mardi 20 mai 2008

Faut-il un administrateur international pour Haïti ?

Cyrus Sibert, AVEC L’OPINION,
Radio Souvenir FM
Cap-Haïtien, Haïti
reseaucitadelle@yahoo.fr, reseaucitadelle@gmail.com
http://www.reseaucitadelle.blogspot.com/

Haïti est de plus en plus perçue comme une entité chaotique ingouvernable. En moins de 5 ans, la capitale Port-au-prince est saccagée à deux reprises, sans compter les pillages continus dans les zones dites de non droit gardées par des gangs proches d’Aristide. Des entreprises sont détruites : Banques, maisons de commerce et bureaux publics en sont sortis victimes. Si à travers 200 ans d’histoire les conflits politiques sont solutionnés dans la rue, c’est à cause de l’irresponsabilité des institutions étatiques. Les dossiers d’Etat sont traités par des individus irresponsables qui au lieu de les poser en fonction des intérêts supérieurs de la nation en considérant les enjeux géopolitiques, les abordent avec la dimension la plus primaire liée à des gains personnels. Face à ces gouvernants irresponsables, il y a de l’intérieur un peuple exclu qui souffre et à l’extérieur des objectifs géostratégiques de Puissance voisine. L’échec d’une bonne gestion interne entraîne émeutes, pillages, chambardement total et/ou interventions étrangères. Les pays dits amis qui voient en Haïti un maillon de leur sécurité nationale sont très présents. Avec le temps ils sont devenus des acteurs internes.

Peut-on condamner un peuple qui se révolte contre l’exclusion et la faim qui résultent de l’irresponsabilité de ses dirigeants ? Doit-on critiquer l’intervention d’une puissance qui se voyant fragilisée par le comportement irresponsable de voyous, décide d’utiliser ses moyens pour remédier à la situation ?

Dans notre texte : Qu’avons-nous fait de notre souveraineté ? Publié dans la Revue CCAJ par le Professeur Jean-Claude Bajeux en juin 2006, nous avons écrit : « Au 21eme siècle, comme les armes de destruction massive, la souveraineté est l’affaire des nations responsables »
On ne vous laissera pas la possibilité de déstabiliser toute une région du globe au nom d’un quelconque ‘‘Droit à l’autodétermination des nations’’. Et comme mesure de correction, il y a le ‘‘Droit d’ingérence’’.

