vendredi 18 juin 2010

Thèmes de l'Emission de la semaine: Analyse de Robert Benodin.

Thèmes de l'Emission de la semaine 

Orlando le 18 juin, 2010

Actualités Politiques : Grandes Lignes

Forcé de capituler et d'abandonner l'état d'urgence, les pleins pouvoirs et la prolongation de son mandat, Préval s'accroche désespérément comme un naufragé à son ultime et dernier rempart son CEP. S'il y a une fonction que Préval s'est évertué à maîtriser et à se spécialiser au cours de ses deux mandats, c'est la confiscation frauduleuse des élections. Pour lui le moyen le plus efficace de gestion du maintien du pouvoir, ce n'est pas la recherche de la légitimité. C'est plutôt la falsification de l'expression de la volonté générale. L'efficacité pour lui réside dans la comparaison de l'effort à déployer dans les deux cas.

 

La légitimité spécifique et la légitimité diffuse n'ont jamais fait l'objet d'aucun souci pour Préval au cours de ses deux mandats. Réciproquement, l'appréciation des gouvernés se manifestant que par le biais de l'expression de la volonté générale, les résultats des élections, n'ont jamais été l'objet d'aucun respect, pour Préval. Au contraire, ces résultats ont été constamment falsifiés, foulés aux pieds. Les contestations, les protestations et les critiques, d'où quelles viennent, ont toujours été ignorées. Les résultats frauduleux ont toujours été imposés, peu importe l'énormité du scandale ! C'est l'exploitation au plus haut degré de la prépondérance de l'omnipotence présidentielle.

 

Les délégués du milieu financier à la CIRH, n'ayant pas été désignés jusqu'à présent, Préval est dans une situation désespérée où il ne peut pas s'appuyer ni sur la confiance internationale, ni sur la confiance nationale. L'unique et ultime option sur laquelle Préval est acculé à s'appuyer pour gérer la perte ou le maintien du pouvoir, dans cette conjoncture, est sa spécialité, la confiscation frauduleuse d'élections. L'argument qu'il offre pour maintenir le CEP actuel, est plutôt puéril : « Ce conseil n'a encore rien fait. Moi je n'ai aucun représentant au sein de ce conseil ». Alors que le reproche que l'on fait sans distinction à tous les CEP de Préval et qui leur enlève totalement la confiance du peuple, de la société civile et des partis politiques, c'est leur absence totale d'impartialité et leur état de servilité totale par rapport à Préval. Des fraudes et des irrégularités commises au cours des deux dernières élections, au profit des candidats supportés par Préval ont été dénoncées par le vice-président du CEP lui-même. L'introduction sans vérification des dossiers criminels pendants des deux sénateurs de l'Ouest et du Nord, récemment installés l'année dernière, sont des preuves irréfutables de la qualité des élections gérées par Préval. Le présent CEP est le produit d'un récent replâtrage, dû au scandale des dénonciations faites par le vice-président du CEP. Cet actuel CEP est maintenant fragilisé par un nouveau scandale de détournement de fond, pas encore totalement élucidé. 

 

Les partis politiques doivent saisir l'opportunité pour remettre les pendules à l'heure, en exigeant le retour aux prescrits de la Constitution en ce qui a trait à la formation du CEP provisoire. Cette formule est clairement définie sans ambiguïté dans l'article 289 de la Constitution de 1987 qui se lit comme suit :

 

ARTICLE 289 :

En attendant l'établissement du Conseil Electoral Permanent prévu dans la Présente Constitution, le Conseil Electoral Provisoire de neuf (9) Membres, chargé de l'exécution et de l'élaboration de la Loi Electorale devant régir les prochaines élections et désigné de la façon suivante :

1) Un par l'Exécutif, non-fonctionnaire ;

2) Un par la Conférence Episcopale ;

3) *Un par le Conseil Consultatif ;

5) Un par les organismes de Défense des Droits Humains ne participant pas aux compétitions électorales ;

6) Un par le Conseil de l'Université ;

7) Un par l'Association des Journalistes ;

8) Un par les Cultes Réformés ;

9) Un par le Conseil National des Coopératives.

 

*Le Conseil Consultatif n'existant plus, on aurait pu le remplacer avantageusement par un représentant du Vodou, la religion la plus populaire, celle des masses.

