Haïti : Deux blocs politiques pour un vote discipliné !
Par Cyrus Sibert, Radio Maxima, Cap-Haïtien, Haïti
21 juillet 2005.
''Encore une fois, au lieu de verser des larmes de crocodiles sur le cadavre de notre confrère Jacques Roche, victime de l'inconséquence et de l'irresponsabilité de ceux qui refusent toujours les solutions nationales, ces vedettes internationalistes qui par leurs lamentations cherchent à masquer leur incapacité à prévoir, à protéger nos concitoyens et à gérer notre société, nous proposons le changement.
A Dieu Jacques !
Nous continuerons, comme toi, à dire la vérité même quand nous savons que les dirigeants haïtiens du haut de leur palais ne nous écoutent pas ; même quand nous savons que nous ne sommes pas épargnés!''
7 février 2006, un président légitime doit prêter serment par-devant un parlement légitime: obligations internationales. En fait, Haïti doit regagner sa place dans le concert des nations démocratiques gouvernées par des dirigeants élus. Cela exige des consultations durant l'année 2005, année terrible et terrifiante pour la mémoire du peuple haïtien.
Des élections oui, mais comment ?
Si la sécurité fait défaut, en réalité, les slogans déferlent. Pour la Convention Unité Démocratique KID ''Kid Se Chwal pèp La'' ; Fusion, le parti des sociaux démocrates ''Ayiti pap peri, nou ka chanje sa'', ce n'est qu'un début. Le fruit: Les élections haïtiennes sont truffées de candidats à la présidence et de panacées. Les dirigeants haïtiens sont doués d'une créativité à ne pas sous-estimer.
Les projets de société sont peu visibles. On n'aura droit qu'à de simples textes. D'ailleurs, l'ambiance électorale ne le permet pas et cela arrange les candidats. Insécurité oblige, chers concitoyens contentez-vous des slogans. Le candidat est empêché ou n'a pas de temps pour discuter les points du document présenté comme projet de société, dans l'hypothèse où un document existe. Une fois de plus, l'électorat haïtien se contentera d'aphorismes simples d'absorption facile. Pour preuve, le peuple haïtien ne voit toujours pas de projet et l'on doute qu'il en verra.
Le paternaliste
Les candidats ne réalisent pas encore que la population rêve d'un projet. Ils persistent à lancer leur slogan et tuent l'espoir. Peut-être comprennent-ils, si Haïti est sous-développée, cela est dû à une pénurie de candidats. En guise de solution il faut proliférer des partis politiques, multiplier les slogans, et fabriquer beaucoup plus de candidats. Une situation idéale pour le catapultage à la dernière minute d'un candidat populiste, comme en 1990. Un ''papa bon cœur'', candidat démagogue, bénéficiant du ''chapeau légal'' d'un parti ou regroupement politique candide.
Déjà le choix des candidats de certains partis annonce les couleurs. Des gens inexpérimentés et non triés sur le volet, des démagogues bien connus pour leur indifférence et leur inaptitude sont choisis pour représenter des partis politiques. Nous sommes mal partis et si nous ne faisons pas un sursaut pour discipliner le vote du camp démocratique, les élections de 2005 entraîneront Haïti dans une crise incessante. Ray H. Killick fait du leadership un pré requis à toute initiative de changement en Haïti. Nous ajoutons : un leadership décentralisé.
Malheureusement, les partis politiques à l'instar de l'Etat-haïtien, centralisés et illégitimes, n'envisagent pas de choix ni prudents ni précautionnés ou ni conséquents. Ils oublient peut-être qu'Haïti est un régime parlementaire et qu'on ne peut pas continuer à choisir n'importe qui, exposant le pays à une législature avec des parlementaires inconscients, incrédules, décriés et corrompus au risque de connaître une nouvelle crise politique.
