et 1986, n'est pas un acte de justice[1].  Ce ne sont pas uniquement des duvaliéristes qui ont contresigné ce dit décret présenté par le CNG du général Henry Namphy[2]. Le ministre de la Justice François Latortue était une victime des Duvalier qui avait dû laisser Haïti après avoir gagné l'ambassade. Le ministre de la Santé Publique et de la Population est le Dr. Michel Lominy dont le frère Guy Lominy avait été tué par les tontons macoutes. Le Ministre de l'Éducation nationale Rony Desroches est une personnalité indépendante du secteur démocratique. Ce n'est pas de la métaphysique que de se demander ce qui dans notre être explique un comportement face au mal qui soit si déroutant.  Serait-ce cette mauvaise manie de ne jamais être capable de s'opposer à ce que le chef de l'État demande ? En effet, analysant la prosternation des Haïtiens devant le chef de l'État, Frédéric Marcelin écrivait en 1891, « un président d'Haïti peut élever qui lui plait,  abaisser qui lui déplait, à sa guise. Aussi les habiles, ceux qui veulent arriver, lui font-ils simplement  la cour ; un jour ou l'autre, ils recueillent la succession d'un grand fonctionnaire qui passe à d'autres fonctions[3]. » Un siècle plus tard, le comportement de l'Haïtien moyen n'a pas bougé. La politique de métier a fait du marronnage et de la doublure les traits fondamentaux du manque de personnalité qui accable notre société.

 

Bouch manje tout manje, fòk li pale tout pawòl

 

            La question fondamentale est d'arriver à faire cette ontologie de nous-mêmes pour comprendre pourquoi notre système politique produit tant de boues. Le système politique mis en place depuis un siècle (1902) par la coalition Nord Alexis/Sténio Vincent contre Anténor Firmin/Seymour Pradel a dégagé une boue grandissante. Les couches sédimentaires de ces boues ont connu un certain tassement pendant l'occupation américaine avant l'effet d'épaississement que l'occupation macoute va leur donner. Bouch manje tout manje, fòk li pale tout pawòl. La société haïtienne n'a pas eu l'énergie, la main d'œuvre et la mécanique nécessaires pour extraire la boue des assassins de l'esprit et des tueurs des corps générée par l'occupation macoute. Le duvaliérisme est mort mais le cadavre continue de bouger. 

 

            Le dispositif de raclage pour enterrer la pourriture n'a pas été mis en place. Et c'est parce que rien n'a été évacué que la puanteur continue de polluer les esprits. De Nord Alexis à Sténio Vincent puis aux Duvalier père et fils, les forces d'ancien régime ont renforcé leur sédimentation tout en connaissant des mutations. En faisant l'économie de l'investissement dans le réactif chimique d'une vraie révolution pour mettre les pendules à l'heure, nos ingénieurs du changement prennent chaque fois des raccourcis  qui se révèlent être plus fatigants qu'autre chose.  Cette mécanique est rustique et ne peut pas extraire les quantités de boue produites à grande vitesse. Après la fuite de Jean-Claude Duvalier en février 1986, l'apparition des zenglendos a été la preuve par quatre que les adversaires du changement  et les partisans de l'ancien régime continuent avec leur politique de dissolution de la vie alors que la perte de sens qu' ils ont mise en œuvre est dénuée de toute intelligibilité. Il importe toutefois de souligner que les noiristes duvaliéristes ne sont pas toujours réfractaires au changement. Certains ont fait leur mea culpa en critiquant les racines idéologiques de cette idéologie de mutilation et de destruction. À ce sujet, la dette des générations actuelles et futures envers le professeur de mathématiques et de philosophie Marcel Gilbert  est incommensurable. Sa brochure « La Patrie haïtienne : De Boyer Bazelais à l'unité historique du peuple haïtien [4]» constitue une référence sûre dans la recherche de solutions pour répondre aux attentes d'un pays sombrant dans la honte, l'humiliation et le mal-être.

 

              Le peuple haïtien doit donc s'adjoindre de vrais réactifs pour absorber et neutraliser ces éléments. L'épuration nationale est à ce prix.  Les investissements de départ, aussi importants qu'ils soient, doivent être consentis pour d'une part diminuer la production de boue et d'autre part créer les stations de traitement pour ces boues qui polluent la société haïtienne.  Nous avons perdu 25 ans, un temps qui aurait pu servir à désenclaver l'économie haïtienne et amortir le capital engagé dans la construction de nouvelles bases pour une société plus juste et plus équitable.

