ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA MISE EN OEUVRE DU PLAN STRATEGIQUE POUR LE SAUVETAGE NATIONAL. COMMUNICATION PRESENTEE PAR ROSNY DESROCHES A NEW-YORK LE 16 MAI 2010. Je remercie les organisateurs de la conférence de ce soir de l'occasion qu'ils m'offrent, de m'entretenir avec les leaders haïtiens de New-York autour du Plan Stratégique de Sauvetage National(PSSN). C'est pour moi un plaisir d'être associé à ce Plan dont les orientations fondamentales correspondent à mes convictions profondes. Il est vrai que des circonstances indépendantes de ma volonté ne m'ont pas permis d'être présent à la Conférence inaugurale de St Domingue au cours de laquelle, l'élaboration de ce plan a été décidée, toutefois, je me réjouis de pouvoir participer à sa promotion, comme je l'ai fait à l'occasion de sa récente présentation à Port-au-Prince. D'entrée de jeu, je voudrais souligner les qualités majeures que je reconnais à ce plan. Son premier mérite, c'est d'être bien équilibré. En effet, il présente un excellent équilibre entre l'économique et le social. Il accorde une place je dirais égale au « Progrès » et à l' « Humanisme ». Du côté du social, il accorde une grande attention aux préoccupations relatives aux Droits de l'homme, à l'équité de genre, à la démocratie, au système de sécurité sociale, á la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, à la scolarisation universelle. Dans ce plan, 20% du budget national sont consacrés à l'éducation. Sur le plan économique, la question de la croissance économique est centrale. A côté de l'agriculture, le développement de l'industrie, du tourisme et du secteur de la construction est envisagé avec le plus grand sérieux. Autre point important qu'on trouve rarement ou sinon jamais dans les plans élaborés pour Haïti, c'est la proposition de travailler à l'intégration des différents secteurs de l'économie, afin de développer un véritable appareil de production nationale. Avec aussi beaucoup de courage et de réalisme, le Plan aborde la question de la pression démographique qui peut constituer un frein au développement de l'économie nationale. Le second mérite que je voudrais souligner, c'est le caractère éminemment scientifique du travail. Il est réjouissant de constater que la rationalité commence à trouver sa place dans la politique haïtienne. Le développement du pays est envisagé selon trois hypothèses : l'une pessimiste, l'autre intermédiaire et la troisième optimiste. Pour chaque hypothèse, le taux de croissance et le niveau d'investissement sont calculés. Faut-il rappeler qu'il n'y a de science que du mesurable. L'hypothèse pessimiste d'une croissance de 2 à 3 % suppose un investissement de 36 milliards de dollars américains. L'hypothèse intermédiaire d'une croissance de 3 à 5 % suppose un investissement de 50 milliards. Enfin l'hypothèse de 4 à 7 % demande un investissement de 100 milliards. A propos de science, rappelons que le Plan insiste beaucoup sur le développement de la recherche à l'Université. Parmi les qualités du Plan, il ya lieu de signaler qu'au niveau politique, il prévoit une sérieuse réforme de l'Etat. D'abord la décentralisation y occupe une place importante. Il prévoit la mise sur pieds de comités locaux pour des questions aussi importantes que la sécurité, l'éducation, la santé. L'Administration publique elle aussi sera modernisée pour devenir à la fois plus efficace et plus efficiente, grâce au développement d'une culture de résultats. Les grandes orientations du Plan sont présentées sous la forme de politiques publiques et non de simples programmes. De plus pour chaque politique publique sectorielle présentée, les lois qui devront traduire et accompagner la mise en œuvre de ces politiques sont indiquées. Si bien que tout Gouvernement qui s'aviserait de mettre en œuvre ce plan, aurait déjà une indication claire de l'Agenda législatif à préparer et à soumettre au Parlement. Il est question aussi de diplomatie économique, une diplomatie qui aurait aussi pour fonction de promouvoir les produits du pays et d'aller à la conquête de parts de marché pour l'exportation nationale. Il serait fastidieux de signaler toutes les qualités