L'unité du camp démocratique
Le changement doit nécessairement passer par l'unité du camp démocratique. Idéologie et méfiance le contraignent. Ce serait utopique d'envisager de rassembler tous les partis sous une seule coalition politique. Il serait sans nul doute compliqué d'avoir un candidat unique. Cependant, si nos politiciens et la classe dirigeante de la République d'Haïti étaient conscients des exigences actuelles: le changement - (Sécurité, travail, services publics) – (lutte contre la misère abjecte, la faim, la soif) routes, électricité, téléphone, santé, éducation, ils auraient mis en place des cloisons capables de contrer toute déviation anarcho-populiste. Cela passe par un vote discipliné.
Depuis des mois, à Radio maxima, on travaille sur les possibilités d'avoir un candidat unique dans le camp démocratique [1]. Un document, non encore publié pour ne pas nuire aux rapprochements allant en ce sens, est rédigé à cet effet. Malheureusement, les candidats à la présidence resteront peut-être inflexibles. On dirait qu'en Haïti l'ONU organise la dernière élection présidentielle avant de consacrer le gagnant Président/Roi à vie. Mais en réalité, les leaders politiques haïtiens doivent s'unir pour faire échec à la dictature, bien que le culte de l'unité pour la prise du pouvoir et le gérer ensuite soit rare. Ils ne voient pas que les Républicains ont fait choix de Georges W. Bush, juste pour retourner à la maison blanche. Ils ont choisi quelqu'un de leur camp qui peut gagner. Et depuis cinq (5) ans ils sont au pouvoir. La prise du pouvoir est une question d'équipe. Malheureusement en Haïti, chaque leader de la classe politique se croit plus fort que Pelé pour gagner seul, alors que pour gagner Pelé, aussi fort fut-il, avait joué en équipe.
Que faire !
Tenant compte de l'état sclérosé d'une grande majorité de la classe politique haïtienne, les leaders d'opinion responsables doivent supporter les initiatives modernes et d'avancer une alternative. A l'émission ''Face à l'Opinion'' [2] de Radio Maxima, nous proposons de reformater l'opinion idéologiquement : gauche/droite. Au moins cela permettra de penser politique en idées, projets et vision. A l'instar du M. Sauveur Pierre-Etienne Ph.D, beaucoup diront que cette logique est démodée. Alors quoi de mieux ? Peut-on continuer avec le paternaliste : «voter K-P, Profesè-a, Pastè-a Lidè Bondye-a, lidè sent mari-a, lidè-pèp-la, Chwal pèp-La, Modere-yo, democrat-yo, progresis-yo, etc?» N'est-il donc pas temps de se poser la question à savoir : que veulent signifier ces histoires ?
Le combat politique ne se déroule pas de la même façon dans un système bipartisan, où il prend la forme d'un duel, et dans un régime multipartisan, où s'affrontent plusieurs adversaires qui peuvent se coaliser de diverses façons.
La distinction de la droite et de la gauche permet de rapprocher les deux situations, et de définir une classification assez précise des stratégies politiques dans les démocraties pluralistes. Réduit à sa plus grande simplicité, à son élément fondamental, le combat politique oppose ceux qui sont à peu près satisfaits de l'ordre social existant, qui veulent le conserver, et ceux à qui cet ordre ne convient pas, qui veulent le changer.
Le combat politique est donc dominé par la stratégie <droite contre gauche>, qu'on appelle en France la lutte des deux blocs. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les antagonismes politiques s'en sont trouvés atténués, et non aggravés.
A l'intérieure de chaque tendance, les extrémistes ont du accepter, bon gré, malgré la domination des modérés Dans une compétition entre deux partis, la victoire électorale appartient, on la déjà noté, à celui qui attire à lui les électeurs marginaux du centre, qui font pencher la balance du côté où ils portent leurs voix. Pour vaincre, chaque parti doit donc prendre une allure modérée, les réformistes l'emportant à gauche sur les révolutionnaires, les <évolutionnistes> l'emportant à droite sur les ultra-conservateurs. Le lien permanent, régulier, organique, unissant extrémistes et modérés dans chaque tendance, conduit les premiers à modérer leur extrémisme, si l'on peut dire, au contact des seconds, alors que l'isolement les porterait à l'exagérer. Le fait qu'ils se trouvent associés à des responsabilités gouvernementales et parlementaires, au moins indirectement, dans le cadre d'un grand parti, joue dans le même sens. Curieusement, la coagulation des tendances politiques en deux blocs opposés, l'un de droite, l'autre de gauche, aboutit à pousser l'un et l'autre vers le centre.
