UN SILENCE DE DEUIL DEFIANT UN ARRÊT DE MORT Ce plaidoyer, pour un deuil national, je voulais l'adresser à ceux qui nous gouvernent, non pas pour leur dire de sortir de leur silence mais au contraire pour pénétrer tous ensemble dans un monde de silence affronter le monumental défi de la mort. Les trois cent petites filles de Saint Gérard elles sont toutes parties, dansant, chantant dans un adieu de pieds nus et de jupe longue, et tant de milliers d'autres sous le béton concassé, le 21 janvier, en un jour, en un seul voyage, dix mille personnes basculées dans les terres de Titanyen. En cet état de mort nous n'aurions que faire de discours de ceux qu'on débite comme des pensums, vides comme vent, plus solennels que des draps mortuaires. La mort elle ne mâche pas ses mots : elle fait ce qu'elle fait avec une efficacité qui pétrifie. regardant danser les écolières de Saint-Gérard, nous revoyons ce spectacle qu'elles nous laissent victoire sur un deuil de mort quand dans nos yeux elles revivent, par la mémoire par notre regard et notre silence elles dansent une danse de vie survivant à tout instant, par leur naturelle grâce défiant l'immobile grimace de la mort cette subite avalanche si brutalement infligée si cruellement, à la face du monde sachant que nous n'aurions jamais assez de fleurs pour les embaumer, jamais assez d'encens pour leur offrir, ni de mots pour dire seulement la litanie de leurs prénoms, et encore moins assez de larmes pour les pleurer au terrible grondement de la terre répond notre silence, dans une persistante existence d'une autre nature et d'un autre monde silence du regard et de la mémoire évocation reconnaissance de ces cinq minutes de danse qui réveillent les disparus par la mort même devenus capsules d'éternité. Imaginons le pays couvert d'un deuil de trois fois cent jours nos regards devenant le défi que nous dédions aux dieux du malheur inventant répétant intemporels gestes et rituels, les chants et les danses, les récits souvenirs et rêves les promesses les parfums et les pardons offrandes à tant d'âmes qui flottent parmi nous. Jean-Claude Bajeux. Par Jean-Claude Bajeux Directeur Éxécutif du Centre Oecuménique des Droits Humains (CEDH) |
lundi 25 janvier 2010
UN SILENCE DE DEUIL DEFIANT UN ARRÊT DE MORT
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