Nous remarquons que ce qui interviennent sur la scène politique de même que les leaders d’opinion oublient certains faits qui nous ont emmené là où nous sommes : sous tutelle des nations unies. Ils ne prennent pas en compte les nouvelles méthodes de résolutions des conflits dans des endroits jugés stratégiques mais gardés par des gens dépassés. La communauté internationale émiettera ton territoire ou te mettra sous tutelle totale avec une administration spéciale. C’est ce qu’elle a fait au Kosovo, en Irak, aujourd’hui en Bolivie. Si nous persistons dans la barbarie et l’anarchie, plus tard ce sera Haïti. Au Kosovo ou en Irak, il était question de respecter l’intégrité des Etats. Cela n’empêche pas que le Kosovo soit devenu indépendant et l’Irak balkanisé en ethnies. Les Turcs mènent tranquillement leurs opérations contre les kurdes dans le Nord du pays. En Bolivie, un Morales trop prétentieux commence par vivre ses premiers moments difficiles face à une province riche en gaz qui vient de voter pour son autonomie.
Nous ne sommes pas prophète de malheurs. Notre réflexion est basée sur des faits historiques.
En 2003, le journaliste Michel Vastel de la presse canadienne avait rapporté le projet du Groupe INITIATIVE D’OTTAWA : Selon le bimensuel québécois "L’Actualité", Paris, Washington et Ottawa envisagent une mise sous tutelle de Haïti pour mettre fin à la "terreur" et à la faim qui y règnent. La situation haïtienne n’en finit pas de lasser la communauté internationale qui, au début des années 1990, s’était mobilisée sans compter pour aider le petit des Caraïbes à renouer avec la démocratie. Fin janvier, raconte L’Actualité, bimensuel canadien d’informations générales de Montréal, "une rencontre secrète s’est tenue à Ottawa et sur les bords du lac Meech, dans le parc de la Gatineau ". Le secrétaire d’Etat canadien pour l’Amérique latine, l’Afrique et la francophonie, Denis Paradis, avait invité des représentants de l’Organisation des Etats américains (OEA), de l’Union européenne et de l’Agence intergouvernementale de la francophonie à "brasser des idées" sur le drame haïtien, pour tenter de trouver une solution. La France était représentée par le ministre délégué à la coopération, Pierre-André Wiltzer, et le département d’Etat américain par deux hauts fonctionnaires.
Selon l’auteur, l’initiative du Canada s’explique parce que " la France est trop préoccupée par ce qui se passe en Côte d’Ivoire" et les pays membres de l’OEA sont divisés sur la façon d’intervenir en Haïti, "qui serait devenu au cours des dernières années plaque tournante importante du trafic de la drogue", une constatation partagée par de nombreux observateurs. Avec un taux de chômage officiel de 60 % et un produit intérieur brut par habitant de 469 dollars par an, Haïti n’en finit pas de s’enfoncer dans la crise.
En raison du blocage politique qui a marqué le mandat du président Préval (1996-2000) et celui qui persiste depuis la réélection de Jean-Bertrand Aristide, L’Actualité rappelle qu’"au moins 1 milliard de dollars en aide internationale sont retenus par les bailleurs de fonds, qui craignent que les sommes ne soient utilisées à d’autres fins". Les élections contestées de novembre 2000 n’ont fait que renforcer l’impasse totale entre le parti du président Aristide et l’Organisation du peuple en lutte (OPL), qui contrôle le Parlement.
"Depuis, c’est un véritable régime de terreur qui s’est installé", poursuit le magazine, qui explique que"la communauté internationale entend, selon un nouveau principe des Nations unies, se prévaloir de sa responsabilité de protéger". Lors de la réunion au Canada, aucune décision n’était à l’ordre du jour, "mais dans les milieux diplomatiques français, on indique qu’on a beaucoup parlé d’une sorte de "mise en tutelle", comme au Kosovo", écrit Michel Vastel. Ou comme en Afghanistan, où le secrétaire général de l’ONU a nommé un représentant spécial à Kaboul, l’Algérien Lakhdar Brahimi, pour superviser la reconstruction du pays après l’intervention américaine contre les talibans et Al Qaida.

Haïti est ainsi perçue comme une menace sur le plan stratégique depuis 2003, un pays ingouvernable par ses nationaux. Les dirigeants irresponsables ne comprennent pas que nous représentons un point faible spécifiquement à la frontière Sud des Etats-Unis et généralement de tous les pays du Nord.. Les criminels, spécialement les trafiquants de drogue, utilisent notre territoire pour installer leur base et menacer la sécurité de nos voisins. Ne croyez pas que nos puissants amis resteront le bras croisés nous regarder marchander nos votes au parlement ou miner les institutions pour garder la présidence. Ils sont sur le point de trouver une forme acceptable. La MINUSTAH est la première étape. Si politiquement ils n’arrivent pas à maintenir la façade de non ingérence sauvage, les pays dits amis, spécialement notre puissant voisin, radicaliseront leur position.