 

Pour les états généraux de la nation et de la démocratie

           

            En inoculant le virus d'un pouvoir pathologique et amoral, le duvaliérisme a placé la société dans une spirale diabolique. L'autorité politique devient le seul lieu de réalisation de soi des quidams. Ainsi s'explique le refus d'organisation d'une conférence nationale souveraine permettant de constituer des états généraux de la nation et de la démocratie, première étape vers l'établissement des priorités pour les prochaines décennies. Depuis 1986, la transition s'éternise. Le baromètre électoral enregistre la fragilisation grandissante du système politique après chaque élection.

 

            Après la politique de mendicité internationale et d'extraversion basée sur l'industrie d'assemblage imposée par les Duvalier, après l'expatriation forcée des cerveaux et cadres du pays orchestrée par Papa Doc et ses tontons macoutes, après la politique de peur et de répression par l'autorité militaire dans la période post-duvaliériste, l'anarcho-populisme a placé Haïti sous une occupation étrangère aux conséquences  incalculables sur le psychisme des générations actuelles et futures. Selon la philosophe américaine Judith Butler, « l'assujettissement consiste précisément en cette dépendance fondamentale envers un discours que nous n'avons pas choisi mais qui paradoxalement initie et soutient notre action ».[5] Jamais le désir de subordination des autorités haïtiennes n'a connu les sommets  atteints au cours des dernières décennies !  La vie psychique des générations formées dans le reniement de leur être profond est appelée à s'en ressentir profondément. Puisse le départ de Préval être l'étape finale d'une transition de douleurs et de souffrances sur une terre jonchée de murs et de barrières qui forment le labyrinthe de l'exclusion ! Les commandos de la pensée doivent se mobiliser au tir nourri et à l'écriture à la mitraillette pour produire le meilleur et éviter un énième échec de l'intelligence devant la connerie.

 

            La mayonnaise de Préval n'a pas pris et l'opération Jude Célestin a été un échec. Mais Préval/INITÉ risque de rentrer par la fenêtre quand on lui a fermé la porte. Le nouveau président élu le 20 mars risque d'être le prisonnier d'INITÉ si ce dernier a une majorité claire au parlement. Les démocrates ne doivent pas être timorés. Il importe donc de s'investir dans ce deuxième tour pour empêcher qu'INITÉ gagne frauduleusement 38 nouveaux sièges à la Chambre des Députés. Remarquons que le courant INITÉ a 58 candidats participant au second tour. Les démocrates doivent se pencher sur ce second tour pour donner au nouveau président élu une plus grande marge de manœuvre. Et dans ce cadre, le CEP doit être tenu sous haute surveillance. Ne pas se tromper de cible c'est prendre conscience de tout cela.


[1] Leslie Péan, « Le compte à rebours  a commencé pour Préval », Alterpresse, 1er février 2011.

[2] Voir Le Moniteur, numéro 51, P-au-P, Haïti, 26 juin 1986.

[3] Frédéric Marcellin, Questions Haïtiennes, Kugelmann, Paris, 1891, p. 121.

[4] Marcel Gilbert, La Patrie haïtienne : De Boyer Bazelais à l'unité historique du peuple haïtien, Imprimerie des Antilles, Brazzaville/Port-au-Prince, 1985-1986.

[5] Judith Butler, The Psychic Life of Power, Routledge, 1997. La citation est tirée de la traduction française La Vie psychique du pouvoir. L'Assujettissement en théories, Leo Scheer, Paris, 2002, p. 22.

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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation  prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)

Le compte à rebours a commencé pour Préval. Par Leslie Péan

Le compte à rebours  a commencé pour Préval

 

par Leslie Péan ( 31 janvier 2011)

 

            Le mouvement démocratique s'achemine-t-il vers un dékabès qui peut lui permettre de mettre sous les verrous deux des coquins qui ont fait des torts irréparables à Haïti ? Le retour de Jean-Claude Duvalier le 16 janvier 2011 constitue la cristallisation de la récupération de l'aile criminelle de Fanmi Lavasse et l'adoption de la version françoisiste du duvaliérisme par le président Préval. C'est cette symbiose qui a porté le politologue Sauveur Pierre Etienne a créé le néologisme de Duvalasse.

