Haïti sous la pression de la communauté internationale pour résoudre la crise
Malgré les fortes pressions de la communauté internationale et de son propre parti, le dauphin du président haïtien René Préval, Jude Célestin, refusait toujours, jeudi 27 janvier, de retirer sa candidature au second tour de l'élection présidentielle. Selon l'un de ses proches, il attendait les conclusions des recours introduits devant le Conseil électoral provisoire (CEP). Le CEP doit annoncer les résultats définitifs du premier tour début février et envisage d'organiser le second dans la deuxième quinzaine de mars.
Le premier tour, le 28 novembre 2010, a été marqué par la désorganisation, des fraudes et une faible participation (22 %). Les résultats préliminaires, début décembre, plaçaient Jude Célestin en deuxième position derrière la juriste Mirlande Manigat. Ils ont suscité la colère des partisans du chanteur Michel Martelly, relégué à la troisième place. Durant trois jours, Port-au-Prince et plusieurs villes de province avaient été livrées aux émeutiers se réclamant du chanteur surnommé "Sweet Micky".
Invitée par le président Préval, une mission d'experts de l'Organisation des Etats américains (OEA) a recommandé d'exclure M. Célestin du second tour au profit de M. Martelly. Cette recommandation était basée sur la vérification de 8,2 % des procès-verbaux totalisant moins de 17 % des suffrages, une méthodologie contestée par les partisans du candidat officiel.
Dès la publication du rapport de l'OEA, les pressions internationales se sont intensifiées sur le président Préval, les responsables de son parti Inité (Unité, en créole) et le CEP pour que ses recommandations soient acceptées. De hauts responsables américains ont évoqué des sanctions, et les visas d'une douzaine de proches de M. Célestin leur ont été retirés.
Jeudi 20 janvier, les ambassadeurs des principaux bailleurs de fonds ont rencontré M. Préval pour lui transmettre un message ferme : si Jude Célestin était maintenu au second tour, la communauté internationale ne financerait pas le scrutin, n'en reconnaîtrait pas les résultats, et la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) n'apporterait pas son soutien sécuritaire et logistique. A partir du 7 février, date de la fin du mandat présidentiel, la communauté internationale ne reconnaîtrait plus M. Préval, qui devrait alors être remplacé par un président provisoire.
4 000 morts du choléra
Cordial, souriant même, selon un participant, M. Préval a écouté le message lu par Edmond Mulet, le chef de la Minustah, sans le commenter. Il était prévu que plusieurs ministres des affaires étrangères, dont l'Américaine Hillary Clinton, appellent le président haïtien durant le week-end pour insister. M. Préval s'est mis aux abonnés absents et s'est envolé en hélicoptère samedi pour une visite surprise de quelques heures à Saint-Domingue.
Avec son homologue et ami dominicain Leonel Fernandez, il a parlé de la lutte contre le choléra qui a fait plus de 4 000 morts en Haïti et s'étend en République dominicaine. M. Fernandez a offert ses bons offices pour la crise électorale, avant de s'envoler pour le forum économique de Davos.
De retour à Port-au-Prince, M. Préval a proposé d'annuler l'élection présidentielle en conservant les résultats des législatives. Cette solution a été rejetée par les "pays amis". L'état-major de son propre parti réclame le retrait de M. Célestin. Grâce au nombre de ses candidats en ballottage favorable, l'Inité espère conserver la majorité au Parlement.
Dans un communiqué publié mercredi et non signé par M. Célestin, la direction du parti a officialisé sa demande de retrait, l'expliquant par "les menaces d'une partie de la communauté internationale de couper toute aide au pays déjà en proie à toutes sortes de souffrances".
"Le retrait de Jude Célestin ne résoudra pas la crise. La seule solution est l'annulation du scrutin", souligne Jean Henry Céant, arrivé en quatrième position au premier tour. Comme d'autres opposants, il a fustigé "la communauté internationale qui cautionne l'impunité en demandant la poursuite du processus électoral".
Jean-Michel Caroit
Article paru dans l'édition du 29.01.11
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