Le populisme est une réponse aux angoisses collectives
LEMONDE.FR | 29.04.11
De toutes les vibrations sismiques qui secouent la démocratie, le populisme est l'une des plus inquiétantes parce qu'il annonce normalement une dérive à droite. Du reste, comme la démocratie n'est pas une forme politique immuable mais qu'elle est exposée à de continuelles torsions, on ne peut pas exclure que le moment présent corresponde précisément à l'une d'elles.
En effet, que toute l'Europe, à la seule exception de l'Espagne (tant que ça durera !) et de Chypre, soit dirigée par des gouvernements de droite ne peut pas être un hasard. A chaque nouvelle élection, c'est un pas supplémentaire : les récents succès de la droite en Finlande paraissent pour l'heure compléter la série. Une bonne partie de ces majorités sont populistes. Le champion est sans aucun doute Berlusconi en Italie, du fait aussi de la durée interminable de son mandat. Mais sur les autres marches du podium on trouve également Viktor Orban en Hongrie, Sarkozy ainsi que le premier ministre néerlandais Mark Rutte. D'autres viennent s'ajouter petit à petit. Aux Etats-Unis, on observe un phénomène similaire : les opposants à Obama (de Sarah Palin à Michele Bachmann) sont des populistes "durs", même s'ils ne connaissent probablement pas ce terme. D'autres leaders d'Amérique latine suivent un chemin identique.
Il existe d'excellentes analyses du populisme (une des meilleures est celle d'Yves Mény et d'Yves Surel) mais puisque des données nouvelles ont fait leur apparition, il est nécessaire d'ajouter quelques points. Je distinguerai deux angles d'approche : celui du pouvoir et celui du peuple.
Du premier point de vue, le populisme repose sur l'"appel" direct au peuple, ce dernier étant compris au sens "vulgaire" de masse porteuse de désirs et de droits mais pas de devoirs. De là découle l'idée que le leader reçoit ses pouvoirs du peuple de manière immédiate (sans passer par des entités intermédiaires de nature abstraite comme le système représentatif, les institutions, les organes et les pouvoirs politiques) et même, qu'il fait partie du peuple, qu'il ne répond qu'au peuple et ne reçoit son orientation politique que du peuple lui-même. (Naturellement il n'est pas nécessaire que ces affirmations reflètent une réelle conviction ; il peut également s'agir de simples allégations).
Toute une série de conséquences s'appuie sur cette conception. Le corps législatif doit concentrer la production de lois sur un programme soi-disant voulu par le peuple. C'est suffisant pour supprimer tout ce qui peut être dangereux pour le leader : ainsi, en Italie, le parlement s'épuise depuis des années sur une réforme de la justice qui est en réalité une "normalisation" de la magistrature et il cherche comment protéger les puissants du risque d'être inculpés, en négligeant des problèmes urgents comme le conflit d'intérêts ou la relance d'une économie en détresse.
C'est de là que découle l'impatience à l'encontre de la politique et des institutions qui est l'un des traits fondamentaux du populisme : les règles de la politique sont présentées comme le résultat d'accords malhonnêtes ; les institutions, comme des entités qui éloignent le gouvernement du peuple, lentes et sourdes aux humeurs du peuple ; la complexité conceptuelle du droit constitutionnel comme un poids inutile. Il est significatif que Berlusconi parle souvent du "vaudeville de la politique" (dont par ailleurs il fait partie depuis vingt ans) et qu'il soit presque toujours absent aux séances du parlement.
Le populiste sait aussi qu'il doit renvoyer au peuple ses propres humeurs, ses lieux communs et ses préjugés. Ainsi le peuple a l'impression, efficace sur le plan électoral, que c'est vraiment lui qui crée ces idées, vu que ce que le leader fait, déclare et pense, c'est précisément ce que lui, le peuple, fait, déclare et pense ! Ce renvoi permanent (qu'il soit sincère ou hypocrite) se présente sous différentes formes. Berlusconi exploite sans vergogne certaines mœurs "populaires" classiques : produire plein de blagues de très mauvais goût, réduire des thèmes politiques compliqués à des formules banales et même vulgaires, diaboliser grossièrement l'adversaire, recourir de manière effrontée à des mensonges et à des chiffres inventés. En Hongrie, Orban conduit une campagne (dénoncée par Agnes Heller) pour discréditer les intellectuels qui rappelle tristement les débuts du nazisme… Même le langage du peuple peut être utile : le fameux terme "racaille" de Sarkozy en est un exemple, de même que le "föra di ball" ("à la porte par la peau des couilles") que Umberto Bossi, ministre de la République, a récemment suggéré comme… solution au problème de l'immigration. De cette façon, le peuple a l'impression que le leader est comme lui, qu'il parle comme lui, qu'il pense comme lui.
LES "AUTRES"
Du point de vue du peuple, il est crucial pour le populisme de se créer un "Autre", un bouc émissaire que l'on peut charger de toutes les fautes. En Italie, les "Autres" sont de plusieurs types : pour Berlusconi, ce sont les "communistes" et les "juges", pour la Ligue du Nord, ce sont les méridionaux, les tziganes et, pire encore, les immigrés (les "bongo bongo") ; pour la droite hongroise, ce sont les tziganes et les intellectuels ; pour les droites françaises (dans lesquelles je place sans les distinguer Sarkozy et Marine Le Pen), ce sont les immigrés tout comme les jeunes des banlieues, la spéculation internationale et consorts. Naturellement, cette liste est mise à jour en fonction de l'actualité.
