jeudi 29 octobre 2009

Pour la ‘‘Défense et protection’’ de la Police Nationale d’Haïti. (Par Cyrus Sibert)


L'unique institution de sécurité publique d'Haïti doit-être en mesure de contrer les multiples opérations d'infiltration des criminels nationaux et internationaux. Il faut un Service de sécurité interne capable de la « protéger contre les initiatives incessantes » des criminels et « de découvrir comment ils procèdent, quel genre d'agents ils utilisent ». Ce service classiquement fera du « contre-renseignements » à savoir « une opération de protection et de défense. »


Cyrus Sibert


Par Cyrus Sibert, Cap-Haïtien, Haïti.
Radio Souvenir FM, 106.1 :
souvenirfm@yahoo.fr


Le Ré.Cit. (Réseau Citadelle) : www.reseaucitadelle.blogspot.com



L'implication de plusieurs policiers haïtiens dans le cambriolage de la Sogexpress à Delmas 30 le 5 octobre 2009 et l'assassinat du chef de cabine Makis Maresco est un coup dur pour l'image de Police Nationale d'Haïti. Elle attaque l'effort de confiance entre la population et l'unique force de sécurité publique du pays. Les témoignages de certains individus arrêtés et les faits collectés risquent d'orienter les enquêteurs vers un réseau complexe de policiers impliqués dans des actes de banditisme, un réseau de plus. L'argent du contribuable sert ainsi à renforcer les gangs, les jeunes policiers ayant tous été régulièrement formés à l'académie de police. Les citoyens les plus avisés ont de bonne raison d'être très inquiets. Haïti semble avancer à grand pas vers la criminalisation de ses forces répressives, notre pays semble avoir été contaminé par ce phénomène que l'on l'observe actuellement en Amérique latine : des forces de sécurité contrôlées groupes criminels très puissants.


Dans le Nord, 2008 a été une année difficile pour Réseau citadelle. Avec le kidnapping de Docteur Harold suivi de l'Ing. Joubert, il fallait réagir et contribuer à affronter la structure opérationnelle des bandits qui attaquaient des citoyens pour les transformer en marchandises négociables. Nous avions mené notre petite enquête et grâce à des sources au sein de la Police Nationale d'Haïti (PNH), nous avions dénoncé les bandits. Nous avions pu découvrir que les criminels avaient des contacts à l'intérieur de la Police qui les informaient de l'avancée des investigations policières, de la position des patrouilles ; ces policiers corrompus allaient jusqu'à couvrir les bandits lors de la remise des rançons. Grâce à une source au sein de la PNH dans le Nord, les noms des policiers complices cités par ''Cassé Roche'' à l'Hôpital Justinien quelques minutes après son arrestation par une patrouille de la PNH ont été rapportés par Réseau Citadelle.


Grâce aux dispositions de la Direction Départementale et surtout à la présence des policiers de la MINUSTAH, on n'a pas pu achever Cassé Roche dans l'enceinte du centre hospitalier, où il était soigné pour une blessure par balle. La publication de ces déclarations qui a été pour nous une décision ultime, car on ne saurait accepter que le kidnapping devienne une réalité dans notre région à vocation touristique. A cette époque de l'année 2008, les bandits frappaient avec une agressivité et une fréquence qui inquiétaient tout le monde. Nous devions - comme d'habitude - assumer notre responsabilité et dénoncer l'implication de policiers dans le kidnapping.


Plusieurs policiers ont été transférés ; une enquête interne fut ouverte par la Direction Générale de la PNH ; deux responsables du Service Départemental de la Police Judiciaire sont accusés et en voie d'être inculpés pour association de malfaiteurs et kidnapping. Une situation qui normalement augmente les individus sur la liste de ceux qui veulent à notre vie. L'un des policiers écroué par le juge Heidi Fortuné, après avoir tenté sans succès, par l'intermédiaire de personnes naïves de la ville, de persuader et/ou de corrompre le juge dans l'objectif de sa libération, promet de l'abattre à sa sortie de prison. Car selon lui, c'est normal que des membres de la force publique cherchent à soutirer de l'argent des mains de personnes perçues comme riches et qui ''pa sèvi'' (une expression courante pour qualifier les personne qui n'accordent des gratifications).


Le chef de gang recherché par la Police après avoir subi des pertes considérables dans ses rangs allant jusqu'à handicaper son réseau, s'était mis en colère. On nous rapporte qu'il avait projeté d'attaquer la prison civile de la ville et l'hôpital Justinien pour libérer ses associés détenus par la PNH. Ne pouvant pas le capturer, le Directeur Départemental avait utilisé une technique qui a donné des résultats remarquables à savoir, émonder les branches de son réseau pour pouvoir diminuer sa capacité opérationnelle et le mettre à découvert. Depuis lors il est sur la défensive et il n'arrive pas à prendre le rythme de ses activités criminelles à grande échelle comme ce fut le cas avant les inventions de la PNH.


