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Cyrus Sibert, Journaliste |
L’affrontement entre Jovenel Moïse et la bourgeoisie mulâtre d'Haïti est en train de provoquer une réaction noiriste dans le pays. Son assassinat le 7 juillet 2021, a porté cette réflexion à un point culminant tel, que les idéologues de la “faction jaune” sont obligés de réagir. C’est le cas de Jean-Claude Roy, qui dans son texte “La réalité est que notre devise n’a été que de brève durée” publié le 27 juillet 2021, a mis en évidence la contribution des hommes de son clan dans l'indépendance d'Haïti, laissant apparaître la construction idéologique mulâtriste qui a prévalu durant les 50 premières années de l'indépendance d'Haïti, engendrant les réactions de Jean-Jacques Acao, de Soulouque, de Félicité Salomon, des griots, jusqu’à la radicalisation extrême de François Duvalier.
Au-delà des beaux discours manipulateurs d’unité nationale post-Duvaliéristes des années 90s, laissant le champ libre aux stratèges mulâtres qui ont capturé l’État haïtien au profit de leur minorité, Monsieur Jean-Claude Roy fait montre d’une conscience de classe épidermique et du rôle historique qu'a joué son groupe dans l'évolution nationale.
Grâce à un président mulâtrophile comme René Préval, par la magie d’un vol déguisé en privatisation, “la faction jaune” s’est appropriée toutes les entreprises publiques construites par l’État haïtien sous le gouvernement de François Duvalier, renforçant leur arrogance et leur système d’apartheid économique en Haïti.
Non seulement, ils ont renforcé leur position, ils ont aussi profité de la présidence de Préval pour nuire aux investisseurs noirs et détruire toutes les initiatives économiques venant d'éléments de la majorité nationale. La fermeture de la SOCABANK et de la HAITEL en est l'exemple le plus parfait.
L'arrivée au pouvoir du président Michel Martelly a stimulé l’arrogance de cette minorité qui de plus en plus adopte un comportement raciste et ne cache plus ses préjugés contre les noirs. C’est ce qui a été à la base de la haine contre Jovenel Moïse, obligé de radicaliser sa position en vue de réaliser quelques projets et de sauver son mandat. Car, rien n’explique que sept (7) mois après son élection remportée haut la main à deux (2) reprises, que des émeutes téléguidées puissent appeler à sa démission. Il est clair que l’homme n’a pas été jugé sur ses mérites ni sur ses réalisations, mais sur son origine, sa nature d’homme noir venu du milieu rural, du pays en dehors, des villes de province.
D'où le racisme anti-noir d’un groupe d’individus paradoxallement considérés comme des éléments d’une sous-race bâtarde par les « white-supremacists ». En plus de leur système d’apartheid économique, ces mégalomanes pervers narcissiques tentent dans leur arrogance d’imposer un apartheid politique sur l’exercice du pouvoir d’État; ils méprisent les élus du peuple et refusent d'obéir aux représentants de la majorité nationale.
Ce refus de respecter et d’obéir aux instructions d'un dirigeant noir est enraciné dans la colonie esclavagiste de Saint-Domingue. En 1799 quand la Commission civile de Sonthonax nomma Toussaint Louverture Général de Divisions pour ses mérites, le leader mulâtre Rigaud et ses hommes décidèrent de ne pas obéir à ses ordres à cause de la couleur de sa peau. Cette rébellion basée uniquement sur le racisme, provoqua la guerre du Sud.
C’est ce racisme systémique historique en Haïti qui sécrète la nécessité d’un néo-noirisme ou noirisme-démocratique, comme la social-démocratie a vu le jour durant la guerre froide pour répondre aux revendications sociales de la classe ouvrière et de la classe moyenne, mais sans tomber dans le communisme considéré comme le socialisme extrême.
Sophisme historique
Le sophisme se définit comme ‘‘un raisonnement faux qui imite le syllogisme, à utilisation fallacieuse pour tromper quelqu’un’’. A chaque fois que la majorité des noirs d'Haïti se dressent pour dénoncer le racisme qu’ils subissent dans leur pays, des idéologues de la mulâtrie réagissent avec leur leçon d'histoire sur la guerre de l'Indépendance, la devise "L'union Fait la Force” ou le Congrès de l'Arcahaie. Une façon codée de nous rappeler que cette terre appartenait à leur père violeur de négresse, les abus sexuels de l'esclavage qu'on évite de relater dans les livres d'histoire.
