Par Cyrus Sibert
Le Ré.Cit. :
Cap-Haïtien, le 14 Juillet 2009
La fin du mandat du Chef de la Police Nationale d’Haïti Mario Andrésol soulève un débat au sein de population haïtienne. Pour la première fois depuis la création de la PNH en 1995, la nomination du Chef de la PNH est objet de débat public. Le peuple se sent concerner. Il y a un sentiment de bilan ou d’ ‘‘accountability’’. Nous avions questionné plusieurs citoyens a ce sujet, des confrères journalistes, des observateurs politiques et de simple citoyens. Nous sommes arrivés à la conclusion que nous allons présenter dans ce texte.
Le public est divisé entre renouvellement ou remplacement du Chef de la Police Mario Andrésol. La majorité des opinions voit en Mario Andrésol quelqu’un qui a remis la PNH sur les rails. Il y a restauré une chaine de commandement. Ce qui redonne à la PNH l’unité d’action qu’avaient les Forces Armées d’Haïti. Dans le temps un simple agent 2 pouvait exercer n’importe quelle fonction. Dans un commissariat, il était difficile de savoir qui donnait les ordres. N’importe qui faisait n’importe quoi. On se rappelle de cet agent 2 nommé Directeur Départemental de la PNH en 2003. Il y aussi cette femme juge installée Directeur General de la Police. Nous sommes loin de ces cas de désordre et d’anarchie. La PNH est ressuscitée des morts. La population a plus de confiance dans les instructions de la Police. Car, les communiqués de la Police sont respectés à travers le pays. On a l’impression que les commandements sont exécutés. Le bandit qui s’amuse à ne pas respecter les communiqués de la PNH prend un risque énorme. Nous sommes loin de cette situation dans laquelle chaque département faisait ce qu’il veut. On n’a pas l’impression qu’une autorité politique peut dicter directement ses instructions à des agents de la Police. Le Directeur Départemental de la PNH est un vrai chef au niveau de son département. Si un politique peut influencer une décision, il doit le faire à partir du haut commandement.
Pour la population, le point fort est le fait qu’avec Mario Andrésol, le policier n’est plus supporté dans ses actes illégaux. Le policier qui viole le droit d’un citoyen agit pour son compte. Il s’expose à des sanctions de l’inspection générale qui sanctionne sans hésitation les policiers coupables. D’ailleurs à l’académie, on enseigne aux policiers que celui qui ne respecte pas les règlements n’est plus un policier. Il fait son affaire, mais pas la police. On se souvient de ces cas tristes de femmes de policiers qui attaquaient des voisins pour des raisons banales et appelaient en renfort des patrouilles de police qui agissaient sans retenue réprimant les citoyens. Le comportement de Mario Andrésol à la tête de la Police Nationale d’Haïti met à mal cette pratique coutumière de chef au dessus de la loi. Le policier qui se comporte comme un bandit risque d’être en ‘‘panne de chef’’ selon l’expression d’un chauffeur de taxi à Port-au-Prince.
Des habitants des bidonvilles saluent les techniques appliquées lors des opérations de police sous Mario Andrésol, car dans le temps, beaucoup de citoyens innocents étaient victimes. Des dommages collatéraux, comme on dit. Des unités de la Police savaient agir de façon indiscriminée. Elles prenaient pour cible tous les jeunes des quartiers réputés chauds. Mario Andrésol a utilisé des techniques chirurgicales. Les opérations sont réalisées avec plus de précision. On a l’impression que la PNH a un système de renseignements plus efficace qui permet de frapper juste.
Des confrères journalistes pensent que Mario Andrésol a une meilleure approche de communication. Le Chef de la Police ne confronte pas la presse. On est loin de ces chefs de police qui accusaient les journalistes de propager de fausses informations et de chercher en ce sens à faire échec à la Police. S’il y a une remarque négative, il se montre intéressé à en savoir plus et promet d’agir pour résoudre le problème. Des cas de policiers corrompus liés à la drogue, au kidnapping, aux crimes, aux vols et aux viols ont été pris au sérieux par le chef de la PNH et traités avec rigueurs et célérité. Des pratiques d’harcèlement sexuel au sein de la Police, habituellement banalisées chez nous ont été traitées avec rigueur, les coupables punis ou renvoyés de l’institution.
