Le Matin, du 25 au 3 mars 2011
Par Daly Valet
Policiers, petits marchands, intellectuels, cireurs de chaussures, professionnels du privé et cadres de l'État, entrepreneurs des classes moyennes et bourgeois, noirs, mulâtres, c'était une Haïti arc-en-ciel, unie et solidaire, qui, dans un élan de patriotisme transclassiste, voulait exprimer son indignation, réaffirmer son appartenance commune à la même histoire de grandeur après s'être sentie flétrie dans son orgueil depuis les dérapages d'essence haïtianophobe de Montego Bay. C'est dire qu'en dépit des récents effondrements physiques et symboliques dont a été témoin notre société, il subsiste un substrat communautaire qui fait de nous une nation, fût-elle encore fragmentaire.
Les autorités sanitaires jamaïcaines savent évidemment que la malaria n'est point une maladie contagieuse se transmettant par voie humaine. Que trois des jeunes joueurs haïtiens aient été testés comme porteurs de la malaria suite à des dépistages forcés, aucune exigence sanitaire en elle-même ne saurait expliquer cette expulsion humiliante de leur territoire, et sous la pointe des armes, de la sélection nationale haïtienne U-17. Leurs agressions contre la sélection des mineurs haïtiens participent d'autres ressorts autrement plus vicieux. Les mêmes ressorts faits de préjugés et de dispositions d'esprit anti- haïtiens, qui font que d'autres lieux des Antilles, comme la Guadeloupe, sont de plus en plus très inhospitaliers à l'endroit des Haïtiens. Au-lendemain du séisme du 12 Janvier, la Jamaïque à été le premier pays voisin à entreprendre des rapatriements forcés et des expulsions en série d'Haïtiens de leur territoire. Ces compatriotes n'étaient point infectés de malaria. Les épanchements de l'ancien Premier ministre de la Jamaïque, P.J. Patterson, sur les ratés de la reconstruction en Haïti et sur le fonctionnement boiteux, monopolistique et déséquilibré de la CIRH, ne nous feront pas oublier que son pays n'a pas été généreux envers le nôtre dans la période post-séisme comme le fut la République Dominicaine d'un Leonel Fernandez. D'ailleurs cette Caricom que M. Patterson représente au sein de la CIRH a encore à nous convaincre de son utilité pratique pour Haïti vu que cette organisation cautionne encore des politiques migratoires ouvertement orientées contre les Haïtiens. L'espace caribéen se ferme, en fait, plus qu'il ne s'ouvre à Haïti.
A la candidate à la présidence, Mirlande H. Manigat, nous disons: nos besoins réels et pressants, par ces temps d'adversité, ce n'est point un Aristide qu'il faudra faire revenir au pays. Pour des gains électoraux immédiats, c'est bien de vouloir caresser dans le sens du poil l'électorat aristidien. Il y a, cependant, de ces dossiers toxiques avec lesquels il ne faut pas toujours jouer à de la politique politicienne. Au candidat Michel Martelly, nous dirions: le bal des obscénités publiques et des platitudes langagières marchandes est bien fini. Il ne faut point penser à y revenir.
Il s'agit désormais pour ces deux prétendants à la magistrature suprême du pays de mieux se définir, de mieux préciser leurs programmes et leur vision d'Haïti. Car il s'agira après le 14 mai de redéfinir les rapports d'Haïti avec ses voisins et le reste du monde. Il s'agira aussi de refaçonner Haïti de l'intérieur. Et de faire naitre une autre Haïti pour laquelle Montego Bay aura constitué les dernières manifestations angoissantes d'un long cauchemar.
D.V
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire