dimanche 28 avril 2019

La corruption à travers l’histoire d’Haiti — ce mal congénital que nous devons combattre! #LeReCit


La corruption à travers l’histoire d’Haiti — ce mal congénital que nous devons combattre! #LeReCit

Lu pour vous…

[ Extraits du livre “Haiti - Rep.Dominicaine et Cuba. Etat, économie et société. 1492 - 2009” du professeur Sauveur-Pierre Étienne, pp.146-148 ]


Toussaint Louverture :

Selon Jacques Périès, un receveur général des contributions à Saint Domingue, « les représentations et valeurs dominantes à l’apogée du pouvoir de Toussaint Louverture en 1800 étaient celles de la spoliation, de la concussion et de la corruption. Toussaint Louverture laissait son entourage orchestrer un grand désordre financier. Il ne faisait pas d’ailleurs de différence entre les deniers de l’Etat et sa fortune privée. De faux budgets étaient présentés avec des dépenses fictives dépassant de plus de 50% les recettes, la différence allant grossir sa fortune privée. »
(Voir DEBIEN Gabriel et PLUCHON Pierre, “Les lettres de Pérès”, dans Revue de la Société haïtienne d’Histoire et de Géographie, vol. 44, #150, Port-au-Prince, mars 1986.)

A ce sujet Pierre Pluchon écrit : « Le désordre financier et fiscal n’est pas qu’une maladie de l’administration du Général, il est aussi une technique de gouvernement : il l’aide à économiser et entasser des fonds dans une caisse masquée par un impénétrable Rideau de fumée. Cette méthode, irrationnelle pour un bon gestionnaire, ne manque pas de pertinence pour une politique. »
(Voir PLUCHON Pierre, Toussaint Louverture, p.416.)

A ce sujet Thomas Madiou écrit : « Sous Toussaint Louverture, les caisses de l’Etat étaient celles du gouverneur; sous Dessalines, elles étaient devenues celles de l’empereur. Tant est funeste le mauvais exemple donné par un prédécesseur! »
(Voir MADIOU Thomas, Histoire d’Haiti, t. III, p.228)


Jean-Jacques Dessalines :

« Autocrate et engagé dans des pratiques individuelles d’utilisation de la caisse publique comme sa cassette personnelle, Dessalines servira d’exemple aux membres de son gouvernement qui, en l’absence de contre-pouvoirs, sombreront dans la débauche administrative et la concussion. »
(Voir PEAN Leslie J.-R., Haiti : économie politique de la corruption. De Saint-Domingue à Haiti 1791-1870, p.93.)


Alexandre Pétion :

Sous son régime, le gaspillage des deniers de l’État, le vol et la concussion étaient érigés en principe.
(Voir TROUILLOT Hénock, « La République de Pétion et le peuple haitien », dans Revue de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie, #107, Port-au-Prince, janvier -avril 1960, p.36)


Henry Christophe :

En référence aux 234 millions de francs qu’aurait laissés Christophe à sa mort et ses nombreuses plantations et maisons, Benoit B. Joachim écrit : «Trésor royal, ou trésor du roi? Question sans grande importance; à ce niveau, la confusion de la caisse privée et de la caisse publique est totale, le pouvoir personnel est financier autant que politique.»
(Voir JOACHIM Benoit B., p.158)

Notons que seul le Roi Christophe a su imposer le respect du paiement des taxes et des droits de douane. Il est l’un des rares dirigeants haïtiens à laisser derrière lui, une caisse remplie.

Monsieur Pierre Étienne a signalé l’exception Christophe dans le paragraphe suivant :
En matière de corruption, les militaires, serviteurs de l’État et commerçants étrangers ne font que suivre le comportement des chefs d’État haïtiens. De Jean-Jacques Dessalines à Jean-Pierre Boyer, —- à l’exception du Royaume de Christophe où ces pratiques sont sévèrement réprimées —, la corruption constitue l’orientation globale de la politique des dirigeants haïtiens. Force est de constater avec Thomas Madiou que « dans les administrations en général, on mettait sans pudeur en pratique le pillage, le vol, la fourberie et la contrebande. Chacun s’efforçait de faire fortune, par n’importe quel moyen. »


Jean-Pierre Boyer :

L’absence de distinction entre domaine privé et domaine public faisait du président Boyer le successeur du Roi Christophe, l’héritier personnel de certaines des plantations laissées par ce dernier, parmi lesquelles les “Délices de la Reine”.
(Voir JOACHIM Benoit.)


