Mes Hommages à Mgr Hubert CONSTANT, omi, Archevêque Émérite du Cap-Haïtien !
La première fois que j'ai croisé Mgr Hubert CONSTANT était dans la salle d'attente de l'Aéroport du Cap-Haïtien. Nous attendions, tous deux, le vol de 7 : 15 AM pour aller à Port-au-Prince. Nous ne nous sommes pas parlé parce que nous ne nous connaissions pas encore. Mais, j'ai su tout de suite que j'étais en présence d'un haïtien éminent. J'apprendrai par la suite qu'il était l'Evêque Fondateur du Diocèse de Fort-Liberté, celui qui a transformé l'église de Fort-Liberté en Cathédrale, celui qui a dirigé les travaux de construction du tout nouvel Évêché de Fort-Liberté. D'autres œuvres remarquables auront marqué encore le passage de ce Prélat hors du commun à la tête du Clergé de l'Église Catholique en Haïti.
Quand il a été nommé Archevêque Métropolitain du Cap-Haïtien en remplacement de Mgr François GAYOT, c'est là qu'il va donner toute sa mesure en tant que Berger de l'Archidiocèse et en tant que Président de la Conférence des Évêques d'Haïti qu'il aura réussi à marquer de son empreinte. Mais, c'est là aussi que beaucoup d'entre nous allons avoir l'occasion de prendre toute la dimension de son immense talent, d'apprécier le riche éventail de ses connaissances, d'explorer toute la profondeur de son nationalisme et, surtout, toute sa capacité à promouvoir l'amour de Dieu, du Pays et du prochain.
Quand j'ai été nommé Délégué Départemental du Nord en septembre 2005, j'ai retrouvé en lui un voisin, un confident et tout récemment, après avoir été tous deux relevés de nos fonctions respectives, un Mentor. C'est lui qui m'a aidé, en effet, à convaincre le Ministre de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales, Son Excellence Paul-Antoine BIEN-AIME, de la nécessité d'achever le projet de Réhabilitation du Local de la Délégation du Nord quand le projet piétinait et risquait de sombrer aux oubliettes.
Mais, mes relations avec lui vont prendre un nouvel élan suite aux dernières élections où nous avons échangé nos points de vue sur une base régulière. Et, c'est tout naturellement que la question de notre souveraineté piétinée, notre dignité bafouée, la mauvaise gouvernance qui caractérise la gestion de notre chose publique, la dégradation de notre environnement, la détérioration des termes de nos échanges avec nos partenaires commerciaux, notre incapacité d'apporter des réponses appropriées aux problèmes du moment, notre refus d'adresser la demande sociale des masses rurales, urbaines et para-urbaines, c'est tout naturellement donc que ces questions ont pris le dessus sur toutes les autres et nous ont portés à nous questionner sur les meilleures stratégies pour sortir de la crise haïtienne contemporaine. L'idée de soutenir et de promouvoir le Dialogue National en tant que stratégie de sortie de crise est venue de là.
Monseigneur Hubert avait des convictions très arrêtées sur ce que nous devrions être en tant que Peuple, en tant que Pays, en tant que Nation. Pour lui, ce pays est nôtre et nous devrions être en mesure de se nous l'approprier comme nous appartenant en propre. Or, pour lui, tel n'est pas le cas aujourd'hui et cela le tracassait plus que tout autre chose.
Monseigneur Hubert avait une conscience très claire de ses capacités, de nos capacités. Il ne s'expliquait pas cette propension à toujours miser sur les autres, sur le Blanc, sur des amis, sur la Communauté Internationale pour faire pour nous et à notre place ce que nous voulons faire, ce que nous devrions faire et, surtout, ce que nous aurions du pouvoir faire. Il avait cette culture d'excellence qui frisait la suffisance. Il croyait que, nous aussi, nous avions des choses à offrir aux autres, des choses de grande valeur que nous avons choisi d'ignorer.
