De la prise en Charge Globale des victimes d’abus sexuels des prêtres catholiques et co., en Haiti.- #LeReCit
Ce 9 septembre 2019, Sheyla, la jeune fille de Ranquitte qui a été mise enceinte par le prêtre Eugener Bruno, retournera à l’école dans un autre établissement scolaire. Grâce à une maigre contribution de @ReseauCitadelle #LeReCit, cette jeune fille brillante a déjà payé certains frais scolaires. Il reste, tout de même, beaucoup à faire. Car, il y a la garde du bébé à assurer; il faudra payer une nourrice de confiance pour garder l’enfant, en absence de la mère et surtout le protéger contre ces dirigeants de l’Église, embarrassés par cette preuve ADN qu’il représente.
Après la mise au monde de l’enfant du prêtre, Sheyla est abandonnée par l’Église catholique. L’Archevêque du Cap-Haitien n’a toujours rien fait conformément aux nouvelles dispositions de Vatican en ce sens, qui, parait-il, resteront de simples manoeuvres publicitaires de relations publiques, au lieu d'une réelle volonté de l’Église à assumer ses responsabilités au côté des victimes d’exploitation sexuelle commise par les membres du clergé.
Nous saluons la fierté et la grandeur d’âme de la famille d’accueil de Sheyla depuis enfance, son oncle Rolin et son épouse Bibine (la marraine de Sheyla) qui ont tenu tête aux pressions de l’Église, refusant toute forme de complicité visant à étouffer ce cas d’abus sexuel sur leur fillette.
Ce texte vise à attirer l’attention de l’opinion publique sur la situation de plusieurs victimes abandonnées en Haiti. Car, en plus du refus des institutions de se comporter conformément à la loi et aux règlements, il y a les dossiers pour lesquels on n’arrive pas à faire un procès comme celui des victimes du Projet Pierre Toussaint de Douglas Perlitz au Cap-Haitien.
Les contraintes de type technicité ou "technicalité” juridico-légale, les délais “statute of limitations”, les juridictions, la nature et la situation des superviseurs, etc, etc… autant d’éléments capables de compliquer un dossier et la situation des victimes, jusqu’à l’impossibilité de faire un procès.
D’où la nécessité d’agir vite, en consultant les personnes expérimentées et compétentes dans ce genre de dossier. L’idéale serait de voir des institutions d’État comme l’IBESR collaborer rapidement dans le sens de l’intérêt des victimes sur le plan pénal et civil. Car, plus vous laissez passer le temps, plus vous rendez service au prédateur sexuel, à ses complices et à ceux qui lui ont permis par leur négligence d’abuser des enfants.
En Haiti, la situation est encore plus compliquée. Car, en 11 ans d’expérience, je n’ai jamais vu la justice de mon pays, condamner un pédophile étranger, un prêtre pédophile, pas même un pasteur autoproclamé. Le dernier exemple, est le cas de Jérémie, où un pasteur a été libéré par un juge, lors d’un procès, malgré la preuve ADN qui pesait contre lui. Ce qui rappelle le jugement secret, en absence des victimes, de Michael Geilenfeld au Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, en avril 2015. Jugement contre lequel l’État haïtien, représenté par le Ministère de la Justice, a dû porter plainte, suivi de sanctions disciplinaires contre le Commissaire du gouvernement qui avait siégé lors du procès arrangé.
Le 10 août 2019 dernier, des victimes de Robert (Bob) Valerius ont été sidérées de voir celui qu’ils considèrent comme leur bourreau sexuel à l’orphelinat “Cap-Haitian Children’s Home” (Petite Anse), circuler calmement dans la deuxième ville du pays. Cela est dû à la non-diligence du Bureau de la Protection des Mineurs de la PNH du Cap-Haitien de transférer le résultat de l’enquête réclamée par l’IBESR en 2014 au Parquet du Tribunal Civil du Cap-Haitien en vue de permettre à un juge d’instruction d’instruire l’affaire et s’il le faut d’émettre un mandat et de réclamer la collaboration de l’INTERPOL contre l’accusé en cavale.