            Un méga-procès contre Jean-Claude Duvalier et René Préval, aiderait à mettre les pendules à l'heure une fois pour toutes. Ce serait l'occasion de dévoiler les complicités nationales et internationales dont ces chefs d'État ont bénéficié pour maintenir le peuple haïtien dans la soumission. Outre qu'il aiderait à mettre fin aux pratiques de corruption et d'abus de pouvoir qui ont marqué nos deux siècles d'histoire, ce méga-procès serait une thérapie pour toutes les victimes de ces régimes et servirait à mettre un baume sur leur malheur et celui de leur famille.  Il serait un élément salvateur pour la santé mentale des nouvelles et futures générations qui ne savent comment gérer l'absence de culpabilité de leurs ainés. En effet, les duvaliéristes n'ont pas mauvaise conscience pour leurs crimes. Au lieu de se cacher, ils parlent à haute voix, renforçant ainsi les souffrances et la douleur d'une population traumatisée sans en être consciente. 

            En plongeant Haïti dans la barbarie, les Duvalier ont curieusement entretenu de  graves illusions sur leurs gouvernements pendant plusieurs générations. Contrairement aux Allemands qui ont fait la lumière sur les causes de la catastrophe hitlérienne, les Haïtiens ont fait l'impasse sur le passé duvaliérien en manifestant un refus d'éclairer les nouvelles générations sur ce qui s'est passé de 1957 à 1986. D'où le manque de repères et de valeurs éthiques et l'attrait du duvaliérisme pour des jeunes journalistes qui saluent avec révérence les assassins d'hier. Avec le recul, il est permis de penser aujourd'hui que le maintien de certains duvaliéristes  à des postes clés de la diplomatie haïtienne ainsi que le retour de Jean-Robert Estimé dans l'entourage de Préval constituaient des bancs d'essai pour le retour de Jean-Claude Duvalier. Ayant sondé l'atmosphère générale et mesuré les frontières du faisable, Préval réalise ou utilise (ce qui revient au même) le retour de Jean-Claude Duvalier pour tenter de faire diversion afin de réaliser son fantasme de se perpétuer au pouvoir.

 

Duvalier remplace les pratiques de l'occupation américaine par la pagaille

 

            C'était sans compter avec les protestations populaires, car la musique de la continuité duvaliériste prévalienne ne plaît pas aux oreilles du peuple haïtien. Le rêve prévalien se meurt, entraînant avec lui la prescription évoquée pour protéger Jean-Claude Duvalier. Cette mesure scélérate est un rideau de fumée. La loi n'est pas la justice, surtout quand elle est promulguée par des bandits soucieux de se donner l'impunité. Si ces fourbes persistent dans leur entêtement, il ne restera que  le recours à la force pour faire triompher la justice. Pour faire abolir le décret criminel du 18 juin 1986 protégeant les détenteurs du pouvoir politique qui ont commis des crimes et délits entre le 22 septembre 1957 et le 7 février 1986. En évoquant ce décret dans la conjoncture actuelle pour absoudre Jean-Claude Duvalier et ses acolytes,  les manœuvriers qui ont fait leurs classes dans le fascisme duvaliérien ne font pas que protéger leurs complices. Ils continuent de refuser de rendre des comptes à la jeunesse qui dès lors non seulement grandit dans le mensonge et l'injustice mais surtout n'arrive pas à maitriser son rapport aux générations antérieures, à son passé et à la nation.

            C'est un fait que certains se trompent de bonne foi et par ignorance. Il faut alors apprendre, car, comme le disait Albert Einstein, « Nous sommes tous très ignorants, mais nous n'ignorons pas tous les mêmes choses.» Dans notre pays où règne une ignorance cultivée, caractérisée par le voyé monté, les études et le savoir sont systématiquement combattus et remplacés par le tout voum se do. Trente ans d'hégémonie tonton macoute ont marqué le déclin de l'instruction et la possibilité de décrocher n'importe quel diplôme pourvu qu'on soit « chef » ou « fils de chef ». Nombre de cancres sont ainsi devenus médecins, ingénieurs, agronomes et avocats. C'est ainsi que Astrel Benjamin, analphabète à peine fonctionnel, tristement célèbre juriste des Cayes, diplômé de l'école de droit de Jérémie,  a pu être proclamé lauréat de sa promotion.

