mardi 6 avril 2010

Un passager français prend la défense d'un Haïtien en passe d'être déporté.

Groupe d'Appui aux Rapatriés et Réfugiés

GARR

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Témoignage sur la déportation ratée d'un Haïtien en France

Un passager français à bord d'un avion prend la défense d'un Haïtien en passe d'être déporté, pieds et mains liés, vers Haiti

06 avril 2010

Frank ALEXANDRE, citoyen français, raconte l'intervention qu'il a faite, le 17 mars 2010 à l'aéroport d'Orly à bord d'un avion de la compagnie CORSAIR pour s'opposer à la déportation d'un Haïtien.

A peine avait-il embarqué, que des cris lui parvenaient de la partie arrière de l'appareil où des policiers en civil et en uniforme s'agitaient autour d'un homme menotté, les mains derrière le dos et les pieds liés, confie Alexandre. L'un des policiers avait sa jambe gauche sur le clandestin nommé Charly alors qu'avec ses mains, il lui tenait le visage, explique le passager français. Un autre policier aidait son collègue à immobiliser Charly.

Le ressortissant haïtien ne cessait de hurler qu'il ne voulait pas retourner à Haïti, qu'il avait tout perdu, sa maison, ses proches et qu'il préférait aller en prison ici parce que là-bas il n'y avait que la mort, rapporte Franck Alexandre. « Je me suis immédiatement insurgé devant cette situation, poursuit le citoyen français, sachant ce que ce peuple vient d'endurer et qu'il y a une trêve entre la France et Haïti, trêve qui permet à tout ressortissant Haïtien de pouvoir demander l'asile sur le territoire Français ». M. Alexandre s'est adressé aux policiers en ces termes : Etait-il normal de maintenir cet homme de cette façon aussi inhumaine, humiliante et inacceptable.

Franck Alexandre a cherché et obtenu l'appui d'autres passagers à bord de l'avion pour défendre la cause du citoyen haïtien, sujet à déportation. Entre temps, il a pu joindre au téléphone le service de reportage de France 2 télévision pour l'informer de cette déportation en cours. Peu de temps après le commandant de bord alerté sur cet appel a garé l'avion en bout de piste et les policiers sont descendus de l'appareil en compagnie de Charly qui a pu ainsi éviter la déportation vers Haiti.

L'intégralité de la correspondance du passager français Franck Alexandre vous est proposée

Lisane André

Responsable de la Section

Communication & Plaidoyer

GARR

Monsieur le Président,


Suite à notre entretien téléphonique du 18 mars 2010, concernant mon intervention auprès des forces de l'ordre à bord d'un vol CORSAIR afin d'éviter l'expulsion d'un ressortissant Haïtien, je vous adresse un e-mail pour vous relater en détail ce dont j'ai été témoin.

10h30, Orly sud le 17 mars 2010, vol CORSAIR SS 0866 départ 11h10 à destination de Pointe à Pitre via Fort de France.

Il est 10h35 quand je me trouve à bord de l'appareil accompagné de ma concubine. Après quelques minutes, le temps de s'installer, notre attention est retenue par des cris et un brouhaha qui proviennent du fond de l'avion d'où plusieurs policiers en civil et en uniforme s'agitent autour d'un homme de couleur noire.

Je me rapproche auprès d'un steward pour lui demander ce qui ce passe et celui-ci me répond que c'est une personne qui serait rentrée clandestinement sur le territoire français et qu'il était donc renvoyé dans son pays d'origine.

J'insiste pour connaitre le pays de cet homme, et quelle n'est pas ma stupéfaction lorsque j'apprends que ce "clandestin" est Haïtien.

Je me suis immédiatement insurgé devant cette situation, sachant ce que ce peuple vient d'endurer et qu'il y a une trêve entre la France et Haïti, trêve qui permet à tout ressortissant haïtien de pouvoir demander l'asile sur le territoire français.

Je prends donc la décision de me rendre à l'arrière de l'appareil afin de me renseigner auprès des 2 policiers en civil, qui sont restés avec ce Mr Haïtien, menotté les mains dans le dos, les pieds liés comme si cette personne était un dangereux criminel, au point tel que l'un des policiers avait sa jambe gauche posée sur celles du "clandestin" alors qu'avec ses mains il lui tenait le visage afin qu'il ne puisse pas se débattre, pendant que l'autre policier aidait son collègue à maintenir cet homme qui ne cessait de hurler qu'il ne voulait pas retourner à Haïti, qu'il avait tout perdu, sa maison, ses proches et qu'il préférait aller en prison ici parce que là-bas il n'y avait que la mort.