Mais, personne ne conteste le droit de cette minorité de vivre, de jouir et de faire d'Haïti leur patrie. De plus, l'haitien est naturellement et culturellement accueillant et hospitalier. Nous avons accueilli les arabes et tant d'autres. Nos ancêtres firent de cette terre la patrie de tous ceux qui souhaitent vivre libres. Le vodou, la religion de la majorité nationale, est ancestral, non impérialiste; c'est-à-dire nous sommes tolérants envers toutes les religions. Donc, les comportements racistes ne viennent pas de nous.
Ce que nous contestons, c’est leur incapacité d'évoluer de la mentalité pirate, parasite et raciste des petits blancs psychopathes de Saint-Domingue. Cette culture de délinquance héritée de leur origine de "déchets" des sociétés européennes, cause de leur expulsion vers des colonies en vue de terroriser les noirs, de les abuser sous toutes formes et de jouer le rôle de chiens de gardes d’un système inhumain au profit des grands blancs absentéistes.
C'est une mentalité surannée qui empêche à la “faction jaune” d’Haïti d'évoluer. Elle est incapable de s’élever à la dimension citoyenne digne d'un État-Nation. Elle considère encore Haïti comme une plantation, sa colonie néo-esclavagiste et ses membres, des maîtres d'esclaves.
En ce début du 21e siècle où le monde est en train de prendre conscience des méfaits du “racisme systémique”, la majorité nationale d'Haïti ne doit plus continuer à accepter en silence, le système d’apartheid mis en place par la mulâtrie rétrograde. BLACK LIVES MATTER sans frontières!
Rappel historique
Tout le monde sait qu’il y a eu trois (3) mouvements dans la colonie de Saint-Domingue. Le mouvement des Blancs, le mouvement des affranchis et le mouvement des esclaves noirs.
Le mouvement des blancs ayant échoué grâce au leadership du grand stratège, le Général Toussaint Louverture, il ne restait que celui des Noirs et des Affranchis. Alors que les affranchis ont échoué dans toutes leurs initiatives exclusivistes, le mouvement des esclaves a joué le rôle de pivot historique à Saint-Domingue, le point d'appui pour faire bouger les lignes jusqu'à l'indépendance.
Les campagnes d'empoisonnement de colons blancs, le marronnage, la cérémonie du Bois Caïman, l'incendie des champs de canne, la révolte générale des esclaves sont les principaux faits marquants de la lutte pour l'émancipation des noirs d'Haïti. Les mulâtres étaient toujours contre l'idée d'égalité avec les noirs. Ils servaient de mercenaires aux côtés des blancs pour chasser les esclaves marrons à l'aide de chiens dressés. Depuis toujours, ils se comportent en égoïstes plus attachés aux privilèges et aux droits qu’ils peuvent obtenir de la métropole, qu'à l’égalité à Saint-Domingue.
Pourtant, aucune victoire mulâtre ne fut possible sans la participation des noirs, regroupés en majorité dans le Grand Nord. Mais à chaque fois, les troupes auxiliaires ont été trahies puis exterminées par les mulâtres qu’elles avaient servis. C’est le cas de plusieurs centaines de soldats noirs appelés "Suisses" qui furent exterminés après avoir aidé des mulâtres de l’ouest à remporter une bataille difficile.
C’est là que se situe le point de rupture.
Oui nous avons mené ensemble une guerre de survie face à l'Empereur Napoléon qui s'activait à rétablir l’esclavage et rétrogradait les mulâtres au rang des esclaves noirs sans aucun privilège, comme fut le cas du Général Alexandre Dumas; les moins chanceux ayant été mis à mort. Mais, après la victoire, votre instinct de "prédateur des noirs" reprend toujours le dessus et vous empêche d’appliquer la devise nationale adoptée dans la Constitution en vigueur en son article 4 : "Liberté, Égalité, Fraternité" et non l'"Union fait la force" qui est plutôt la légende de l'Emblème Nationale.
C’est ce refus de l’Égalité et de la Fraternité de votre part qui a dilué l’Union Nationale qui devait faire notre force.
Car, les faits sont là : Après la bataille de Vertières, suivie de l'indépendance, vous avez revendiqué les biens des anciens colons, vos pères violeurs et abuseurs sexuels de femmes noires.
Dessalines fut assassiné parce qu’il exigeait la vérification des titres de propriété et estimait que "les noirs dont les pères sont en Afrique" doivent aussi participer à la répartition des moyens de production.
En 1822, Boyer a instauré un caporalisme agraire imposant à la majorité nationale un système néo-esclavagiste, en vue de payer la dette de l'indépendance qu'il avait imposée au pays, dans l'intérêt de la France. Depuis lors, ce système d’apartheid économique perdure. Il s'est métamorphosé en centralisation excessive où Port-au-Prince garde 72% des ressources du pays.