Les dirigeants américains ont des préoccupations. Ils ne sont pas comme nos irresponsables. Ainsi, ils nous observent et nous abordent avec leurs préjugés racial, religieux et de super-puissance. Il y en a beaucoup qui se contentent de haïr l’Amérique. Ils le font depuis longtemps mais en terme de résultats, qu’est ce que cela nous apporte ? L’Amérique continue de grandir et nous devenons de plus en plus dépendant d’elle. C’est un fait que pays pauvre, Haïti se situe à proximité de l’Etat le plus riche. Et ce pays puissant ne nous laissera pas la possibilité d’ignorer ses intérêts stratégiques voire même menacer ses frontières. A travers toute l’histoire cela à toujours été le cas : Babylone, Perse, Grèce, Rome, Espagne, France, Angleterre, Turquie, URSS, et aujourd’hui Venezuela : le puissant voisin cherche à influencer les petits. Les Israéliens l’ont compris, ils ont construit leur projet d’Etat juif et de puissance régionale à l’intérieur du projet hégémonique et impérialiste des Etats-Unis. Malheureusement, nous autres haïtiens nous abordons mal la question. Nous passons notre temps à faire du Nationalisme romantique. Intoxiqués par des idéologies démagogiques, nous nous confinons dans une logique de martyrs. Sans nous rendre compte que toute un système d’explication de notre échec existe : Ce sont des anciens esclaves, des nègres, des vodouisants adeptes du paganisme, etc. Et sur ce dernier point, la pensée américaine dominée par des protestants puritains peut en déduire que ce pays de la caraïbe est un Etat du diable. A l’oppose d’Israël, la cite de Dieu, Haïti est la cité du diable. Avec un catholicisme de façade, ce peuple adore Satan. Une telle explication donnera bonne conscience a notre super voisin pour justifier notre échec et continuer a défendre des intérêts.

Le fait de rester dans notre boue, nous lamentant en martyr ne changera rien. Nos dirigeants doivent se comporter en responsables pour sortir Haïti du trou.

Dans le livre « The United States Occupation of Haiti 1915-1934 » de Hans Schmidt, nous lisons les principales causes de l’invasion de 1915. Il s’agissait d’abord de défendre le canal de Panama contre les allemands et les autres puissances qui cherchaient à supplanter les Etats-Unis dans la région. Dès 1903, l’Amérique décide de renforcer son influence dans la région. Car la guerre contre l’Espagne avait prouvé la nécessité d’accroître la puissance navale des Etats-Unis.

En difficulté dans la caraïbe face à l’Espagne, la Flotte américaine stationnée à Oregon a pris beaucoup de temps pour longer la cote pacifique de l’Amérique du Sud jusqu'à la terre de feu, Chili, et remonter dans la Caraïbe renforcer la marine américaine. Aussi, les Etats-Unis s’étaient donnés pour objectif de devenir une puissance asiatique. L’acquisition de Hawaii est entrée dans cette logique. Ils devaient contrôler l’Asie du Sud-est. Ils ont tenté plusieurs actions au niveau de la région. Acquisitions de petites îles, occupations de territoires comme les Philippines, initiatives politiques dans les affaires internes de plusieurs pays de la région. Dans la Caraïbe , les navires anglais qui assuraient la sécurité dans la zone étaient obligés de rentrer chez elles. Elles devaient protéger l’Angleterre face aux sous-marins d’attaque allemands.

A partir de ce constat Théodore Roosevelt Secrétaire d’Etat de la Marine , décida avec le support d’autres dirigeants responsables des Etats-Unis de prendre les mesures géostratégiques nécessaires pour l’expansion de la puissance de leur nation. Ils firent du Panama un Etat indépendant dans lequel ils construisirent un canal qui relia les deux océans. Un point stratégique sur le plan commercial et militaire. Un point important pour agir en Asie et si nécessaire faire face à une menace sur la cote atlantique, assurer des échanges commerciaux entre les deux cotes du territoire américain. Ce point stratégique est partie intégrante de la caraïbe. Avec la construction de cet ouvrage, la zone devient plus importante pour les Etats-Unis. Elle est déterminante dans l’équation sécurité Nationale des Etats-Unis.

