mercredi 18 mai 2011

Michel Joseph Martelly, piégé comme Jean-Jacques Dessalines. Texte de Cyrus Sibert.







(Photo du Président Michel Joseph Martelly et de la Première Dame Sophia Saint-Remy Martelly. Par Cyrus Sibert - Reseau Citadelle)



Par : Cyrus Sibert, souvenirfm@yahoo.fr



Le Ré.Cit.- Réseau Citadelle, Cap-Haïtien, Haïti.



www.reseaucitadelle.blogspot.com





Une simple observation des réactions des composantes de la société haïtienne, présentes à l'investiture de Michel J. Martelly, à l'intérieur et devant le Palais National, lors du discours du nouveau Chef de l'Etat, peut expliquer la complexité des contradictions sociales, économiques et politiques qui dresseront des embûches et risquent de faire échec à la volonté de changement du chanteur devenu Président.

Lors de la lecture du discours de circonstance, les réactions étaient différentes suivant les points abordés et selon qu'on appartenait à la bourgeoisie ou à la masse.

Ceux qui en apparence représentaient la bourgeoisie, ont ovationné les promesses de sécurité et de respect du droit de propriété. Ils ont applaudi sans réserve les idées d'égalité en droit de tous les haïtiens, de reprise de la souveraineté nationale. Cependant, ils ont boudé l'idée d'éducation gratuite, d'école obligatoire, de décentralisation, de l'obligation de s'acquitter des devoirs de taxe. Ils sont restés indifférents à l'assertion faisant de la classe moyenne le moteur de l'économie nationale.

Là où nous étions, nous avions observé que tout le monde n'avait pas applaudi Mgr Louis Kébreau quand dans son homélie il disait que nos ancêtres avaient résolu dans l'acte de l'Indépendance la question de couleur en disant au monde, avec fierté, que le peuple haïtien est un peuple nègre. Un bourgeois assis à notre coté trouva stupide la décision de Michel Martelly d'aller saluer la foule au travers des grilles du Palais National.

Le peuple infatigable sous un soleil de plomb, acclamait des idées comme l'école gratuite et obligatoire pour tous les enfants d'Haïti, de création d'emplois, de paiement des taxes. Il était un peu indifférent à l'idée de respect du droit de propriété, d'encadrement des investisseurs…

Ensemble, les deux groupes ont applaudi les idées de sécurité, la fin du kidnapping, la reprise de la souveraineté nationale, la valorisation des richesses et des points forts d'Haïti.

La Banque Interaméricaine de Développement, les États-Unis, le Venezuela, Cuba et les dignitaires de la Caraïbe ont été applaudis par le peuple. La France a été faiblement ovationnée.

Les personnalités qui ont eu une appréciation forte sont Wyclef Jean, Michael Jean et Dumarsais Siméus. Le nom de Bill Clinton a provoqué des applaudissements.

Dans les villes de province comme Cap-Haïtien, la fête était une réalité. Dans certains quartiers populeux les gens sortaient leurs salons et leurs lits, comme en 1991, pour accueillir le nouveau Chef d'Etat. L'idée de décentralisation fait danser les exclus des villes de province qui subissent la centralisation excessive des ressources et du processus de prise de décision à la capitale.

Des observateurs dans le Nord-est nous font remarquer que jamais, la ville de Fort-Liberté n'a connu autant de festivités pour saluer l'investiture d'un Président. Ils pensent que c'est un signe que le peuple croit dans un changement, dans un développement décentralisé, n'en déplaise aux défenseurs du statu quo ante.

Observant cette réalité, à Réseau Citadelle, nous nous sommes dits : comme Dessalines le 18 mai 1803, le Président Michel J. Martelly s'est mis entre l'enclume et le marteau, la bourgeoisie réactionnaire et les masses défavorisées.

Il sera pressuré d'un coté par un peuple qui a rejeté toutes les critiques des traditionnels pour placer sa confiance en lui comme Chef d'Etat et d'un autre coté par les néo féodaux qui ne chôment pas.

La différence des réactions décrites plus haut face au discours expriment les positions de classes : Un peuple rebelle et têtu qui, de façon radicale, a imposé son chanteur populaire; une bourgeoisie opportuniste qui, ayant misé comme d'habitude sur tous les candidats dans la course dans l'espoir de conserver rentes et prébendes, compte sur la couleur de sa peau, les accointances et frottements pour prendre contrôle du nouveau Chef d'Etat; et une classe moyenne contrainte de donner à ce dernier un temps de probation pour prouver sa bonne foi.

On peut conclure que Martelly se retrouve dans la même situation que Dessalines après le Congrès de L'Arcahaie. Il est le Chef d'un Etat autour duquel différents groupes d'intérêts rivaux s'affrontent violemment dans une logique de survie. En toute circonstance, il aura à choisir entre les intérêts de "ceux dont les pères sont en Afrique" et les intérêts " de ceux qui se croient héritiers de la colonie de Domingue".

Il doit toujours se rappeler que sa force réside dans la confiance des masses dans son intelligence, son caractère, son style combatif et surtout sa liberté d'esprit. Il devra écouter tout le monde mais toujours décider dans le sens du changement.

L'étude des trois (3) mouvements dans l'histoire d'Haïti au temps de la colonie a démontré que le peuple est la source, le défenseur authentique du changement et le catalyseur d'une mouvance vers la liberté. Il ne trahit jamais ; il est prêt à faire des sacrifices et à payer le prix; sincère et fidèle, il est dépositaire des valeurs nationales qui unissent la société toute entière.

Alors que dehors le peuple héroïque criait "Arrêter Préval", à l'intérieur, ceux qui lui ont poussé à trahir les masses s'activaient à gérer la continuité de leurs intérêts de clan, de leurs commissions, de leurs chèques, de leurs salaires, en un mot, du statu quo. Seul René Préval portait la responsabilité. Lui seul était décrié par le peuple.

Au Président Michel Martelly de déterminer si en 2016, il sera, lui aussi, sacrifié comme bouc émissaire et décrié. Si la liberté, la prospérité et la paix pour TOUS sont mis sur le banc de touche et relativisés, la société sera déchirée et la pauvreté sera un élément intégral du vécu quotidien de plus de 95% de la population.

Déjà, des mauvais perdants brandissent le colorisme pour anticiper son échec. Des démagogues incapables de conduire le pays au changement depuis des décennies utiliseront le noirisme pour revenir à la charge. Lui seul sait s'il leur donnera gain de cause.

Michel Martelly doit comprendre sa position fragile de « trait d'union » entre noirs et mulâtres, macoutes et Lavalas, riches et pauvres, citadins et paysans, Capitale et Province. Il doit écouter tout le monde, mais décider toujours dans le sens du changement pour tous.



RESEAU CITADELLE (Ré.Cit.), le 17 mai 2011, 16 hres 56.



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"Ne doutez jamais qu'un petit nombre de citoyens volontaires et réfléchis peut changer le monde. En fait, cela se passe toujours ainsi"
Margaret Mead (1901-1978)



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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)

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