Le besoin de conserver le lien avec le peuple influence le comportement personnel. Les bains de foule auxquels Berlusconi, imitant en cela Mussolini, s'abandonne souvent, bien que ce soit de plus en plus risqué, amènent le peuple à se duper lui-même et le puissant à se conforter dans sa position. De même Berlusconi évoque souvent son patrimoine : après avoir promis d'acheter une maison à l'Aquila après le tremblement de terre de 2009, il a répété la même promesse à Lampedusa ("je vais devenir un lampedusain") lors de l'une de ses incroyables visites-spectacle de même qu'il avait promis d'héberger des sinistrés de l'Aquila dans trois de ses appartements. Il n'a rien fait de ce qu'il avait promis, mais le lien avec le peuple en est sorti renforcé. Même ses minables aventures sexuelles semblent davantage faites pour susciter la sympathie et l'envie.
Dans ce cadre, la personnalisation médiatique est décisive : le leader doit toujours être en vue, lancer des messages, susciter un désir d'imitation et un sentiment de ressemblance. En pratique, il doit donner l'impression d'être en dialogue direct avec les citoyens (mais ceux-ci ne doivent pas se rendre compte qu'ils sont devenus entre-temps des spectateurs).
Il reste à se demander ce qui pousse les démocraties sur la bordure, dangereuse, du populisme. Comme je l'ai dit, on ne peut pas croire que la démocratie, une fois installée, soit éternelle : du fait de sa nature de "construction difficile", elle est toujours exposée au risque d'une crise. On ne peut pas d'autre part exclure que la modernité, avec son appel insistant à l'égoïsme, à l'hédonisme et à la frénésie de consommation (comme je l'ai argumenté dans mon livre Le Monstre doux2), soit en elle-même, intrinsèquement, "antidémocratique".
En ce sens, le populisme pourrait être une manifestation d'impatience envers la démocratie, d'autant plus forte qu'émergent sur la scène politique des groupes porteurs de puissants intérêts personnels, et c'est pire encore s'ils se présentent avec l'arrogance que favorise un médiocre niveau de culture. Dans cette interprétation, le populisme est le précurseur politique du fascisme, quelles que soient la version et la forme de ce dernier. Des éléments conjoncturels s'ajoutent à cette propriété structurelle : à cet instant présent de l'histoire européenne, par exemple, le populisme est la réponse, sous forme de punition, aux phénomènes qui font l'actualité de manière dramatique. Avant tout, c'est une réponse à l'immigration massive et à l'impression que personne ne la contrôle sérieusement ; en second lieu, c'est une réponse à l'effacement des frontières qui alimente dans le peuple la peur que l'"Autre" puisse envahir "sa" terre .
Autrement dit, le populisme est une réaction à des situations de "peur collective", générique ou spécifique, précisément comme celle qui caractérise si fortement notre époque. Avant que cela ne tourne à nouveau au cauchemar, ce sont les gauches (même si tous leurs leaders ne sont pas immunisés contre les risques de populisme) aussi bien que les institutions européennes, lesquelles ne sont pas moins exposées au danger que les institutions nationales, qui devront assumer ce défi.
Texte traduit de l'italien par Gérald Larché.
Raffaele Simone est l'auteur de Monstre doux : l'Occident vire-t-il à droite ? (Gallimard, 2010).
Raffaele Simone, linguiste
La gauche doit retrouver enfin le tranchant des idées
Le Monde| 29.04.11
D'Eric Zemmour à Marine Le Pen, de Claude Guéant à Robert Ménard, le fond de l'air est à un "politiquement incorrect" raciste et conservateur. Le repli sur soi et l'envie de revenir au monde d'avant prospèrent à la mesure de l'invisibilité du monde d'après. La xénophobie, le sexisme, le culte du chef, les normes d'antan, le cocorico gaulois tranchent et rassurent là où la globalisation et le chamallow de la pensée dominante bouchent l'horizon. Dans tous les domaines, c'est la contrainte qui donne le la : les retraites, les services publics ou les salaires, une seule solution s'impose, celle du moins-disant social, tant nous sommes enfermés dans la doxa néolibérale et le carcan des traités européens. L'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre n'apparaît plus comme une perspective tangible. La réaction gagne du terrain à la faveur du recul de l'espérance en un autre monde plus juste.
Les options différentes pour faire société n'apparaissent plus clairement. L'atonie de la conflictualité politique, avec un clivage droite/gauche qui a perdu de sa force, ouvre le champ aux formes de rupture autoritaires et conservatrices. La "peopolisation" et le "jeu des petites phrases" ne représentent que la face émergée d'un phénomène de dépolitisation de l'espace politique, qu'animent les responsables de parti, les grands médias et les intellectuels les plus influents. Cette dépolitisation n'est pas celle d'un peuple abruti qui ne s'intéresserait plus à notre devenir commun.
Son origine réside dans l'atonie des idéaux. La chute du Mur et la panne de la social-démocratie sont passées par là. Le vocabulaire rassurant pour les plus diplômés - République, justice, égalité, solidarité - a perdu de sa vitalité parmi les catégories populaires ou les jeunes. La polémique a gagné du terrain sur les débats fondamentaux pour l'avenir individuel et collectif. Les élites semblent bien plus disertes sur le niqab ou le dernier sondage pour 2012 que sur le bien-fondé de la guerre engagée par la France sur trois fronts ou sur les moyens de combattre la précarité de masse.
