Par Cyrus Sibert
Cap-Haitien, le 18 Avril 2009
Suite aux pressions de l’opinion publique qui réclamait du candidat de LESPWA un discours électoral, Moise Jean-Charles a enfin parlé. Cap-Haitien, il est 23 heures, le vendredi 17 avril 2009, Moise Jean-Charles vient de clôturer sa campagne électorale sur une station de Radio. Simultanément, sur le petit écran d'une chaine de télévision locale, on pouvait visionner le spectacle du rassemblement de lancement de la campagne électorale du Parti LESPWA à Saint-Raphaël. Moise sur les ondes, a répondu aux questions les plus difficiles. Il a fait preuve de capacité politique acquise sur le tas. Il n’a pas eu trop grande difficulté pour qualifier les accusations du Député Hugues Célestin de jalousie. Selon lui ce dernier croyait qu’on allait faire choix de lui comme candidat au Senat du Parti LESPWA. Voyant que l’élu était Moise Jean-Charles, il a scandé le dossier d’assassinat de Guy Salvant, exigeant que le juge d’instruction introduise le nom du candidat de LESPWA au nombre des accusés. Moise Jean-Charles a posé les questions suivantes pour prouver son innocence : Pourquoi le Député Hugues Célestin n’a-t-il rien fait depuis tout ce temps, alors qu’il exerce le pouvoir en tant que parlementaire ?
Sur le dossier de la route de Milot dont on l’accuse d’avoir détourné l’argent, le candidat de LESPWA a répondu : Dans toutes les enquêtes menées sur les fonds détournés sous le régime d’Aristide, on n’a jamais cité le nom de Moise Jean-Charles. Il est clair qu’ils sont nombreux ceux qui cherchent à me jeter en prison. Alors pourquoi mon nom ne figure pas parmi les corrompus ? J’étais dans le marquis sous un régime qui me voulait prisonnier. Si j’avais fait quelque chose de mal, ils m’auraient emprisonné. Moise Jean-Charles a renchéri en ce sens : Etant que Maire de Milot, j’ai joué le rôle de catalyseur. Mes déclarations visaient à informer la population. C’est en ce sens que j’avais déclaré que: La route serait faite. L’argent était là. Le Président Aristide avait effectivement débloqué les fonds. Il en profité pour signaler que Jose Ulysse était responsable de ces genres de travaux. Jamais un petit maire n’avait de telle responsabilité.
Le candidat de LESPWA en a profité pour venter son approche d’ouverture et ses capacités à négocier la paix avec des gangs de cité soleil. Deux éléments qui contribuent grandement à la stabilité actuelle et surtout à ce début de démocratie et d’Etat de droit si l’on considère qu’aucun groupe n’est actuellement persécuté dans le pays. Tous les secteurs qui le veulent, peuvent participer d’une façon ou d’une autre à la gestion du pays.
Moise Jean-Charles a esquivé avec tact les questions sur le comportement du Président Préval qu’il considère de trop lent. Faute de sa stratégie d’intégration, le chef de l’Etat prend du temps à consulter tout le monde avant d’agir. Il n’a pas répondu à la question sur les conflits au sein de la Mairie dont il serait la cause. Il met en défi n’importe qui voudrait l’accuser de corruption de le prouver. Tout le malheur du pays est de la faute des parlementaires inconscients qui passent plus de temps à manigancer de petites combines contre l’exécutif au lieu de faire leur travail de faciliter le développement à travers de nouvelles lois et de contrôler l’exécution des fonds débloqués à partir des ministères. Il pense que René Préval est honnête. Il a au moins la volonté de mettre Haïti sur les rails.
Faut-il signaler que ce même Moise avait quitté la salle de conférence de Versailles quand suite à une question sur les fonds des contribuables dont il dispose, tous les autres candidats d’en face l’indexaient et questionnaient ses sources de financement. Le débat organisé par l’institut américain NDI, était terminé en queue de poisson. Des fanatiques de Moise Jean-Charles voulaient attaquer violemment les autres candidats qui ont pu quitter la salle de conférence en catastrophe, car les partisans du conseiller du président estimaient que les questions étaient malvenues.
