Le Premier ministre Laurent lamothe lors d'une visite à l'usine de production du Groupe Viettel au Viêt Nam
« Je vais transmettre l'invitation faite au président de la République Michel Joseph Martelly de visiter le Viêt Nam formulée par le président Truong Tan Sang. Je ferai aussi rapport au président qu'Haïti a un nouveau partenaire stratégique qui souhaite établir une coopération durable avec Haïti et qui comprend nos difficultés. »
Les mots que le Premier ministre Laurent Lamothe utilise pour résumer sa mission au Viêt Nam sont sans équivoque : il est satisfait de son périple.
« Très prometteur, mémorable, accueil extraordinaire et respectueux », les mots élogieux et pleins de promesses viennent de la bouche de chaque membre de la délégation haïtienne quelques heures après le départ de Hanoï et au cours de l'escale à Tokyo.
Au premier chef, le Premier ministre Laurent Lamothe est heureux de sa visite de 48 heures au Viêt Nam. Il le dit. L'accord paraphé avant de quitter Hanoï permet de renforcer la sécurité alimentaire et d'acheter du riz de qualité à un prix préférentiel pendant l'année qui vient. 250 à 300 mille tonnes de riz sont dans le pipeline.
« Une première cargaison de 20 000 tonnes arrivera en Haïti avant la fin du premier trimestre 2013 en provenance du Viêt Nam, l'un des premiers exportateurs mondiaux de riz », renchérit la ministre de l'Economie et des finances, Marie Carmelle Jean-Marie.
« Il y aura un délai de livraison, le riz n'est pas rentré dans nos bagages », précise MCJM, connue pour son franc-parler.
Pendant deux jours, elle et le ministre de l'Agriculture ont multiplié les rencontres avec homologues et techniciens vietnamiens pour ajouter un accord technique en vue de renforcer les capacités de l'agriculture haïtienne comme prévu dans le mémorandum sur l'achat de riz.
« Il n'est pas seulement question d'acheter du riz, nous devons augmenter notre production pour réduire notre dépendance », croit l'agronome Jacques, originaire des Gonaïves.
Michael Lecorps, directeur général du Bureau de monétisation des programmes d'aide au développement (BMPAD), s'occupe, lui, au centime près, du prix de la tonne de riz livrée en Haïti et du nécessaire renforcement des capacités de stockage.
« Mon bureau travaille depuis des années avec le secteur privé haïtien pour approvisionner le marché, nous allons continuer à le faire avec le riz vietnamien », assure-t-il sans donner de précisions sur la facture finale qu'affronteront les consommateurs haïtiens dans quelques mois.
« Pas de déclaration sur les prix, mais nous travaillons à ce qu'il soit bon », lâche-t-il avant de s'éclipser dans l'Admiral Club de l'aéroport de Narita de Tokyo où la délégation haïtienne passe cinq heures avant de mettre le cap sur les Etats-Unis puis Port-au-Prince ce jeudi.
Lecorps tient cependant à souligner que le riz vietnamien ne va pas tuer le marché contrôlé par le secteur privé. Les commerçants seront intégrés dans le programme. Le riz du Viêt Nam ne va pas tuer les hommes d'affaires, il permettra de réduire les risque pour tout le monde », explique celui qui dirige le BMPAD, ex PL-480 office qui commercialise, blé, farine, riz, lait, huile et pétrole pour l'Etat haïtien selon les dons reçus par Haïti.
Dans quelques mois, du riz vietnamien sera dans nos assiettes et la vie chère reculera. C'était le souhait du Premier ministre Lamothe, formulé dans le cadre des négociations menées par la ministre de l'Economie et des finances, celui de l'Agriculture et le directeur général du BMPAD avec leurs homologues vietnamiens durant la journée de lundi, au premier jour d'une mission à Hanoï.
Autre objet de satisfaction, des investisseurs du Viêt Nam sont aussi attendus l'année prochaine dans nos murs. Le textile, le bois, la confection de chaussures et le secteur de la construction sont déjà identifiés comme porteurs par les autorités des deux pays qui envisagent la création de sociétés mixtes à l'instar de la Natcom (propriété de la société vietnamienne Viettel et de l'Etat haïtien), navire amiral de la coopération entre Haïti et le Viêt Nam.
«Lundi 17 décembre 2012, un premier accord de coopération établissant le cadre des relations entre les deux pays a été paraphé par le Premier ministre haïtien et celui du Viêt Nam. Ce document a ouvert la porte à la signature de mémorandums entre les responsables d'un échelon inférieur sur le riz et d'autres sujets», a expliqué au Nouvelliste la ministre Marie Carmelle Jean-Marie.
La ministre de l'Economie et des finances se réjouit déjà de l'entente trouvée : « Pour le riz, nous aurons un bon prix et une garantie d'approvisionnement. »
Le Viêt Nam, faut-il le rappeler, fait partie avec l'Inde et la Thaïlande des trois plus grands exportateurs mondiaux de cette céréale que les Haïtiens aiment tant.