Au lieu de prendre la mine de vierges effarouchées devant chaque outrance des néo-réactionnaires, ne vaut-il pas mieux affronter le contenu de leurs propositions, cohérentes et en bonne partie appliquées par la droite au pouvoir, alliant autoritarisme et libéralisme économique ? Surtout, c'est dans la capacité à gauche à redonner du mordant et du crédit à l'idéal émancipateur, alliant liberté et démocratie véritables avec une sécurisation sociale et une consolidation des biens communs contre la loi du profit, que réside la meilleure contre-offensive, la plus utile, la plus durable.
La peur des idées d'extrême droite ne doit pas fonctionner comme un aspirateur en faveur de la pensée molle et lénifiante. Face à la montée en puissance d'une droite dure, la constitution d'un front pseudo-républicain, polarisé au centre, ressassant des mots creux et décidé à ne rien changer, n'est pas la solution. L'Italie a montré l'impasse : la gauche rassemblée autour de Romano Prodi a gagné une fois en cristallisant le mécontentement contre Silvio Berlusconi. Mais son incapacité à enclencher une dynamique de transformation sociale et écologique, à apporter des solutions aux catégories populaires, a débouché sur le gouvernement Berlusconi 2, une droite plus décomplexée et alliée à l'extrême droite. Prendre nos responsabilités face à la montée des réactionnaires libéraux et xénophobes, c'est s'atteler à reconstruire une gauche qui sache donner du tranchant et de la modernité aux valeurs révolutionnaires de liberté et d'égalité, dont l'articulation est une équation à inventer pour le monde de demain.
Clémentine Autain, directrice du mensuel "Regards"
Une frappe de l'Otan aurait tué un des fils Kadhafi
01/05/2011 Le Figaro
Tripoli a annoncé dans la nuit la mort du cadet du dirigeant libyen et de trois de ses petits enfants. Le Guide se serait trouvé dans la maison de son fils mais serait sain et sauf. L'Otan n'a pas encore confirmé le décès de Saif al-Arab mais assure ne pas viser des individus.
• Le colonel aurait réchappé de peu à un raid de l'Otan
Le colonel Kadhafi est touché en plein cœur. Tripoli a annoncé dans la nuit la mort du cadet du dirigeant libyen et de trois de ses petits-enfants dans une frappe de l'Otan. Le régime a sous-entendu que le colonel a réchappé de peu à un sort similaire.
«La maison de Saif al-Arab a été attaquée avec de puissants moyens. Le Guide et sa femme étaient dans la maison avec des amis et des proches» mais est «sain et sauf. Cependant, d'autres personnes ont été blessées», a déclaré le porte-parole du gouvernement. «Il s'agissait d'une opération visant à assassiner directement le dirigeant de ce pays», a-t-il accusé. Il a accompagné la presse sur les lieux d'une habitation bombardée à Tripoli. Au vu de l'ampleur des destructions, il semblait peu vraisemblable qu'il puisse y avoir eu des survivants, a estimé un correspondant de l'AFP.
Toutefois, la mort de Saif al-Arab, 29 ans, n'a pas été confirmée par l'Otan même si l'organisation admet avoir mené des frappes dans le secteur de Bab al-Aziziya à Tripoli, contre un bâtiment de commandement et de contrôle. L'alliance rappelle ne pas « viser d'individus dans ses raids ». «Toutes les cibles de l'Otan sont de nature militaire. Je suis au courant d'informations non confirmées des médias selon lesquelles certains membres de la famille Kadhafi pourraient avoir été tués», a déclaré le général Charles Bouchard, commandant en chef de l'opération. «Nous regrettons toute perte de vie, particulièrement celle de civils innocents», a-t-il ajouté. L'Otan «remplit son mandat de l'ONU pour arrêter et empêcher les attaques contre les civils avec précision et attention, contrairement aux forces de Kadhafi, qui causent tellement de souffrances», a souligné le militaire.
Saif al-Arab a été décrit par le régime comme un civil et un étudiant mais d'autres sources le présentent comme un officier de l'armée. Il occupait en tout cas une position mineure au sein du régime. Plus discret que certains membres de sa fratrie comme le flamboyant Hannibal qui a accumulé les déboires judiciaires en Europe, Saif a étudié en Allemagne, où il a passé plusieurs années. On le disait passionné de voitures rapides et amateur de fêtes. Les petits-enfants tués seraient des neveux et nièces de Saif et seraient âgés de moins de 12 ans.
Des tirs de joie ont retenti dans la nuit à Benghazi, fief de l'insurrection libyenne, à l'annonce du décès de Saif al-Arab Kadhafi. Sur le boulevard du front de mer, des voitures roulaient en klaxonnant alors que le ciel était illuminé par des balles traçantes et des tirs de roquettes, de batteries anti-aériennes et de fusils d'assaut. Les mêmes scènes de célébration ont eu lieu à Misrata, qui est assiégée depuis deux mois et demi par les forces pro-Kadhafi
• L'OTAN rejette la proposition de cessez-le-feu de Kadhafi
Mouammar Kadhafi a répété samedi qu'il ne renoncerait pas au pouvoir mais se disait prêt à négocier avec les Occidentaux s'ils cessaient leurs frappes. «L'Otan doit abandonner tout espoir d'un départ de Mouammar Kadhafi. Je ne quitterai pas mon pays et je m'y battrai jusqu'à la mort», a-t-il dit à la télévision, qualifiant les rebelles de «terroristes». «Nous ne nous rendrons pas, mais je vous appelle à négocier. Nous pouvons régler nos problèmes entre Libyens sans nous battre, retirez vos flottes et vos avions». L'Otan a rejeté cet appel, soulignant qu'il revenait avant tout au dirigeant libyen de cesser ses attaques contre des civils. Le CNT a lui aussi refusé toute négociation avec le Guide, affirmant que ce dernier n'avait plus aucun rôle à jouer à l'avenir.