Alors que le candidat de LESPWA n’a jamais répondu à aucune invitation qui le mettrait face à face avec ses concurrents, il a lancé sur les ondes une invitation à quiconque voudrait débattre avec lui. Naturellement, aucun des candidats n’a répondu à l’invitation sachant que Moise Jean-Charles se déplace avec des hommes armés et violents, ils ne sauraient s’aventurer à l’improviste à une heure aussi tardive.
Au nom de la vérité nous devons constater que beaucoup d’auditeurs ont appelé pour solliciter une action en leur faveur. C’est le cas d’un professeur de Limonade qui a appelé pour demander à Moise d’intercéder pour eux, car Jacques Edouard Alexis les avait mal traités lors de son passage au pouvoir.
Si cette forme de gouvernance choque les intellectuels du nord et du pays en général, nous devons, dans un esprit de recherche, comprendre les causes qui favorisent un acquiescement tacite du leadership de Moise Jean-Charles chez une quantité considérable de la population. Moise Jean-Charles symbolise pour les masses d’exclus, l’accès au pouvoir. Ce fut le cas pour les Tonton-Macoutes de Duvalier et les chimères d’Aristide. L’exclus des bidonvilles qui jouit du pouvoir grâce à une personne, ne se posent plus de question sur son niveau intellectuel, l’origine de l’argent reçu et encore moins sur le respect des normes légales et administratives. A travers Moise Jean-Charles les exclus voient leur avenir : une fenêtre de toucher le pouvoir. Un moyen sûr de le mettre à leurs coté. Les distributions de fonds fournis par la Présidence dans les quartiers populaires font de lui un messie. Même quand, dans plusieurs zones, il fait de fausses promesses, il demeure un moyen de régler d’autres problèmes éventuels. De plus, il aime donner.
En conséquence, le chômage, l’exclusion, la misère et la centralisation excessive des services publics, constituent la matrice de la corruption, de la mauvaise gouvernance et de l’instabilité en Haïti. Les corrompus risquent de contrôler le pouvoir pour longtemps en Haïti. L’idéal d’un état moderne et de bonne gouvernance, restera le rêve des intellectuels, car la classe moyenne et la bourgeoisie haïtiennes n’adoptent pas un comportement différents.
Il y a quand même une possibilité de contrer le candidat officiel. Moise l’a déclaré sur les ondes : « Nous sommes dans une élection, les militants doivent travailler jusqu’à la proclamation des résultats », car s’il ne remporte pas les sénatoriales dès le premier tour, il lui sera plus difficile de gagner au deuxième tour. Déjà, tous les candidats promettent de s’allier contre le candidat officiel au second tour.
Effet contreproductif de l’argent, certains quartiers qui s’estiment traités en parent pauvre au profit d’autres ont tendance à faire du désordre. Le cortège du candidat de LESPWA a essuyé à plusieurs reprises des jets de pierres et tessons de bouteilles.
Toutefois, pour le moment, le candidat de LESPWA joue bien, en se présentant en rassembleur. Il n’a pas hésité à demander pardon pour avoir utilisé un véhicule de l’état lors de son inscription comme candidat. Tout en rappelant aux sympathisants du Parti Fanmi Lavalas leur devoir envers l’ex Président Aristide d’attendre et de ne pas s’occuper des élections du 19 Avril2009, il a terminé son show en rectifiant : « Nous ne demandons pas que Roche dans l’eau connaisse la chaleur de roche au soleil. Mais Roche au soleil doit connaitre avec Roche dans l’eau le bonheur de ne pas être au soleil. Le peuple Haïtien a un profond respect pour le Président Aristide.
Cependant, il oublie le passé et prend désormais son avenir en main.» Dixit, Moïse Jean Charles.
Rappelons qu’en 1990 lors de sa campagne électorale, Jean Bertrand Aristide, l’Ancien Prêtre de Saint-Jean Bosco avait déclaré : « Il faut que Roche dans l’eau connaisse la douleur de Roche au soleil ». Une déclaration qui annonçait le nivellement par le bas, la paupérisation et la destruction de ceux considérés comme privilégiés en Haïti.
RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit), le 18 Avril 2009, 17 heures 50.