En conséquences, invasions, occupations militaires suivies de dictatures proaméricaines, acquisitions de territoires comme Virgin Island se succèderont. Pour nous autres haïtiens l’île La Navase est disputée. Les américains veulent nous l’enlever. Les Etats-Unis veulent une main mise totale sur la zone. N’en déplaise aux rêveurs, ces nationalistes qui préfèrent quémander l’aide étrangère au lieu de ramener diplomatiquement ou de force – avec dignité - les moyens utiles au développement de leur Etat-nation, nous ne condamnons pas cette volonté de puissance du peuple américain. Nous condamnons de préférence l’absence de volonté de puissance chez les dirigeants haïtiens. Nous ne condamnons pas non plus le nationalisme de Fidel Castro, de Chavez, ni celui de Vladimir Poutine, de Ariel Sharon, des Turcs, des Iraniens, des Gaullistes, des Chinois, des Dominicains, etc. Nous ne supportons pas et dénonçons le caractère répressif des régimes, les attaques contre les civils non combattants, toutefois, nous adorons ceux qui défendent les intérêts de leur pays.

C’est ce qui nous dérange en Haïti. Avant 1915, comme d’habitude, nos élites s’amusèrent à parler du bon français et à boire du bon vin de Paris. Les politiciens eux, s’amusèrent à détruire leurs adversaires, à se lancer dans des guerres comme celle qui existe aujourd’hui entre Préval et le regroupement LESPWA. Les masses comme d’habitude croupissaient dans la misère et la saleté.. Ce jeu entre les privilégiés et les exclus créa des brèches pour les services secrets étrangers et les criminels. Ils ont toujours à leur disposition une infrastructure sociale pour comploter, renverser les gouvernants qui refusent de satisfaire leurs projets et cela jusqu’aux violences contre le gouvernement de Vilbrun Guillaume Sam. Apres l’exécution de plusieurs opposants politiques, Haïti a connu des actes de violence extrême. L’ambassade de France est envahie par la foule. Le président est maltraité et écartelé. Bref, Haïti est occupée. Les Etats-Unis en profitent pour résoudre ses problèmes et atteindre ses objectifs géopolitiques : expulser les allemands, couper l’influence de l’Europe (Franco-allemande) en Haïti.

Aujourd’hui, l’histoire se répète. La Chine est très influente dans la zone et cela intrigue les Etats-Unis. L’Iran, l’ennemi juré de l’Amérique, qualifié d’Etat voyou et de fer de lance du terrorisme international, y est très actif. Il bénéficie de coopération privilégiée avec le Venezuela de Chavez et beaucoup d’autres pays latino-américains. En 2007, nous avons lu dans la presse, la décision du Conseil national de sécurité des Etats-Unis d’orienter les anciens agents de la guerre froide vers la Caraïbe et l’Amérique du Sud. En mai 2008, un article de Fidel Castro Cruz dénonce la mobilisation de la 4e flotte américaine qui avait servi à combattre les navires allemands durant la 2ème guerre mondiale. Cette flotte est destinée à contrôler l’Amérique latine et à intervenir au besoin. Le porte-avion George H. W. Bush, fraîchement sorti, y sera affecté.

On parle du développement de réseaux terroristes dans la Caraïbe. Trinidad & Tobago est indexé.. Haïti offre un espace de transit aux trafiquants de drogue qui ne cessent de prospérer à partir de notre Etat en faillite. Les Services Etasuniens observent une augmentation considérable du trafic illicite de stupéfiants entre Haïti et le Venezuela de Chavez. Le Mexique est dominé par des groupes criminels très puissants qui osent frapper les plus hauts gradés de sa police et menacer la sécurité de la frontière poreuse des Etats-Unis. Sur le territoire voisin d’Haïti, soit en République Dominicaine, il y a des intérêts américains considérables. L’armée dominicaine est continuellement entraînée et équipée par les USA. A Cuba s’annoncent des changements. C’est un pays qui défie les Etats-Unis depuis plus de 40 ans. Comme les Israéliens ont construit leur projet sous l’aile de l’Aigle de Ton Sam, le Lider Maximo Fidel Castro a profité de la guerre froide et des objectifs politiques de l’URSS pour libérer son pays de l’influence politique américaine, faire la révolution et défier sur tous les points son puissant voisin. Nos dirigeants actuels n’ont pas cette capacité. Ils se retrouvent plutôt à l’intérieur de projets politiques sans un agenda national. Nous faisons partie de l’ALTERNATIVE BOLIVARIENNE DES AMERIQUES (ALBA), le projet qui fait échouer le plan du Président Américain George W.BUSH de construire un grand marché de l’Alaska à la terre de feu – Chili. Sans parler des problèmes liés à l’immigration, Haïti est au centre des considérations stratégiques d’une super-puissance..