Suite au décès du Roi Christophe, des élites du Grand Nord vous ont invité à refaire l'Unité Nationale; mais, vous vous êtes contentés de piller et d'exterminer les meilleurs officiers et cadres du royaume du Nord.
En 1842, quand le Nord fut détruit par un tremblement de terre, aucune aide n'a été apportée ni aux sinistrés ni pour la reconstruction. Nous avons attendu 50 ans sous les décombres, dans les marais et à côté des fosses communes avant qu’un projet de reconstruction puisse voir le jour.
Où est l'Union?
Aujourd'hui, vous vous contentez de faire des ponctions, de vivre de rentes, de monopoles, de la corruption dont les fruits sonnants et trébuchants sont exportés vers des banques étrangères sans réinvestissement en Haïti, votre soit disant pays.
Vous vivez dans une capitale sans électricité, bidonvillisée, sans infrastructure, sans hôpitaux standardisés, dans une métropole carcérale avec des maisons barricadées, l'insécurité généralisée, des gangs financés et ravitaillés par vous, classe dominante, cette bourgeoisie qui préfère entretenir le chaos au lieu de renforcer les institutions républicaines de son pays.
Vous critiquez l’État, alors que vous êtes l’État. Vous contrôlez la Banque Centrale, le Ministère des Finances, la Commission de passation de marché public, la Cour des comptes, les médias… La Justice vous sert de marchepied dans une logique d’apartheid judiciaire où seuls les noirs et paysans peuvent-être punis par la loi.
Vous contrôlez tout et refusez de vivre la devise “Liberté, Égalité, Fraternité”. Vous ne vous mélangez pas à la majorité. Vous vous contentez de les utiliser comme des mercenaires, ouvriers, gardiens, servantes ou ménagères, en prenant bien soin de maintenir votre tradition de famille à peau claire, mais toujours noire à votre arrivée à Miami ou pour les « white-supremacists ».
Donc, utiliser le congrès de l’Arcahaie pour faire de la réalité noire/mulâtre en Haïti un sujet tabou ne peut avoir d’effet que sur des gens limités, incapables de saisir l’essence de l’histoire.
Le discours sur la nécessité d’un noirisme-démocratique qui reprend son essor en Haïti n’est pas le produit d'une fiction inventée de toute pièce. Il est plutôt la manifestation d’une réaction sociale provoquée par les pratiques racistes des mulâtres appelés “faction jaune” par l’historien Martiniquais Victor Schoelcher (1804-1893). En effet, ce dernier a été surpris du traitement raciste que vous, des mulâtres haïtiens, infligez à vos concitoyens noirs d’Haïtiens. Ce qu’il décrit dans son livre "Colonies étrangères et Haïti : résultats de l'émancipation anglaise. T1 (Éd.1843)."
De plus, lors même que l’Union pour la Guerre de l'Indépendance aurait existé, rien n'empêche d'évaluer l'état de l’Union.
Les américains le font au début de chaque année. Car, ils ne sont pas dupes. Ils savent qu’aucune union n’est éternelle si on ne crée par les conditions pour qu'elle puisse rester vivante. Votre refus d’appliquer les principes “Liberté, Égalité, Fraternité" a détruit l’union. Qui pis est, plus vous bénéficiez d’ouverture, plus vous faites preuve d’arrogance sans borne.
Conséquence de l’ouverture d’esprit des masses populaires qui ont accueilli un "Ti rouge" comme Michel Martelly à la tête de l’État, vous avez saboté la présidence de Jovenel Moïse jusqu’à l’assassiner.
Comme il est dit dans le texte de Jean-Claude Roy, il y a des noirs et des mulâtres dans les deux camps. Mais, cette approche simpliste ne peut pas influencer un homme averti. N’avez-vous pas liquidé tous les mulâtres proches de Dessalines? Il s’agissait de défendre les intérêts de votre caste mulâtre.
Donc, nous sommes conscients du fait qu’il peut y avoir quelques mulâtres qui en ont marre des bêtises de cette caste, basées sur l’incapacité d'évoluer. Aussi, les juges noirs de notre système judiciaire qui défendent le statu quo raciste mulâtriste mis en place durant les 40 années de pouvoir de Pétion et de Boyer, ont trahi leur groupe d’origine.
Quelques mulâtres évolués qui veulent sortir de la mentalité de plantation, ni les noirs invertébrés qui sont incapables de se concevoir hommes libres, ne peuvent pas changer la réalité systémique.
