Pour ses 10% de francophiles, Haïti consacre annuellement 1 milliard 555 millions de $ US à l'école française. Alors que le budget total de l'Organisation internationale de la Francophonie, financé à 80% par la France, ne dépasse pas 170 millions de $ US.
L'élément le plus important d'une nation est sa langue. Viennent ensuite son drapeau et son espace territorial. La langue haïtienne est directement liée à la fondation et à l'existence d'Haïti comme nation indépendante, car elle est à l'origine de la Victoire de l'armée indigène qui a conduit à la création de la première République des Noirs le 1er janvier 1804 suite au Congrès du Bwa-Kayiman de 1791 qui a décidé pour la première fois l'utilisation commune de la langue haïtienne pour mener la guerre de libération de l'esclavage. En faisant du créole la langue officielle et en la reconnaissant comme langue de l'unité nationale dans la Constitution (art.5), l'État haïtien s'engage solennellement à l'utiliser prioritairement dans toutes ses activités et à créer un budget spécial pour assurer de façon permanente son développement, sa protection, sa promotion, son apprentissage par tous les citoyens du pays et son rayonnement au niveau national et international. L'haïtien est la langue maternelle de tous les habitants d'Haïti . C'est par cette langue que la République d'Haïti doit naturellement affirmer son identité nationale et protéger les droits fondamentaux de tous ses citoyens.
Il y a seulement 10% d'haïtianophones qui maîtrisent la langue française. 15% la comprennent, mais 85% de la population n'ont aucune connaissance du français. De plus, 98% des livres qui garnissent les bibliothèques scolaires et municipales d'Haïti viennent des pays francophones et n'ont pratiquement rien à avoir avec la réalité nationale. Les ordres d'enseignement primaire et secondaire, contrôlés à 90% par le secteur privé, sont financés entièrement par les parents avec l'argent venant en grande partie de la diaspora. Les taxes des Haïtiens financent 90% du budget de l'enseignement post-secondaire. Les parents se crèvent pour financer le système d'enseignement français dès le préscolaire jusqu'au 2e cycle universitaire. Cependant, on voit très peu de retombée de cet argent puisque, Haïti demeure le pays le plus pauvre des Amériques d'une part. Et d'autre part, parmi les jeunes qui terminent leurs études universitaires, seulement 2% choisissent de rester dans le pays. Parmi eux, il y en a qui deviennent surtout politiciens, fonctionnaires ou écrivains. Les 98% qui partent se retrouvent essentiellement en France, au Québec ou aux États-Unis. L'État haïtien consacre une bonne partie de son budget national au système d'enseignement français contre 0% à la promotion de la langue haïtienne, alors que l'analphabétisme touche 55% de la population âgée de 17 à 55 ans. Le budget alloué au secrétariat à l'alphabétisation pour l'année 2006-2007, représente 0,09% du budget national. Pourtant, en Haïti, actuellement, il y a plus d'adultes à alphabétiser que des enfants à scolariser. C'est le pays qui possède le plus haut taux d'analphabète dans les Amériques.
La grande difficulté du système d'enseignement actuel est son incapacité de répondre aux besoins de développement d'Haïti. Malheureusement, cela peut continuer encore deux siècles, puisque jusqu'à présent l'espace haïtien ne fait pas encore partie intégrante du contenu et d'objet d'apprentissage des élèves haïtiens.
La réforme de l'école fondamentale des années 1980 a permis d'introduire l'haïtien comme langue d'enseignement dans les écoles et améliorer l'apprentissage des enfants. Actuellement, Haïti compte plus de jeunes qui sont capables de lire et écrire l'haïtien que le français. Malheureusement, l'État haïtien offre très peu d'ouverture à ces jeunes citoyens pour mettre en pratique leur connaissance linguistique de leur langue haïtienne au profit du reste de la population.
On ne cherche pas à ignorer la présence du français comme 2e langue officielle à côté de la langue haïtienne sur le territoire d'Haïti. Parmi les États membres de l'Organisation internationale de la francophonie et par sa position géographique, Haïti est le pays, depuis sa création, qui a contribué le plus à l'essor de la langue française en Amériques au détriment de sa propre langue d'unité nationale. J'ai appris, dans le budget de 2006-2007, que la contribution d'Haïti à la francophonie se chiffre à 6 milliards 200 millions de gourdes, soit 155 millions $ US. Ce cadeau du gouvernement haïtien, consacré essentiellement à l'enseignement de la langue française en Haïti, représente seulement 10% des sommes allouées par Haïti à l'école française. Ironiquement, aucune somme d'argent n'a été votée dans le budget de 2006-2007 pour la langue haïtienne. Rappelons qu'il y a seulement 10% d'haïtianophones qui peuvent s'exprimer correctement en français. Si l'on ajoute à cette somme les 90% que les parents haïtiens déboursent au secteur privé de l'enseignement pour la scolarisation de leurs enfants, on peut affirmer qu'Haïti consacre annuellement 1 milliard 555 millions de $ US à l'école française. Alors que le budget total de l'Organisation internationale de la Francophonie, financé à 80% par la France, ne dépasse pas 170 millions de $ US. Lorsqu'on divise le budget de l'OIF par les 68 États membres, la part de ce montant que l'organisation consacre à la promotion de la langue française en Haïti et au fonctionnement de son ambassade dans ce pays se chiffre à moins de 3 millions de $ US. Ceci dit, la République d'Haïti constitue une vraie aubaine pour la francophonie, car, malgré sa grande pauvreté, elle dépense 1 milliard 555 millions de $ US pour ses 10% d'haïtianophones qui font l'usage de langue française sans rien réclamer comme compensation à la France et au Québec en particulier et à des individus qui bénéficient cette manne.
Pour répéter Roger Gaillard, comme État indépendant, l'adhésion de la République d'Haïti à l'Organisation internationale de la Francophonie est un acte purement volontaire. Elle peut se retirer ou d'y rester au gré de ses intérêts. Toutefois, l'expérience d'Haïti au sein de l'organisation de la francophonie peut constituer une source d'inspiration à la création d'une organisation mondiale de l'haïtianophonie, car la langue haïtienne compte actuellement plus de 12 millions de locuteurs et occupe la 4e place en Amériques après l'espagnol, l'anglais et le portugais. Depuis septembre 1979, la langue haïtienne est dotée d'une orthographe officielle reconnue et utilisée à travers le monde.
Par le professeur Prophète G. Joseph. josephprof@hotmail.com |
samedi 19 décembre 2009
L'APPORT D'HAÏTI À L'ESSOR DE LA FRANCOPHONIE EN AMÉRIQUES
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