 

La formule draconienne utilisée par Préval est à l'antipode de la lettre et de l'esprit de la Constitution de 1987 qui veut que les Conseillers soient totalement indépendants du pouvoir politique. Or Préval exige que des secteurs autres que ceux prescrits par la Constitution, lui envoient chacun 2 noms. En fin de compte, avec cette formule, c'est Préval qui, parmi les 18 délégués, trie lui-même sur les volets et nomme tous les 9 conseillers électoraux. Ce que précisément la Constitution veut éviter. Le fait que ce soit Préval qui nomme personnellement, les 9 Conseillers de son choix par un trie, lui permet d'avoir une emprise nettement supérieure à celle que ces secteurs ont collectivement sur le CEP. Proposer un seul nom par secteur, cette formule préserve à la fois, l'influence collective de ces secteurs sur le CEP et son indépendance par rapport au pouvoir politique. Voilà ce que prescrivent la lettre et l'esprit de la Constitution de 1987.

 

Avec cette dernière formule qui lui offre 18 noms, il n'est plus restreint à avoir un conseiller représentant chaque secteur au CEP. D'ailleurs c'est ce qu'il a exploité pour rejeter les représentants de secteur privé pour la formation du CEP de 2008. Les partis politiques et les autres secteurs de la société, ont tous avalée bêtement cette couleuvre, sans mot dire ! Voilà à qui on a affaire tant du coté de Préval qui est sans scrupule, que du coté des partis politiques et des autres secteurs de la société, sans épine dorsale, incapables de défendre leurs propres intérêts !

 

Certes, Préval forcé par la pression de l'internationale a lâchée tous ce qu'il a obtenus d'un parlement servile. Cependant, voulant garder son CEP, Préval veut continuer à fouler aux pieds manifestement et constamment l'expression de la volonté générale, en ignorant totalement les protestations et contestation de l'électorat et des partis politiques. Face aux Haïtiens, Préval exploite toujours avec arrogance l'omnipotence traditionnelle de la présidence pour s'imposer. Il y a des exemples frappants qui illustrent ce fait :

 

-Le gouvernement Préval/Alexis, le 11 janvier 1999 ayant refusé de faire les élections de novembre 1998, déclare la caducité de tous les élus. Et 15 jours plus tard, pour confisquer les élections du 21 mai 2000, par le biais de l'autorité et du contrôle qu'exerce l'appareille étatique, il récupère les autorités locales qui lui sont serviles et remplace les autres.

 

-Le 21 mai 2000, malgré les critiques d'Orlando Marville président des observateurs électoraux de l'OEA, Préval et Alexis jettent en masse dans les rues les urnes et les bulletins de vote pour empêcher la recompte des voix. Ils imposent les résultats. Ils tentent d'assassiner le président du CEP qui refuse d'endosser les résultats. Il n'a eu la vie sauve qu'en fuyant clandestinement vers la Dominicanie. Un journaliste canadien a fixé pour l'histoire cette scène scandaleuse ainsi : « En Haïti la Démocratie se ramasse à la pelle ! »

 

-Pour les élections du 26 novembre 2000, Préval et Alexis ont formé leur propre CEP sans participation d'aucun des secteurs de la société. L'observateur du CARICOM, Sir John Hampton, a critiqué non-seulement la faiblesse de la participation à ces élections mais aussi les fraudes et irrégularités. Aristide a gagné à 97%.

 

-Récemment, les élections d'avril et celles de juin 2009, ont été truffées de fraudes et d'irrégularités de toutes sortes. Certaines ont été dénoncées publiquement par le vice-président du CEP lui-même. Malgré les contestations et protestations les résultats on été de fait imposés. Et on a, comme fait accompli, deux criminels notoires qui sont des sénateurs siégeant au parlement pour l'Ouest et le Nord.

 

-Seules les élections d'avril 1997 ont été annulées par l'ONU, l'OEA et ensuite par le gouvernement de Bill Clinton, après les avoir acceptées dans un premier temps. Cela fait bien 13 ans. Entre-temps les résultats frauduleux de toutes les autres élections qui sont postérieures à celles annulées d'avril 1997, ont été indistinctement entérinés aussi bien par la nation haïtienne que par l'Internationale. Qui pis est, les élections annulées d'avril 1997, n'ont aucune différence, en ce qui a trait à leur qualité, avec celles qui les ont suivi à travers les ans.

 

Or aujourd'hui, on se trouve, qu'on en soit conscient ou non, à une croisée de chemin où se joue littéralement le destin de notre nation. Compte tenu de son dossier électoral exécrable et du comportement de l'internationale envers ce dossier à travers les ans, allons-nous accepter à prendre le risque d'aller aux élections avec Préval ? Peut-on prendre le risque d'un compromis avec Préval ? Peut-on lui faire confiance ? On est littéralement face à une situation manichéenne : La continuité pour le maintien du statu quo versus la rupture pour le changement. Que faire ?


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