La bataille politique est dominée par une stratégie centriste.
Maurice Duverger, Introduction à la politique, Gallimard, Paris, p.242-248
Haïti éprouverait moins de problèmes si les partis politiques se regroupaient par tendance. Au cas où des leaders irresponsables dans leur hibernation intellectuelle refuseraient une telle solution, les leaders d'opinion et la société civile devraient pouvoir organiser l'électorat déçue en ce sens. Car dans une logique d'élection honnête et démocratique, c'est l'électorat qui décide. Actuellement, aucun parti sur l'échiquier politique haïtien n'a la capacité de gagner seul des consultations crédibles. L'indiscipline encore une fois peut nous donner un outsider au premier tour. Il sera trop tard de colmater les brèches. Hypnotisée par l'exploit de ce dernier, une forte partie de l'électorat s'abstiendrait du second tour, le reste - l'instinct grégaire aidant – adhèrerait aux discours clientélistes de l'outsider en position favorable pour accéder au pouvoir : un nouveau cauchemar naîtrait. La reprise des calamités pour le peuple haïtien pour une autre décade, vu la faiblesse de nos institutions, parfois inexistantes, et l'inflexibilité constitutionnelle.
Le rôle des media
Premières victimes des troubles politiques, les directeurs d'opinion ont un rôle à jouer dans la modernisation des structures politiques. Ils ne doivent pas être des raconteurs de faits au service d'une classe politique productrice de crise et de violence.
''Dans une société libérale, on distingue quatre principales catégories de mécanismes d'interactions : les partis, les groupes d'intérêts, les conseils consultatifs et les media de communication. Selon les conditions de temps et de lieu, ces mécanismes sont rattachés, à des degrés divers, à l'un et à l'autre systèmes. Dans toutes les situations, toutefois, les conseils consultatifs et les partis tiennent davantage du système politique et, à l'inverse, les groupes d'intérêt et les média de communication tiennent davantage du système social. La fonction essentielle des mécanismes d'interactions –fonction qu'ils remplissent différemment selon leur vocation propre – consiste à convertir les outputs sociaux (intérêts, idéologies, pressions) en inputs politiques (demandes et soutiens). En même temps, ils ouvrent aux agents sociaux des voies d'accès à l'une ou l'autre des quatre composantes majeures du système politique et constituent les canaux normaux qui s'offrent aux agents politiques pour faire connaître aux agents sociaux les possibilités et les volontés du système politique. Ils constituent donc un terrain fort fréquenté par les agents des deux systèmes. Le fait qu'ils soient fonctionnellement reliés les uns aux autres accroît énormément leur portée.
Léon Dion, Société et politique : la vie des groupes, Fondements de la société libérale, tome 1,
PUL, Québec, 1971, p.124
La population haïtienne réclame paix et stabilité : exigence première du développement durable en Haïti. Ceci dit, en cette période de transition, nous avons l'obligation d'exiger de la classe politique qu'elle prenne des décisions capables de renforcer le secteur démocratique, limitant ainsi les dégâts des outsiders anarcho-populistes. Les groupes d'intérêts étant faibles et/ou inconséquents, la presse doit jouer son rôle d'interaction entre les revendications citoyennes [le système social] et les dirigeants politiques [le système politique].
Il faut en outre scruter de prêt l'effet des mécanismes d'interactions sur la stabilité des deux systèmes et, par-là, des sociétés elles-mêmes. Les systèmes tendent spontanément à leur propre stabilisation. Il est donc normal de s'attendre à ce que les mécanismes d'interactions soient agencés de façon à produire la stabilité systémique requise. Mais il ne faudrait pas croire qu'ils favorisent constamment le maintien des systèmes. Partis, groupes d'intérêt, conseils consultatifs, media de communication véhiculent aussi bien les intérêts et les idéologies de groupes marginaux ou contestataires que ceux des groupes conservatistes.