Je me suis donc présenté et après avoir posé des questions sur le statut de cet homme, et était-il normal de le maintenir de cette façon aussi inhumaine, humiliante qu'inacceptable ? Ces 2 policiers m'ont expliqué qu'en fait ce Mr était en possession d'un passeport valide avec un visa qui malheureusement avait expiré et qu'il avait un peu tardé à faire régulariser sa situation. Ils l'escortaient jusqu'en Guadeloupe pour soit disant refaire la démarche afin d'obtenir peut-être la régularisation, parce qu'il était rentré sur le territoire Français par la Guadeloupe.

Entre temps un médecin en pédiatrie, exerçant à l'hôpital St Vincent de Paul à Paris, s'est joint à moi pour faire pression auprès des policiers pour que dans un premier temps ils relâchent leur étreinte sur Charly puisqu'aux dires de ces 2 hommes ce "clandestin" se prénomme ainsi, et pour que dans un second temps, le Docteur puisse prendre son pouls, tant Charly était dans un état de panique, de peur, de surtension, d'angoisse et de nervosité extrême. Le médecin a même proposé de lui donner un calmant, chose que les policiers ont catégoriquement refusée.

Devant cette situation, j'ai demandé au steward que le commandant de bord vienne sur les lieux. Celui-ci s'est présenté et nous a ordonné d'aller nous assoir et à demander à Charly de cesser de faire tout ce raffut, car de toute façon il avait pris la décision de décoller et sur ces paroles s'en est retourné.

Je lui ai dit que de toute façon il n'était pas question que cet avion décolle avec à son bord une personne qui était maintenue dans ces conditions et que je refusais donc de m'asseoir, j'ai demandé aux personnes qui m'approuvaient de bien vouloir se lever. Plusieurs voyageurs se sont alors joints à moi, dont un couple qui m'a laissé ses coordonnées pour témoigner si besoin était et qui doit me faire parvenir quelques photos prises à bord dès la fin de leur séjour sur la Martinique.

Pendant ce temps, le commandant de bord a fait avancer son avion en direction de la piste d'envol. Ne voyant pas d'autre solution, j'ai décidé d'appeler France 2 TV, service reportage, pour les informer de la situation et en espérant que cela allait peut-être faire revenir le commandant de bord sur sa décision.

Après avoir expliqué ce qui se passait à bord de ce vol au Directeur du service reportage, Mr Olivier CAROW, que j'informais par téléphone de l'évolution des événements, j'ai à nouveau demandé au steward de prévenir le commandant de bord de ma décision concernant France 2, et c'est donc après plusieurs minutes que celui-ci a fait une annonce comme quoi il était forcé et contraint de s'arrêter sur un parking en bout de piste pour débarquer un "individu en situation irrégulière".

C'est ensuite un véhicule de la PAF qui est venu se positionner à l'arrière du boing 747 pour que les policiers descendent de l'avion accompagné de Charly.

Nous avons décollé à 12h35.

J'ai eu Mr CAROW depuis au téléphone, il m'a confirmé que Charly était retourné en centre de rétention pour 3 ou 4 jours, mais que du fait que j'avais fait intervenir la presse télévisée, qu'il était fort possible que les autorités réfléchissent à deux fois sur l'expulsion de Charly, et qu'il allait mener une enquête de son côté quant à savoir si les conditions de la trêve sont bien respectées et qu'il était près au cas où à faire un reportage sur le sujet.

Dans l'espoir que mon intervention puisse permettre à toutes et tous ces "CHARLY" de vivre dignement et de refermer leur blessures, et si demain je dois à nouveau recommencer ce que j'ai fait, alors c'est avec la plus grande fierté que je recommencerai...

Je me tiens à votre entière disposition pour toutes informations complémentaires et vous prie de croire, Monsieur le Président, en mes plus profondes et respectueuses salutations.

Que mon témoignage serve une juste cause.


Frank ALEXANDRE

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