Conseil de Gouvernement au Cap-Haïtien : Les vrais défis du Cap et du Nord ont-ils été adressés !
Par : Georgemain PROPHÈTE*
L'annonce de l'octroi d'une enveloppe de quarante millions de dollars (US$ 40 Millions) par le Ministère du Tourisme pour faire de Jacmel la première destination touristique d'Haïti a provoqué l'indignation d'une frange importance de la population du Nord. Comme quoi, le Gouvernement veut changer de cap touristique !
Il n'en est rien, rétorque le Gouvernement. Et pour preuve, le prochain Conseil de Gouvernement se tient au Cap-Haïtien. Chose promise, chose faite !
Le Jeudi 5 juillet, le siège du Gouvernement s'était déplacé au Cap-Haïtien et, pendant trois (3) jours, d'après les rapports de presse qui nous sont parvenus, le Chef-lieu de la Région du Grand Nord a hébergé tout le gratin du Gouvernement dont le Premier Ministre, vingt et un (21) Ministres et d'autres cadres des Ministères. Pendant trois (3) jours, le Cap a vécu au rythme trépidant des sirènes, des rencontres de haut niveau, des promesses d'exécution de programmes et de projets.
Le local de la Délégation départementale du Nord, présenté dans ses plus beaux apparats, a été à la hauteur des évènements. Et pour cause, d'importants travaux de réhabilitation ont été effectués pour mettre ce coquet bâtiment en état de recevoir un tel événement.
Depuis 2005, en effet, Paul Gustave MAGLOIRE et Paul-Antoine BIEN-AIME, respectivement, Ministres de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales des Gouvernements Alexandre-Latortue et Préval-Alexis avaient mis des ressources à la disposition de la Délégation pour réhabiliter le local qui n'était pas en mesure de servir de bureau pour le Représentant du Pouvoir Exécutif dans le Département. Le local délabré, abimé et quasiment abandonné servait, de préférence, d'antre et de refuge aux bandits de tous acabits pour la commission d'actes immoraux, répréhensibles et contraires aux bonnes mœurs.
Cette revendication de la population de réhabiliter les lieux, fortement appuyée par Mgr Hubert CONSTANT, alors Archevêque Métropolitain du Cap-Haïtien, a été satisfaite avec les fonds du Trésor Public et c'est avec un plaisir et une satisfaction non dissimulés que nous avons suivi, à la Télévision, les actes du Conseil du Gouvernement au siège de la Délégation départementale.
C'est le deuxième grand rendez-vous qui se tient en ce lieu après la réunion que les quinze (15) membres du Conseil de Sécurité des Nations-Unies sous la Présidence de l'Ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Madame Suzan Rice, ont tenue au Cap-Haïtien lors de leur passage, en ce début d'année, dans cette partie du Pays.
La Délégation sert aussi de Siège du Conseil Technique Départemental (CTD) et de la Table de Concertation Départementale (TCD), structure mise sur pied dans le cadre d'un effort de coordination de l'action humanitaire ainsi que de l'aide au Développement. Le processus était enclenché et encadré dans le Nord, depuis 2005, par le Bureau Régional de la MINUSTAH et était piloté par Mr. Alyrio da SILVA, No 2 du Bureau à cette époque, qui y a joué un rôle majeur et déterminant.
La TCD réunit tous les acteurs publics et non publics intervenant dans le département sous la Direction du Délégué avec la coordination technique du Directeur départemental de la Planification. Dans le cadre de son renforcement, elle a bénéficié d'un appui financier de la Banque Mondiale à travers son projet de Transport et de Développement Territorial (PTDT) dans la Microrégion de Dondon.
C'est dans ce contexte de renforcement des capacités qu'il faut comprendre l'effort entrepris pour mettre les structures départementales en mesure de relever les défis qui les attendent et donner une nouvelle impulsion à une vision du futur qui, depuis l'année 2005, veut faciliter l'émergence d'un secteur public pro-business, accompagner un nouveau leadership régional pour ouvrir le marché des opportunités de nature économique à un plus grand nombre, consolider l'État de droit et ouvrir la Région au reste du Pays et au Monde.