Au lieu de définir nos intérêts dans ce jeu d’influence et nous positionner avec intelligence, nous menons une diplomatie sans vision, nous affaiblissons nos institutions étatiques, nous continuons à nous entre-détruire. Nous nous amusons dans les guerres intestines. Nous abordons les questions nationales avec le souci d’obtenir des pots de vin et de garder le pouvoir dans une logique de jouissance. Nous avons appelé à voter Ericq Pierre parce que nous n’attendons rien de Préval. Donnez lui la chance de jouer ses cartes tout en renforçant nos institutions pour une alternative en 2010 est le comportement intelligent. Dans notre texte : ‘‘Aux encenseurs de René Préval, la marionette d’Aristide’’, nous avions mis en garde les démocrates haïtiens. S’il ne faut jamais perdre de vue les objectifs des Etats-Unis en Haïti, il ne faut pas non plus ignorer les visées du Président de la République. C ’est d’ailleurs la théorie de pouvoir des chefs d’Etat de l’ALBA : 1- Vassaliser le parlement 2- Amender la constitution en vigueur 3- Assurer la continuité du pouvoir en utilisant la façade électorale 4- Mettre en place des institutions parallèles (des commissions) pour affaiblir les institutions de l’Etat en attendant l’offensive finale.

Face au désarroi, des leaders politiques suivent des mouvements qu’ils ne maîtrisent pas. Appelez les citoyens à sortir dans la rue pour ensuite condamner les dégâts est une preuve que nous ne maîtrisons rien. Nous risquons de supporter des projets occultes de trafiquants de drogue ou de criminels antidémocratiques juste pour faire mal à René Préval. Les Américains verront que nous ne sommes pas responsables, comme ils avaient occupé Haïti en 1915 pour prévenir l’établissement de base navale allemande en Haïti, sans une alternative démocratique responsable, capable de prendre en compte les intérêts de tous nos partenaires et surtout de considérer les préoccupations du voisin superpuissant, l’Amérique cherchera à renforcer la tutelle. La dimension du nouveau local de l’ambassade de Etats-Unis en Haïti, sur la route de Tabarre est une preuve que l’Aigle n’abandonnera pas ce point géostratégique qu’est Haïti. On parle d’une construction pour une valeur de dizaines de millions de dollars, sans compter les bâtiments voisins récupérés après dédommagement pour donner à cet imposant local le caractère qu’il mérite.

L’Ambassadeur du Canada dénonce au micro de Radio Métropole le vide politique qui paralyse les interventions en faveur des populations en difficulté avec la hausse des prix de produits alimentaires. Micha Gaillard de la Fusion abonde dans le même sens : L’exécutif et le parlement n’arrivent pas à diriger le pays. La visite d’une délégation importante de l’OEA composée de membres de l’Union Européenne, de bailleurs de fonds et d’autres acteurs internationaux importants, est une des preuves de la préoccupation face à l’ingouvernabilité d’Haïti par son élite politique.