• Probables raids de l'Otan à Misrata
Treize puissantes explosions ont ébranlé Misrata samedi soir, au moment où un ou plusieurs appareils de l'Otan survolaient la ville rebelle libyenne. Comprises dans un intervalle d'une dizaine de minutes, les détonations ont retenti peu avant 22H30, apparemment en provenance des faubourgs ouest et sud-ouest de la cité d'un demi-million d'habitants, des zones dans lesquelles des concentrations de forces pro-Kadhafi ont été signalées.
Les rebelles ont repoussé lundi l'armée libyenne hors de Misrata, qui s'était soulevée le 19 février. De violents combats se poursuivent néanmoins quotidiennement dans les faubourgs, en particulier autour de l'aéroport, tenu par les militaires. Les affrontements de samedi n'ont pas fait évoluer le front de manière notable. Par ailleurs, le réseau de téléphonie mobile, coupé le 16 mars dans la ville, a recommencé à fonctionner. Enfin, l'Otan a neutralisé plusieurs mines dans le port, où un navire humanitaire était toujours bloqué et trois autres en attente au large.
• Les pro-Kadhafi attaquent une oasis située à 300 km de Benghazi
70 véhicules pro-Kadhafi ont attaqué l'oasis de Jalo, 300 km au sud de Benghazi, tuant six civils et quatre rebelles, selon la rébellion. L'assaut aeu lieu dans la matinée contre la ville d'environ 20.000 habitants, puis les troupes du régime ont poursuivi leur route. «Il semble que Kadhafi soit en train d'ouvrir un autre front dans le Sud», décrypte le camp des rebelles. Selon eux, les troupes entrées à Jalo étaient les mêmes que celles qui étaient intervenues jeudi à Al-Koufra, environ 300 km plus au sud. Les forces du Guide ont pris le contrôle d'Al-Koufra où les insurgés se sont retirés après «avoir peu résisté». Il n'y avait pas eu de victimes.
A Paris, des classes techno dans de prestigieux lycées
29/04/2011 Le Figaro
Par Aude Seres
Ces ouvertures à la rentrée prochaine créent des remous chez les parents et les enseignants.
Une section technologique au sein du prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand ? Ce qui aurait pu sembler une quasi-hérésie il y a encore quelques années deviendra une réalité à la rentrée prochaine.
Afin de revaloriser ces filières souvent décriées, Patrick Gérard, le recteur de l'Académie de Paris a demandé à quatre lycées parisiens d'excellence - Louis-le-Grand, Jeanson-de-Sailly, Chaptal et Paul-Valéry - d'ouvrir des classes, en première et terminale, de sciences et technologies de l'industrie et du développement durable (Stidd). Ce matin, au lycée Chaptal, dans le VIIIe, se tient une séance de présentation des nouvelles orientations proposées. Mais preuve que les mentalités évoluent encore lentement, la décision n'est pas du goût de tout le monde. «Cela peut avoir un impact sur la réputation de l'établissement, glisse Éric Huignard, vice-président de la Peep du lycée Chaptal. Cela dépendra du recrutement des élèves. Il y a jusqu'à présent une certaine homogénéité des profils.» Certains parents y voient, en revanche, un moyen pour les élèves orientés vers des voies technologiques de rester à l'intérieur du lycée, sans avoir à chercher un autre établissement. «Chaque année, il y a environ 3 élèves en moyenne par classe de seconde qui vont en voie technologique, explique Thierry Neuillet, président de la Peep Jeanson-de-Sailly, dans le XVIe arrondissement. Ouvrir une section à Jeanson permet de rassurer des familles et de leur faire accepter cette voie.» À Louis-le-Grand, si peu d'élèves viendront du lycée même, les parents sont rassurés par la sélection des élèves pour cette filière, comme pour la filière générale. «Les élèves seront sélectionnés sur dossier scolaire comme les autres», explique Marie-Caroline Van Seggelen, présidente de la Peep Louis-le-Grand. La marque Louis-le-Grand devrait attirer…
«Un signal fort»
Annick Bouvier, proviseur du lycée Chaptal, reconnaît qu'il n'a pas été forcément facile de faire accepter l'idée au sein de l'établissement chez les enseignants, eux aussi préoccupés par la réputation du lycée. «On ne forme pas assez en France de scientifiques qui deviennent des ingénieurs, explique-t-elle. Cette filière est très importante et il est primordial que les grands lycées s'engagent dans cette voie.» Elle compte bien poursuivre avec l'ouverture d'une classe préparatoire aux grandes écoles technologiques. À Louis-le-Grand, même message. «Notre ouverture internationale et les modèles étrangers nous ont convaincus qu'il s'agissait d'un plus et non d'un service que nous rendons !, explique Joël Valat, proviseur de Louis-le-Grand, qui a déjà constitué l'équipe d'enseignants tentés par cette expérience. Cette classe aura un recrutement sélectif.»
