dimanche 31 janvier 2021

Les vérités manquantes dans le texte “Les dés sont jetés” de Ricardo Seitenfus.-

Les vérités manquantes dans le texte “Les dés sont jetés” de Ricardo Seitenfus.- (Texte de Cyrus Sibert) 


J’ai lu avec intérêt, l’analyse de Monsieur Ricardo Seitenfus sur la conjoncture haïtienne, publiée le 29 janvier 2021 dans le journal “Le Nouvelliste”. Un texte intéressant sur les agissements de la communauté internationale, avec des dénonciations qui caractérisent la rébellion ou la révolte de l’ancien Représentant spécial de l’OEA en Haïti (2009 - 2011). Ricardo Seitenfus a repris ses témoignages sur la tentative de coup d’État de Edmond Mulet à l’encontre du président Préval, les diktats de États-Unis à partir du CoreGroup, etc, etc.


Mais, encore une fois, il a passé sous silence quelques éléments importants autour de ces incidents.



1- Tout d’abord, disons qu’on ne peut pas comprendre le comportement agressif de la diplomatie américaine en 2010, si on n’explique pas aux gens les élections législatives massivement frauduleuses de 2009. 


Pour se faire une idée des élections de 2009, lisez le texte : “Sénatoriales/Contestations : Milot, un cas exceptionnel” paru le 14 mai 2009 dans le journal Le Nouvelliste.

https://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/70257/Milot-un-cas-exceptionnel

 

En effet, lors des élections de 2009, la Communauté internationale, spécialement le Canada et les États-Unis, ont été surpris par l’ampleur des fraudes orchestrées par le Président Préval dans son objectif de faire main basse sur le parlement. Le Canada a été scandalisé, son ambassadeur est allé au Palais National et a eu des échanges durs avec le président Préval sur cette réalité inacceptable. Ce dernier lui a même présenté ses poignets lui demandant s’il allait procéder à son arrestation. Le ton est monté, les autres diplomates présents à cette réunion ont calmé le jeu et le Canada a dû changer son ambassadeur qui était techniquement persona non grata, diplomatiquement grillé. 


Donc, suite à ce constat, les États-Unis et le Canada se sont mis d’accord d’accepter les présents résultats pour éviter de compliquer la situation en Haïti. Cependant, il n'était plus question pour la communauté internationale de se faire complice de Préval dans sa stratégie de contrôle total du pouvoir politique grâce à un système de fraudes électorales massives. Sur ce point là, la méfiance s’est établie entre son gouvernement et la Communauté internationale représentée par le CoreGroup. D’ailleurs, depuis lors, cette dernière impose un système d'authentification stricte - des bulletins électoraux — qui provoque l’élimination systématique de bulletins qui ne respectent pas tous les critères de validité. Ce qui a renforcé la qualité des scrutins. 


Grâce aux incidents de 2010, le candidat Jovenel Moïse a pu remporter des élections organisées par son ennemi Jocelerme Privert. Car, les bulletins résultant de bourrages d’urnes orchestrés par des groupes armés, ne sont plus validés au Centre de Tabulation. Le vote ordonné des électeurs devient plus important que les groupes armés. Ce qui diminue les incidents violents lors des élections, vu que le candidat a plus intérêt à investir dans la mobilisation, le transport des électeurs, le rabattage autour des centres de votes, que dans des groupes armés.


Aussi,comme résultat positif de 2010 : Un nombre croissant d’opposants peuvent se faire élire.

C’est le cas des Sénateurs Jean-Renel Sénatus (ZoKiki) dans l’Ouest;

de Jean-Marie Salomon dans le Sud ;

de Antonio Chéramy alias Don Kato ; 

de Patrice Dumont dans l’Ouest ;

tous, des opposants farouches au président Michel Martelly.


Quand on observe les manœuvres du Président René Préval en 2010, notamment, le retour de Jean-Claude Duvalier, suivi de celui de Jean-Bertrand Aristide, dans le but de polariser l’électorat, de créer la panique et la peur en vue de placer au pouvoir son poulain, son “jeune leader”, son “fils adoptif” Jude Célestin à l’instar de François Duvalier (Papa Doc) et son “fils-héritier” Baby Doc en 1971, sans parler des mobilisations de ressources financières et matérielles de l’État à son profit personnel, on se demande si le gouvernement des États-Unis n’a pas sauvé la démocratie haïtienne à ce moment-là


Pourtant, Ricardo Seitenfus ne voit pas de duvaliérisme dans cette imitation parfaite des méthodes de Papa Doc.  