            La bêtise a atteint une telle proportion que même Papa Doc s'est trouvé embarrassé par les résultats de son œuvre macabre. Dans ce dernier domaine, celui de la règle de droit, les dégâts sont particulièrement élevés.  François Duvalier est intervenu personnellement à plusieurs reprises auprès de directeurs qui venaient de sanctionner l'indiscipline de subalternes en appliquant les règlements administratifs. Il leur disait de sursoir sur le retrait d'un trentième du salaire de ces employés coupables car ils étaient des tontons macoutes qui avaient délaissé leurs postes. À son avis, une telle sanction rappelait trop l'occupation américaine sous laquelle il avait lui-même fait ses classes. Ce faisant, il inaugurait la pagaille qui allait s'installer dans la fonction publique à partir de son administration. Exit les feuilles de présence, les retards injustifiés et l'absentéisme dans la fonction publique.

 

Démanteler l'appareil judiciaire duvaliériste

 

            En fait François Duvalier a fait subir au droit haïtien le sort que les vainqueurs appliquent aux vaincus. Tout en utilisant tout ce que lui convenait dans l'appareil  judiciaire, François Duvalier a changé les principaux codes (Code du travail, Code rural, etc.) afin de les adapter à sa volonté de domination et d'assujettissement du peuple haïtien. En déclarant la guerre à la société haïtienne, François Duvalier a utilisé la férocité des tontons macoutes pour semer la peur et faire accepter pour le droit ce qui n'était en fait que la défense de ses propres intérêts et de ceux de son gouvernement. Entre autres, il fera amender la Constitution pour abaisser l'âge de la présidence et introniser son fils de 19 ans comme président à vie. Les théories juridiques dont nous héritons aujourd'hui sont celles du pouvoir duvaliériste.  On ne saurait nier la tentative de refonte de l'appareil judiciaire initiée dans la Constitution de 1987 (que René Préval considère d'ailleurs comme un obstacle) mais il convient de remarquer que les actes, lois et procédures d'application n'ont pas suivi, ce qui était nécessaire pour démanteler le duvaliérisme dans l'appareil juridique.

            Aujourd'hui, les successeurs de Duvalier continuent la guerre contre le peuple haïtien pour le forcer à accepter sa propre subjugation. Les discussions actuelles sur le droit, les lois, les prescriptions, l'État de droit, la justice, etc. reflètent et traduisent cette réalité contradictoire. « Les lois, comme nous l'apprend Michel Foucault sont des pièges. Ce ne sont pas du tout des limites de pouvoir, mais ce sont des instruments de pouvoir ; non pas des moyens de faire régner la justice, mais des moyens de faire servir les intérêts[1].» Les lois sont les sanctions des vainqueurs sur les vaincus. L'État de droit qui sort du Moyen-Age résulte de la conquête normande de Guillaume le Conquérant en l'an 1066 qui impose ce qu'il a conquis par le fer et le feu sous le masque du droit. L'édifice juridique sert d'instrument de justification aux pratiques des détenteurs du pouvoir et quand ils perdent le pouvoir, cet édifice sert d'instrument de limitation de leur pouvoir.

            On ne saurait considérer comme un acte de justice le décret du 18 juin 1986, du gouvernement d'Henri Namphy, considérant comme prescrits les crimes et délits commis entre le 22 septembre 1957 et le 7 février 1986. Ce décret est en contradiction avec les besoins de justice du peuple haïtien qui a été torturé et massacré par les tontons macoutes de Jean-Claude Duvalier et de son père. Le Conseil National de Gouvernement (CNG), on le sait,  s'était donné pour tâche d'endiguer les revendications de justice de la nation.

 

Contre le décret fasciste du 18 juin 1986

 

            Déjà le 25 février 1986, le tortionnaire Luc Désyr avait failli prendre la fuite à l'aéroport avec la complicité de ses acolytes dans le gouvernement tandis que le colonel Albert Pierre (Ti Boulé), chef de la police politique, partait pour le Brésil dans un jet privé escorté par ses amis militaires du CNG[2]. Le 19 mars 1986, Diderot Sylvain, officier des Forces Armées d'Haïti, avait donné l'ordre à ses troupes à Martissant de tirer sur une foule protestant contre les mauvais traitements infligés à un chauffeur de camionnette innocent, assassinant Yvon Covin et quatre autres jeunes.