Nous saluons, donc, la démarche qui est en train de prendre forme et souhaitons que les engagements pris pour traiter les dossiers qui ont été présentés au Conseil de Gouvernement permettront d'apporter des réponses effectives aux revendications des populations de la Région. Mais, les dossiers concernant l'électricité, l'eau courante, l'aéroport, l'assainissement, etc. sont cruciaux pour notre présent et notre avenir. Les problèmes sont récurrents. Ils agacent parce qu'ils durent trop. Quand donc sera-ce le temps où le capois retrouvera la fierté de vivre dans une ville propre, belle, éclairée, accueillante, hospitalière ?
L'électrification du Cap-Haïtien et de ses environs
Contrairement à tout ce qu'on veut faire croire, les trois (3) centrales électriques (Cap-Haïtien : 15 MW, Gonaïves : 15 MW et Port-au-Prince : 30 MW) ont été un don du Gouvernement du Venezuela. C'est ce qui a été annoncé et c'est sur cette base que les autorités locales d'alors se sont mobilisées pour accélérer la mise en service de ces centrales. Il serait intéressant de trouver, aujourd'hui, une explication plausible pour savoir quand, comment et par qui ce don a été converti en prêt.
De plus, la centrale Bolivar-Pétion-Marti du Cap-Haïtien a une capacité installée de 13.6 MW et était sensée régler, de façon durable, le problème de pénurie du courant électrique au Cap-Haïtien. Sur la base des garanties de l'Ed'H, beaucoup d'efforts ont été déployés pour concrétiser cette promesse. Les autorités qui s'y sont impliquées sont sorties bredouille et frustrées de l'expérience. Les abonnés potentiels n'ont jamais pu être desservis, les quartiers périphériques n'ont pas pu être alimentés, certaines zones, telles Galman Duplaa, qui attendaient la mise en service de la centrale n'ont pas pu être branchées au réseau public. Il y a toujours une excuse, un prétexte, une raison soit pour ne pas intervenir, soit pour bloquer une initiative communautaire, soit pour justifier l'incapacité de l'Ed'H à brancher les communautés à partir de ses propres moyens. Comme conséquence, la grogne générale s'est amplifiée.
Non seulement, le problème n'a pas été résolu mais, ce qui est plus grave, il a paru évident que les données de base ont été faussées depuis les évaluations initiales de sorte que toute tentative pour offrir, maintenant, un paquet de moins de trente (30) MW de puissance installée pour l'agglomération urbaine du Cap-Haïtien ne sera pas prise au sérieux et passera très loin de la solution à court terme du problème.
Donc, quand le Ministre des TPTC prend l'engagement en Conseil de Gouvernement de solutionner le problème du réseau électrique du Cap-Haïtien avec un décaissement de 25 Millions de Gourdes (US$ 3,000,000.00), certains observateurs avertis sont enclin à douter du résultat qui sera obtenu. Car, le problème de la vétusté du réseau électrique a été posé lors de la mise en service de la Centrale et il serait regrettable, aberrant et triste que ce projet ne fut pas inscrit au programme de l'Ed'H, à l'époque du lancement de Petro-Caribe, si son coût était aussi modeste.
En tout état de cause, la Société civile du Nord espère que des informations pertinentes viendront apaiser les craintes et appréhensions de plus d'un quant à la capacité de la structure actuelle de production et de gestion de la Centrale à fournir la quantité d'électricité nécessaire à la satisfaction des besoins de la Ville. Pour le moment, on est très loin du compte. Les coupures intempestives enregistrées lors du dernier Conseil de Gouvernement en sont l'illustration la plus évidente.
