Alliance de Pétion et Dessalines pour la guerre de l’indépendance |
Si Haïti est a pu forger son indépendance, c’est grâce à la flexibilité de nos ancêtres qui ont su s’adapter, négocier, faire des alliances conjoncturelles sans perdre de vue l’objectif principal de leur lutte à savoir la liberté générale des esclaves et l’émancipation des noirs. Toussaint Louverture a su s’allier successivement à l’Angleterre, à l’Espagne et à la France en vue de construire une armée indigène.
Imaginez un moment ce Toussaint au micro de Liliane Pierre-Paul, de Jean Monard Métellus ou d’autres journalistes haïtiens de la capitale haïtienne… Il serait ridiculisé. Cela aurait été le même scénario pour Dessalines dans une émission RAMASE ou sur d’autres grands médias de la capitale haïtienne expliquant son alliance avec Pétion, le canonnier qui tirait avec précision sur ses positions lors de la Guerre du Sud. Dans ces conditions, aucune alliance ne serait possible pour chasser les colons français du territoire. Donc, il n’y aurait jamais eu d’armée indigène, ni de bataille victorieuse à Vertières; Haïti serait encore une colonie française.
Si aujourd’hui Haïti est au fond du gouffre, c’est parce que nous avons perdu cette capacité intelligente de faire des concessions et sceller des alliances, même provisoires, dans l’intérêt général. Au lieu de nous comporter en homme grand capable de négocier dans le sens du bien-être généralisé, nous adoptons soit une position radicale destructrice soit une approche patatiste de vendu, sans conviction.
Nous avons appris à vanter les prouesses des héros de la nation en regardant uniquement leur côté radical, intrépide et farouche, sans considérer leur intelligence à faire des alliances et des concessions allant dans le sens de la concrétisation du projet national.
Toussaint, Dessalines, Pétion, Christophe et Boyer, n’ont jamais fléchi sur l’indépendance et l’abolition de l’esclavage qui était l’objectif sacré de l’époque. Mais, pour atteindre ce but fixé, ils ont été assez intelligents pour être flexibles.
Durant le 20e siècle, l’histoire d'Haïti est pleine d’événements et de leaders radicaux. Rester sur sa position est synonyme de dignité, de fierté, d’honneur. La presse haïtienne qui a connu des moments d'extrême violence s’est construite dans une logique de résistance, de militance et de positions extrêmes, incompatibles avec une ambiance démocratique. Comme séquelles, elle continue dans cette ligne qui encourage la subversion. Elle perd sa neutralité et contribue à l’instabilité, ce qui joue en faveur de la mafia, des trafiquants de drogue, des gangs, des entrepreneurs de l’humanitaire et des ennemis d’Haïti, tous ces gens ne progressent que par l’affaiblissement de l’État et le règne du chaos.
La presse haïtienne, les journalistes se sont tellement considérés comme des élus de la démocratie, qu’ils n’ont jamais pris le temps de se démocratiser. Ils sont extrêmement intolérants, leurs associations de journalistes ne respectent aucun principe de transparence, de participation ni de reddition de comptes. Pourtant, ils ne ratent aucune occasion pour blâmer d’autres secteurs.
Après trois (3) décennies, nous devons faire le bilan de notre échec et ne pas répéter les mêmes erreurs. L’élément central du chaos en Haïti est l’intolérance. Le refus de respecter les règles du jeu démocratique a enfoncé notre pays dans l'abîme. Si en 1994, suite à la crise électorale opposant Joaquin Balaguer et Pena Gomez, les élites de la République Dominicaine avaient compris le piège et conclu de faire de la politique autrement, en Haïti nous persistons dans l’erreur.
La solution aux problèmes d'Haïti passe par la valorisation et la pratique de cette flexibilité intelligente dont nos ancêtres faisaient preuve. Ils étaient assez grands pour faire des concessions, négocier, conclure des alliances, sans changer d’objectif. C’est aussi grâce à ce génie qu’ils ont pu nous léguer Haïti en héritage.
Posez-vous la question : A quoi cela sert de faire de la politique, si l’objectif est de réduire tout un pays, en espace invivable, au point de condamner nos concitoyens à fuir leur pays?
Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti
30 Janvier 2023
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