De plus, au-delà des rivalités internes, il y a le rôle d'Haïti dans ce monde, de plus en plus identitaire et raciste. Seul le “noirisme démocratique” peut servir de véhicule idéologique capable de replacer l’homme noir dans sa position historique.
Défendant les derniers essais nucléaires français dans le pacifique, le président Jacques Chirac disait un jour, “Nous avons des obligations historiques envers des alliés dépourvus d’arme atomique et dépendant de notre capacité de dissuasion". De même, on peut dire qu'Haïti a des obligations historiques, idéologiques et identitaires envers les 210 millions de noirs des Amériques qui ont toujours vu en nous la Mecque de la culture africaine dans le nouveau monde.
Finies les manipulations des années 90 faisant du noirisme un synonyme de Duvaliérisme. C’est faux! Le premier noiriste fut Jean Jacques Acao qui s'était révolté contre les atrocités de la dictature mulâtriste dans son obsession à exterminer les noirs, à les garder en dehors de l’Armée, de l’Administration Publique, des zones urbaines, de l’économie et de la vie politique. Cette violence coloriste, économique et sociale, engendra Soulouque, Salomon, Estimé et le terrible François Duvalier. Des intellectuels comme Jean-Price Mars et Roger Dorsainvil se sont penchés sur cette réalité avant Duvalier. Avant eux il y a Makandal, Boukman.... après eux les professeurs François Manigat, Michel-Rolph Trouillot, Mac-Ferl Morquette et aujourd'hui, nous…
Grâce aux travaux de chercheurs haïtiens progressistes, nous avons compris que le noirisme est indispensable. Toute cette arrogance, cette confusion qui existe sur la scène politique, au Parlement et dans les médias sont les conséquences de l’absence du noirisme, recalé au rang de sujet tabou après 1986. Nous sommes conscients que l’interdit est de sombrer dans l’authenticisme qui est une approche exclusiviste et d’exclusion. En ce sens, notre nouveau noirisme est démocratique. Il adopte la démocratie comme théorie de pouvoir, il rejette la dictature. Un système représentatif, basé sur le respect du choix de la majorité nationale.
En ce sens, les approches noiristes reprendront leurs droits dans les débats publics, lors des campagnes électorales et au Parlement. Nous refusons de subir le racisme anti-noir sur la terre de Dessalines. Car Haïti est noire et fière de l'être! Nous ne renierons jamais notre origine africaine.
Je profite de ce texte pour attirer l'attention de mes compatriotes sur une situation inacceptable : les dates historiques du mouvement pour l’émancipation des noirs ne sont pas célébrées.
En ce sens, il faut un travail d'identification des dates importantes comme la mise à mort de Makandal, la cérémonie du bois caïman, la révolte des esclaves et l'incendie des plantations dans le Nord, l'affranchissement général, la date de la distribution par Sonthonax d'armes à feu aux esclaves noirs affranchis, le massacre des 400 noirs appelés Suisses... Autant de faits historiques que nous devons valoriser, nous en souvenir, pour pouvoir maintenir la flamme de notre identité, notre fierté, en vue de combattre cette manipulation visant à réduire la lutte éternelle pour l'émancipation des noirs à la guerre de l'indépendance.
Car, la guerre de l'indépendance, la bataille de Vertières, la déclaration de l'Indépendance de 1804 sont l'aboutissement des luttes révolutionnaires qu'ont menées les noirs sur la terre d’Hispaniola depuis 1522 l’année de la première révolte d'esclaves noirs dans les Amériques sur la plantation Colomb à Santo Domingo. Alors que les mulâtres avaient un mouvement réformateur, exigeant de la métropole française seulement égalité avec les blancs, la lutte pour l’émancipation des noirs était révolutionnaire. En 1803, face à l'impossibilité de devenir blancs ou d’être traités comme des blancs, ils n’ont eu d’autre choix que de nous rejoindre, en adoptant notre position radicale “Vivre libre ou mourir”. Leur survie en dépendait.
Nous ne sommes pas comme eux. Nous reconnaissons leur contribution à cette phase historique de l’indépendance d'Haïti. Mais après, ils ont commis l’erreur récurrente de re-sombrer dans leur position réactionnaire, anti-émancipation de la majorité nationale noire. Ainsi, pour faire face à ce comportement réactionnaire, aujourd’hui, nous proposons de continuer la lutte de l’émancipation des noirs, initiée par Makandal du temps de la colonie ou par Jean-Jacques Acao après l’indépendance.
Tel est l'objet de notre combat et de notre appel à la mobilisation nationale autour de l'idéologie néo-noiriste ou du norisme-démocratique.
Cyrus Sibert,
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7 Août 2021
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