Des fidèles devant la Cathédrale du Cap-Haitien.
(Photo by Cyrus Sibert)
Par : Cyrus Sibert, souvenirfm@yahoo.fr
Le Ré.Cit.- Réseau Citadelle, Cap-Haïtien, Haïti.
www.reseaucitadelle.blogspot.com
Plus de cent mille fidèles catholiques ont marché, le dimanche 31 janvier 2010, à travers les rues de la ville du Cap-Haitien pour demander pardon, remettre la ville du Cap-Haitien et le pays tout entiers à Jésus. L’Eglise catholique a ainsi fait preuve de solidarité spontanée en supportant le moral de la population haïtienne qui n’arrive pas à faire le deuil pour les milliers de personnes disparues sous les décombres dans la Capitale Port-au-Prince suite au séisme du 12 janvier 2010. Les histoires de personnes qui ont assisté impuissamment à l’écrasement de leurs enfants par des blocs de béton, des amis séparés par la mort brutale, sont racontées dans les coins et recoins du pays et augmentent la tristesse et l’angoisse de tout un peuple. La situation est pire que les quelques images d’un journal, ou un vidéo sur le petit écran. Le peuple haïtien est au bord du désespoir. La foi du peuple est mise à rude épreuve. Cette marche a été une sorte de thérapie collective.
Au moment où nous écrivons ce texte nous nous sentons déprimer. On se demande même pourquoi Dieu nous a-t-il laissé la possibilité de vivre cet événement. Les larmes sont sur tous les visages. Même quand, personnellement, on n’a pas un parent proche sous les décombres, on arrive mal à accepter que des pauvres innocents à la recherche du pain quotidien dans un pays aussi pauvre qu’Haïti puissent trouver la mort en aussi grand nombre, si vite et si cruellement. On souhaite pouvoir pleurer comme une ‘‘femme’’. Crier d’amertume et de douleur pour finalement se libérer de cette boule d’angoisse qu’on ressent au cœur.
Car, cela aurait été acceptable d’envoyer à la mort 300,000 personnes pour une cause noble. 300,000* cadavres pour l’indépendance, la liberté ou pour la renaissance d’Haïti aurait trouvé une justification. Durant la guerre de l’indépendance le Slogan était : Sa ki mouri zafe yo ! On acceptait de perdre un frère ou une sœur pour la liberté. Aujourd’hui, les 300,000 tués que nous avons sur notre conscience n’ont rien fait de mal. Ils ont aimé Haïti et comme nous ils avaient dans leur cœur « Haïti Chérie ».
Nous avions été incapables de les protéger. Nous nous sommes contentés de faire fortune sans nous préoccuper de l’avenir de notre espace, de notre peuple, donc de l’aménagement du territoire national en tenant compte des avantages et des inconvénients écologiques. Car si le séisme a une cause écologique, l’étendu des dégâts et la mauvaise gestion de la catastrophe sont le produit de la mauvaise gouvernance pratiquée dans le pays depuis de décennies.
Aujourd’hui nous avons 300,000 cadavres sur notre conscience et des handicapés qu’une bonne prise en charge pourrait épargner. Des criminels au pouvoir n’attendent même pas la fin du deuil pour exiger le partage du butin. Tout le monde veut diriger la distribution de l’aide pour reconstituer leur richesse. En première ligne Madame Elizabeth Delatour Préval.
La première dame, comparable à Michèle Bennette, leader d’une ploutocratie cleptomane au pouvoir depuis 1806, parle de redistribution des richesses alors que depuis 3 ans elle n’a fait que renforcer les monopoles d’un petit groupe d’hommes d’affaire corrompus au détriment du peuple. Aujourd’hui, alors qu’on n’arrive pas à dénombrer les morts, déjà les estimations pour la reconstruction sont chiffrées à plus de 3 milliards de dollars Américains.
Mensonge ! Hypocrisie ! Cynisme ! Dans le cadre de leur esprit obtus, ils croient que le peuple est incapable décrypter leur insensibilité, leur méchanceté et leur mauvaise foi.
L’Eglise catholique rend un grand service en aidant le peuple à faire cette longue et douloureuse traversée du désert en multipliant ses messes et ses prières. Il est indispensable qu’on arrive à nous libérer du poids de la catastrophe du 12 janvier 2010. Un deuil impossible qui ne se terminera que par une révolte populaire pour enfin donner une justification historique aux milliers d’âmes errantes qui attendent une explication avant de traverser le pont.
P.S. * 300,000 morts - Estimation faite à partir des témoignages recueillis de corps ensevelis sans le contrôle des autorités, les blessés succombés dans les hôpitaux des villes de province ou sur les routes, les cadavres sous les décombres et les oubliés des bidonvilles.
RESEAU CITADELLE (Ré.Cit.), le 01 février 2010, 15 hres 29.
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