mardi 30 juin 2015

Sortie de crise : Le CEP peut encore sauver le processus électoral.-


Après deux (2) siècles de chefferie, de caporalisme, et d’arbitraire, le comportement excentrique de ce Conseil Electoral Provisoire (CEP) entre d’emblée dans une démarche historique et constante de la réalité haïtienne. Entre une position d’entente nationale, de justice, d’équité capable de renforcer la cohésion nationale et une approche despotique, le dirigeant haïtien opte, assez souvent, pour la deuxième. Les reliques de l’esclavage et le réflexe sadomasochiste : le premier explique le comportement ; et le second conforte les malades mentaux ayant la charge de jeter les fondations institutionnelles d’Haïti.

Quoi de plus simple pour des « hommes» et «femmes», doués de l’intelligence humaine, arrivés à tête d’un CEP à la faveur d’un consensus i.e., en dehors de la Constitution et des lois de la République, de gérer le processus électoral avec un esprit d’ouverture en entretenant un dialogue permanent avec les parties prenantes dans un souci de concorde, de paix et d’inclusion?

Le modèle suivi est historique. Duvalier exécutait ses victimes pour faire respecter la loi. Les neuf (9) chefs de ce CEP se dissimulent derrière une approche dite légaliste qui s’applique à tout le monde sauf aux membres de ce Conseil, qui eux aussi, sont dépourvus  de décharge. Rappelons que, pour leur balayer le chemin et les propulser à la tête de ce CEP, un fameux consensus est trouvé en dehors des prescrits constitutionnels.

Le manque de sagesse politique des intrépides de ce CEP fourvoie le pays, le plaçant sur une voie de confrontation qui aurait pu être épargnée. Des voix crédibles estiment bizarre l’usage de la Constitution pour exclure des citoyens pour cause de décharge par ce CEP. Madame Mirlande Manigat, Constitutionnaliste de formation, ne cache pas son indignation devant les acrobaties de Conseillers qu’elle qualifie d’incompétents et de copinage. Madame Manigat parle d’ambiguïté juridique dans le texte créant la Cour des Comptes, qui engendre des frustrations légitimes sur cette question de décharge.

Le Président Michel Martelly, a fait remarquer, d’un ton moqueur aisé, que ce Conseil ne confronte pas de problème étant donné qu’il n’a pas fait appel à l’Exécutif. Le Chef de l’Etat se réjouit-il du piège tendu à ces pauvres avant-gardistes incapables d’occuper des fonctions de leadership sans excès de zèle? Ils sont, semble-t-il, tenus en otage par leur mentalité autoritaire au point qu’ils n’arrivent pas à interpréter un article clé du Décret électoral dont la lettre et celle de la Constitution a tranché le pseudo problème de décharge pour les anciens ministres. 
D'une part, la lettre de la Constitution, à l’instar du Code Pénal, est d’application stricte. On n’interprète pas la Constitution au préjudice d’autrui. Elle fait injonction aux Comptables de derniers publics d’obtenir décharge de leur gestion pour briguer un poste électif et non aux Ordonnateurs.
D'autre part, il y a cette porte de sortie dans le préambule du décret en vigueur stipulant :
« - Considérant l’impossibilité actuelle des trois Pouvoirs de l’État de procéder à la formation du Conseil Électoral Permanent tel que prescrit par la Constitution ; 
-  Considérant qu’il y a lieu de prendre toutes mesures visant à garantir la crédibilité du processus électoral ; 
-  Considérant le dysfonctionnement temporaire du Pouvoir Législatif et qu’il y a lieu pour le Pouvoir Exécutif de prendre un décret relatif à l’organisation des prochaines élections.»

Un CEP limité qui échoue piteusement dans la gestion des dossiers les plus importants. Qu’est-ce qui empêche à ce CEP de former une Commission de vérification pour réviser le processus d’inscription et trancher en toute équité les cas en litige relatifs aux candidats exclus qui continuent de contester et protester les abus du Conseil? Ce CEP n’a-t-il pas révoqué son Directeur des Affaires Juridiques pour fautes administratives graves? Pourquoi le CEP ne peut pas impartir un délai de 30 jours à des candidats en difficulté pour se mettre en règle? Des élections sans Jacky Lumarque, sans Laurent Lamothe, sans Thierry Mayard-Paul, sans Danielle Saint-Lot, sans Sophia Martelly, sans Anthony Bennett, sans Paul Denis, sans Phélito Doran, sans Ralph Théano, sans Jonas Coffy, sans Gérald Germain etc...ne seront pas plus légitimes. Pourquoi ce CEP bat en brèche la recommandation des bailleurs qui permettra d’épargner $ USD 30 millions en réduisant le nombre de tours de scrutin ? Qu’est ce qui empêche à ce CEP de solliciter des juges de la Cour de Cassation une consultation et des conseils sur le problème de la double nationalité? 

Pour un processus électoral inclusif et crédible avec ce CEP dépourvu de crédibilité, il faut :
1- Intégrer tous les anciens ministres en raison de la conjoncture, du caractère spécial de ces élections, et de ce CEP; 
2- Des élections à deux tours; 
3- Un moratoire de 30 jours pour réviser le processus, fixer certains problèmes et permettre à des candidats de se conformer et de participer; et,
4- Saisir la Cour de Cassation pour une opinion sur la question de la double nationalité;
Ainsi, Haïti organisera des élections inclusives, démocratiques, desquelles sortiront des élus légitimes. 

D’une décision de sagesse, le pays épargnera les dissensions sociales, les manifestations, l’intrusion des étrangers dans sa politique interne. Ce serait une bonne chose en cette période de déportation massive des dominicains d’origine haïtienne de la République voisine.

Le bras de fer entre Conseillers et les Candidats exclus rappelle tristement le conflit entre Raoul Cédras et le Président Jean Bertrand Aristide. Les résultats furent: Embargo économique, destruction de l’économie et de l’environnement, renforcement de la dépendance du pays vis-à-vis de la République Dominicaine, boat-people, invasion militaire, démantèlement de l’armée haïtienne, etc. Il y a toujours des autorités assez tenaces qui se retranchent dans des positions de folie. En refusant toute décision de sagesse capable de renforcer l’entente nationale, ce CEP attend l’intervention de l’international pour obtempérer sans tenir compte des humiliations qui en découleront. Pourtant, lorsque l’international tranche et impose sa vision des choses, les dirigeants postiches n’ont d’autre choix qu’à l’avaler sans réserve.

Il est encore temps pour ces Conseillers Electoraux d’éviter au pays des moments d’incertitude,  de confrontation et d’humiliation. Ils doivent comprendre que les victimes n’accepteront jamais que leur doit soit violé. Ce CEP doit comprendre qu'il n'organise pas des élections pour les partis politiques membres du gouvernement dit de consensus ni pour un secteur de la vie nationale, mais pour le peuple haïtien en général. Il doit décider en vue de permettre une large participation au processus. L’esprit de consensus, d’inclusion démocratique doit-être la pierre angulaire de ce processus électoral. Tout comportement de petit chef ne servira qu’à justifier l’implication directe de l’étranger dans le processus électoral, 100 ans après l’occupation américaine et 10 ans après la tutelle de l’ONU et des forces sud-américaines qui font semblant de quitter Haïti.

Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haiti
30 juin 2015
@reseaucitadelle
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