Adduction d'eau potable au Cap-Haïtien
La dernière fois qu'une eau courante est sortie des robinets du Centre Ville du Cap-Haïtien remonte à 1992. Depuis, très peu de résultats ! Et pour cause ! La vague démographique a laissé le centre ville pour se fixer sur la périphérie : Petite Anse, Ste-Philomène, Vertières, Charrier, Madeline, etc. Entre temps aussi, Cap-Haïtien est passé d'une ville de 15, 25 et même 40 mille habitants dans les années 1980 à une agglomération proche de 750 mille habitants en 2012. Les infrastructures hydrauliques n'ont pas suivi le mouvement. Les puits d'alimentation du réservoir qui alimentait la ville se trouvant à Balan, à environ 6 Km du Cap-Haïtien au Sud'Est, les conduits hydrauliques doivent traverser les quartiers de Madeline et de Petite Anse avant que l'eau puisse arriver aux vannes du réservoir.
C'est pour mettre en place des installations hydrauliques au bénéfice d'environ 100 mille personnes dans les zones de Madeline et de Petite Anse et remplacer la tuyauterie endommagée par les riverains qu'a été élaboré le Programme financé par l'Union Européenne dont a parlé le Ministre Rousseau au dernier Conseil de Gouvernement. L'autre volet du projet, financé par la BID, prévoyait la démolition de l'ancien réservoir en acier et son remplacement par les deux réservoirs en béton. Ce qui fut fait !
Mais, d'après les informations qui étaient disponibles jusqu'en 2010, la réalisation de ces deux (2) projets n'ambitionnait pas de résoudre, de façon durable, le problème de l'approvisionnement en eau potable de la Ville du Cap-Haïtien mais devait, seulement, permettre de résoudre les potentiels conflits sociaux nés de l'intervention intempestive des populations de Petite Anse sur le réseau hydraulique. Il était clair que la solution définitive du problème allait nécessiter des ressources beaucoup plus importantes que celles qui étaient mobilisées.
Il était important de partager avec nos amis lecteurs ces deux principales appréhensions que la tenue du dernier Conseil de Gouvernement au Cap-Haïtien nous avaient inspirées. Cependant, les revendications fondamentales de la Région telles qu'elles sont diversement exprimées depuis 1995 n'ont pas changé :
1- Le rétablissement de l'État de Droit dans toute la Région du Grand Nord ;
2- L'Assainissement et la protection de l'environnement de la Ville du Cap-Haïtien ;
3- L'achèvement des travaux de réhabilitation de l'Aéroport International du Cap-Haïtien ;
4- La mise d'au moins, 30 MW d'électricité à la disposition de l'agglomération urbaine du Cap-Haïtien, y compris la réfection du réseau filaire du Centre-ville et l'installation de réseaux de distribution dans les nouveaux quartiers de la périphérie ;
5- L'approvisionnement en eau potable des 60 à 100 mille familles qui habitent l'agglomération urbaine du Cap-Haïtien ;
6- L'achèvement des travaux de réhabilitation des Rues du Cap qui doivent être durables et de qualité ;
7- L'aménagement de l'Entrée Sud du Cap-Haïtien à partir de Mombin Lataille et Vaudreuil ;
8- L'achèvement et la mise en service du Complexe Administratif et socioculturel de Vaudreuil ;
9- La construction de la Rocade SOS, reliant Madeline au Haut du Cap ;
10- L'ouverture du marché des opportunités économiques au bénéfice d'un plus grand nombre en facilitant l'expansion du couloir commercial à partir des Ports, de l'Aéroport et de la Frontière, la réhabilitation des infrastructures économiques de base pour doper la relance de l'activité agricole, le développement du Parc Industriel de Caracol et l'aménagement du triangle touristique entre le Site balnéaire de Labadie, le Centre Ville Historique du Cap-Haïtien et le Parc National Historique.
Le Président Martely a promis le Changement et la Rupture. La Société Civile du Nord veut continuer à y croire. Mais cela ne dépend que du Président et de son Gouvernement pour que les choses changent vraiment dans cette partie du pays.
Cap-Haïtien, ce 8 juillet 2012