            Un mois plus tard, le 26 avril 1986, le CNG démontrait sa volonté de perpétrer d'autres crimes en tuant huit personnes lors de la marche pacifique des démocrates organisée à la mémoire des victimes de Fort Dimanche. Qu'on se rappelle les jeunes Fred Coriolan, Wilson Auguste,  Yves Erié, etc. qui tombèrent alors sous les balles assassines. N'était-ce l'intervention de l'ex-officier François Benoît, debout, affrontant les balles pour donner aux manifestants des consignes de protection, le carnage aurait été plus grand. Les photos des soldats tirant sur une foule désarmée indiquent comment la violence est l'apanage des forces réactionnaires. C'est sur cette route de malheurs que le CNG d'Henri Namphy édicte le décret fasciste du 18 juin 1986 pour absoudre les criminels  de tous les méfaits commis entre 1957 et 1986.

            Après un séjour en Haïti, dans le dernier éditorial qu'il fit à la radio à Montréal le 16 mars 1986, deux jours avant sa mort, le prêtre et philosophe Karl Lévêque devait ainsi résumer le duvaliérisme sans Duvalier qui se développait dans la transition : « Puisque le CNG refuse de nettoyer l'appareil gouvernemental des éléments macoutes, puisqu'il refuse de mettre sous les verrous ceux-là que tout le monde considère comme des assassins et des voleurs, le peuple continue à exercer la justice. Il s'agit bien entendu d'une justice symbolique, puisqu'il choisit de s'en prendre uniquement aux personnages les plus connus pour leur férocité à réprimer leur voracité à piller les biens publics[3].» L'appareil gouvernemental a instrumentalisé la corruption et organisé de multiples agencements pour rendre acceptable l'impunité et en faire la règle du jeu collectif.

 

Mettre fin à la certitude d'impunité

 

            L'appareil judiciaire est gangrené jusqu'à la moelle. Qu'on  se rappelle l'incapacité de Joseph Maxi, militant comme pas un, alors ministre de l'Intérieur, de procéder à l'arrestation de Roger Lafontant et de Williams Régala  revenu en Haïti le 7 juillet 1990. Les plaintes déposées par le militant Sylvio Claude contre Roger Lafontant l'accusant de tortures sur sa personne en 1983 ont été ignorés. C'est aussi le cas pour les mandats d'amener délivrés les 7 et 9 juillet 1990 contre Roger Lafontant et Serge Conille.  Il ne faut pas oublier qu'en Haïti les coquins ont plus d'audace que les honnêtes gens. Aussi, à la demande des avocats de Roger Lafontant, dont Emmanuel Clersaint, Osner Févry et Lhérisson Alézi, le mandat d'amener a été annulé par le juge Luc Fougère, la veille du jour où l'affaire Lafontant devait être entendue par Arnold Charles, doyen du tribunal civil. La police et la justice se sont donné la main pour ne pas arrêter Roger Lafontant. Lhérisson Alézi dira alors à qui veut l'entendre : « Il n'y aura pas de Nuremberg en Haïti [4]». L'infrastructure mafieuse au ministère de l'Intérieur a eu raison du ministre Joseph Maxi. Le candidat Marc L. Bazin devait protester contre cet état de fait en déclarant : « Il faut que les ministres qui se disent démocrates démissionnent. » L'histoire aurait pris un autre tour si Roger Lafontant avait été traduit en justice. Tout comme en 1987, si les militaires n'avaient pas réalisé le bain de sang de la ruelle Vaillant du 29 novembre pour empêcher l'accession du professeur Gourgue à la présidence, le pays n'aurait pas connu tous ses errements qui ont conduit à la dissolution de l'armée d'Haïti et au double effondrement de l'État haïtien, respectivement en 1994 et en 2004.

