mardi 29 novembre 2016

Réflexions sur la victoire de Jovenel Moise et la classe politique haïtienne.-

En saluant la victoire du Président Élu Jovenel Moise, la FUSION des sociaux démocrates prend ses distances avec les traditionnels et se présente en alternative de gauche. Si fougue et ambitions personnelles des uns et des autres ont mis au rancart le projet du Professeur Gérard Pierre-Charles de construire un Grand Parti de gauche, l’opportunité se présente aujourd’hui de mettre cette vision en exécution en vue de moderniser la politique et l’Etat en Haiti.

Comme je l’ai toujours signalé depuis 2012, l’erreur de TET-KALE a été de ne pas pouvoir rallier à temps des partis traditionnels du secteur démocratique comme FUSION, OPL, KID, RDNP, KONBA… Même quand ils sont dans l’opposition, le président Martelly devrait trouver un moyen pour travailler avec ces entités historiques de la lutte démocratique en Haiti.

Aussi, faut-il signaler l’erreur de madame Edmonde Supplice Beauzile de blâmer l’électorat en justifiant sa défaite par l’absence de moyen financier. 

Si Jovenel Moise à remporter les élections, c’est parce qu’il a proposé un projet. Comme l’a dit le philosophe français Marcel Gauchet dans son livre “La démocratie contre elle-même”, on ne peut pas faire de la politique seulement en invectivant ses adversaires, en vantant ses qualités, ses capacités ou en se cachant derrière des valeurs de droits humains. Il faut une vision, un projet de transformation sociale et économique capable de faire rêver le peuple. Comme fut le marxisme-léninisme avant la décadence de l’URSS. Car, quand l’utopie disparait, la révolution s’effondre.
En Haiti, on passe plus de temps à insulter les gens pour leur position au lieu de construire une vision, un projet à partir des outils de sciences humaines.

Si tous les opposants à Martelly ont été rejeté par la population lors des dernières élections, c’est parce qu’ils n’avaient rien proposé en échange. De plus, en 9 mois, ils ont reproduit les mêmes comportements qu’ils critiquaient chez TET KALE dans les grands forums médiatiques de la capitale haïtienne. Ces politiciens traditionnels n’ont pas compris que le succès du Groupe 184 en 2003 a été de proposer un “Nouveau contrat social”, non pas parce que ces membres critiquaient Aristide/Lavalas. 

La faiblesse de la classe politique haïtienne est l’impatience; son incapacité à construire et à évoluer par bonds. 

Comme je l’ai toujours dit, dans mes textes sur les forums de Yahoogroupes, ma décision de défendre Martelly durant les cinq dernières années fut stratégique. Il fallait entamer un processus visant à drainer Lavalas vers le passé. Après les élections de 2006, j’ai compris l’incapacité des politiciens traditionnels de se regrouper en période électorale. Ce qui fait le jeu de Lavalas qui risque de continuer à dominer le pouvoir d’Etat même quand sa gouvernance est catastrophique. La candidature de Michel Martelly fut une opportunité de passer à autres choses. Mais, impatients comme d’habitude, nos amis du secteur démocratique traditionnel n’ont pas compris la démarche. Au lieu de profiter de l’espace de tolérance et de permissivité d’action offert par TET-KALE pour se renforcer, ils se sont laissé entrainer dans une opposition stérile anti-Martelly, créant un vacuum profitable à Jean-Bertrand Aristide et à Moise Jean-Charles. 

Je ne veux pas dire qu’il n’y avait pas autour du Président Martelly certains personnages arrogants, possessifs qui cherchaient à l’isoler pour mieux le contrôler et en tirer des avantages. Mais, les calculs politiques demandent du sans froid, sagesse et patience —la patience de Vatican. Il ne faut pas se laisser distraire par quelques esprits faibles surexcités qui se croient maitres de la situation. Sur ce point, Evans Paul s’est montré plus intelligent. Car, même quand il est l’un des initiateurs de MOPOD, il a su garder certaines limites et ne pas sombrer dans l’opposition extrême.  Il en a profité pour accéder au pouvoir en tant que premier ministre, conforter son parti KID qui aujourd’hui a une représentation non-négligeable au parlement et dans les collectivités.

N’était ce la vigilance d’esprit du peuple haïtien, l’infantilisme politique de la classe politique a failli remettre au pouvoir Jean-Bertrand Aristide à titre de Premier ministre. Rien n’est plus révoltant que d’écouter Aristide accuser ses opposants de “voleurs”, “menteurs”, “criminels”, ses aptitudes innées. Heureusement, ce peuple intelligent, représenté par 23% de l’électorat par procuration tacite, a scellé le sort des extrémistes anarcho-populistes Jean-Bertrand Aristide et Moise Jean-Charles en élisant Jovenel Moise à la magistrature suprême de l’Etat dès le premier tour, avec 55% des votes valides. 

Je souhaite que cette classe politique ne commettra pas la même erreur. Qu’elle ne se laisse plus manipuler par les corrompus et les affairistes agissant sous couvert d’organisations de droits humains ou de la société civile, dans l’unique objectif de satisfaire leurs besoins économiques et de résoudre des problèmes liés à la précarité de leur vie.

Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti       //      29 novembre 2016
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