Il vivait très mal la tutelle, surtout celle qui ne dit pas son nom ; celle, sournoise, imposée, cooptée ; celle qui s'est doté d'un Gouvernement de substitution pour, en lieu et place de notre Gouvernement, agir à sa place en notre nom, parfois, si ce n'est le plus souvent, contre nous. Il ne pouvait s'expliquer comment une pareille chose puisse nous arriver à nous, encore une fois, après tout ce que nous avons fait à l'Arcahaie le 18 mai 1803, après ce que nous avons fait à Vertières le 18 novembre 1803, après ce que nous avons fait aux Gonaïves, le 1er Janvier 1804.
Nous étions arrivés à un point, dans nos échanges, où il arrivait de douter de sa capacité à vivre assez longtemps pour voir les changements qu'il espérait. Et comme de fait, ceux qui ont assisté à sa dernière intervention au cours du Séminaire organisée par l'Institut Haïtien pour l'Enseignement de la Doctrine Sociale de l'Église (IHDOSOC), au siège de la Conférence Épiscopale d'Haïti à Lilavois, du 9 au 11 septembre 2011 à l'intention des Délégués des dix (10) Diocèses du Pays, ont réalisé qu'il était très excité, qu'il vivait une certaine extase et qu'il avait, peut-être, puisé un peu trop dans ses réserves physiques et mentales pour préparer le Dialogue National, puisque c'était de cela qu'il s'agissait.
Mais, engager et réussir un Dialogue National fécond pour parvenir à une entente Nationale, qui soit la conclusion logique des Etats Généraux de la Nation au terme d'un processus laborieux de purification de la mémoire, de pardon et de réconciliation entre tous les fils de la Nation pour enterrer la hache de guerre, pour expérimenter une atténuation mesurable et vérifiable des antagonismes sociaux, pour finir avec la transition et négocier le passage de la société haïtienne vers la modernité et le progrès était son défi à lui ! C'était son engagement à lui ! C'était sa cause à lui !
Quand je suis arrivé au Séminaire ce vendredi soir et après que j'eus fait ma présentation devant les Délégués, j'ai lu du plaisir dans ses yeux, de la satisfaction sur son visage mais aussi de la fatigue, beaucoup de fatigue. Il se sentait diminué. Ses capacités physiques ne répondaient plus à son appel de mobilisation. Il aurait tellement voulu pouvoir faire des choses qu'il n'est plus en mesure de faire. Il entrevoyait quelque chose poindre à l'horizon haïtien et se sentait interpellé pour accélérer son avènement. D'où son engagement et toute la fougue, toute l'ardeur qu'il y mettait. Hélas, si …. !
Il m'a réveillé, le lendemain vers les 5 :15 ce samedi matin 10 septembre 2011, pour requérir la présence du Docteur Rodolphe BARRELLA qui participait avec nous au Séminaire en tant que membre de la Commission diocésaine de l'Archidiocèse du Cap-Haïtien pour le Dialogue National. Il a expliqué au Médecin qu'il a vécu, pendant toute la nuit, une souffrance atroce qu'il ne parvenait pas à maitriser.
La recommandation du Docteur BARRELLA était sans appel : Il faut tout de suite amener Mgr Hubert à l'hôpital, ce qui fut fait. Monseigneur Hubert venait de faire un infarctus du myocarde.
Nous avions pensé qu'il aurait survécu à la crise tant il paraissait s'en remettre quand nous lui avons rendu visite à l'Hôpital du Canapé-Vert. C'est seulement quand il m'a dit que ses médecins traitants lui avaient recommandé d'aller à l'étranger pour compléter des tests qu'ils ne pouvaient pas effectuer sur place que j'ai senti que le risque de le perdre était toujours très grand.
Et, il est, effectivement, parti vers la maison de son Père, ce vendredi matin 23 septembre 2011, cinq (5) jours seulement après avoir fêté son quatre-vingtième (80e) anniversaire de naissance.
Mais nous savons, tous, que les grands hommes ne meurent jamais. Ils continuent à vivre à travers leurs œuvres. Monseigneur Hubert, lui non plus, n'est pas mort. A l'instar de Manuel, dans «Gouverneurs de la Rosée», il vit dans son enfant que nous portons tous en nous : Le Dialogue National.
Georgemain PROPHÈTE
Ancien Délégué départemental du Nord
Membre du Groupe de Travail sur le Dialogue National
Conférence des Évêques d'Haïti
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