Le Matin hebdo, Vendredi 12 - Jeudi 18 mars 2010 No 34209 Dissonances ! Corruption ! Washington et le président René Préval ne s'entendront sans doute jamais sur le vrai sens à donner à ce terme, surtout en matière d'éthique gouvernementale. Ils ne parlent pas le même langage. M. Préval a récemment pris à partie, ici à Port-au-Prince, deux journalistes du Washington Post et de l'Associated Press, lors d'une rencontre de haut niveau avec des officiels du Pentagone et du Département d'État. La rencontre a failli capoter au grand dam des hôtes américains du chef de l'État. Il était justement énervé et se disait on ne peut plus « fatigué » de tous ces articles et éditoriaux de la presse américaine qui ne cessent d'accuser son administration de corruption. Durant son séjour officiel à Washington cette semaine, le président s'est lancé dans une opération de persuasion auprès de l'establishment politique de la capitale fédérale, les ténors de la presse compris, pour essayer de convaincre de son honnêteté et de celle de l'équipe gouvernementale. Gâchis !
Le président semble n'avoir que lui-même à être convaincu que, dans la gestion des affaires de l'État, la corruption relève désormais en Haïti du passé. Les Congressmen demeurent sceptiques quant à la capacité de Port-au-Prince à gérer sainement l'aide qui sera destinée à la reconstruction. De la Maison Blanche au Département d'État, c'est tout le Washington politique qui questionne et exige des garanties sur la bonne utilisation des dollars du contribuable américain. On parle de milliards. Même nos confrères du Washington Post, généralement très pondérés dans leurs approches des choses, et qu'il a tenu à visiter dans leurs locaux, n'ont voulu lui accorder le bénéfice du doute. La corruption est un fait vécu au quotidien dans les sphères du pouvoir en Haïti, disentils dans un éditorial. Comme une pieuvre, le phénomène étendrait ses tentacules jusqu'au secteur privé haïtien où des acolytes du pouvoir continueraient de bénéficier de « juteuses affaires ». En termes de relations publiques, le Washington Post qualifie de « débâcle» l'offensive du président haïtien à Washington pour gagner la confiance de la Maison Blanche et du Congrès. Une confiance qui fait sérieusement défaut au moment où le locataire du Palais national est engagé dans d'intenses activités de lobbying pour que l'aide américaine passe directement par l'État haïtien.
Le président haïtien et ses conseillers semblent n'avoir pas capté le message pourtant clair que leur lancent nos partenaires de Washington et des institutions financières internationales qui y sont établies. Le FMI, la Banque mondiale et la Bid ont tous leurs quartiers généraux là-bas. C'est une petite ville aux longs bras, et où les lieux de pouvoir et d'argent se croisent et s'entrecroisent. Dans le meilleur comme dans le pire. Là où, côté haïtien, on devrait annoncer un ensemble de mesures concrètes pour mettre en confiance nos puissants partenaires et autres bienveillants donateurs, nous avons plutôt affaire au marronnage et aux dénégations des officiels pour masquer l'évident, contourner l'incontournable et différer la nécessaire modernisation de l'État haïtien. M. Préval a initié ces derniers jours un débat sur les thèmes de refondation et de reconstruction. Beau débat dans l'Haïti des beaux causeurs ! Ce qu'il nous faut pourtant aujourd'hui, c'est d'abord des guides, des faiseurs et des bâtisseurs. Ils sont vraiment les seuls aptes à nous libérer de cette corruption tentaculaire.
Daly Valet |
samedi 13 mars 2010
Editorial: Dissonances, par Daly Valet
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