            Les forces de répression duvaliériste concentrées dans l'armée continueront avec une politique de cruauté  pour assurer la certitude d'impunité. Aucun des gouvernements de la période de transition 1986-1990 n'a échappé à la pieuvre duvaliériste jusqu'à ce que Jean-Bertrand Aristide arrive au pouvoir et installe l'ancien tonton-macoute Bayard Vincent, ministre de la Justice. On connaît le reste, y compris l'éviction de Monique Brisson qui voulait nettoyer les écuries d'Augias, son arrestation et son emprisonnement au Pénitencier National par  l'adjudant Yves Perrin des Forces Armées d'Haïti (FAD'H) le 7 mai 1991. Ce tristement célèbre adjudant avait tout bonnement refusé d'exécuter l'ordre du tribunal présenté par l'avocate Monique Brisson demandant la libération de cinq paysans de Cazale qu'elle défendait. L'engagement de Monique Brisson lui vaudra alors la prison. La démacoutisation n'a pas eu lieu comme la dénazification s'est faite en Allemagne après 1945.

 

Les failles dans le raisonnement

 

            La leçon est amère pour les démocrates naïfs qui croyaient refaire l'unité du peuple haïtien sans la justice. Plus préoccupés par la prise du pouvoir, ils ont oublié l'essentiel. La génération post-1986 n'est pas spontanée. Après trois décennies, les valeurs duvaliéristes s'étaient infiltrées dans tous les interstices de la société. L'esprit de cette génération n'était pas une feuille blanche. L'imaginaire et le symbole du « chef » avaient été intériorisés. Les  graines de la destruction duvaliériste ont germé puisque nous avons refusé de les extirper de notre sol mental. Le procès du duvaliérisme n'a jamais été fait. Ce n'est pas seulement de la naïveté, mais c'est aussi de la tromperie que de vouloir pardonner à Jean-Claude Duvalier et René Préval pour les crimes qu'ils ont commis. Il convient de souligner les failles de ce raisonnement à l'envers. En indiquant la continuité du système politique qui tire Haïti en arrière depuis deux siècles. En rappelant que le système de droit n'est jamais neutre. En appelant à un minimum éthique pour la vie en société.

            L'exemple sud-africain évoqué pour appeler à la réconciliation nationale ne sied pas à la conjoncture haïtienne. Un an avant la libération de Nelson Mandela le 11 février 1990, tous les mouvements politiques interdits ont été légalisés et les prisonniers politiques libérés par le gouvernement de Frédéric de Klerk. La défaite de l'armée sud-africaine lors de la bataille de Cuito Canavale en Angola en 1988 a sonné le glas de l'option militaire pour éliminer les bases arrières de la résistance armée sud-africaine. Il ne restait au pouvoir de Prétoria que la négociation. Ce que l'ANC a accepté en exigeant surtout un changement des représentations racistes dans la société sud-africaine. Le discours de l'ordre raciste a été éliminé. La conflagration a été évitée grâce aux changements opérés dans les conditions objectives et subjectives dans lesquelles vivent les dominants et les dominés. En Haïti, une telle nouvelle lecture de la société est encore introuvable. Les forces du statu quo haïtien qui ont bénéficié de la dictature duvaliériste ont préféré encourager l'anarcho-populisme pour préparer leur retour sous prétexte de stabilité.  Haïti est prise dans le mouvement de balancier entre la dictature et l'anarchie depuis son indépendance en 1804.

 

L'assassinat de Marcello et la cupidité du duo Célestin-Préval

 

            Il est non seulement possible mais impératif d'organiser un procès retentissant contre les criminels qui ont tué, entre autres, Ezéchiel Abellard en 1975, Gasner Raymond en 1976 sous le gouvernement de Jean-Claude Duvalier ainsi que contre ceux qui ont tué, entre autres, François Latour en 2007, Robert Marcello en 2009 sous le gouvernement de René Préval. Au sujet du kidnapping et de l'assassinat de Robert Marcello, il y a lieu de rappeler qu'en sa qualité de responsable de l'intégrité du mode de passation des marchés publics, il était un instrument privilégié de la lutte contre la corruption. Son refus de cautionner, la veille de sa disparition, un contrat de près de cent millions de dollars, préjudiciable aux intérêts de la nation que lui soumettait Jude Célestin, directeur du CNE, sous la recommandation expresse du président Préval, n'était pas un cas pendable. Sa rectitude ne nuisait en rien à la stabilité du régime Préval.