Paradoxalement, la forte opposition à Mario Andrésol vient de l’institution. Les policiers ne veulent plus travailler 12 heures consécutives par jour. Ils n’ont pas de problème pour fournir les heures de travail, mais suivant un roulement allégé de 6 heures ou de 8 heures par jour. Des officiers de la Police n’aiment pas cette pratique qui consiste à traiter les dossiers des policiers sous enquête avec présomption de culpabilité alors que la présomption d’innocence est un principe universel. Le traitement au niveau de l’Inspection générale est trop humiliant pour les policiers. Des policiers de grades inferieurs interrogent des officiers supérieurs de façon irrévérencieuse et en absence de témoin. Ce qui est contraire au manuel enseigné à l’école de police. Les plaignants ont plus de droit que les policiers. On envoie trop facilement des officiers de police en isolement et cela souvent sur simples allégations sans fondement. Trop de policiers sont en détention prolongée. La PNH n’offre pas une défense légale à son personnel engagé sur le terrain. Si lors d’une opération, un policier est accusé de quoi que ce soit, c’est à lui d’organiser sa défense, tandis que souvent, les policiers n’ont pas les moyens de payer un cabinet d’avocat. Le favoritisme est encore pratiqué au sein de l’institution, certes à un degré moindre, mais il existe encore. Les transferts sont utilisés comme sanction. Des communes comme Thiotte, Mole Saint-Nicolas, Bombardopolis, Dame-Marie, Baie de Henne et Les Irois sont utilisées comme lieux pour punir des policiers. Les policiers qui y sont transférés sont complètement démotivés, la majorité d’entre eux restent chez eux et se contentent de récupérer leur paie en versant une partie aux policiers qui habitent la zone et font le travail à leur place. Enfin, il ya la nourriture fournie aux policiers. Dans plusieurs commissariats, elle n’est pas de qualité. La Direction Générale de la Police n’enquête pas sur le service. Les contrats semblent être octroyés par favoritisme à des restaurants qui ne prennent pas au sérieux la satisfaction des policiers.
Pour le chauffeur de taxi suscité, vaut mieux Mario Andrésol qu’un inconnu. Grâce à ce monsieur à la tête de la Police Nationale, il peut circuler et exercer son métier. La PNH n’a pas peur des quartiers réputés chauds. Elle se déploie continuellement à Nazon, Martissant, Bel-Air et Cité Soleil. La nuit ces zones sont sécurisées avec un impressionnant dispositif de réplique aux bandits. « Je sais ce qu’il peut faire. Je ne veux pas perdre le certain pour l’incertain. », dit-il. Ce, à quoi un confrère journaliste a répliqué : c’est triste mais, je doute que René Préval en fin de mandat reconduira Mario Andrédol. Ce dernier se montre trop indépendant. Un homme comme Préval doit chercher un fanatique pour garantir son projet politique. Comme d’habitude, ignorera tout le monde. Il ignorera l’opinion des gens et fera ce qu’il entend.
Le 10 Mai 2009, nous revenions d’une soirée d’anniversaire, il était tard. En rentrant à la barrière principale de notre résidence, une voix nous interpellait :
-Monsieur, avez-vous un problème.
Je ne croyais pas mes oreilles. Je fus sursauté. Me retournant et constatant que c’était une patrouille de police capoise, je fus surpris. Car mon travail de journaliste souvent en prise avec la police crée un reflexe de méfiance envers la PNH. J’ai répondu
- Non. Tout va bien.
- Vous êtes sur.
- Oui ! Ça va !
