Au sommet de la francophonie, on ne parle pas que du français. La diplomatie et les affaires y ont aussi une grande place. En marge du 14e Sommet, les instances de la francophonie sont en séance de travail à Kinshasa depuis plusieurs jours. Arrivé mardi, le ministre haïtien des Affaires étrangères participe à plusieurs réunions. Pierre Richard Casimir, dont c'est la première visite en Afrique, a accordé un entretien au Nouvelliste ce vendredi, quelques heures avant la venue du président Michel Martelly en République Démocratique du Congo.
Le Nouvelliste : Qu'avez vous déjà fait depuis que vous êtes à Kinshasa, Monsieur le ministre ?
Pierre Richard Casimir : Je découvre avec étonnement ce pays immense, mais sous-peuplé. Je constate les similitudes avec Haïti. Je m'y sens comme chez moi. J'apprécie les efforts des autorités et du peuple congolais pour réaliser et réussir un magnifique rendez-vous. Après l'accueil chaleureux de nos amis africains, qui nous considèrent comme leur diaspora, nous nous sommes mis au travail avec les instances de la Francophonie et les différentes délégations qui sont sur place.
Toute la journée de jeudi était réservée à la conférence ministérielle préparatoire du Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement.
Le Nouvelliste : Qu'avez-vous pu obtenir pour Haïti ?
Pierre Richard Casimir : Les intérêts d'Haïti ont été sauvegardés. Nous avons obtenu qu'Haïti soit citée dans le projet de déclaration dont la version définitive ne sera rendue publique qu'à la clôture du Sommet des présidents et Chef de gouvernement, l'instance suprême de la Francophonie.
Nous étions pays prioritaire pour la francophonie par décision du Sommet de Montreux, il y a deux ans, suite au tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui avait dévasté le pays, la francophonie ne va pas laisser tomber Haïti. Haïti sera mentionnée dans la déclaration de Kinshasa.
Le Nouvelliste : Pour vous, c'est un acquis ?
Pierre Richard Casimir : Oui. Définitivement. Réussir à maintenir les projecteurs sur Haïti et obtenir des 75 pays membres de la francophonie et des instances de l'OIF d'accompagner Haïti dans sa reconstruction est un point très important.
Il y a des domaines dans lesquels la francophonie a une implication importante en Haïti comme dans l'éducation, la culture, la réforme de l'Etat, particulièrement au niveau de la justice, la formation universitaire, l'appui au Parlement. Les perspectives sont intéressantes pour Haïti de maintenir ces liens.
Le président de la République, M. Michel Martelly, à son arrivée pourra poursuivre les conversations, cette fois avec ses homologues, pour les porter à appuyer Haïti encore plus.
Le Nouvelliste : Haïti, cela se dit dans les couloirs était candidat à être hôte d'un Sommet. Comment cela se présente-t-il ?
Pierre Richard Casimir : Nous avons fait une évaluation et entamé des consultations, il y a de cela quelque temps. J'ai personnellement eu une réunion avec le chef de l'Etat avant mon départ pour Kinshasa et nous avons décidé qu'il était beaucoup plus sage de faire le retrait de la candidature d'Haïti. Ce que j'ai fait jeudi solennellement.
Haïti a donc fait le retrait de sa candidature.
Comme vous pouvez le constater, accueillir un tel Sommet demande beaucoup de préparations et si nous voulons offrir une autre image d'Haïti nous ne pouvons pas organiser un Sommet de la francophonie dans n'importe quelle condition.
Nous pensons, honnêtement, que nous ne serons pas prêts dans deux ans. Et, suite aux nombreuses consultations, nous avons décidé du retrait de la candidature. Toutefois, nous avons posé la candidature d'Haïti pour accueillir le prochain sommet des ministres de l'Education des pays de la francophonie. Cette demande a été très bien reçcue.
En novembre prochain, Haïti participera avec des observateurs à la prochaine réunion similaire pour commencer à préparer celle qui se tiendra en Haïti si tout se passe bien. C'est à ce moment d'ailleurs que la candidature officielle d'Haïti sera déposée.
Mais, déjà, je peux vous dire que les différents pays ont bien accepté l'idée d'un Sommet des ministres de l'Éducation en Haïti.
Le Nouvelliste : Beaucoup de choses se passent autour de ce sommet, particulièrement les rencontres bilatérales, le Congo, le Rwanda ont des problèmes frontaliers, il était question que le président Martelly, à l'issue du Sommet de la francophonie, passe au Rwanda, cela n'est plus à l'ordre du jour ?
Pierre Richard Casimir : Le président Martelly avait décidé préalablement, et indépendamment de la situation qui prévaut en Afrique, de retourner en Haïti pour des questions de politiques internes. Il pense que beaucoup d'enjeux au niveau interne nécessitent sa présence au pays. Il avait décidé d'écourter son voyage en Afrique et de retourner en Haïti au plus vite.
La tournée africaine est reportée à une date ultérieure.
Pour ce qu'il s'agit de la situation de tension qui existe entre le RDC et le Rwanda, nous suivons de près l'évolution de cette affaire qui est d'ailleurs débattue au niveau du Sommet non seulement entre les ministres des Affaires étrangères mais encore entre les chefs d'Etat et de gouvernement qui auront leur rencontre ce samedi.
Il y a un projet de résolution qui circule à ce sujet.
Le Nouvelliste : La représentation d'Haïti au niveau de l'OIF, de l'UNESCO, de la France ne se fait pas au niveau d'ambassadeur et cela nous pénalise, semble-t-il dans ces instances. Que va faire le ministère des Affaires étrangères pour résoudre cette situation ?
Pierre Richard Casimir : Or, habituellement, c'est l'ambassadeur d'Haïti à Paris qui a la charge de ces institutions quand nous n'avons pas d'ambassadeur pour ces postes. Malheureusement, nous n'avons pas d'ambassadeur en France pour le moment.
La personnalité choisie par le chef de l'Etat a été désignée. Nous attendons l'agrément du gouvernement français pour qu'elle prenne poste le plus rapidement possible. Sitôt cette étape franchie, le président de la République demandera au Sénat de la République de ratifier son choix.
Pour le moment, et j'en remercie les sénateurs, tous les choix du président ont reçu l'aval du Sénat.
Le Nouvelliste : En marge du Sommet il y a des rencontres, pour vous et pour le président Martelly qu'en est-il ?
Pierre Richard Casimir : Le président Martelly doit rencontrer le président français François Hollande, le secrétaire général de l'OIF et aura à rencontrer quatre ou cinq des homologues dans le cadre des relations bilatérales. Nous sommes dans l'attente des confirmation.
De mon côté, je viens d'avoir une réunion importante avec Madame le vice-président du Vietnam.
Haïti cherche des opportunités d'affaires avec cette nation de l'Asie qui est un important exportateur de riz et qui dispose d'une grande expertise dans la culture de cette denrée. Je compte me rendre bientôt au Vietnam pour explorer les pistes d'une coopération plus soutenue entre nos deux pays.
Le Vietnam, qui est dans le textile, évalue les possibilités d'investir à Caracol. Le parc sera inauguré le 22 octobre et nous avons transmis l'invitation aux autorités vietnamiennes de participer à ce moment historique, en présence de la Secrétaire d'Etat américain, Mme Hillary Clinton.
Avec le Vietnam, nous avons déjà sur place, en Haïti, Viettel qui est propriétaire de 60% de la Natcom, nous espérons que cette présence attirera d'autres investisseurs de ce pays dans nos murs.