Selon Julien Roitman, président du Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France, «c'est un signal fort, car il y a en France un vrai manque de techniciens, de spécialistes de technologies». Pour le recteur, Patrick Gérard, une chose est sûre, «c'est en développant ces sections dans des lycées de renom qu'on finira par modifier l'image encore négative des sections technologiques».
Un 1er mai sous le signe de la solidarité internationale
L'Humanité
Les défilés du 1er mai, dimanche, devraient porter les couleurs des combats, en France, en Europe et dans le monde, pour la liberté, l'égalité, le progrès social. Pour les cinq syndicats signataires d'un appel commun à manifester, CGT, CFDT, FSU, Solidaires, Unsa, -cette fois encore, FO fera bande à part-, il s'agira tout spécialement d'exprimer un «soutien aux peuples des pays arabes qui se soulèvent pour la dignité et la liberté». Allusion aux Tunisiens et aux Egyptiens, ont fait tomber des régimes dictatoriaux, comme aux Syriens, aux Libyens ou aux Yéménistes, qui continuent de défier leur gouvernement et subissent une répression sanglante. Mais la solidarité internationale, rôle traditionnel du 1er mai, s'appliquera aussi au continent européen, soumis à des politiques d'austérité de plus en plus sévères, qui suscitent de fortes résistances syndicales. Le «non» au Pacte pour l'euro, enfanté par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, et à son cortège de mesures régressives touchant les salaires, la protection sociale, devrait être présent dans les cortèges.
En France aussi, «il y a toutes les raisons de faire un grand 1er mai», comme le souligne Nadine Prigent, dirigeante confédérale de la CGT. Chômage toujours massif et montée du sous-emploi, diète salariale imposée tant par les patrons du privé que par le gouvernement qui vient de décider la prolongation du gel du point d'indice des fonctionnaires... A ces motifs sérieux s'ajoutent les «souffrances au travail» qui ne cessent d'empirer. Le suicide de Rémy L., agent de France Télécom qui s'est immolé par le feu mardi à Mérignac, reste évidemment présent dans tous les esprits. L'amélioration des conditions de travail et la reconnaissance de la pénibilité, grande «oubliée» de la réforme des retraites, figurent donc en bonne place parmi les priorités retenues par les syndicats, avec l'emploi, le pouvoir d'achat, ainsi que la lutte «pour l'égalité des droits et contre toutes les discriminations, notamment concernant tous les travailleurs migrants». Il y a, de ce côté-là aussi, beaucoup de pain sur la planche. «La xénophobie d'Etat se répand, s'étend, se banalise», pointe la Ligue des droits de l'homme, qui appelle aussi à manifester, évoquant «les argumentations, déclarations et actions du gouvernement de notre pays». Le FN, lui, qui défilera aussi dimanche, s'emploie à tirer les marrons du feu, et n'hésite pas à lancer une offensive contre les syndicats. Une raison de plus pour les salariés, les syndicalistes, de descendre dans la rue pour opposer au slogan empoisonné et diviseur de la «préférence nationale», celui de l'égalité des droits. «Mobilisons- nous pour le «vivre ensemble», la solidarité entre les salariés et l'égalité des droits, le choix de la paix, le choix du social. C'est de cette façon que reculeront l'exclusion, le racisme, le rejet de l'autre», fait valoir l'appel unitaire des syndicats.
A un an de l'élection présidentielle, la question de l'alternative politique au sarkozysme occupera sans doute nombre de conversations parmi les manifestants. Les partis de gauche seront d'ailleurs présents le long des cortèges. Pour les salariés, cependant, la trêve sociale en attendant le vote n'est pas à l'ordre du jour: selon un sondage Harris Interactive pour l'Humanité Dimanche, plus de sept sur dix (76%) estiment placent la revalorisation des salaires en tête de leurs priorités et 80% demandent aux syndicats d'agir « rapidement sur ces dossiers sans attendre la présidentielle de 2012».
La CGT démasque l'imposture FN
L'Humanité
L'offensive du parti d'extrême droite sur les syndicats continue. En ligne de mire : le monde du travail. Une stratégie que la CGT dénonce dans un document.
Dans le conflit syndicats-FN, la CGT vient d'allumer un premier contre-feu. La centrale syndicale va éditer un document, qui devrait être envoyé à ses organisations et militants, intitulé « le Front national ou l'imposture sociale ».
Cet argumentaire veut démonter « la propagande mensongère » du parti d'extrême droite, « considéré par de trop nombreux salariés comme un parti comme les autres ». Marine Le Pen a certes « gauchi » son discours, tentant de « nous faire oublier le credo ultralibéral, pro-
Medef, de son parti », le syndicat entend remettre les pendules à l'heure. Coût de l'immigration, défense des travailleurs, de la retraite à soixante ans, de la laïcité et des services publics, etc. Autant de sujets sur lesquels le positionnement du FN « constitue une façade qui ne remet pas en cause les principes directeurs du programme du FN, qui reste d'essence libérale en matière économique et sociale ».
Les valeurs universelles du syndicalisme
Ce n'est finalement pas sur ce terrain que l'on attendait le syndicat, mais sur ses réactions face au danger de la montée du FN au « capital » des syndicats. Avec un « s », car le texte de la CGT – qui rappelle la déclaration commune des centrales CFDT, CGT, FSU, Solidaires et Unsa soulignant l'incompatibilité de la préférence nationale avec le syndicalisme – a valeur « universelle ».