            Un décret peut être abrogé par un autre décret. On l'a vu en Argentine en 2003 quand le gouvernement de Nestor Kirchner a abrogé les décrets d'amnistie contre les militaires.  Cette décision a été entérinée par la Cour constitutionnelle en 2005, annulant ainsi les décrets d'amnistie pris par le gouvernement de Carlos Menem de 1986 à 1990 pour les crimes commis sous la dictature militaire entre 1976 et 1983. Le président Kirchner a eu à demander pardon au peuple argentin en 2004 pour les crimes commis par la dictature militaire, mais aussi « pour la honte d'avoir tu pendant vingt ans autant d'atrocités ».[5]

 

Nous sommes au jour J moins huit

 

            On ne saurait défendre non plus les bourreaux, subalternes et hommes de main qu'on a maintenant tendance à considérer comme de simples exécutants. Ils font partie intégrante de l'appareil de répression et de corruption et ils doivent être, eux aussi, tenus responsables de leurs actes. Laissons à leur conscience kolboso et élastique ceux qui veulent jouer aux avocats du diable, refusent de lever le petit doigt contre les malfaiteurs professionnels et contrôlent le pouvoir en Haïti depuis 1804.  La meilleure façon d'aider le pays à assainir les mœurs politiques et à se préparer un avenir à la hauteur de son glorieux passé est de poursuivre le combat contre la résignation et le retour à la sauvagerie duvaliérienne. 

            La comédie est jouée. Le compte a rebours a commencé. Nous sommes au jour J moins huit.



[1] Michel Foucault, Il faut défendre la société, Gallimard/Seuil, Paris, 1997, p. 93.

[2] Marlise Simons, « Haitian Junta lets former Police Chief leave », New York Times, February 25, 1986.

[3] Karl Lévêque, « Impressions d'un retour d'exil », Les Flamboyants, Montréal, Canada, 16 mars1986.

[4] Lhérisson Alézi, « La déraison démocratique et ses implications », Haïti Libérée, P-au-P, 30 décembre 1986.

[5] Sandrine Lefranc, "L'Argentine contre ses généraux : un charivari judiciaire ?", Critique Internationale, no. 26, janvier 2005, p. 34. Voir aussi Graciela Daleo, "La lucha contra la Impunidad de los crímenes cometidos por la dictadura militar en Argentina (1966- 1969)", Revista HMIC, número VII, Barcelona, 2009.

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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation  prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)

Le fils de l'ex-colonel putschiste Michel François tué au Honduras/ radiokiskeya

Haïti-Armée-Assassinat


Le fils de l'ex-colonel putschiste Michel François tué au Honduras


Agé de 23 ans, Jean-Michel François a été mortellement blessé dans la ville de San Pedro Sula par des inconnus armés qui circulaient à bord de deux véhicules


vendredi 4 février 2011,


Jean-Michel François, 23 ans, fils de l'ancien officier putschiste haïtien Michel François, exilé au Honduras, a été abattu cette semaine à San Pedro Sula, deuxième ville du pays, a annoncé vendredi le porte-parole du ministre hondurien de la sécurité, Leonel Sauceda.


Selon les déclarations de l'officiel relayées par la presse locale, la victime marchait lundi soir dans une rue lorsqu'elle a été la cible de tirs d'individus armés circulant à bord de deux véhicules.


Transporté d'urgence à l'hôpital, Jean-Michel François devait par la suite succomber à ses blessures.


On ignorait le mobile de l'assassinat du jeune homme qui n'avait que six ans lorsqu'il était parti en 1994 avec son père Joseph Michel François, co-auteur avec le général Raoul Cédras du putsch sanglant ayant renversé le 30 septembre 1991 le Président constitutionnel d'alors, Jean-Bertrand Aristide.


Surnommé "Sweet Micky", le tristement célèbre lieutenant-colonel des ex-Forces Armées d'Haïti (FAd'H) qui avait été emprisonné à son arrivée en Amérique centrale, jouit depuis 1996 du statut d'exilé au Honduras. Accusé de graves violations des droits humains en Haïti durant les trois années du coup d'état (1991-1994), il s'est installé dans la métropole du nord de San Pedro Sula.


M. François formait le trio infernal de cette époque de terreur avec les généraux Raoul Cédras et Philippe Biamby. Le premier vit toujours au Panama où il s'était réfugié tandis que le second a été emporté, il y a quelque temps, par un cancer. spp/Radio Kiskeya



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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
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