Pour le ministre Thomas Jacques, il ne s'agit pas seulement d'une négociation commerciale, mais aussi du début d'une vraie coopération. « La politique du gouvernement vise à relever la production nationale de riz. Les Vietnamiens vont nous y aider. Ils réussissent à faire 10 tonnes à l'hectare. Nous n'en réalisons que 3 ou 4. L'appui technique et le transfert de technologies seront décisifs », croit le ministre.
« Un accord cadre de coopération technique sera signé entre les deux pays pour aider Haïti dans le secteur de la riziculture, l'hydraulique, l'aquaculture, la tissuculture, la fertilisation, les équipements agricoles. Dans le cadre de cet accord, sera créé un institut national du riz », annonce le ministre de l'Agriculture.
Une mission de 3 experts vietnamiens visitera Haïti à la mi-janvier 2013 en vue d'un premier contact relatif à l'arrivée du premier groupe d'experts pour démarrer la coopération technique. Le Vietnam est prêt à accueillir des étudiants d'Haïti et des professionnels du secteur agricole pour bien comprendre le développement de l'agriculture du Vietnam. Le Vietnam accepte de mettre à la disposition du Premier ministre et du ministère de l'Agriculture un expert en politique agricole sur la riziculture et sur la sécurité alimentaire, annonce aussi le ministre Thomas Jacques.
Le Premier ministre Laurent Lamothe n'a pas hésité de son côté à saluer l'arrivée d'un nouveau grand partenaire d'Haïti. D'ici peu, les échanges entre les deux pays vont prendre un tournant décisif, selon lui.
Intervenant sur deux chaînes de télévision vietnamiennes, le Premier ministre affirme que, d'ici peu, avec l'accord sur le riz et la visite prochaine en Haïti de responsables politiques et d'investisseurs, les relations commerciales entre Haïti et le Viêt Nam vont croître sensiblement.
Dans son édition du jour, Viêt Nam News, le quotidien en anglais, souligne que la distance n'empêche pas l'existence de relations commerciales qui, cependant, n'ont pas encore atteint leur potentiel.
« En 2010, le commerce bilatéral a atteint 11 millions de dollars. L'année suivante, il est passé rapidement à 40 millions, avec les exportations du Viêt-Nam représentant 15 millions de dollars. À mi-chemin en 2012, 19 millions de dollars d'échanges commerciaux entre les deux pays ont été comptabilisés», rapporte le quotidien.
« Le Viêt Nam importe principalement des pièces de vêtements et des produits agricoles d'Haïti. Il exporte des vêtements, le rotin, le bois de construction et des meubles, des nouilles instantanées, des substances chimiques et des produits en plastique vers Haïti.
220 Vietnamiens vivent et travaillent en Haïti
En 2010, Viettel a acheté de l'Etat haïtien 60 pour cent des actions de la TELECO. La compagnie Natcom ainsi créée a commencé ses opérations en septembre 2011. Après un an d'opération, la NATCOM possède 20 pour cent du marché du téléphone portable en Haïti en dépit des débuts timides.
Interrogé sur la politique de communication de Natcom, un cadre dirigeant de l'entreprise – pour bien comprendre, le président de Viettel est un général de l'armée vietnamienne et le CEO en Haïti, un capitaine- a eu cette réponse : « Nous préférons agir, nos actes parlerons pour nous. »
Un autre, qui visite régulièrement Haïti, pense cependant que la compagnie doit changer de politique de marketing et s'ajuster au marché haïtien.
Viettel contrôle 40% du marché des télécoms au Viêt Nam, avec plus de trente millions de clients, et a dégagé un milliard de dollars de bénéfices l'an dernier. Proche de l'Etat vietnamien, elle a des habitudes différentes de celles d'une entreprise commerciale normale.
Les cinquante millions de chiffres d'affaires réalisés par la Natcom vont eux aussi augmenter, maintenant que la compagnie a la garantie que le gouvernement haïtien va protéger ses investissements.
Mardi, Viettel a reçu la délégation haïtienne avec faste dans son quartier général et lui a fait visiter une usine de montage de téléphones et autres équipements électroniques.
L'une des plus grandes compagnies au Viêt Nam, la compagnie Viettel, à travers ses responsables, n'a pas caché que cette visite de haut niveau rassure et que Viettel sera l'ambassadeur d'Haïti auprès des autres entreprises vietnamiennes pour les inviter à aller en Haïti.
Avant de quitter le Viêt Nam, le ministère des Affaires étrangères, représenté par son secrétaire d'Etat Nixon Myrtil et le directeur général Azard Belfort recherchait un local pour ouvrir la première ambassade d'Haïti en Asie du Sud-Est qui sera un avant-poste très technique.
Frantz Duval, Le Nouvelliste
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