Selon ses statuts, le syndicat est ouvert « à tous les salariés », quelles que soient « leur nationalité, leurs opinions politiques, philosophiques et religieuses ». Une définition dont s'est servi le FN pour justifier la double appartenance de certains de ses candidats aux élections cantonales. « Il n'est pas envisageable, rappelle le texte, qu'au nom de la liberté d'opinion dans la CGT, (elle) puisse être représentée (...) par des militants revendiquant par ailleurs publiquement leur adhésion au concept de "préférence nationale", principe "abject", "clairement xénophobe, raciste, islamophobe et raciste" » auquel le FN prétendument « light » de Marine Le Pen n'a pas renoncé.
La CGT analyse son « instrumentalisation » par le FN au regard de la volonté frontiste de progresser dans l'électorat populaire, ouvrier notamment. Dans cette stratégie, la CGT serait « un obstacle pour le FN dans son plan d'investissement du monde du travail ». D'où l'obsession de Marine Le Pen, avouée en octobre 2010, en plein mouvement contre la réforme des retraites, de « décadenasser le paysage syndical français ». Première étape, la création du Cercle national de défense des travailleurs syndiqués. Ce que Charles Perrot, responsable du FN dans la Loire interrogé par Le Progrès, prophétisait, le 26 avril : « Quand nous arriverons au pouvoir, l'idée est de créer des forces corporatistes, des unions de personnes par branches professionnelles qui défendront leur métier. » Comme la réédition des syndicats FN invalidés dans les années 1990.
Grégory Marin
Faut-il tuer Kadhafi ?
Le Point.fr
Si on ne laisse au dictateur aucune porte de sortie, il ne reste qu'une solution : l'éliminer physiquement.
Par Pierre Beylau
« A un ennemi encerclé, vous devez laisser une voie de sortie. » Le conseil n'est pas véritablement nouveau. Il émane de Sun Zi, qui vivait en Chine au VIe-Ve siècle avant Jésus-Christ. L'auteur du premier ouvrage connu de stratégie (L'art de la guerre) estime qu'il s'agit, avant tout, de contraindre l'adversaire à abandonner la lutte, et ceci, à un moindre coût. Il préconise donc de mettre le siège à une place uniquement sur trois côtés afin de permettre à l'ennemi de fuir le champ de bataille. Ceux qui dirigent l'opération politico-militaire de Libye seraient bien inspirés de lire Sun Zi (il existe de très bonnes traductions...). Car tout le monde en convient : le nœud du problème s'appelle Muammar Kadhafi. Et l'objectif est qu'il débarrasse le plancher le plus vite possible. Or tout est fait pour l'inciter à transformer son réduit tripolitain en Fort Chabrol.
Les menaces de la Cour pénale internationale
La procédure enclenchée par la Cour pénale internationale (CPI) pour "crime contre l'humanité" (rien de moins) lui interdit, en principe, tout refuge sûr à l'étranger. Certes, plusieurs grands pays (États-Unis, Chine, Inde, Russie) et la totalité des États arabes (sauf la Jordanie) ne sont pas membres de la CPI, soit parce qu'ils n'ont jamais signé le traité de Rome de juillet 1998 créant cette institution, soit par ce qu'ils n'ont jamais ratifié ce texte. Mais de là à défier ouvertement la CPI, il y a un gouffre que personne ou presque n'osera franchir. Omar el-Bechir, président soudanais, sous le coup d'une inculpation de la CPI, coule des jours paisibles à Khartoum et se balade impunément en Afrique. Il a compris que son seul salut était de se cramponner au pouvoir jusqu'au bout.
Il est à craindre que Khadafi ne tienne le même raisonnement si l'on ne trouve pas le moyen de lui assurer un asile pérenne où il ne risquerait pas l'extradition. La morale y perdrait, mais des vies humaines seraient épargnées. Sinon, reste la solution de l'assassinat. Direct ou par procuration. C'est ce que semblent espérer nombre de responsables politiques pourtant adversaires acharnés de la peine de mort.
La morale ou la politique
Le sort futur de Kadhafi pose l'éternel problème des sorties de crise. Faut-il châtier les dictateurs, les terroristes, les complices plus ou moins actifs des totalitarismes sanglants ou accepter une dose d'oubli afin de limiter la casse, de panser les plaies et de préserver l'avenir ? Kadhafi mériterait le procès qu'on rêve de lui intenter. À une nuance près : il faut manier avec précaution la sémantique judiciaire au risque de voir s'insinuer un révisionnisme rampant. Car si le Libyen est coupable de "crime contre l'humanité", il est, quelque part, l'égal de Hitler, ce que personne ne peut raisonnablement soutenir.