Faut-il ajouter que les fraudes massives de 2009 servaient non pas à renforcer le Sénat haitien comme institution Républicaine, mais à l’affaiblir par l’infiltration des hommes les plus incompétents de l’entourage du Président Préval. Parmi ces gens, on peut citer : John Joël Joseph et Moise Jean-Charles. Depuis lors, c’est la déchéance du Sénat haitien, une baisse continue du niveau de performance jusqu’aux derniers événements tristes que nous nous gardons de citer dans ce texte. Encore, une autre pratique du temps de “Papa Doc”, en vue d’affaiblir et d’éliminer toute voix dissidente au Parlement.  


2- Qui ne connaît pas Colin Granderson en Haïti ?  Personne ne le connaît mieux que les Clinton.

L’homme est le principal exécuteur de leur politique pro-Aristide/Lavalas dans les années 90. Alors, voyons!!! 

Il est clair que ce monsieur fait partie de la curie des diplomates qui ont travaillé en Haïti durant la période de gloire de Lavalas à partir de 1991. Ce sont des gens qui ont une admiration totale pour Lavalas, Jean-Bertrand Aristide et René Préval, au nom d’une solidarité idéologique de “gauche”. 


C’est d’ailleurs le principal problème d’Haïti. Des diplomates, des journalistes et des techniciens internationaux, ferment les yeux sur la barbarie, les violences, les comportements anti-démocratiques et même le terrorisme d’un secteur politique qu’ils considèrent à tort comme de la “gauche”. Alors que si ces gens furent un temps à gauche, aujourd’hui, ils ne sont que des étatistes-épicuriens, des parasites sans aucune idéologie ni état d’âme. Ils sont devenus les hommes et les femmes les plus corrompus qu’Haïti n’ait jamais connus. 


Mais, malgré tout, frappés de nostalgie d’une révolution impossible dans leur pays, des cadres et fonctionnaires de l’international, correspondants de presse compris, développent une tendance que j’appelle l’ “Immunité  idéologique. À savoir, tout ce que fait la “gauche-démagogique-épicurienne”  est acceptable. Ce faisant, ils contribuent aux souffrances du peuple haïtien sans cesse violenté par ce secteur impopulaire, en voie de disparition, mais obsédé par l’exercice du pouvoir d’Etat.


Faut-il signaler que si le Marxisme-Léninisme a fait évoluer les réflexions sur l’histoire, l’évolution des peuples et la justice sociale, sa théorie de pouvoir est le pragmatisme machiavélien de prise et de contrôle du pouvoir : La dictature du prolétariat. Ce qui est incompatible avec la démocratie représentative et libérale.


C’est d’ailleurs ce constat qui est à la base de la sociale démocratie. A savoir, le remplacement de la théorie de pouvoir machiavéliste par des élections libres, la liberté d’expression, l’État de droit, la participation, la transparence, le respect des droits humains.


Donc, on peut comprendre que dans ce climat de méfiance entre la Communauté Internationale et le Président Préval, les conclusions de Monsieur Granderson ne soient pas utilisées comme premier élément permettant à madame Clinton de former son jugement et d’adopter une décision sur Haïti. Elle connaissait son serviteur!



3- Ricardo Seitenfus est allé en besogne pour qualifier la situation actuelle d'Haïti de retour du Duvaliérisme, sans mentionner aucun fait capable d’appuyer son affirmation.

Il s’est contenté de présenter l’histoire d’autres pays comme le Cambodge, le Libéria et le Congo, en concluant : 

“Ce qu’il faut retenir est que la majorité de ces opérations réalisées, souvenez-vous, au nom des principes démocratiques, débouchent en fait sur des régimes autoritaires. Donc, il n’est pas surprenant que la MINUSTAH fasse renaître le duvaliérisme de ses cendres.”


Le diplomate qui connaît très bien Haïti n’a rien dit du comportement anti-démocratique de l’opposition.  On dirait que la dictature, les comportements autoritaires, anti-démocratiques et répressifs n’ont jamais existé à gauche. Le Stalinisme n’a-t-il pas été une dictature plus féroce que le Duvaliérisme?