Le fait, par RESEAU CITADELLE, de dénoncer les policiers liés aux kidnappeurs a ainsi donné ses fruits. Car, ne disposant plus de support à la l'intérieur de l'institution, Willy Etienne est limité. C'est sûr qu'il travaillera à contourner les mesures policières et à reconstituer son réseau. Il semble avoir les moyens d'infiltrer la police. Et, c'est l'objet d'analyse de ce texte. Quels sont les moyens de contre-infiltration (contre-espionnage) de la PNH ? Si ce petit chef de gang limité a pu infiltrer le Service Départemental de la Police Judiciaire, que dirions-nous des grands réseaux criminels à dimension internationale, des structures mafieuses qui réalisent des chiffres d'affaire de plusieurs milliards de dollars ? Un cartel de Colombie qui veut faire transiter des tonnes de cocaïne n'aura aucun problème à dépenser des centaines de millions de dollars pour corrompre des policiers haïtiens et atteindre son objectif. C'est ce que font les trafiquants de stupéfiants au Mexique. Les trafiquants d'enfants, d'organes, de femmes, peuvent agir dans le même sens. Nous sommes donc arrivés à la conclusion suivante : il faut un Service de sécurité interne pour la Police Nationale d'Haïti, afin de la « protéger contre les initiatives incessantes » des criminels, « de découvrir comment ils procèdent, quel genre d'agents ils utilisent ». Ce service classiquement fera du « contre-renseignements » à savoir « une opération de protection et de défense. »


L'Inspection Générale qui actuellement est chargée d'épurer la police, fait le travail en aval. Ses enquêteurs n'interviennent que lorsqu'on accuse un policier d'avoir commis un forfait, un acte ou un fait répréhensible. Dans ce cas, elle agit après la commission de l'infraction. Souvent des jeunes policiers sont exposés aux manœuvres des groupes de criminels influents disposant de renseignements collectés à l'intérieur de l'institution. Ainsi, un jeune policier qui refuse des pots de vin peut facilement se faire cibler par des gangs. Le pire, souvent, les officiers supérieurs responsables du commissariat auquel l'agent est attaché, ont de bons contacts avec les criminels. Avec la procédure actuelle, ces hauts-gradés corrompus auront le loisir de faire fortune, d'entrainer d'autres policiers dans des pratiques illégales, de liquider les policiers curieux, critiques ou réticents, d'établir un réseau de renseignement à des fins criminelles à l'intérieur de l'unique force publique d'Haïti, sans grandes difficultés. Car, il a le temps d'agir si tout se passe sans scandale public. Il suffit de bien gérer l'information.


C'est un fait que le vetting renforce le travail de filtrage en amont, mais la sécurité de l'institution est plus qu'une question de contrôle du patrimoine et/ou du comportement des agents de police dans leur quartier. Le contrôle des informations qui circulent à l'intérieur de la PNH, les fréquentations de policiers, la manipulation des informations supposées classées secrètes, la sécurité des opérations - ce qu'on appelle ''OpSec'' aux Etats-Unis, les personnes qui visitent les policiers en isolement pour leur implication dans des actes criminels, les conversations entre policiers et les criminels en gardes à vue ou en détention. Souvent des policiers agissent en faveur des criminels en détruisant des preuves. Ils se développent des relations intimes entre les amis et la famille du criminel et l'agent de police allant jusqu'à l'évasion du détenu.


Nous pensons qu'un service de ce genre au sein de la Police, du Ministère de la Justice ou du Ministère de l'Intérieur pourrait contribuer à renforcer la PNH - Il peut être attaché au CSPN (Conseil Supérieur de la Police Nationale). Cette structure de contre-intelligence aiderait à protéger l'institution à partir d'un travail de contrôle permanent. C'est contre-productif de former des jeunes à l'école de police avec les fonds du contribuable, pour les abandonner face à des réseaux mafieux puissants avec l'espoir qu'ils seront renvoyés s'ils commettent des gaffes. Nous devons prévenir ces expulsions. Un service de sécurité pour la PNH permettra de sonner l'alarme au cas ou un policier ou un groupe de policiers adopterait un comportement jugé non professionnel.


En 2008, le chef du plus grand réseau de kidnapping dans le nord a été remarqué deux fois dans les parages de notre résidence familiale. Embusqué sous des arbustes à quelques mètres de notre demeure, l'homme parlait au téléphone, échangeant des informations avec son interlocuteur. Il portait un chapeau de laine gris, avait un sac à dos qui nous paraissait rempli d'objets et lourd pour lui. Nous avions alerté des responsables de la police qui a confirmé que la description correspondait au criminel, vu qu'en cette période de l'année 2008 plusieurs informateurs avaient signalé qu'il portait un chapeau de laine gris. Nous avions évité de faire trop de bruit avec cette histoire tout en sachant qu'il avait exécuté un informateur de la police à Ouanaminthe dans les parages de sa maison. Willy Etienne, ainsi connu, se déplaçait sans problème. Avant chaque circuit, il appelle ses informateurs connus sous le sobriquet d'''antennes'' pour s'assurer qu'il ne court aucun risque. Aujourd'hui, on nous signale la modification de sa physionomie. Il est devenu plus gros et les photos de recherche que la police et la MINUSTAH faisaient circuler ne correspondent plus. Aussi, s'active t-il à renforcer son réseau au sein de la PNH. Il n'est pas prêt à abonner sa profession. Les autorités policières ont du pain sur la planche.

RESEAU CITADELLE (Le Ré.Cit.), le 29 Octobre 2009, 18 heures 43.



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