La situation en Libye n'est pas simple. Les révoltés de Benghazi ne représentent pas, à l'évidence, la totalité de ce pays hétérogène où, quoi qu'on en dise, le fait tribal demeure fortement ancré. Dès que les insurgés s'éloignent de leurs bases orientales, le soutien de la population s'amenuise. C'est un facteur crucial à prendre en compte, y compris pour le sort que l'on réserve à Kadhafi
Europe : la vague populiste
Le Point.fr
Claude Imbe
Et maintenant, la Finlande ! La Cendrillon du Nord court, elle aussi, le guilledou populiste. Ses soeurs ne sont plus seules à valser, enjouées comme notre Marine Le Pen, dans les bras du grand séducteur des temps de crise. Il tourne aussi la tête aux jeunes filles modèles de l'Europe démocratique, le Danemark ou les Pays-Bas. Et même la chaste Suisse croque la pomme de Guillaume Tell. Toutes craquent, un peu ou beaucoup, pour l'enchanteur nationaliste. Alors, les vieux de la vieille Europe s'alarment de voir l'Histoire bégayer avec ces coups de sang qui firent les malheurs du siècle passé.
Le populisme d'aujourd'hui ne gigote plus dans les mêmes cauchemars. Sinon, bien sûr, celui de la crise financière et de la détresse économique. Chez nous, contre les vertiges de l'endettement d'Etat, le coup de frein asphyxie des libéralités que le bon peuple tenait pour éternelles. Depuis trois décennies, la démagogie masquait leur pente fatale. La crise découvre des gouffres. Nulle surprise donc à voir refleurir les recettes protectionnistes, champignons des temps de crise et qui repoussent avec elle tout comme la hausse de l'or ! Nulle surprise à voir cloués au pilori populiste les mêmes boucs émissaires : la classe politique ; l'Europe et son euro ; l'immigré, "étranger" proche ; et les étrangers lointains dont l'inépuisable réserve de pauvres vient battre l'Europe aux anciens parapets. La mondialisation, cet univers des "autres", généralise l'angoisse d'une dépossession nationale.
La nouveauté, c'est que le populisme ne se déchaîne plus seulement dans l'angoisse du patrimoine matériel menacé, celui du niveau de vie. Il se dresse aussi en gardien du patrimoine immatériel, celui du style de vie, celui de l'identité nationale. Dominique Reynié (1) montre très bien que le populisme peut compter - et durablement - sur le chambardement de nos pénates. C'est, en Europe, l'immigration qui les dérange. C'est elle qui tourneboule les démocraties les plus paisibles.
La classe politique aura longtemps rechigné pour affronter ses quatre vérités. Rechigné pour méditer l'épuisement démographique du Vieux Continent. Rechigné pour admettre que le vieillissement de nos peuples aura "aspiré" une immigration légale et illégale qui contribue, quoi qu'on raconte, à leur équilibre démographique. Rechigné, enfin, sous les interdits d'une bien-pensance imbécile pour assumer les conséquences d'une immigration devenue, en Europe, aux deux tiers extra-européenne.
Car c'est évidemment cette immigration-là qui change et changera le paysage national. C'est elle qui nourrit le populisme répulsif. Il est absurde d'en espérer l'intégration aisée qui fut celle des immigrés européens du temps jadis. Et d'abord parce que, chez les immigrés de l'après-guerre, la forte affiliation musulmane importe, dans nos sociétés déchristianisées et laïcisées, sa religion d'hommes pieux et ses traditions vivaces.
L'humeur populiste ignore la réalité statistique. Elle ne réagit qu'à ce qu'elle perçoit de l'altérité ethnique et culturelle. Elle ne voit que minarets, mosquées, burqas, coups de canif dans la laïcité scolaire et hospitalière. Elle n'entend que les échos d'un fondamentalisme en réalité très minoritaire, voire combattu, dans l'islam européen. Elle constate, chez nous, dans la concentration des ghettos, le concentré d'échec avéré de l'intégration. Et elle en exagère les dommages nationaux.
La veulerie intellectuelle et politique des classes dirigeantes, dans leur manie d'évitement, laisse le champ libre à l'exploitation passionnelle de vérités cachées. En France, le cercle de la raison est suspecté d'"islamophobie" quand il dénonce les prétentions séculières du Coran, les entorses à la laïcité républicaine, les mariages forcés et la soumission des femmes. Mais, sur l'autre bord, il est suspecté d'islamophilie naïve quand il parie, à long terme, sur le lent et patient apaisement de l'islam de France. Délires polémiques d'un trouble fatal !
Les effets politiques de la réaction populiste ne sont pas marginaux. Elle a d'ores et déjà dévalué partout la tentation communautariste, et jusque dans une Angleterre qui réalise tardivement sa coupable incurie. Au-delà, elle "droitise" les équilibres politiques où l'électoralisme ménage, dans les urnes, les forces nouvelles nées de la crispation populaire. Plus grave, elle infecte le pacifisme écologique allemand. Elle mine le consensus européen de Schengen. Pis : en répandant son venin, elle attise et grossit les non à l'Europe.
En ce siècle, de ce mal résistible du populisme aucune de nos démocraties n'est morte, ni en péril de l'être. Mais toutes en sont frappées.
1. "Populismes : la pente fatale", de Dominique Reynié (Plon). Voir aussi l'éditorial d'Alain Duhamel, page 46.
La percée des populismes européens
Le Point - Publié le 28/04/2011 à 12:49
La xénophobie, la peur de l'islam, la crainte du déclassement, le rejet du multiculturalisme se retrouvent partout.