Comment peut-il parler de “renaissance du duvaliérisme” en Haïti sans mentionner aucun fait le justifiant et ignorer les pratiques répressives de type stalinistes de l’opposition extrémiste d’Haïti dont les preuves sont nombreuses et circulent sur les réseaux sociaux?


Les appels à la violence de leaders de l’opposition, les attaques contre les établissements scolaires, contre les écoliers, l’utilisation des groupes armés pour bloquer les activités dans les opérations connues sous le nom #PaysLock (paralysie totale de toutes activités, au mépris des urgences médicales), les menaces contre le reste de la population qui ne désire pas participer au mouvement, tous ces actes de terreur, sont-ils acceptables dans une démocratie?


La publication de ce texte de Ricardo Seitenfus en ce moment précis n’est autre qu’un effort désespéré de secourir les héritiers de Préval. C’est un acte politique, idéologiquement motivé qui passe sous silence trop de faits. Il n’est pas objectif. Monsieur Seitenfus ferait mieux de conseiller à ce qui reste de “gauche” en Haïti de se ressaisir, de s’organiser, de continuer le projet politique de “Grand Parti de Gauche” du professeur Gérard Pierre-Charles, de moderniser leurs partis politiques, d’intégrer des jeunes, de les former par des séances de formation comme au temps du CRESFED de l’OPL, de promouvoir les vrais leaders communautaires populaires et serviteurs, d’abandonner leur obsession pour le pouvoir facile en dehors des élections dans le seul et unique but de s’enrichir par la corruption en complicité avec la bourgeoisie voleuse.


Ainsi, ils comprendront qu’il n’ont aucun avenir au 21e siècle avec leur stratégie de violence ou de chaos permanent qui tue le pays, affame les masses populaires, détruit des emplois et contraint les jeunes à l’exode vers d’autres pays comme la République Dominicaine, le Brésil, le Chili, les États-Unis et ailleurs…


Faut-il signaler que Monsieur Seitenfus a pris le soin de ne pas invoquer l’élection du président Jovenel Moïse. Pour parler d’une élection controversée, il est obligé de remonter à 2010. Alors, pourquoi l’opposition haïtienne, a t-elle refusé de reconnaître la victoire électorale du Chef de l’Etat et sa légitimité, au point de lui infliger 3 années de violence extrême appuyée par des gangs qui aujourd’hui se livrent aux kidnapping de pauvres citoyens dans des bidonvilles auxquels ils réclament des centaines de milliers de dollars américains?  


C’est intéressant de signaler cette phrase dans le texte de Ricardo Seitenfus :

“ En ce qui concerne le premier défi (l’actuel Président se maintiendra au Palais national), le pouvoir en place est en position de force. Il y a quasi-unanimité sur la nécessité d’apporter des changements à la Constitution de 1987.”


En clair, Jovenel Moïse ne partira pas! Le projet de Coup d’Etat prévu pour le 7 février 2021, c’est Peine perdue!


Je peux comprendre la nostalgie de ces intellectuels de gauche, obligés de vivre dans un monde où il n’existe plus de nouvelle révolution. Les temps ont changé! Même la guérilla marxiste de la Colombie a dû jeter l’éponge et s’intégrer au jeu démocratique. La Bolivie, mentionnée dans le texte de Monsieur Seitenfus peut aussi servir d’exemple. Le mouvement de l'ex-président Evo Morales est revenu au pouvoir grâce à des élections libres et démocratiques. Non par des pratiques terroristes de violence ou chaos permanent. Les travaux d’encadrement des masses viennent de donner de bons résultats en Georgie, aux Etats-Unis.


Quand il s’agit de principes universels basés sur la dignité humaine, on ne peut pas considérer Haïti comme une exception, un cas à part, sans sombrer dans le racisme systémique que le nouveau président américain Joe Biden a récemment dénoncé. Et, il est clair que ce racisme prend forme au niveau des instances internationales en créant une déformation professionnelle chez certains cadres qui ont tendance à proposer pour Haïti ce qui est inacceptable ailleurs, dans leur monde dit “civilisé”. 


Mon pays Haïti a besoin de démocratie, non de mouvements violents qui rappellent “Le Sentier lumineux” au Pérou !


Cyrus Sibert,

#LeReCit @reseaucitadelle

reseaucitadelle@yahoo.fr

31 janvier 2021

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