Faustin Soulouque :

Soulouque considère le Trésor public comme son patrimoine privé et, à ce titre, il le gère en tant que tel. Alexandre Delva, l’un de ses anciens ministres, ne fait que le confirmer lorsqu’il avoue : « Je ne nie point avoir reçu de grandes faveurs de l’ex-empereur : qu’y aurait-il là d’étonnant, lorsqu’il a fait la fortune de beaucoup de gens… »
(Voir DOUBOUT Jean-Jacques (HECTOR Michel), “Haiti : féodalisme ou capitalisme? Essaie sur l’évolution de la formation sociale d’Haiti depuis l’indépendance”, Texte polycopié, Port-au-Prince, 1973, p. 14. )


Fabre Geffard :

Geffrard, le premier chef d’État de la période initiale de ce que nous considérons comme la phase de désintégration de l’État haitien, n’est pas différent de ses prédécesseurs. Au contraire, il pousse la logique néopatrimoniale à son ultime conséquence, en achetant son champagne sur le budget de l’hôpital et en imputant les dépenses de la boucherie sur celui de sa garde privée.
(Saint-JOHNS Spencer, p.170)

La pratique systémique de la contrebande diminue considérablement les recettes publiques. Celles-ci proviennent essentiellement des droits de douane à l’importation et à l’exportation établis et prélevés par l’État haitien. Déjà sous le régime de Dessalines, les ports ouverts au commerce extérieur contribuaient à l’enrichissement illicite des commandants d’arrondissements, des serviteurs de l’État et des commerçants-consignataires. Aussi, la contrebande s’est-elle institutionnalisée en développant des liens de complicité étroits entre les marchands, ce qui explique que les fonctionnaires imprudents tentant de s’y opposer sont dénoncés par les contrebandiers et sanctionnés par leurs supérieurs hiérarchiques.
(Sauveur Pierre-Etienne, Haiti - Rep.Dominicaine et Cuba. Etat, économie et société, 1492 - 2009. p.148)

En référence à ce mal congénital de l’État haitien, l’historien Madiou fait observer : « Dans la plupart des ports ouverts au grand commerce, les négociants étrangers, en corrompant les agents de douane, faisaient débarquer par contrebande la plus grande partie des marchandises qu’ils importaient. Ils exportaient les denrées par le même moyen. Ils faisaient de rapides fortunes et suscitaient toutes sortes d’embarras à ceux des agents du gouvernement qui refusaient de transiger avec eux. Ces derniers étaient sans cesse en lutte avec la corruption que les étrangers répandaient de toutes parts, et succombaient quelques fois sous leurs attaques réitérées par de fausses dénonciations. »
(Voir MADIOU Thomas, p.318-319 Voir aussi PÉAN Leslie J.-R., Haiti : économie politique de la corruption. L’État marron (1870-1915), t.2, Paris, Maisonneuve & Larose, 2005, pp. 278-279.)

La complicité irresponsable des dirigeants haïtiens n’empêche pas les observateurs étrangers avisés de comprendre la profondeur de mal qui ronge l’État. Déjà en 1828, le consul britannique Mackenzie fait remarquer qu’il n’existe pas de pays où la contrebande s’étale aussi effrontément qu’en Haiti. Dix ans plus tard, le plénipotentiaire français Emmanuel de Las Cases reconnaitra que la contrebande est depuis plusieurs années un des principaux obstacles à la prospérité du jeune État.
(Voir JOACHIM Benoit B., Les racines du sous-développement en Haiti, p.152-153.)

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