Alain Duhamel
Semaine après semaine, les élections qui se déroulent dans les pays européens livrent le même diagnostic : la percée des partis populistes ne cesse de se confirmer et de s'amplifier. La Finlande, cette fois-ci, la Slovaquie, la Hongrie ou la Suède, une autre fois, l'Italie, la Belgique ou la Suisse, à de multiples reprises, c'est comme une marée montante. Dominique Reynié, politologue bien connu, publie justement un essai très informé et assez ambitieux sur le sujet (1). L'intérêt principal de son livre est qu'il propose un panorama complet des 27 partis populistes européens répartis dans 18 pays. Aucune nation débarrassée du communisme n'y échappe, mais aucun pays scandinave, berceau et bastion de la social-démocratie, non plus. Comme le relève cruellement l'auteur, la gauche est devenue plus faible quand la société est devenue plus dure. Une fraction croissante de l'électorat populaire est passée de la gauche à la droite populiste.
Dominique Reynié a une thèse : nous assistons à la montée d'un populisme de type nouveau, le "populisme patrimonial", fondé sur la défense virulente d'un patrimoine matériel mis en cause (le niveau de vie) et d'un patrimoine immatériel menacé (le style de vie). En clair, le populisme du XXIe siècle prospère sur la crise économique et sur l'immigration. Le chômage et la précarité pèsent sur le pouvoir d'achat et obscurcissent l'avenir. La vitalité de la religion musulmane inquiète d'autant plus que la pratique religieuse chrétienne diminue fortement. L'Europe étant le continent le plus atteint par la crise économique et celui où l'immigration est la plus forte (plus qu'aux Etats-Unis, nous précise l'auteur), le populisme y progresse sans cesse. Il le fait dans les pays européens les plus prospères comme dans les plus atteints, dans les pays de tradition catholique ou orthodoxe comme de tradition protestante. La xénophobie, la peur de l'islam, la crainte du déclassement individuel et collectif, le rejet du multiculturalisme se retrouvent partout. Reynié distingue certes les populismes de séparation (Italie du Nord, Flandre belge), qui rejettent toute solidarité avec les provinces moins privilégiées de leur propre nation (Mezzogiorno ou Wallonie), des pays où l'extrême droite stricto sensu se renforce (Hongrie, Slovaquie, Roumanie). Il tend cependant à trop généraliser le phénomène et omet d'expliquer pourquoi certains pays y résistent mieux que d'autres, comme l'Espagne. L'explication par le mode de scrutin législatif n'est pas très convaincante, puisque la Grande-Bretagne est adepte du scrutin majoritaire à un tour et l'Allemagne du scrutin en fait proportionnel.
On peut surtout contester l'application de cette thèse globalement séduisante au Front national de Marine Le Pen. Pour Reynié, il s'agit désormais d'une version du populisme européen. Mais un parti nationaliste, xénophobe, autoritaire, conspuant les élites et les médias, prônant le retour à un Etat fort, y compris en matière économique, sans écarter ultradirigisme, voire nationalisations, abusant de surcroît cyniquement les classes populaires, cela ne ressemble-t-il pas furieusement aux ligues d'extrême droite des années 30, quand déferlait déjà une terrible crise économique mondiale ? La question n'est pas seulement de vocabulaire.
1. "Populismes : la pente fatale", de Dominique Reynié (Plon, 280 p., 19,50 E).
Égypte : les Frères musulmans annoncent la création d'un parti politique
30/04/2011 Jeune Afrique
Les Frères musulmans, le puissant mouvement islamiste d'opposition en Egypte, ont annoncé samedi la création de leur propre parti, civil et non "théocratique" selon eux, pour participer aux législatives de septembre.
Le nouveau parti a été baptisé le "parti de la liberté et de la justice", a indiqué lors d'une conférence de presse Mohammed Hussein, le secrétaire général de la confrérie née il y a plus de 80 ans.
Le Conseil consultatif du mouvement a décidé de lancer un tel parti et a adopté en même temps son programme politique, a précisé M. Hussein.
"Civil et non théocratique"
Le parti, dirigé par un membre du bureau politique des Frères musulmans, Mohammed al-Moursi, devra coordonner ses positions avec la confrérie tout en étant indépendant organiquement.
"Ce sera un parti civil et non théocratique", a répété le nouveau chef de ce parti. La constitution en Egypte bannit les partis fondés sur la religion.
Le "parti de la liberté et de la justice" entend selon son chef briguer entre 45 et 50 % des sièges lors des prochaines législatives de septembre, le premier scrutin depuis la chute du président Hosni Moubarak le 11 février sous la pression de la rue.
Une élection présidentielle aura lieu avant la fin de l'année.
Première force d'opposition
Les Frères musulmans, très contestés par le pouvoir de l'ancien président Moubarak, sont la première force d'opposition en Egypte.
Officiellement bannis de la sphère politique, les Frères musulmans étaient tolérés dans les faits en Egypte, où ils disposent d'influents réseaux d'aide sociale.
Alors qu'ils disposaient de 88 sièges dans l'Assemblée sortante, après une percée aux législatives de 2005, ils ont décidé de boycotter le deuxième tour des élections de décembre 2010, dénonçant des fraudes massives et des violences au profit du puissant parti au pouvoir, le Parti national démocrate.
Le PND a été dissous le 16 avril et la justice a décidé la saisie de ses avoirs.
La confrérie est particulièrement active dans les mosquées, où elle mène des actions d'aide aux défavorisés, dans les universités et au sein des syndicats.
Il s'agit du mouvement le plus ancien de l'islamisme sunnite. Il a été fondé en Egypte en 1928 par Hassan al-Banna, et sa doctrine s'organise autour du dogme du "tawhid" (unicité de Dieu), la fusion du religieux et du politique.