Je salue le texte du Juge Heidi Fortuné, un jeune Magistrat intègre et courageux, une exception qui prouve que l'indépendance de la Magistrature est d'abord une disposition mentale. Car, comme il me l'a déclaré au mois de juin dernier: "S'il y a un Magistrat libre et indépendant au monde, il s'appelle Heidi Fortuné." C'est un homme qui croit que l'indépendance et la liberté d'un Magistrat est d'abord une question de compétence et de force de caractère.
Je partage les sentiments de révolte du juge face au piétinement continue de la justice par les politiques. Il est vraiment indécent de se comporter en violation de la loi, des principes républicains et universels.
Toutefois, j'aimerais ajouter que la CONTINUITE à laquelle fait référence le Juge Heidi Fortuné est fonction du comportement des parlementaires dénaturés qui continuent de faire pression sur le pouvoir exécutif pour CONTINUER à introduire dans l'appareil judiciaire, politique et administratif des délinquants, dans le seul objectif de renforcer leur contrôle sur leur circonscription, de forcer leurs opposants à se taire et d'assurer l'élection des maires proches lors des prochaines élections municipales et plus tard leur réélection.
Le Magistrat, comme il l'a si bien dit dans son texte, n'est pas en mesure de prendre des positions politiques. Mais, tout le monde est au courant des multiples nominations fomentées par le Député de la Grande-Rivière du Nord qui a profité des moments de faiblesse du Ministre Josué Pierre durant l'Affaire Anel Bélizaire et de sa position de Président de la Commission Justice à la Chambre basse pour prendre contrôle de l'appareil judiciaire dans le Nord.
Ce dit député a un gang dénommé ZO REKEN, à la Grande-Rivière du Nord, qui fait la pluie et le beau temps, terrorise les opposants et exige le contrôle des recettes de l'Etat et des fonds alloués pour des projets de développement dans la circonscription.
Il y a aussi cette histoire insolite de députés qui, la veille de la rentrée en fonction du CSPJ, ont envahi le Bureau du Ministre de la Justice dans le but de mettre la main sur des papiers à entête du Ministère afin de rédiger eux-mêmes des lettres de nomination de juges pour leur circonscription.
Je sais que le Magistrat a produit son texte dans le seul but de provoquer le changement. De fait, nous venons d'apprendre que le Gouvernement a procédé à la révocation du Vice Délégué en question. Un comportement nouveau qui symbolise le CHANGEMENT avec le Président Martelly, si nous le comparons avec la décision du Président Préval de garder SAMBA BOUKMAN au sein de la Commission Nationale de Désarmement et Démantèlement et de Réinsertion (CNDDR) malgré les critiques des organisations des Droits Humains, de la Police et de l'opinion publique en générale.
Nous avons aussi réclamé cette mesure, vu qu'à aucun moment, on ne peut concevoir que le gouvernement Martelly-Lamothe puisse ternir son image parce qu'il cherche à protéger un VICE DELEGUE. Il n'y a aucune économie dans cette affaire. Si le Président Martelly a mis en disponibilité son Conseiller Spécial Calixte Valentin parce qu'il est accusé dans une affaire de crime, ce n'est pas un VICE DELEGUE imposé par un Député dans le cadre des habituels chantages autour de la mise en place d'un gouvernement qui bénéficierait d'un support inconditionnel.
Le Chef du Parquet de Cap-Haïtien auquel fait mention le Juge Fortuné, est aussi le produit d'une force politique Artibonitienne qui, encore, à la faveur des tractations au parlement lors des séances de ratification, a étendu ses prétentions dans le Nord d'Haïti. Il a, bien sur, bénéficié de l'absence de leadership réel dans le milieu juridique du Nord - les professionnels du droit de la région n'arrivant pas à s'entendre sur les points les plus élémentaires.
Et, c'est le nœud gordien de la réalité qu'il faut attaquer.
Le problème de la CONTINUITE est d'abord cette résistance du PASSE à travers le Parlement, l'administration publique et la Société civile. Le Magistrat sera d'accord avec moi que les associations de professionnels du Droit ont en leur sein des criminels, des trafiquants de drogue, des personnages corrompus, des faussaires, des escrocs… Ces gens accepteront-ils le changement? Ne chercheront-ils pas à manipuler le CSPJ (Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire) dans le sens de la défense du statu quo?
