samedi 13 avril 2019

Haiti : Pour un État fort, capable de concevoir un espace économique et géopolitique garantissant l’émancipation des jeunes haïtiens.-

Haiti : Pour un État fort, capable de concevoir un espace économique et géopolitique garantissant l’émancipation des jeunes haïtiens.- 

[ L’urgence de repenser d’abord l’État haitien et les relations haitiano-dominicaines. ]

En février 2019, le livre “Prisoners of Geography’ (Prisonniers de la Géographie) de Tim Marshall nous a permis de mieux comprendre le déterminisme géographique qui conditionne la vie des peuples. Comme conclusion, nous avons pu comprendre que notre pays #Haiti ne peut pas échapper à son destin de pays de la Caraïbe, située dans l’arrière-cour des Etats-Unis, une hyper-puissance économique, politique, culturelle, technologique et surtout militaire; aussi, sommes-nous voisins de la République Dominicaine avec laquelle nous partageons l’île et obligés de cohabiter pour le meilleur et pour le pire.

Ce qui fait penser au RealPolitik. Suivant cette approche, Haiti doit sortir de sa tradition politique passionnelle ou idéaliste pour adopter des politiques qui sont conformes à sa réalité économique, sociale, géopolitique pour le bien-être de son peuple, en tenant compte des intérêts de ses voisins, dans une logique d’harmonie parfaite et de négociations permanentes.

Tenant compte du fait que le maitre de la RealPolitik s’appelle Henry Kissinger, nous avons donc pensé à acheter le livre “Kissinger the Negociator” de James K. Sebenius, R. Nicholas Burns et Robert H. Mnookin.

Mais d’abord, il fallait lire un livre sérieux sur l’histoire de l’évolution de notre pays, dans la caraïbe, par rapport à d’autres États de la région comme Cuba et la République Dominicaine. En ce sens, le livre du professeur Sauveur-Pierre Etienne “Haiti, La République Dominicaine et Cuba” (Etat, économie et société de 1492-2009) tombe à point nommé, avec ses 1252 références bibliographiques.

Dans son travail de recherche Professeur Pierre-Etienne décrit les moments cruciaux du développement de ces trois 3 Etats. Sans prétendre faire un résumé du livre, nous pouvons dire que nous avons été marqués par l’importance des Etats dans la concurrence capitaliste mondiale.

Nous avons compris que si nos ancêtres ont fondé l’État d’Haiti, c’était dans le but de mettre à la disposition du peuple noir, un outil de défense sur la scène internationale qui à ce moment était dominée par des Etats colonialistes, esclavagistes qui refusaient de nous considérer comme des êtres humains. Cet Etat “anti-esclavagiste/non-indépendant ou associé” fondé par Toussaint Louverture est devenu “anti-esclavagiste/indépendant”, après l’acte radical du Général Jean Jacques Dessalines, le 18 novembre 1803. Il portait une revendication que même des mulâtres comme Pétion ou Boyer ont respectée : L’abolition de l’esclavage, la liberté des noirs.

1- Après lui avoir fourni armes, argents, nourriture et soldats, le Général Alexandre Pétion n’a fait qu’une seule demande à Simon Bolivar : Abolition de l’esclavage dans les territoires qu’il aura libérés après chaque bataille ;

2- La première décision de Broyer en arrivant à Santo Domingo fut : l’abolition de l’esclavage et la distribution de terres aux nouveaux libres.

D’ailleurs ce fut le cas pour Toussaint Louverture lors de la conquête de la partie Est ou orientale de l’Ile.

Ainsi, pour empêcher à l’État d’Haiti de remplir son rôle de défense de la liberté et de l’émancipation des noirs, les grandes puissance ont mis en place une politique visant à l’affaiblir continuellement, l’empêchant de se renforcer.

