Guy Philippe bluffe les Américainsmardi 16 mars 2004 (Date de rédaction antérieure : 16 mars 2004). Le chef des insurgés a manipulé les autorités en place et la presse internationale. Jean-Bertrand Aristide a-t-il fui son pays, dans la nuit du 28 au 29 février, devant une troupe de 60 rebelles armés de 17 armes, qui menaçaient de prendre la capitale d'Haïti en bluffant complètement sur leurs forces réelles, aussi bien les journalistes que les diplomates de l'ambassade des Etats-Unis en poste à Port-au-Prince ? C'est la version de Jean Robert Lalanne, le chef de « l'armée du Nord », qui nous a expliqué que l'opération de Guy Philippe avait été une « énorme manipulation » et « une grande imposture ». En résumé, les diplomates américains auraient fait fuir Aristide, car ils pensaient sincèrement que le chef des rebelles Guy Philippe était à la tête de plusieurs milliers d'hommes, et d'un arsenal capable de mettre Port-au-Prince à feu et à sang. Pour éviter des affrontements meurtriers, ils auraient alors embarqué Aristide manu militari vers une destination d'exil - Bangui -, décidée au dernier moment, avec l'active complicité du ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin. « Les Américains se sont complètement fait avoir par Guy Philippe », affirme Jean-Robert Lalanne, en expliquant que le chef des rebelles est arrivé de la République dominicaine avec « un ou deux pistolets », et qu'il est entré dans la ville des Gonaïves sans armes et sans rencontrer la moindre résistance, puisque les policiers avaient alors déserté leurs postes devant les forces rebelles locales, commandées alors par un chef de gang sans envergure. Le même scénario s'est reproduit peu après au Cap haïtien, la seconde ville du pays. C'est huit jours avant la chute d'Aristide que les diplomates américains à Port au Prince auraient établi un contact téléphonique avec Guy Philippe et se seraient fait convaincre par l'habile bluffeur qu'il disposait d'un millier d'hommes superbement armés par ici, de 2000 autres par là... Jusqu'à cet instant, les Américains avaient effectué les pires pressions sur l'opposition pour qu'elle travaille avec Aristide. Mais, soudain, il n'était plus temps de discuter : la menace sur Port-au-Prince était réelle... ! Les leçons de cette farce - qui se termine bien, puisque Haïti grâce au culot de Guy Philippe a été débarrassé de l'un des pires dictateurs de sa longue histoire - sont terribles aussi bien pour les Américains que pour les journalistes internationaux. Pour les Américains, Haïti est une nouvelle démonstration de l'indigence de leurs renseignements, qui reposent trop exclusivement sur l'électronique high tech, et pas sur des hommes capables d'aller se renseigner en allant sur le terrain. Dans un pays du tiers-monde comme Haïti, les écoutes de la National Security Agency (NSA) n'ont guère d'intérêt... Pour toute la presse internationale qui a repris les communiqués menaçants de Guy Philippe sans vérifications ni recul, faisant gronder la perspective d'un ouragan de feu imminent sur Port-au-Prince, la gifle n'est pas moins cuisante. A la seule décharge des dindons de cette farce, 70 000 Haïtiens écoeurés par Aristide avaient défilé dans les rues du Cap, et presque autant à Port-au-Prince, cela avant la chute du dictateur, donnant le sentiment bien réel que le pouvoir, gangrené comme un fruit pourri, était à prendre d'une simple pichenette. C'est ce que Guy Philippe a très adroitement exploité. Mais, en entrant à Port-au-Prince, avec ses maigres forces, il a commis une énorme faute : il a soudain dessillé les yeux des Américains, révélant son indigente faiblesse. Le voici, tel le roi nu, obligé de courir les provinces de son pays, au jour le jour, pour tenter de se constituer, enfin, une troupe digne de ce nom... Il n'est pas prêt de réussir. Car, même s'il mérite un titre de général pour son génie tacticien, Guy Philippe se retrouve cette fois devant 1 600 Marines, et une administration américaine qui ne lui pardonnera pas son audace de sitôt ! P.-S.François Hauter ____________________ "La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles? Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation prend la forme de monopole au 21e Siècle. WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.) |
dimanche 12 septembre 2010
Guy Philippe bluffe les Américains. (Retrouvé)
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