Un Président qui, en une (1) année, a mis en place des institutions comme la Cour de Cassation et le CSPJ, ne peut être accusé de CONTINUITE. Car, il est clair pour tout le monde, que la décision de camper ces nouvelles institutions affaiblit l'Exécutif dans ses manœuvres. Un pouvoir politique haïtien qui accepte de perdre le contrôle de la Justice (dans le contexte haïtien d'instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes), il n'y a pas deux (2) dans l'histoire d'Haïti. Tout comme, je ne connais pas deux Juges d'Instruction aussi courageux que Me Heidi Fortuné.
Depuis un an, nous appelons la société civile haïtienne à s'armer de courage pour dénoncer les dérives des parlementaires qui se comportent en dehors de tous principes de fonctionnement de l'Etat Républicain. Les dérives prennent source dans cette réalité. Pourtant, dans une logique de lutte systématique contre le Président Martelly que les prétentieux estiment trop peu pour gouverner Haïti et réussir, personne ne dit rien. Une grande partie de la presse se laisse manipuler et fait le jeu de ces corrompus au Parlement gâtés durant la Période de Jacques Edouard Alexis (le fameux Groupe CPP).
Aussi, reconnaissons-nous des erreurs à corriger et surtout des écarts qui découlent d'un processus continu d'infiltration des conservateurs rétrogrades qui cherchent à reproduire les vieilles pratiques. En ce sens, les gardiens du changement qui supportent le Président Martelly parce qu'ils voient en son Leadership une opportunité de stopper la déchéance anarchopopuliste et de remettre en place les institutions démocratiques suivant l'Esprit d'un Etat de Droit, mais n'ont d'une tyrannie collectiviste démagogie, - ces gardiens - veillent et expriment souvent leurs désaccords au plus haut niveau de l'Etat.
Cependant, nous devons reconnaitre que le Leadership Martelly met sur la table des actes concrets et réels. Nous avons aujourd'hui un président qui a fait des promesses de campagne et qui travaille tous les jours dans le but de les respecter. En plus de la parole, il a posé des actes concrets et indiscutables :
- Une Cour de Cassation fonctionnelle;
- Une nouvelle Constitution recommandant plus d'Institutions démocratiques - cela même quand le Président est conscient que - dans le contexte actuel - cette Constitution peut être la source de complot contre son pouvoir personnel;
- Redynamisation du CSPN (Conseil Supérieur de la Police Nationale) dysfonctionnel depuis longtemps;
- Un plan de réforme de la Police et un plan de carrière d'un montant d'un milliard de dollars US sur 4 ans;
- Le renforcement du Ministère de la Défense et le projet d'une Nouvelle Armée Nationale en vue de la désoccupation du territoire national;
- Des projets de lois pour dynamiser l'Etat;
- La remise en question des échanges avec la République Dominicaine - contrôle des frontières, lutte contre la contrebande;
- L'augmentation du nombre des personnes imposables;
- Le renforcement de la participation des femmes ;
- Le contrôle des ONGs;
- Conseil des ministres (transparent);
- Forum des Directeurs Généraux;
- Des mesures pour faciliter des investissements directs en Haïti;
- Le relance du tourisme;
- Des projets sociaux construits pour supporter les familles, les mères, démocratiser l'accès au crédit, réformer l'assurance des travailleurs…
- Aujourd'hui, l'Exécutif est en lutte avec le Parlement sur la question d'un Conseil Electoral Permanent en vue d'institutionnaliser le processus de renouvèlement du personnel politique de l'Etat et de renforcer la confiance autour des élections.
Il est un fait que pour l'Exécutif, nous sommes loin de la CONTINUITE.
A chaque secteur de combattre cette réalité de CONTINUITE qui empêche aux GENS DE BIENS comme le Juge Heidi Fortuné de faire librement leur travail.
S'il y a une leçon à tirer de cet incident autour de la nomination du Vice-délégué de Limbé, c'est que l'Exécutif doit cesser cette pratique qui consiste à faire les quatre volontés des parlementaires. Il doit prendre plus de temps pour enquêter sur le terrain, il doit consulter sa base. Aussi, la société civile, la Presse et la classe politique doivent comprendre que les dérives du parlement auront un impact sur l'Etat de droit. Un comportement de type « Ponce Pilate » est contre productif.
Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haïti
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