Ibid, p.135
En dernière logique, les media doivent reformater l'opinion idéologiquement : Gauche / Droite en vue d'aider l'électorat à décider. Nous ne devons pas nous comporter en prisonnier de cet état de fait. D'aucuns diront que les leaders actuels de la classe politique haïtienne sont corrompus, sclérosés, etc., et non des moindres. Toutefois, le risque est beaucoup plus grand avec un outsider. L'expérience de Gérard Latortue confirme la règle. Les dizaines de partis politiques doivent être redistribués à partir de ces deux tendances : Gauche - FUSION, OPL, KID, M.R.N., MODEREH, KOMBA, PPRH, Tèt Ensenm, FRN, PSR, PLB, FL, PPN et à Droite : GFCD, MOCHRENA, RDNP, PADEMH, MNP28, PLH, PDCH, MIDH, ADEBAH, M.P.H.,ALAH, MODELH. [3] On pourrait à l'avenir, si besoin est, avoir un groupe provincial, un groupe écologiste... Mais nous resterons toujours dans l'ordre des idées pas celui des démagogues déguisés en ''papa bon cœur'' ou en leaders progressistes. Au niveau de la Droite et de la Gauche, les modérés et les extrémistes seront facilement détectables. Renforcement des partis politiques, la société civile en aura la tache facile. Les ressources humaines et financières du pays iront à ces deux regroupements démocratiques hégémoniques, au sein desquels les partis les plus crédibles confirmeront au fil du temps leur légitimité. Les extrémistes se contenteront de faire du bruit tout en s'accommodant au régime démocratique ne vigueur. On pourrait ainsi libérer les partis démocratiques de l'emprise internationale. Dans un pays où les ressources font défaut, le regroupement des partis politiques par tendances, aiderait à concentrer ce dont nous disposons efficacement. Cette stratégie aiderait la démocratie naissante tant sur le plan de l'éducation des citoyens, de la formation du personnel politique, de la gestion des conflits politiques, de l'alternance et surtout de l'institutionnalisation du pays. On nous dirait qu'on ne peut rien faire avec l'élite politique haïtienne, le secteur des affaires et les professionnels. Empruntons, une des belles phrases de Gérard Bissainthe : ''Haiti, love it or leave it''. Nous devons engager le processus de modernisation de la vie nationale, et ce, avec les ressources endogènes d'Haïti. Contaminés et sclérosés actuellement, la modernisation de la classe politique passe par des élections démocratiques régulières, sa légitimité dépend du renforcement des partis politiques qui dans une situation d'élection honnête régulière, seront obligés de choisir des leaders crédibles en fonction des besoins de la population. Puisqu'il faut un début à tout changement, nous devons commencer maintenant, avec nos ressources. Haïti ne peut plus résoudre ses problèmes politiques dans les allées et sur les trottoirs. Il est indispensable de mettre en place, une sorte d'''establishment'' politique, composé de démocrates de Droite et de Gauche, pour un vote discipliné, tout en renforçant les institutions démocratiques haïtiens. Pour gagner des élections, il faut avoir des informations, des moyens de communication, des ressources humaines et financières, en privant les outsiders du camp démocratique de ces moyens ils seront condamnés à disparaître. En les mettant au service des partis démocratiques et idéologiquement regroupés, nous moderniserons notre système politique. Comblons ce vide ! Créons un establishment politique ! Cessons de créer des monstres ! Forgeons la modernité politique en Haïti !
Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
21 Juillet 2005.
[1] Initiative de Jean Robert Lalane et moi, votre serviteur, Sibert.
[2] Initiative qui n'engage pas Jen-Robert Lalane. Voyant, qu'il n'arrive pas à convaincre les leaders politiques, votre serviteur, Sibert, adopte cette nouvelle stratégie.
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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)
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