du PSSN, je voudrais toutefois en signaler une dernière que j'apprécie particulièrement, c'est l'importance accordée au financement du développement. C'est en ce sens que je disais récemment qu'il était révolutionnaire. En effet, trop souvent nos hommes politiques haïtiens, se contentent de faire de belles promesses, de faire du « voye monte » sans se donner la peine de calculer le coût de leur programme et encore moins de se soucier de son financement. Le PSSN nous propose au contraire un véritable montage financier pour le développement économique du pays. Il est prévu la création d'une Banque de Développement, un grand emprunt national, la mobilisation de Fonds éthiques et solidaires, la création d'une « City » à Port-au-Prince et d'un Fonds Souverain. Nous entrons dans une véritable modernisation de l'économie et de la finance de notre pays. Un Plan qui présente tant de qualités, mérite bien d'être mis en œuvre. Alors la question qui se pose et que je traiterai dans cette seconde partie, est la suivante : « Qu'est-ce qu'il faut pour cette mise en œuvre ? » Je signalerai ici quatre conditions : En tout premier lieu, un dialogue et un travail d'harmonisation. Il existe aujourd'hui, deux documents qu'on ne peut ignorer. Il s'agit d'une part, du PARDN, le Plan d'Action pour la reconstruction et le Développement National que le Gouvernement a présenté le 31 Mars dernier au siège des Nations Unies à New-York et de l'autre, de la Vision et de la Feuille de Route du Secteur Privé des Affaires. Le Plan du Gouvernement élaboré par une pléiade d'experts nationaux et internationaux, sur un horizon de 20 ans, et qui présente quatre grands chantiers pour la reconstruction d'Haïti : la refondation territoriale, la refondation sociale, la refondation économique, la refondation institutionnelle, constitue la base sur laquelle la Communauté Internationale s'est engagée pour un montant de 5 milliards de dollars sur 2 ans pour la reconstruction du pays. L'international est aujourd'hui plus que jamais un interlocuteur incontournable. Il importe donc de faire un examen critique du PARDN à la lumière des orientations du PSSN afin d'identifier les points de convergence et de divergence, éventuellement les lacunes respectives, ne serait-ce que pour revoir avec la communauté internationale l'ordre des priorités d'un Plan à mettre véritablement en œuvre. Le Document préparé par le Forum du Secteur Privé et qui a bénéficié des études de deux firmes internationales, OTF, (On The Frontiers) et Dalberg Global Development Advisors et des travaux du Groupe de Travail sur la Compétitivité (GTC) présente non seulement les secteurs susceptibles de dynamiser l'économie haïtienne, du point de vue á la fois de la croissance et de la création d'emplois mais aussi les quatre pôles géographiques de développement ainsi qu'un calendrier de mise e œuvre. Le secteur privé des affaires constitue lui aussi un acteur incontournable et est appelé à jouer un véritable rôle de moteur pour le développement d'Haïti. D'où la nécessité de revisiter le PSSN a la lumière de ces deux importants documents pour des ajustements éventuels. L'Initiative de la Société Civile s'intéresse à une telle démarche et c'est certainement un domaine où la société civile peut apporter une contribution appréciable. La seconde démarche à entreprendre par les concepteurs et les promoteurs du Plan, c'est de travailler à l'appropriation du PSSN par les différents secteurs de la société haïtienne. Je sais qu'il y a déjà un projet dans ce sens et que des déplacements sont prévus dans les 10 départements géographiques. Toutefois, je voudrais insister sur le fait que cette démarche ne doit pas rester à un niveau superficiel. En effet, l'appropriation par la population haïtienne d'un projet de modernisation sociale, économique et politique d'Haïti, suppose une rupture d'avec une vision et un discours qui ont été dominants depuis la fin des années 80. Cette vision était caractérisée par un refus de l intégration économique d'Haïti dans le monde et envisageait un développement endogène, un développement en autarcie. Le slogan de cette vision est « Grès kochon kap kuit kochon ». C'est un refus systématique de la globalisation. Il est vrai que la globalisation peut présenter certains dangers pour de petits pays faibles comme Haïti. Mais elle peut aussi présenter des avantages et des opportunités pour nous, á condition que nous sachions en profiter et que nous fassions l'effort nécessaire pour saisir ces opportunités et les tourner à notre profit. Cela demande du travail, de l'organisation et un esprit d'entreprise. Cette vision et ce discours dominant voyait Haïti comme une société essentiellement agraire où le maitre mot est la souveraineté alimentaire, avec une tendance à tuer dans l'œuf toute tentative d'industrialisation et où aucun effort n'est fait pour profiter sérieusement de la manne touristique qui se déverse sur la Caraïbe. La mise en œuvre d'un plan de modernisation suppose une insertion de l'économie haïtienne dans l'économie mondiale, une ouverture sur le progrès scientifique et technique, le développement d'une certaine compétitivité dans des secteurs porteurs, une étroite collaboration entre les entrepreneurs de tous les niveaux et les dirigeants politiques. On ne peut plus considérer l'investisseur, l'entrepreneur comme l'ennemi de la nation, ni le profit comme un sacrilège. En effet, il n'y a pas de recherche, d'innovation, d'investissement, sans profit, sans épargne et sans accumulation. Il n'y a pas de progrès sans profit, a condition bien sur que ce profit soit réalisé dans le respect des droits humains et des lois du pays et que sa réalisation s'accompagne d'une certaine responsabilité sociale de la part de l'entrepreneur. La société civile peut contribuer largement à développer et à propager une nouvelle vision plus moderne, plus ouverte sur le monde et en même temps soucieuse de l'intérêt général et du bien-être collectif. La troisième condition pour la mise en œuvre du PSSN, c'est qu'il se transforme en un projet politique. Il faut d'abord affirmer qu'une partie importante de la société civile haïtienne aspire fortement à une modernisation de la vie sociale, politique et économique du pays et souhaite sortir du populisme qui a dominé la vie politique haïtienne depuis une vingtaine d'années. Bien sûr, on peut comprendre que le populisme est une réaction face à la pauvreté et aux inégalités qui caractérisent notre pays. Mais la réponse du populisme qui consiste à instaurer un régime à la fois de laisser-aller, de laisser faire, voire d'anarchie, et de violence soi disant réparatrice, n'est pas la solution. La réponse adéquate réside plutôt dans la création d'emplois, de richesses, d'opportunités pour tous, dans l'instauration d'une fiscalité juste et rigoureuse qui permette à l'Etat de fournir des services de base, particulièrement l'éducation et la santé à l'ensemble de la population. La réponse adéquate c'est aussi l'instauration d'un Etat de Droit démocratique, où la vie publique est régie par la constitution et les lois, où il n'existe pas de discrimination devant la loi et où chaque citoyen a le droit de participer aux choix décisifs devant engager la nation. La société civile aspire á l'avènement de cette nouvelle Haïti. Pour réaliser cette aspiration, elle a besoin d'une représentation politique, d'un bras politique capable de mettre en œuvre un tel projet. Le PSSN contient les éléments essentiels non seulement pour sauver Haïti, mais pour la régénérer, la reconstruire. Il s'agit maintenant de créer autour d'un tel Plan, une grande force politique moderne, avec une base populaire forte et des compétences avérées. Les Haïtiens vivant à l'étranger ont une contribution majeure à apporter dans la constitution de cette grande force politique, en termes de compétences, de ressources humaines et matérielles et de savoir-faire politique. Avec les compétitions électorales qui s'en viennent, une nouvelle opportunité s'offre au peuple haïtien, de mettre en place cette grande force politique et de construire cette nouvelle Haïti. Il faut saisir cette opportunité. Merci. |
mardi 8 juin 2010
LA SOCIETE CIVILE DANS LA MISE EN OEUVRE DU PSSN (PLAN STRATEGIQUE POUR LE SAUVETAGE NATIONAL). By Rosny Desroches.
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