Les juges d’instruction d’Haïti refusent de faire des perquisitions. Ce qui donne aux prédateurs sexuels le temps de détruire des preuves. Alors qu’aux États-Unis, au Canada, en France, dans d’autres pays civilisés, même en République Dominicaine, il est de principe qu’en matière de crime sexuel, il faut toujours une perquisition, la saisie des ordinateurs, des téléphones portables et de toutes autres formes de dossiers utiles. En Haïti, les juges trainent les pieds, donnant aux prédateurs sexuels le temps d’effacer des preuves, d’intimider et/ou de menacer les victimes et les témoins souvent vulnérables.
Et, lors même qu’on arrive à intenter une action en justice, il y a l’encadrement des victimes. Certains observateurs qui ne comprennent pas la complexité de la situation pensent uniquement au succès de procès et/ou au résultat financier en cas de dédommagement, sans considérer l’encadrement — parfois global — à fournir aux victimes pour les aider à rester debout, à ne pas fléchir tout au long de la procédure. Car, le prédateur et ses supporters misent énormément sur l’incapacité de la victime à faire face à l’usure du temps.
Par exemple, dans le dossier Perlitz, nous avons passé plus de dix (+10) années à encadrer globalement des enfants de rue victimes qui ont tout perdu, qui n’ont rien, même pas leur acte de naissance. Des heures et des heures de recherche, d’enquête de proximité dans leur village natal pour reconstituer leur dossier, reconstruire leur identité face à une batterie d’avocats des parties adverses qui contestent tout. Par méchanceté, les orphelinats s’arrangent à tout détruire, abandonnant les victimes sans pièces d’identité, sans filiation légale.
Donc, par altruisme, on est obligé d’assister toutes les victimes, même celles qui n’ont aucune garantie de pouvoir faire un procès, tenant compte des contraintes légales que nous avions évoquées plus haut. Cela coûte beaucoup en termes d’argent, de temps, et du point de vue psychologique, c’est épuisant de vivre chaque jour tant de souffrance… Quand une victime vous appelle à une (1) heure du matin en larmes, menaçant de mettre fin à sa vie, cela donne de la trouille; c’est traumatisant.
Là encore, en ce qui concerne l’aide économique aux victimes, se pose un problème de taille. Car, les avocats de la défense essaient souvent d’utiliser la moindre aide matérielle, économique ou financière pour discréditer la victime, attaquer la crédibilité de son témoignage. Dans le dossier Perlitz, j’ai été contraint de cesser toute forme d’assistance matérielle aux victimes que j’avais l’habitude de supporter avec mes maigres ressources personnelles.
En ce sens, l’État haïtien a l’obligation d’institutionnaliser la prise en charge globale des victimes d’exploitation sexuelle, de traite de personnes et de trafic humain. Car, on ne peut pas demander aux firmes d’avocats de prendre en charge les victimes. C’est illégal dans certains pays et cela représente un danger pour le procès. Une aide matérielle d’un avocat à des clients-victimes peut offrir une opportunité à la partie adverse pour attaquer la crédibilité de leurs témoignages, contraignant le juge jusqu’à annuler la plainte.
Tout est à faire dans ce domaine : L’IBESR doit se montrer plus coopératif et pro-actif, la police, la justice, le Ministère des Affaires Sociales, la presse, la société en générale….et surtout l’obligation des institutions privées comme les ONGs, les Églises, les orphelinats, de dénoncer les crimes d’abus sexuels, de les rapporter aux autorités concernés et de contribuer à la prise en charge globale des victimes.
Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti
25 Aout 2019
#LeReCit @ReseauCitadelle
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www.reseaucitadelle.blogspot.com
Lisez aussi :
1- Abus sexuels / Question aux Évêques haïtiens : Les Évêques américains entérinent l’obligation de signalement. Quelle est la position de l’Église haïtienne? #LeReCit
http://reseaucitadelle.blogspot.com/2019/07/abus-sexuels-question-aux-eveques.html
2- #Haiti - Missionnaires Pédophiles : Le silence des Églises, une insulte aux victimes.- #LeReCit
https://reseaucitadelle.blogspot.com/2018/07/haiti-missionnaires-pedophiles-le.html
3- #Haiti #Ranquitte : La victime abusée sexuellement par le père Eugener Bruno, placée en captivité.
https://reseaucitadelle.blogspot.com/2018/11/haiti-ranquitte-la-victime-abusee.html
4- #HaitiToo : Abus sexuel à la Paroisse de Ranquitte ! Update! #LeReCit
http://reseaucitadelle.blogspot.com/2018/11/haititoo-abus-sexuel-la-paroisse-de.html
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