Normalement, un Etat doit pouvoir monopoliser la contrainte physique i.e. faire respecter les lois de police et de sureté et la contrainte administrative ( collecter des taxes et des impôts pour pouvoir agir et entretenir sa légitimité populaire, son utilité; et surtout, protéger son patrimoine et ses avoirs — la lutte contre la corruption.)

C’est sur ces deux points que les comploteurs au niveau international ont joué pour affaiblir l’État indépendant créé par Jean-Jacques Dessalines.

Tout d’abord, il y a eu ce refus de payer les droits de douane. L’Empereur Dessalines a été assassiné, suite à son intervention dans le Sud contre les contrebandiers. Ensuite, il y a l’instabilité constante téléguidée par des commerçants du bord de mer qui sont en fait des agents de Puissances étrangères. Jusqu’à présent, les ennemis de la nation continuent de manipuler ses fils et filles pour provoquer la violence politique, des groupes armés, afin d’empêcher à l’Etat d’Haiti de se renforcer, d’avoir la capacité de monopoliser la violence (contrainte physique) et les contraintes fiscales.

Toujours dans le livre de Monsieur Pierre-Étienne, nous observons que les Etats dominicains et Cuba ont pu se renforcer à partir de dictatures neo-sultanistes dont les leaders les mieux connus sont Rafael Leonidas Trujillo et Fulgencio Batista à partir d’une nouvelle dynamique de centralisation du pouvoir, d’emboitement du territoire, qui permet aux dirigeants de collecter “les ressources nécessaires à l’organisation de ses appareils répressifs et administratifs…”

Alors, pourquoi la dictature neo-sultaniste de Dr François Duvalier n’avait-elle pas produit le même résultat?

En réponse à cette question, monsieur Pierre Etienne a préféré parler d’obscurantisme et de l’exclusion des masses populaires. Mais, nous savons que fondamentalement, c’est à cause des sentiments anti-duvaliéristes de l’auteur. Car, il est clair, que tous les problèmes de François Duvalier avec l’international étaient causés par son idéologie noiriste. Il est un fait que Trujillo qui a fait de son fils de 4 ans un Colonel de l’Armée Dominicaine et à 9 ans un général (dans le livre de Pierre-Etienne), n’était pas plus éclairé que le Dr François Duvalier. La dictature la plus féroce de l’époque n’était pas en Haiti. Passons!

Toutefois, il faut comprendre que dans les années 50, alors que la ségrégation raciale faisait rage aux Etats-Unis, une doctrine et/ou une idéologie qui valorise le nègre — démagogique ou pas, devait être combattue.

Le professeur Manigat n’a-t-il pas été victime d’une campagne dans laquelle on lui prête des idées noiristes?

Bref !


On peut dire que l’avenir d’Haiti passe par la volonté des haïtiens d’édifier un État fort, adapté à la nouvelle réalité — concurrentielle et capitaliste — mondiale.

Car, derrière chaque grande entreprise qui opère sur le marché global, il y a un État fort pour défendre ses droits et intérêts.
* Derrière Google, Apple, Facebook, il y a l’État Américain;
* Derrière les multinationales européennes, il y a l’Union Européenne;
* L’Etat chinois pour les entreprises chinoises…
* Et à la base de ces entreprises, il y a des investisseurs, des banques, des travailleurs…la croissance économique.

Comment allons-nous garantir l’avenir de notre peuple, créer des emplois pour les jeunes, défendre notre diaspora….si l’État haitien n’existe pas i.e. s’il n’arrive pas à monopoliser la force pour faire respecter la loi et collecter taxes et impôts?

Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines l’ont compris :

1- il fallait créer une armée nationale pour confronter la violence des colons esclavagistes,

2- puis, fonder un État capable de garantir aux noirs, l’exercice des droits liés à la liberté.

Aujourd’hui, il est de notre devoir de moderniser cet État, de l’adapter à la nouvelle réalité capitaliste mondiale et le renforcer suivant la logique démocratique.