Malheureusement nos dirigeants sous-estiment les propos relatifs à l’insensibilité des dirigeants face à la misère des démunis. Cette rhétorique est utilisée ces derniers jours pour acculer la Birmanie , la Corée du Nord, l’Irak, l’Iran, la Syrie. Au conseil de sécurité les Etats-Unis et leur alliés soutiennent : cet état méprise son peuple. Il utilise ses ressources pour l’armement, laissant son peuple croupir dans la misère. Au congrès des Etats-Unis, on critique l’utilisation à outrance des ressources de la Chine au profit de l’armement. Le vocable : il faut nourrir le peuple est synonyme de Mission humanitaire. Il est souvent utilisé pour justifier l’ingérence dans la politique intérieure des nations. Il faut soulager les plus pauvres dans cette conjoncture de hausse des prix. Les émeutes de la faim nous avaient mis sous de gros projecteurs.

Aujourd’hui qu’est ce qu’on voit en Haïti ? Un premier Ministre déchu s’associe à des parlementaires corrompus pour bloquer la nomination d’un nouveau premier Ministre. Un président qui prend tout son temps pour assurer la continuité de son pouvoir autocratique et populiste. Un peuple qui de plus en plus fait face à la cherté de la vie. Des soldats de l’ONU qui, pris au piège de la ‘‘prévalocratie’’, risquent de payer de leur vie, l’irresponsabilité des gouvernants haïtiens.

En conséquence, l’international comprendra qu’à l’instar des Birmans, nous sommes des cyniques. La situation de misère de notre peuple ne nous dit rien. Les Canadiens auront raison de répéter : Si nous – Canadiens - avions traité nos chiens comme eux – le dirigeants Haïtiens – traitent leur citoyens, on nous aurait condamné à une peine de prison.

Deux situations peuvent en découler parmi tant d’autres. Si la communauté internationale constate que, par aucun moyen, les haïtiens n’arrivent pas à diriger leur pays, elle peut soit par une résolution désigner un administrateur comme Paul Bremer en Irak ou Bernard Kouchner au Kosovo soit provoquer l’émiettement du territoire haïtien pour diminuer l’influence des gouvernants et les mettre dos au mur. Car rien n’empêche la constitution d’une guérilla bien entraînée et bien équipée dans un point du territoire comme la Gonâve , La Tortue ou le Nord christophien, pour l’autonomie et/ou l’indépendance. Elle pourrait appeler le peuple à un référendum. L’Etat haïtien est tellement faible qu’il serait obligé de protester comme il le fait pour l’Ile La Navase , sans pouvoir ramener l’ordre. Il ne faut pas oublier qu’Aristide n’arrivait pas à mettre en déroute quelques civils armés dans la ville des Gonaïves. La situation d’exclusion qui s’installe détruit le sentiment national. D’ailleurs, aucun député ne pourra critiquer le manque de patriotisme des séparatistes. Au parlement, ils ne votent que pour de l’argent, des intérêts personnels. Un mouvement séparatiste serait légitime, vu que rien ne justifie, aux yeux du peuple, l’utilité de leur appartenance au territoire haïtien. Si les gouvernants de l’Etat central ne pensent qu’à leur pouvoir, chaque groupe d’haïtiens occupant un espace du territoire, peut aussi penser à son pouvoir personnel, sa survie sur l’espace détenu. Nous avions tous combattu pour l’indépendance, si aujourd’hui les dirigeants résidant à Port-au-prince font échouer le projet toutes les régions d’Haïti ont le droit de le constater et de penser à autre chose. La Gonâve est plus grande que Singapour, un petit territoire d’Asie qui contient environ 4 millions d’habitants soit la moitié de la population officielle d’Haïti.

Port-au-Prince s’aligne sur Chavez. Nos dirigeants ont mis en place un pouvoir de clan. Alors qu’est ce qui empêche de réduire l’influence de Préval par l’émiettement du territoire. Ce qui serait une autre forme de démocratie, vu que le peuple, en majorité, est exclu, enclavé dans des régions sans infrastructures, sans présence de l’Etat. C’est ce qu’on vit actuellement en Bolivie. Les Palestiniens ont perdu une grande partie de leur territoire parce qu’ils étaient sous protectorat anglais après la deuxième guerre mondiale. Récemment, l’occident, les Etats-Unis en tête, vient de créer un Etat KOSOVO. Alors qu’ils avaient promis dans les résolutions sur le conflit Yougoslave de respecter et de protéger l’intégrité du territoire Serbe.