- Mais il parait que vous agissez avec précipitation. Êtes-vous poursuivi par quelqu’un ?
- Non, c’est juste par reflexe. D’habitude, je suis très prudent quand je rentre chez moi. Vous savez…
Ils ont attendu que j’ouvre la barrière pour garer la voiture et refermer, avant de se déplacer. Cela s’est passé en Haïti, pas en Amérique du Nord. Ce fut pour moi un cadeau d’anniversaire. Je me suis dit : Mon Dieu, si on peut voir ça en Haïti, la lutte n’est pas vaine.
Le succès de la PNH (Police Nationale d’Haïti) n’est pas l’œuvre d’un seul homme. Toute une équipe travaille dans le même sens. Ces policiers qui ont voulu nous protéger et nous servir ce 10 Mai 2009, ont surement agi de plein gré. C’est le cas pour d’autres entités de l’institution. Mais, il y a un leadership quelque part qui a su canaliser cette volonté de remettre l’unique force de sécurité sur les rails. Plusieurs policiers, de Commissaires divisionnaires à des agents 1 nous répètent : Mon cher, nous sommes des haïtiens. C’est à nous de sécuriser notre pays. Nous n’allons pas laisser l’impression que la PNH ne peut pas faire le travail. Mes parents habitent ce pays, nous devons le sécuriser. Nous sommes témoins de ces commentaires. Renan Etienne, Hervé Julien, Ralph Dominique, Joany Canéus sont des commissaires divisionnaires qui en poste dans la ville du Cap-Haitien ont fait la même déclaration. Certes, certains ont eu une meilleure stratégie que d’autres. Même quand souvent la presse s’associe à la population pour les pressurer quand cela va mal, on peut dire qu’au sein de l’institution ceux qui veulent remplir leur mission sont majoritaires.
Il reste beaucoup à faire. La police en milieu rural, la police au niveau des frontières, la police routière, le renforcement du corps de maintien de l’ordre et son déploiement dans des villes importantes, le développement du corps de pompiers en vue de doter la Direction de la Protection Civile de professionnels en cas de désastres, et encore la police en milieu rural. Au parlement d’agir dans le sens de la remobilisation d’une armée nationale pour la défense du territoire. Mario Andrésol doit tirer les leçons de ses erreurs pour éviter des conflits avec la justice, ne plus s’aventurer dans des actions extraterritoriales en République Dominicaine afin d’éviter des incidents diplomatiques, réprimer et empêcher la répétition des détournements de fonds de la drogue comme le fameux dossier de Port de paix.
Pour nous autres à Réseau Citadelle, notre expérience avec la PNH est encourageante. Tous les cas dénoncés par notre organe ont été traités avec intérêt par la Direction Générale de la Police : tentative de viol d’un agent de l’APENA sur la femme d’un prisonnier, l’implication des policiers dans des cas de kidnapping, l’harcèlement de femmes postulantes par des hauts gradés de la PNH, viol d’une jeune femme par un inspecteur au Limbé, actes de pédophilie contre des enfants de rue de la ville du Cap-Haitien, abus contre de militaires démobilisés, tentative d’implication de policiers dans des fraudes électorales, violence à Pignon, tentative de viol par les soldats népalais. Après chaque fait dénoncé dans un article, nous recevons un appel de la PNH ou de la MINUSTAH pour nous donner la garantie que le suivi sera fait ou pour éclaircir la situation en fournissant plus d’information.
A la rédaction de ce texte nous apprenons que Mario Andrésol est reconduit par le Chef de l’Etat René Préval. M. Préval, disposant d’une majorité confortable au Sénat, suite aux récentes élections sénatoriales, Mario Andrésol n’a aucun problème d’être reconfirmé Commandant en Chef de la PNH, à moins que le Chef de l’Etat ne nous entraine dans son jeu machiavélique habituel consistant à envoyer son prétendu élu s’écraser contre sa majorité parlementaire.
RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 14 Juillet 2009, 17 heures 22.