Le devoir de tous les patriotes est de contribuer au renforcement de cet Etat et à la paix sociale. Un haitien qui agit en agent étranger attisant la violence politique, est un apatride. Nous avons dit PATRIOTES !!!

Sur ce, renforcement signifie aussi, capacité de l’État à protéger ses biens meubles, immeubles, ses avoirs : le trésor public. D’où, l’obligation de lutter contre la corruption.

Aussi, ceux qui exercent le pouvoir, doivent-ils comprendre que l’État ne peut pas être réduit à une personne, à leur personne ni à leur clan….l’État c’est NOUS, représentés par des institutions.

Enfin, nous devons accepter que la République Dominicaine et Cuba ont une longueur d’avance titanesque sur Haiti... les considérer comme des opportunités. Car, partager une frontière terrestre avec une économie stable et en pleine expansion, c’est un privilège géographique. Les dirigeants haïtiens ont intérêt à coopérer avec la République Dominicaine sur les dossiers importants pour sa sécurité intérieure, la lutte contre le crime organisé transfrontalier, l’immigration illégale, l’environnement…

Les dominicains progressent énormément dans des secteurs comme le tourisme et la sous-traitance. On pourrait envisager une stratégie de complémentarité, suivant une logique d’interdépendance géographique i.e. deux (2) peuples prisonniers sur une ile, exposés aux mêmes difficultés environnementales, sismiques… les mêmes défis comme le trafic de drogue, le crime organisé, le trafic humain, le trafic d’organes…

Imaginez, une catastrophe naturelle mondiale comme l’irruption du volcan de Californie dont les cendres pourraient anéantir l’humanité sur une courte période, un puissant séisme ou du moins la fonte de la l’Arctique. Haitiens et Dominicains se retrouveront ensemble, sur l’Ile, isolés du reste du monde, obligés de coopérer pour survivre.

Cela ne sert à rien de dire aux enfants dominicains que Haiti a occupé son pays, sans lui en expliquer le contexte historique ni le fait que c’est grâce à ces invasions que l’esclavage fut aboli dans la partie Est de l’Ile, suivi de distribution de terres aux nouveaux libres (Toussaint Louverture le 27 février 1801 / Jean Pierre Boyer le 9 février 1822). D’ailleurs, l’État colonialiste et esclavagiste espagnol annexa le territoire dominicain — sur demande de dirigeants blancophiles dominicains — dix sept (17) ans après le départ des forces haïtiennes.

Une meilleure connaissance de l’histoire des deux (2) peuples permettrait d’instaurer une culture de respect mutuel.

Définitivement, Haiti doit développer avec la République Dominicaine des relations pragmatiques, à l’instar

- des Etats-Unis et de l’Angleterre (Royaume Uni);
(une ancienne colonie et son ancienne métropole)

- de l’Inde et du Royaume Uni;
(une ancienne colonie et son ancienne métropole)

- du Portugal et du Brésil;
(une ancienne colonie et son ancienne métropole)

- du Mexique et des États-Unis;
(une pays qui a vu 2/3 de son territoire annexé par un puissant voisin, mais qui grâce à sa langue et sa démographie, reprend l’avantage culturel, linguistique et même économique sur les territoires perdus et même sur l’ensemble du territoire américain.)

- des États-Unis et de la Chine;
(une superpuissance concurrencée par un ennemi émergeant; mais, les deux (2) acceptent l’interconnexion économique comme moyen de coexistence pacifique, une police d’assurance de non-agression, vu que l’effondrement de l’un, entrainerait la destruction de l’autre.)

On appelle cela #SoftPower ou #SmartPower.

Nous devons être assez intelligents pour transformer nos contentieux historiques en puissants liens d’interdépendance, de coexistence pacifique au profit des deux (2) peuples.



Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti
#LeReCit @ReseauCitadelle
reseaucitadelle@yahoo.fr
http://reseaucitadelle.blogspot.com
13 avril 2019

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