Les Canadiens aimeraient bien faire l’expérience coloniale des grandes puissances. S’ils se font tuer en Afghanistan, c’est par volonté de puissance. Ils sont très présents en Haïti. Qu’est ce qu’ils cherchent ? Notre situation de tutelle était prédite dans la presse canadienne depuis 2003.

Nous devons réaliser que l’Etranger a un plan. Les haïtiens n’ont rien en perspective. Ils se contentent de critiquer les Etats-Unis, le Canada et la France. Peut-on condamner une puissance si elle voit dans le comportement de nos irresponsables une menace pour sa sécurité et décide de renforcer son contrôle sur notre Etat voyou ? Doit-on critiquer le Canada si par sa volonté de puissance, il voit en notre pays avec lequel il a un lien géographie, linguistique et social (diaspora haïtienne), un fournisseur de ressources humaines et un espace de vacances pour ses travailleurs ? Y a-t-il faute si l’Europe, le Brésil et le Chili voient en notre territoire une position avancée qui pourrait servir de gros entrepôts pour leurs usines ? Qu’est ce qu’il y a de mal si la France mise sur nous pour le moral des indigènes créolophones de ses DOM-TOM d’Amérique très éloignés de la métropole et tentés par l’indépendance ? Qu’est ce qu’il y a de mal si les Dominicains nous prennent pour des cochons capables de bouffer toutes leurs saloperies, des cobayes pour l’avancement de leur production ? Qu’est ce qu’il y a de mal si les Etats-Unis et le Brésil voient en notre territoire un espace idéal de plantation pour le biodiesel ? Qu’est qu’il y a de mal si le Venezuela se sert de nous pour provoquer la puissance des Etats-Unis dans la caraïbe ?

Il n’y a aucun problème, parce qu’en fait nous n’avons pas de politique. Nous ne sommes pas à la hauteur, nous ne pouvons pas exercer la souveraineté. Nos voisins et amis ont légitimement le droit de penser pour nous. Comme d’habitude, nous vacillons entre les grands courants mondiaux sans tirer notre épingle du jeu. Nous représentons une menace écologique. Nos déchets infestent toutes les plages de la caraïbe. Alors, c’est normal pour un état sérieux de penser à notre territoire comme lieu de refuge au cas ou, dans le cadre du changement climatique, l’environnement du pays représenterait une certaine hostilité.

Les réflexions dans ce texte paraissent horribles et terribles. A force de croire que l’indépendance est irréversible, que la souveraineté est éternelle, nous refusons de travailler. Nous continuons de jouir des prouesses des nos héros. Le 20 mai 2008, l’ambassadeur des Etats-Unis à Port-au-Prince, Janet Ann Sanderson, se déclare préoccupée par le retard dans la formation d’un nouveau gouvernement. "Il faut un gouvernement pour répondre aux besoins des haïtiens et nous attendons une décision dans un meilleur délai". L’ambassadrice américaine connue pour son style courtois et discret est, dans cette déclaration, ferme : ‘‘…nous attendons une décision dans un meilleur délai". L’irresponsabilité de Préval et des mercenaires de la Chambre des députés incite la représentante des Etats-Unis à hausser le ton : ‘‘les Etats-Unis, en tant que voisin et ami, souhaite le développement d’Haïti..’’ Une façon de rappeler à ces irresponsables corrompus que le puissant voisin a des objectifs pour ce petit pays. Que c’est triste ! C’est encore l’étranger que nous critiquons à longueur de journée qui nous rappelle que notre comportement nuit au développement d’Haïti et à l’émancipation de son peuple. La comédie continue !

Cyrus Sibert
Cap-Haïtien, Haïti
20 mai 2008

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